Préhistoire de l'Australie
La première présence humaine sur le continent remonte de 40 000 à 60 000 ans -suivant les différents chercheurs- avant notre ère. Jusqu'à l'arrivée des explorateurs européens en 1606, on parle de préhistoire plutôt que d'histoire parce que nous n'avons pas de traces écrites des événement humains advenus durant cette période.
À cette époque, huit détroits séparaient Java et l'Australie. Le détroit le plus large faisait environ 80 km mais il n'y avait pas de continuité ce qui oblige à croire que les hommes savaient construire des bateaux. L’Australie -y compris la Tasmanie- et la Nouvelle-Guinée étaient fusionnées. Les premières personnes durent donc arriver en bateau, découvrant un horizon inconnu. Les colons se sont ensuite déplacés progressivement vers le sud et, par la suite, sont arrivés en Tasmanie pour devenir les habitants les plus au sud du globe. Il y a environ 13 000 ans, à la fin de la période glaciaire, la Nouvelle-Guinée et la Tasmanie se sont séparées du reste du continent et l'agrandissement du détroit séparant l'actuelle Indonésie de l'Australie ont fait que les Aborigènes australiens ont commencé une longue période d'isolement coupée de toute influence extérieure.
L'homme de Mungo découvert au bord du lac Mungo, dans le Sud de la Nouvelle-Galles du Sud, à 3 000 kilomètres de la côte nord de l'Australie est un ancien habitant de l'Australie qui aurait vécu il y a environ 40 000 ans, au Pléistocène. On a trouvé près de lui des outils en pierre, des os d'espèces disparues de wombats et de kangourous géants. Il avait été enterré avec un cérémonial.
On pense que l'art indigène australien est la tradition artistique continue la plus ancienne au monde. Les Aborigènes étaient de remarquables peintres, travaillant sur écorce dans le nord des Territoires du Nord, sur tissu et toile dans la partie centrale du désert. En termes d'âge et d'abondance, l'art des cavernes en Australie est comparable à celui trouvé dans les emplacements européens mondialement renommés comme ceux de Lascaux en France et d'Altamira en Espagne.
Les Aborigènes ont conservé nombre de chants ancestraux et développé des instruments très particuliers. Le yidaki ou didgeridoo est considéré comme l'instrument le plus représentatif des Aborigènes et certains avancent qu'il est le plus ancien des instruments à vent. Des peintures rupestres datant de l'époque de Jésus-Christ trouvées dans le Territoire du Nord montrent des images de didgeridoo. Les danses et cérémonies indigènes sont exécutées en Australie depuis des temps immémoriaux. Ces rituels avec le chant et la décoration du corps dépeindraient souvent des contes du Temps du rêve. Le temps du rêve (Tjukurpa en langue anangu) aussi appelé le rêve, est le thème central de la culture des Aborigènes d'Australie. Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Un Corroboree est une réunion commémorative des Aborigènes d'Australie : « Leurs corps étaient peints de différentes manières et ils portaient des parures diverses qui n'étaient pas utilisées tous les jours ». Le passe temps le plus célèbre des Aborigènes d'Australie est la pratique sportive du boomerang.1
Explorations par les Européens (1606-1788)
Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’île devient le sujet d’explorations européennes. Quelques expéditions aperçoivent la fameuse Terra Australis : le néerlandais Willem Jansz devint en 1606 le premier visiteur européen à avoir identifié l'Australie. Son bateau, le Duyfken, jeta l'ancre devant cap York. Dans un récit postérieur, un Néerlandais décrivit le territoire qu'il avait vu « comme non cultivé, et peuplé par de sauvages barbares noirs et cruels, qui ont massacré certains de nos marins ». Suivront l'espagnol Luis Váez de Torrès, en mission pour son pays en 1607, les hollandais Dirk Hartog en 1616, Jan Carstensz en 1623 et Abel Tasman en 1642. Ce dernier a donné son nom à l’île de Tasmanie mais lui-même l’avait nommée d’après le nom de l'amiral et gouverneur Anthony van Diemen : « van Diemenslandt ».
Environ 150 ans avant l'arrivée des colons britanniques à Botany Bay, des marins néerlandais sont devenus les premiers habitants européens d'Australie quand leur bateau, le Batavia, s'est brisé sur des îlots coraliens de l'Australie-Occidentale en 1629. Il y eut 300 survivants qui vivaient tassés les uns sur les autres. Ils furent victimes d'une bande criminelle et 125 d'entre eux furent massacrés. Cette affaire est connue sous le nom de l'horreur du Batavia.
En 1644, le cartographe français Melchisédech Thévenot réalisa une carte représentant avec détails la côte occidentale de l'Australie qu'il nomma Nova Hollandia. En 1688, le cartographe italien Vincenzo Coronelli réalisa deux globes terrestres monumentaux, dont l'un représentant avec exactitude l'Australie, sous le nom de « Nouvelle-Hollande ».
Les premiers explorateurs britanniques sont William Dampier sur la côte ouest en 1688 (et 1699) et le lieutenant James Cook qui, en 1770 (peut-être 250 ans après le navigateur portugais Cristóvão de Mendonça), prend possession aux deux tiers de l’île pour le Royaume de Grande-Bretagne, malgré les ordres du roi George III stipulant qu’il devait d’abord conclure un traité avec la population indigène. Son rapport à Londres déclarant que l’Australie était inoccupée permet l’établissement d’une colonie pénitentiaire, ce qui est bien pratique après la perte des colonies américaines pour la Grande-Bretagne.
Cook a noté ses impressions sur les Aborigènes de Nouvelle-Hollande dans son journal : « en réalité ils sont bien plus heureux que nous les Européens… Ils vivent dans la tranquillité qui n'est pas troublée par l'inégalité de la condition. La terre et la mer leur fournissent toutes les choses nécessaires pour vivre… Ils vivent dans un climat agréable et ont un air très sain… ils n'ont aucune abondance ». Cook était accompagné par le célèbre botaniste Joseph Banks qui fut émerveillé par la flore et la faune unique de la côte Est de l'Australie et se montra favorable à la colonisation européenne.
De la colonisation à l'indépendance (1788-1900)
La colonisation britannique de la Nouvelle-Galles du Sud commence par la fondation d’un camp pénitentiaire de 1 030 personnes (avec 736 prisonniers) à Port Jackson (Sydney) par le capitaine Arthur Phillip le 26 janvier 1788. Le voyage depuis l'Angleterre est le plus long jamais réalisé par un groupe aussi nombreux. Les premiers temps sont marqués par une mortalité importante parmi les arrivants. Ces premières années sont surnommées « les années de famine » et causées principalement par le manque de compétences en agriculture, la mauvaise qualité des outils et les faibles quantités de nourriture disponibles.
Le gouverneur Arthur Phillip a été chargé de nouer des relations avec les Aborigènes et de vivre dans « l'amitié et la bonté » avec eux mais les maladies européennes, l'alcool et l'expansion coloniale ont rapidement exercé un effet destructif sur la population indigène. Bennelong (1764-1813) était un Aborigène eora de Sydney, qui a été enlevé par les colons et qui a servi de premier intermédiaire entre colons britanniques et Aborigènes — lui et un de ses compagnons sont devenus les premiers Australiens à voyager en Europe. Il y avait des autres médiateurs comme Bungaree qui a accompagné Matthew Flinders lors de sa première circumnavigation autour de l'Australie en 1803. Mais il y avait des résistants militants comme Pemulwuy. En 1790, Pemulwuy tue un colon qu'il accusait d'avoir assassiné des Aborigènes. À partir de 1792, il mène des attaques répétées contre des colons. Il est finalement capturé en 1802.
La Rébellion du rhum de 1808 est le seul cas de renversement militaire d'un gouvernement de l'histoire de l'Australie. William Bligh, alors gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud est à l'origine de cette rébellion lorsqu'il tente de normaliser les échanges commerciaux en interdisant l'usage des spiritueux comme monnaie d'échange pour le paiement de produits. Le New South Wales Corps, corps d'infanterie installé dans la région, impliqué dans ce commerce, n'accepte pas son interférence. La querelle dégénère en rébellion militaire. William Bligh est arrêté par le New South Wales Corps qui prend le contrôle de la colonie. Bligh est détenu pendant plus d'une année, jusqu'à ce qu'il accepte de repartir pour l'Angleterre.
En 1809, le gouvernement britannique remplace Bligh par Lachlan Macquarie, gouverneur de 1810 à 1821, qui joue un grand rôle dans la transformation de cette colonie pénitentiaire en une nouvelle base de peuplement civil. Il décide que les bagnards ayant terminé leur peine, doivent être réintégrés dans la société au rang qui était le leur avant leur condamnation. Des exportations très rentables de laines sont organisées avec l'Europe et de grands édifices publics sont construits par l'architecte Francis Greenway.
En 1803, une colonie avait été créée dans la terre Van Diemen (aujourd’hui la Tasmanie). Le reste du continent australien (aujourd’hui l’Australie-Occidentale) est déclaré britannique en 1829. Au fur et à mesure de l’extension des établissements britanniques, la Nouvelle-Galles du Sud est divisée en plusieurs colonies séparées : l'Australie-Méridionale en 1836, le Victoria en 1851 et le Queensland en 1859. Le Territoire du Nord est fondé, comme partie de l’Australie-Méridionale, en 1863. Il s'en séparera en 1911.
L'Australie-Méridionale, l'Australie-Occidentale et le Victoria furent créés comme des colonies libres (free colonies) c'est-à-dire comme des colonies ne recevant pas de prisonniers britanniques mais assez rapidement les deux dernières en acceptèrent trouvant ainsi une main d'œuvre bon marché pour mettre le pays en valeur. L'envoi de prisonniers en Nouvelle-Galles du Sud cessa en 1848 après de violentes manifestations de ses habitants.
La population aborigène, estimée à 350 000 personnes au moment de l'arrivée des premiers Européens décline dans les 150 ans qui suivent cette arrivée, essentiellement par l'introduction de nouvelles maladies infectieuses mais aussi par suite de ses déplacements et du changement de son mode de vie. Selon l'historien Geoffrey Blainey, pendant la colonisation de l'Australie : « dans mille endroits isolés, il y avait les décès occasionnés par le pistolet et la lance. Pire, variole, rougeole, grippe et autres nouvelles maladies se sont répandues d'une communauté indigène à l'autre et les ont décimées… Le principal conquérant des Aborigènes a été la maladie et son alliée, démoralisation ». La séparation des enfants de leurs familles pour leur imposer un mode de vie européanisé est considérée par certains historiens et Aborigènes comme un génocide car il a favorisé la diminution de la population aborigène. Ce point de vue n'est pas partagé par certains commentateurs qui affirment que les faits ont été amplifiés et déformés pour des questions politiques et idéologiques. Ces événements sont regroupés sous le nom d'History Wars en Australie. Le placement obligatoire des enfants aborigènes métissés hors des communautés indigènes, pour leur donner une éducation européenne a été autorisé par la loi en Australie entre 1909 et 1969. En 2008 après une période de discussion nationale, le premier ministre Kevin Rudd demande pardon pour cette politique, au nom du parlement australien.
Le XIXe siècle est une période d'explorations éprouvantes pour des Européens en Australie. La première circumnavigation du continent est accomplie par Matthew Flinders en 1803. C'est Flinders qui suggéra que le nom d'Australie soit appliqué au continent. Vers la même époque, Napoléon Bonaparte envoie Nicolas Baudin relever le tracé des côtes australiennes pour la France. L'expédition de Hume et de Hovell a traversé le pays entre Sydney et Geelong en 1824. Charles Sturt explore le Murray-Darling en 1830, utilisant des émissaires indigènes pour annoncer son arrivée à chaque frontière tribale. John McDouall Stuart atteint le centre géographique du continent en 1860.
Les premiers explorateurs souffrent de grandes privations. Edmund Kennedy, qui mène une exploration vers le cap York en 1848, et la plus grande partie de son équipe sont tués par des Aborigènes. Ludwig Leichhardt, explorateur et naturaliste prussien, mène trois expéditions à l'intérieur de l'Australie et disparait lors de la dernière. Charles Sturt contracte le scorbut en menant une expédition au centre du continent pour essayer de trouver une mer intérieure qui n'existe pas. La plus célèbre de toutes les expéditions est, en 1861, l'expédition de Burke et Wills qui traverse le continent du sud au nord (un parcours de 2 800 kilomètres) où les deux explorateurs meurent à Cooper Creek, à quelques heures de marche du reste de leur groupe. L'unique survivant de l'expédition a été soigné par les Aborigènes locaux. Les rapports entre les explorateurs européens et les indigènes ont varié considérablement : Sir Thomas Mitchell faisait attention à noter des noms indigènes de lieu - et c'est pour cette raison que 70 % des noms des localités australiennes sont d'origine indigène ; mais d'autre d'explorateurs du XIXe siècle ne se sont pas donné cette peine et les noms ont été perdus.
L'installation d'éleveurs dans l'intérieur du pays est souvent une cause de conflit avec des Aborigènes mais les compétences de gardiens de troupeaux indigènes sont la source d'importantes économies. Les missions religieuses fournissent souvent un asile lors des conflits tout en facilitant la colonisation. Au cours du XIXe siècle, les Européens prennent le contrôle de la plupart des régions du pays.2
Résistance aborigène
Le premier gouverneur, Arthur Phillip, a été chargé d'établir des rapports avec les Aborigènes et de vivre dans l'amitié et la bonté avec eux mais les maladies européennes, l'alcool et l'expansion coloniale ont rapidement exercé un effet destructif sur la population indigène. Les réactions des Aborigènes furent variées, mais inévitablement hostiles lorsque la présence des colons généra une compétition pour des ressources naturelles vitales et l'occupation de terres aborigènes par les Britanniques. L'occupation de terres, accompagnée de leur accaparement ou de la destruction des ressources alimentaires, provoqua des famines. Aucun traité ne fut signé avec les Aborigènes, qui n'autorisèrent jamais la colonisation. Depuis les années 1980, l'emploi du terme « invasion » pour décrire la colonisation de l'Australie se généralise, tout en demeurant controversée.
En 1790, Pemulwuy de Sydney devenu le premier aborigène à tuer un colon anglais (qu'il accusait d'avoir tué des Aborigènes). À partir de 1792, il mena des attaques répétées contre des colons. Il fut finalement abattu en 1802. Sa tête fut tranchée et envoyée à Londres, accompagnée d'une lettre du gouverneur Philip King soulignant sa bravoure. Les Anglais traversent les Blue Montains et entrent sur le territoire des Wiradjuri en 1813 et un conflit s'ensuit. Windradyne, un guerrier wiradjuri mène la résistance contre les colons blancs, avant de chercher à faire la paix avec le gouverneur.
En Tasmanie, la « Guerre noire » fut un phénomène de la première moitié du XIXe siècle. L'histoire des relations interraciales en Tasmanie demeure sujet de controverse pour les historiens mais on sait qu'au moins 307 personnes sont mortes de violences de 1803 à 1834. La population aborigène, estimée à 6 000 personnes au moment de l'arrivée des premiers Européens décline rapidement à environ 300 en 1833. Charles Darwin visite Hobart en 1836. Il note une succession récente des « vols, d'incendies et de meurtres par les noirs » s'était achevée par leur envoi en exil mais on pouvait trouver l'origine des violences dans la « conduite infâme » de quelques compatriotes anglais.
Au cours du XIXe siècle, les Européens prirent le contrôle de la plus grande partie du pays. L'installation d'éleveurs dans l'intérieur de l'Australie fut souvent une cause de conflit avec des Aborigènes mais les compétences de gardiens de troupeaux indigènes fut source d'importantes économies. Les missions religieuses fournirent souvent un asile lors des conflits tout en facilitant la colonisation.
Parmi les massacres les plus tristement célèbres du début du XIXe siècle figurent le massacre de Pinjarra (15-30 morts) et le massacre de Myall Creek (environ 30 morts).
Le massacre de Myall Creek n'a pas été sanctionné en vertu de la loi coloniale, mais plutôt par des colons de surveillance. Après le massacre de Myall Creek, sept des meurtriers furent reconnus coupables, condamnés à mort et exécutés par pendaison. Ce fut la première fois que des Blancs furent exécutés pour avoir assassiné des Aborigènes pour un prétendu vol.
Les années 1930 ont vu les commencements du mouvement moderne de droits civiques pour des Aborigènes et l'apparition des chefs comme sir Douglas Nicholls qui défendit les droits indigènes par le système légal et politique établi par l'Australie blanche.
L'historien Henry Reynolds a souligné le fait que les officiels gouvernementaux, ainsi que les colons, employaient fréquemment, aux XVIIIe et XIXe siècles, des mots tels qu'« invasion » et « guerre » pour décrire leur présence et leurs relations avec les autochtones. Dans son livre The Other Side of the Frontier (De l'autre côté de la frontière), Reynolds décrivit la résistance armée, au moyen de guérillas, des peuples aborigènes, face à l'intrusion blanche. Cette résistance, débutant au XVIIIe siècle, se poursuivit jusqu'au début du XXe. Cet historiographie australienne est actuellement sujette à de vives controverses.
Lors des premiers temps de la colonisation, David Collins, secrétaire du gouverneur de la colonie de Sydney, écrivit au sujet des Aborigènes :
« Tant qu'ils penseront que nous les avons dépossédés de leurs résidences, ils nous considéreront toujours comme leurs ennemis et, partant de ce principe, ils ont attaqué les personnes blanches à chaque fois qu'il leur était possible de le faire. »
Reynolds cite de nombreux écrits de colons qui, lors de la première moitié du XIXe siècle, se décrivirent comme vivant dans la peur, par suite des attaques par des Aborigènes déterminés à les tuer ou à les chasser de leurs terres. Il suggère que la résistance aborigène fut, du moins dans certains cas, temporairement une réussite ; les massacres d'hommes, de moutons et de vaches par des Aborigènes, qui mettaient également le feu aux maisons et aux récoltes des Blancs, poussèrent certains colons à la faillite. La résistance aborigène continuait à la fin du XIXe siècle, et en 1881 l'éditeur du Queenslander écrivit :
« Ces quatre ou cinq dernières années, les destructions de vies humaines et de propriétés par des Aborigènes se montent à un sérieux total. [...] [L]a colonisation des terres, le développement des minerais et des autres ressources, ont été largement rendus impossibles par l'hostilité des noirs, qui continue sans faiblir ».
Reynolds, qui affirme que la résistance aborigène continua pendant largement plus d'un siècle, dément le 'mythe' d'une 'colonisation pacifique' de l'Australie. Les colons, pour leur part, réagirent souvent à la résistance aborigène avec une grande violence, ce qui mena à de nombreux massacres aveugles d'hommes, de femmes et d'enfants aborigènes par des Blancs.
Démocratisation et sentiment d'identité nationale
Les années 1850 et 1860, époque de la ruée vers l'or, voient une expansion rapide de la population, menant à une augmentation de la richesse mais également à une certaine tension sociale - notamment la rébellion d'Eureka Stockade (en) en 1854, ce qui a accéléré l'introduction du suffrage masculin universel au Victoria.
Au cours de la période allant de 1855 à 1890, les six colonies devinrent chacune autonomes, l’une après l’autre, gérant leurs propres affaires. Les hommes, y compris les indigènes, ont été autorisés à voter en Australie-Méridionale, au Victoria et en Nouvelle-Galles du Sud dans les années 1850 et en Tasmanie en 1896. Le Queensland a obtenu son autonomie en 1859 et l'Australie-Occidentale en 1890, mais ces colonies ont refusé à leurs Aborigènes le droit de vote. La loi britannique fut appliquée dans chaque colonie, lorsque le Royaume-Uni autorisa chacune d'entre elles à se doter d’un gouvernement responsable et leur accorda de plus en plus d'autonomie avec le temps. Le gouvernement britannique garda le contrôle de certains domaines comme les affaires étrangères, la défense et le commerce international.3
L'âge d'or des bushrangers fut certainement l'époque de la ruée vers l'or. Les bushrangers sont des hors-la-loi qui réussissent à survivre dans le bush en se cachant des autorités. On pense que plus de 2 000 bushrangers ont parcouru les étendues australiennes, des premiers bagnards évadés jusqu'à la fin des bushrangers, le dernier combat était celui de Ned Kelly à Glenrowan en 1880. Les plus violentes attaques de bushrangers eurent lieu en Tasmanie. Des centaines de bagnards étaient en liberté, des fermes furent abandonnées et la loi martiale proclamée. Le bushranger aborigène Musquito défia les autorités coloniales et dirigea des attaques contre les colons.
Les bushrangers s'attiraient souvent la sympathie du public, en incarnant le romantisme et la rébellion contre les autorités coloniales, dont la dureté et l'anti-catholicisme déplaisaient. Certains bushrangers, et tout particulièrement Ned Kelly dans sa lettre de Jerilderie, se présentaient comme des rebelles politiques. Les bushrangers apparaissent régulièrement dans la littérature, la musique, le cinéma et la télévision australienne : Jack Donahue, Dan « Mad Dog » Morgan, et Ned Kelly (fut le sujet du premier long métrage de l'histoire (plus d'une heure), The Story of the Kelly Gang, réalisé en 1906).
Malgré son économie fortement rurale, la population australienne reste fortement urbaine, se concentrant surtout dans les villes de Melbourne et de Sydney. Financée par la prospérité due à la ruée vers l'or, la National Gallery of Victoria a été fondée en 1861 et a commencé à recueillir les travaux des maîtres européens ainsi que les nouvelles écoles australiennes de peinture. En 1854-1556, utilisant la compression de vapeur, l'inventeur australien James Harrison a produit, en Victoria, le premier réfrigérateur pratique au monde. Son invention a permis plus tard à des viandes d'être exportées vers l'Europe. Ceci s'ajoute à la prospérité apportée par l'industrie de la laine et l'extraction de l'or pendant le 19e siècle. Dans les années 1880, Marvellous Melbourne fut la seconde plus grande ville de l’Empire britannique.
L’Australie gagna aussi la réputation d’être un paradis du travailleur et un laboratoire pour la réforme sociale. C’est en effet elle qui organisa la première élection à bulletin secret et connut le premier gouvernement d'un parti travailliste élu. Le Parti travailliste australien tire son origine des mouvements travaillistes fondés au début des années 1890 dans les colonies qui allaient ensuite former la fédération australienne.
La première organisation pour obtenir le droit de vote des femmes a été créée au Victoria en 1884. En 1894, les femmes d'Australie-Méridionale obtiendront ce droit.
Vers la fin du XIXe siècle, l'art des peintres comme ceux de l'Heidelberg School et la prose des écrivains comme Banjo Paterson et Henry Lawson ont fait naître un sentiment croissant d'identité nationale et des hommes politiques comme Sir Henry Parkes et Sir Edmund Barton ont fait campagne pour une fédération indépendante des colonies, avec la reine Victoria en tant que Sovereign.
Fédération et les guerres mondiales (1901-1945)
Le 1er janvier 1901, la fédération des colonies est achevée après 10 ans de gestation et le Commonwealth d'Australie naît en tant que dominion de l’Empire britannique. Entre 1901 et 1911, la capitale sera provisoirement située à Melbourne mais c'est sur un territoire cédé au gouvernement fédéral par la Nouvelle-Galles du Sud en 1911 que sera construite la nouvelle capitale fédérale, Canberra. En 1902, les femmes de tous les états obtenaient le droit de vote ainsi que celui d'être éligibles.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, l'Australie qui comptait alors 5 millions d'habitants se joint aux Alliés ; 416 000 Australiens participeront à ce conflit où 60 000 d'entre eux mourront. L'Australie est le seul pays qui s'interdit de fusiller pour l'exemple ses soldats. Les forces armées australiennes combattirent, notamment à Gallipoli (avec l'ANZAC), à Beersheba, à la bataille de la Somme et à Ypres.
Les Australiens jouent un rôle décisif à la fin de la guerre. Le 8 août 1918, la bataille d'Amiens, menée par les troupes australiennes, voit la première victoire importante de la guerre pour l'armée britannique. Le général allemand Ludendorff parlera de la bataille comme « le jour noir de l'armée allemande ». Le 12 août, le général John Monash, commandant des forces australiennes est anobli sur le champ de bataille par le roi George V (c'était la première fois qu'un monarque britannique honorait ainsi un officier depuis 200 ans). Monash organise alors l'attaque sur les défenses allemandes pour la bataille de la ligne Hindenburg. Les alliés réussissent à ouvrir une brèche et, le 5 octobre, les Allemands demandent un armistice.
En 1919, le premier ministre Billy Hughes signe le traité de Versailles au nom de l'Australie, ce qui en fait le premier traité international signé par ce pays. À Versailles, Hughes demande de lourds dédommagements à l'Allemagne et se heurte souvent au président des États-Unis, Woodrow Wilson qui décrivit Hughes comme un « vaurien emmer… ». « Je parle pour 60 000 morts australiens…pour combien parlez vous ? » demanda Hughes à Wilson. Hughes réussit à obtenir le contrôle par l'Australie de l'ancienne colonie allemande de Nouvelle-Guinée et une place dans la toute nouvelle Société des Nations.4
Surmonter la « tyrannie de la distance »
L'historien Geoffrey Blainey a présenté la « tyrannie de la distance » comme un défi constant dans le développement de la nation australienne - des milliers de kilomètres séparent les principales villes et des partenaires commerciaux étrangers. La Ligne télégraphique transaustralienne, achevée en 1872, a permis des communications rapides entre l'Australie et le reste du monde. Les premiers trains en Australie ont commencé à fonctionner en 1854. La construction du The Ghan, le chemin de fer qui relie les villes d'Adelaïde et de Darwin a été commencé en 1878 mais pas accomplie avant 2004. La construction de l'Indian Pacific, le chemin de fer qui relie les villes de Perth et de Sydney, a été commencé en 1917 d'accélérer l’intégration de l’Australie-Occidentale à la fédération, mais n'a pas été accomplie jusqu'en 1970. Elle a une longueur de 4 352 kilomètres et passe à travers trois États.
Au XXe siècle, la radio et l'aviation ont été rapidement très tôt utilisées pour surmonter cette « tyrannie de la distance ». Le Qantas, la deuxième plus vieille compagnie aérienne du monde toujours en activité, est fondée en 1920 dans l'Outback ; le révérend John Flynn a créé le Royal Flying Doctor Service, le premier service d'ambulances aériennes au monde en 1928, afin d'apporter une aide médicale aux populations isolées du pays. En 1928, Sir Charles Kingsford Smith fit la première traversée de l'océan Pacifique en avion entre les États-Unis et l'Australie (il réalisa également la première traversée de l'Australie sans escale et le premier vol entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande).
La grande dépression
La dépendance de l'économie australienne à l'exportation de produits primaires comme le blé et la laine vers la Grande-Bretagne vont provoquer, pendant la Grande Dépression des années 1930, un chômage et une misère encore plus grande que celles observées au cours des années 1890.5
En 1931, Jack Lang (premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud) publia son propre plan de lutte contre la dépression, qui était en opposition avec les autres gouvernements et le gouvernement fédéral. Lang s'opposa violemment au plan fédéral du travailliste James Scullin qui appelait à de plus fortes réductions encore de dépenses du gouvernement pour équilibrer le budget. Lang retira tous les fonds de l'État détenus sur des comptes bancaires fédéraux et les garda en liquide à la Chambre de Commerce, de sorte que le gouvernement fédéral ne pouvait plus avoir accès à l'argent. Le gouverneur Sir Philip Game informa Lang que, selon lui, cette action était illégale. Lang resta ferme et, en mai 1932, le gouverneur retira sa charge à Lang et nomma le chef de l'opposition premier ministre. Ce fut la seule fois où un gouvernement d'un État australien fut destitué par un gouverneur jusqu'à ce que le gouverneur général Sir John Kerr destitue le gouvernement de Gough Whitlam en 1975.
Pendant la dépression, les Australiens ont trouvé la consolation dans les sports. En particulier, les exploits du cheval Phar Lap et du cricketeur Don Bradman ont inspiré la nation.
Bien que l’Australie soit devenue indépendante, le gouvernement britannique garde quelques pouvoirs sur le dominion jusqu’au statut de Westminster de 1931, ratifié par le Parlement d'Australie en 1942.
L’invasion de la Pologne par les nazis entraîne les déclarations de guerre de la Grande-Bretagne et de l’Australie en 1939. L'armée australienne deviendrait la première pour arrêter l'avance des armées allemandes et japonaises : arrêtant l'Afrika Korps d'Erwin Rommel a Tobrouk en 1941, et l'avance japonaise vers Milne Bay, en 1942.6
L'effondrement de l'armée britannique dans le Pacifique, conduisit l'Australie à réorienter sa politique étrangère et militaire vers les États-Unis.
Un grand nombre de militaires américains furent basés en Australie au cours des premières années de la guerre du Pacifique. La première des unités américaines arriva en Australie au début de l'année 1942 et près d'un million de militaires américains passèrent par l'Australie au cours de la guerre. Beaucoup de bases militaires américaines furent construites dans le nord de l'Australie au cours des années 1942 et 1943 et l'Australie est restée une source importante d'approvisionnement des forces américaines dans le Pacifique jusqu'à la fin de la guerre. Les relations entre les Australiens et les Américains ont été généralement bonnes bien qu'il y eut quelques conflits entre soldats des deux pays et que le gouvernement australien n'accepta qu'à contrecœur la présence sur son sol de troupes afro-américaines.
Le général Thomas Blamey signa les actes de capitulation du Japon au nom de l'Australie au cours de la cérémonie qui s'est déroulée à bord de l'USS Missouri le 2 septembre 1945. Les forces australiennes ont accepté la capitulation de leurs adversaires japonais lors de cérémonies menées à Morotai et en plusieurs endroits de Bornéo, Timor, Wewak, Rabaul, Bougainville et Nauru.
La Seconde Guerre mondiale a conduit à des changements importants dans la société australienne. En termes économiques, la guerre a accéléré le développement de l'industrie manufacturière australienne et a conduit à une forte baisse du chômage. L'impact de la Seconde Guerre mondiale a changé la société australienne et a contribué à la mise en place d'une société cosmopolite où les femmes ont pu jouer un rôle plus important. La guerre a également entraîné une plus grande maturité de l'Australie dans ses relations avec le monde, comme l'a montré par la suite le développement d'une politique étrangère indépendante et l'encouragement à une migration de masse après la guerre.
La période d'après guerre
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Australie va lancer un vaste programme d'immigration, estimant que le fait d'avoir évité de peu une invasion japonaise, doit la conduire à "se peupler ou périr". Comme le Premier Ministre Ben Chifley le déclarera plus tard "un puissant ennemi regarde avidement vers l'Australie. Demain, une nouvelle menace pourrait venir essayer de détruire notre pays. Il faut peupler l'Australie aussi rapidement que nous le pouvons avant que quelqu'un d'autre décide de la peupler pour nous". Des centaines de milliers d'européens, y compris pour la première fois un grand nombre de juifs, vont émigrer vers l'Australie. Plus de deux millions de personnes vont venir d'Europe au cours des 20 ans qui vont suivre la fin de la guerre.
Au départ, il était prévu que la majorité de ces immigrants devrait venir des îles Britanniques et que cette nouvelle immigration permettrait de préserver le mode de vie britannique de la société australienne. Bien que la Grande-Bretagne soit restée la principale source d'immigrants, le groupe des pays d'origine de l'immigration va être élargi pour inclure les pays d'Europe continentale afin de satisfaire les objectifs ambitieux de l'immigration. À partir de la fin des années 1940, l'Australie reçoit d'importantes vagues d'immigrants venant de pays tels que la Grèce, l'Italie, l'Allemagne, la Yougoslavie et les Pays-Bas. Le pays cherche activement des immigrants, le gouvernement va aider beaucoup d'entre eux et ils vont trouver facilement du travail en raison d'une économie en expansion et des grands projets d'infrastructure comme le Snowy Mountains Scheme qui seront réalisés. Mené entre 1949 et 1974, la Snowy Scheme comprend la déviation de cours d'eau pour produire de l'électricité et permettre l'irrigation de l'intérieur du pays et sa réalisation a nécessité 100 000 ouvriers de 30 pays. La nature multiculturelle de la main d'œuvre employée a contribué à la diversification de la société australienne au XXe siècle.
Cette vague d'immigration va changer considérablement le caractère de la société australienne, qui avant la guerre était pratiquement purement anglo-celtique, repliée sur elle-même et conservatrice. À cette époque, l'immigration est encore limitée aux Européens dans la plupart des cas, bien que la politique de l'Australie blanche ait été progressivement assouplie à partir des années 1950.7
Sous le gouvernement du libéral Robert Menzies (1949-1966), l'après-guerre fut une période de prospérité pour l'Australie. Menzies a recommencé le commerce avec le Japon, permettant à cette nation de remplacer par la suite le Royaume-Uni en tant que partenaire commercial principal de l'Australie. En 1951, Menzies fit entrer l'Australie dans l'ANZUS (Australia, New Zealand, United States Security Treaty) un pacte militaire entre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. L'Australie envoya des troupes pour lutter contre les forces communistes aux État d'urgence en Malaisie (1950-1960) ; guerre de Corée (1950-1953) et à la Guerre du Viêt Nam (1962-1972).
L'Australie était un pionnier de la Course à l'espace pendant la guerre froide. Le Programme spatial de l'Australie était basé à Woomera. L'Australie est devenue la 4e nation à lancer un satellite dans l'espace en 1967. La NASA a employé des stations d'observation australiennes situées près de Canberra et de Parkes pour la mission d'Apollo 11 en 1969.8
Le Parti libéral va se maintenir au pouvoir avec les successeurs de Menzies : Harold Holt (1967), John Gorton et William McMahon qui, généralement, seront considérés comme moins capables et politiquement moins compétents que leur prédécesseur.
Melbourne accueille les Jeux olympiques d'été de 1956. La télévision professionnelle a été lancée le 16 septembre 1956 à Sydney et la fin des années 1960 et le début des années 1970 sont aussi souvent associées, au moins dans l'esprit de nombreux Australiens qui sont de jeunes adultes à l'époque, à l'explosion de la culture australienne. Les Aborigènes australiens obtiennent plus de droits, les restrictions à l'immigration et les lois sur la censure sont balayées, des compagnies d'opéra et de théâtre sont créés à travers tout le pays. Des Aborigènes Papunya (Australie Centrale), ont utilisé pour la première fois de la toile et de la peinture acrylique pour reproduire leurs peintures traditionnelles. L'art aborigène a acquis, ces dernières années, un statut d’art moderne.
En 1971, la tournée des rugbymen sud-africains, venant d'un pays où l'on pratique l'apartheid, sensibilise la population au sort des Aborigènes et à l'injustice de leur sort. L'Australie va devenir la première nation occidentale à couper les liens sportifs avec l'Afrique du Sud.
Le cyclone Tracy fut un cyclone tropical qui dévasta la ville de Darwin, Territoire du Nord, du 24 au 25 décembre 1974. Tracy a tué soixante-et-onze personnes, causé pour 837 millions $AUS (1974) et détruit plus de 70 % des édifices de la ville de Darwin dont 80 % des maisons. Plus de 20 000 personnes se sont retrouvées sans abris sur une population de 49 000 habitants. La majorité de la population a donc dû être évacuée ; beaucoup ne sont jamais retournés - un désastre sans précédent dans l'histoire de l'Australie. La reconstruction de Darwin s'est faite selon un code du bâtiment para-cyclonique et avec des matériaux plus modernes et solides.
La fin du XXe siècle
En 1972, Gough Whitlam devient le premier premier ministre travailliste depuis 23 ans et procède à des réformes radicales telles que l'introduction de l'assurance maladie universelle, la réforme du divorce et du droit de la famille. Le style radical et autoritaire de Whitlam finit par lui aliéner de nombreux électeurs, et - après une série de scandales ministériels en 1975 - le Sénat utilise pour la première fois ses pouvoirs constitutionnels pour bloquer le budget du gouvernement. Quand Whitlam refuse de revenir sur sa position, le gouverneur général, Sir John Kerr, le destitue le 11 novembre 1975. Malgré la condamnation d'une grande partie du public australien (et des spécialistes du droit) que cette décision provoque, Whitlam est battu et le dirigeant conservateur Malcolm Fraser remporte les élections qui suivent. Il restera au pouvoir jusqu'en 1983 mais les réformes sociales de Whitlam seront conservées et, à certains égards, poursuivies par Fraser.
En 1976, Fraser a décrété l'Aboriginal Land Rights Act, établissant un processus pour l'identification de la propriété traditionnelle de la terre par des indigènes. En 1983, le parti travailliste reprend le pouvoir avec l'arrivée comme premier ministre de l'ancien dirigeant syndical Bob Hawke, une personnalité beaucoup moins conflictuelle que Whitlam. Les années 1980 vont voir apparaître de graves préoccupations pour la santé économique à venir de l'Australie avec l'augmentation des déficits publics et du chômage9. Le gouvernement Hawke va introduire de nombreuses réformes économiques, notamment la réduction des dépenses publiques, la flottaison du dollar australien, la privatisation de nombreux services publics, et en échange d'un accord avec les syndicats, la modération des revendications salariales et l'acceptation d'une plus grande flexibilité du travail contre des baisses d'impôt.10
En partie à cause des divisions politiques des partis conservateurs, Hawke resta à son poste jusqu'en 1991, date à laquelle il fut renversé par son ancien adjoint, Paul Keating, qui garda le gouvernement aux travaillistes jusqu'en 1996.11
John Howard (1996-2007)
À partir de 1996, la coalition gouvernementale, dirigée par le Premier ministre John Howard, continua d’implémenter des micro-réformes économiques. Certains disent que la dérégulation du marché du travail durant cette période fut le résultat d’une nécessaire flexibilité du marché du travail. D’autres critiquèrent ces dérégulations pour leur impact négatif sur les salaires, la sécurité et la santé. La législation introduite durant cette période cherchait à réduire la participation et le pouvoir des syndicats en préférant favoriser la négociation à l’intérieur des entreprises. De plus, durant cette période, la coalition gouvernementale a dérégulé de nombreuses autres industries, entre autres le secteur des télécommunications, et a privatisé nombre de sociétés nationales. La fiscalité a été réformée en juillet 2000 avec l'introduction d'une TVA de 10 % qui a permis de réduire quelque peu les impôts sur les sociétés et l'impôt sur le revenu.
Depuis la récession que « l’Australie devait avoir » (selon le Premier ministre Keating) au début des années 1990, l’économie australienne n’a pas souffert de récession. Même le ralentissement du début des années 2000 n’a pas affecté la croissance de son PNB. En mars 2007, le chômage était tombé à 4,5 %, son plus bas niveau depuis la fin des années 1970.
Le Parti libéral de Howard a été au pouvoir de 1996 à 2007, au sein d'une coalition avec le Parti national. Au cours de cette période, le commerce avec la Chine s'accrut considérablement et l'Australie a joué un rôle actif dans des affaires internationales notamment : l'organisation de le Force internationale pour le Timor Oriental en 1999 ; le déploiement de troupes en Afghanistan et en Irak ; et l'opération après le tremblement de terre du 26 décembre 2004.12
« Howard, plus que jamais chantre des « valeurs australiennes », entendues comme judéo-chrétiennes, escomptait bien emmener son parti aux prochaines élections et le faire gagner. Mais l'usure du pouvoir, l'impopularité de la nouvelle loi sur le droit du travail, défavorable aux salariés (2005), l'éclatement de scandales qui ont terni son image, sa réputation d'intransigeance en matière environnementale et d'alignement sur les États-Unis de G. W. Bush, et finalement le renouvellement de la direction du parti travailliste – avec l'élection à sa tête en décembre 2006 du jeune Kevin Rudd – ont raison de ses espérances. »13
Kevin Rudd (2007-2010)
Ancien diplomate, parlant couramment le chinois, le premier acte officiel de Rudd en tant que premier ministre fut, le jour même de sa nomination, de ratifier le protocole de Kyoto et d'annuler certaines des réformes sur la législation du travail mises en place par le parti libéral. Le 13 février 2008, tenant une promesse de campagne, il prononça un discours solennel, s'excusant auprès des Aborigènes, peuple autochtone, pour les maltraitances qu'ils avaient subies.
En 2009, l'Australie est ravagée par les incendies les plus meurtriers de son histoire. Les feux de brousse du Victoria de 2009, aussi appelé « Samedi noir » ont fait plus de 231 morts et des destructions importantes (365 000 hectares, 1 000 maisons).14
« Pointe alors une autre menace, celle d'une grave récession, susceptible d'interférer avec le défi environnemental et de différer la mise en œuvre des réponses qui lui sont apportées. En effet, 2008 semble devoir mettre un terme à un cycle de croissance ininterrompue de 17 ans. L'activité, victime du retournement spectaculaire de la conjoncture internationale, s'essouffle brutalement à partir de l'automne, au point d'obliger le gouvernement à prendre une série de mesures d'urgence, renouant ainsi avec l'initiative et la dépense publiques : fort des excédents budgétaires passés, Rudd met tout d'abord sur pied en fin d'année un programme d'aide au secteur automobile comme aux familles et aux personnes âgées pour une dizaine de milliards de dollars (australiens). Puis, en février 2009, afin de doper une production anémiée et de ralentir la hausse du chômage, il élabore un plan de relance d'une quarantaine de milliards consacré tant à l'investissement (santé, éducation, logement, infrastructures) qu'au soutien des ménages les moins favorisés. Adossé à ces mesures, le maintien d'une forte demande en matières premières des pays émergents, dont la Chine, permet à l'Australie d'éviter le spectre de la récession : en effet pour 2009, contrairement à la plupart des pays de l'OCDE, le pays affiche un taux de croissance positif, de l'ordre de 2,7 % du PIB.
L’annonce en mai d’une réforme de la fiscalité et notamment la proposition d’une taxation des super-profits miniers suscitent auprès d’une population qui redoute encore la hausse du chômage (pourtant redescendu à 5,3 %) un débat houleux. Le 24 juin, sous la pression de ses collègues de parti, K. Rudd est contraint de démissionner et de céder sa place à la tête du gouvernement et des travaillistes à sa seconde, Julia Gillard15. » Elle devient alors la première femme à prendre la tête du gouvernement australien.
Julia Gillard (2010-2013)
Aux élections législatives de 2010, l'Australie se retrouve, pour la première fois depuis soixante-dix ans, avec une Chambre des représentants en situation de Hung Parliament. Après avoir obtenu le ralliement du seul député des Verts australiens, Gillard décroche progressivement le soutien de trois députés indépendants et dispose ainsi d'une majorité absolue à la Chambre.
L'Australie poursuit sa croissance, en partie grâce au boom minier, et à l'appétit croissant de la Chine sur le plan énergétique. Julia Gillard occupe le poste de Premier ministre jusqu'en 2013, année des nouvelles élections australiennes, où les sondages prédisent une défaite catastrophique des travaillistes face au Parti libéral, mené par Tony Abbott.
Gillard devient de plus en plus impopulaire au sein de son parti, et le 26 juin 2013, à quelques semaines d'élections législatives prévues en septembre, elle est finalement désavouée lors d'un vote de confiance des députés de sa formation. Elle n'obtient que 45 votes en sa faveur, contre 57 pour son rival, Kevin Rudd, qui redevient ainsi chef du Parti travailliste et Premier ministre désigné. Elle annonce qu'elle quittera la politique à l'issue des prochaines élections. Les élections ont finalement lieu le 7 septembre 2013, Tony Abbott bat Kevin Rudd, et devient le 28e Premier ministre d'Australie le 18 septembre 2013.16
Les forces armées australiennes
Après l'expérience malencontreuse de la guerre du Viêt Nam, les forces militaires australiennes vont rester sagement stationnées en Australie jusqu'à la fin des années 1980. Leur intervention à l'étranger se limitera à l'envoi, en grande partie symbolique, de deux navires de guerre pour participer à la guerre du Golfe en 1991. Toutefois, la dernière décennie va voir se développer à nouveau un certain nombre de déploiements militaires à l'étranger. Le premier a lieu au Timor oriental en 1999, où les forces armées australiennes constituent la majorité des forces de l'INTERFET surtout dans ses débuts. RAMSI et l'opération « Helpem Fren » dans les Îles Salomon, commandé par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, composé de soldats et de policiers, et avec des représentants d’une vingtaine d’autres nations du Pacifique.
Les troupes du régiment des forces aériennes spéciales vont constituer la plus grande fraction des forces de l'opération Slipper, la contribution de l'Australie à la force d'invasion en 2001 des États-Unis lors de la guerre en Afghanistan. Ces déploiements militaires ont obtenu le soutien du public. Par contre, la participation de l'Australie en 2003 à l'invasion de l'Irak et le maintien de troupes là-bas ont été très controversées. Il y a eu un certain nombre d'autres opérations de maintien de la paix et de stabilisation de régions, notamment dans les Îles Salomon et, à nouveau, au Timor oriental en 2006. Au début de décembre 2007 quatre soldats australiens ont été tués en Afghanistan.
Depuis 1947, au moins 30 000 soldats australiens chargés du maintien de la paix ont participé dans plus de 50 opérations, aux théâtres du conflit autour du monde, aussi bien qu'un nombre des réponses humanitaire aux désastres. Parmi des opérations de l'ONU on peut citer au Cambodge, au Rwanda et en Somalie. En 2005, les forces en participant en le réponse humanitaire au tremblement de terre du 26 décembre 2004. 9 soldats australiens ont été tués dans un accident d'hélicoptère pendant l'opération d'aide.17
La mort lente des Aborigènes
En 2007, Kevin Rudd décide d'envoyer des renforts de police dans le Territoire du Nord, d'y interdire l'alcool et " la pornographie " pour une durée de six mois, de mettre fin à l'autonomie administrative des soixante communautés d'aborigènes qui le peuplent, de faire procéder à une visite médicale obligatoire pour tous les enfants de moins de seize ans, de suspendre les allocations familiales et de soustraire les enfants aux familles dans tous les cas litigieux. Il parlait même d'envoyer l'armée si les Aborigènes se montraient récalcitrants.
Ce déploiement de forces était censé protéger les enfants aborigènes qui seraient soumis dans leurs familles à des violences, des viols et contraints à la prostitution d'après un rapport officiel publié peu avant et qui décrivait le martyre de plusieurs centaines d'enfants.
En fait c'est le peuple aborigène tout entier, 2 % de la population, qui agonise. Les premiers habitants de l'Australie, rescapés des massacres perpétrés par les premiers colonisateurs, ont tout d'abord été considérés comme des bêtes de somme, corvéables à merci. Puis à partir du début du 20e siècle, l'État s'est soucié de leur moralité et a procédé à l'enlèvement des enfants pour les transformer en esclaves domestiques dans les fermes, ou en prisonniers. Les adultes étaient laissés à leur sort et n'étaient même pas recensés. Ce peuple était tenu dans un tel mépris que, dans les années 1950, les essais nucléaires britanniques furent effectués à l'air libre, dans une région prétendument déserte, mais peuplée d'Aborigènes. Les conséquences sur la population restent inconnues à ce jour. Le droit de vote ne leur a été octroyé que depuis 1967, l'année où les lois discriminatoires furent abolies. Puis, pour leur malheur, on trouva de l'uranium dans les territoires qui leur avaient été concédés. Ils en furent donc chassés par les exploitations minières.
Aujourd'hui les Aborigènes restent la fraction de la population australienne la plus pauvre, la plus soumise au chômage, à l'alcoolisme, aux maladies et à la délinquance. L'espérance de vie d'un Aborigène est de 17 ans inférieure à la moyenne nationale. Les enfants aborigènes sniffent de l'essence pour oublier leur sort comme les gamins des pires bidonvilles du Tiers Monde.
De 1997 à 2007, quatorze rapports ont signalé les conditions de vie désastreuses des Aborigènes, y compris les viols et la prostitution enfantine, sans que cela soulève l'indignation des pouvoirs publics.18
Les excuses officielles aux aborigènes
Le 12 février 2008, le chef du gouvernement australien présentait ses excuses, au nom de l’Australie, aux aborigènes pour les injustices subies pendant deux siècles. Ce discours historique, prononcé au Parlement et retransmis en direct sur les grandes chaînes de télévision nationales, dénonçait l’atteinte à la dignité et l’humiliation dont ont été victimes les premiers habitants du pays. 19
La communauté aborigène, « cause oubliée » des élections australiennes
Au bout d'une piste de terre rouge, la communauté aborigène de One Mile, près de Broome, dans les territoires du Nord, a connu un drame, le 5 septembre 2013. Une explosion à la voiture piégée a blessé grièvement quatre personnes, dont l'une d'elle était entre la vie et la mort. À deux jours des élections législatives, l'histoire aurait dû faire grand bruit. Pourtant, les médias australiens n'y ont pour la plupart consacré qu'une brève, réservant leur une à la chute mortelle d'un jeune Australien, dans la région de Sydney, après une nuit trop alcoolisée. Les politiciens en campagne ont présenté leurs hommages à la famille du jeune homme, mais n'ont pas commenté le drame de One Mile.
À l'image de ce fait divers, la place de la communauté aborigène a une nouvelle fois été reléguée à l'arrière plan, lors de la campagne des élections législatives, qui ont lieu le samedi 7 septembre 2013. D'après le recensement de 2011, ils sont près de 670 000 Aborigènes à vivre encore sur le territoire australien, soit 3 % de la population du pays. Un nombre relativement faible, mais qui concentre tous les problèmes endémiques de l'Australie.
Selon les études, 41,8 % des foyers aborigènes vivent ainsi dans la pauvreté, contre seulement 17,3 % dans le reste de la population. En outre, l'espérance de vie de la population indigène reste largement moins élevée que la normale, avec une différence moyenne de 17 ans, et la mortalité infantile est également plus importante que pour le reste des Australiens. La violence reste également un enjeu de taille dans la communauté, 42 % de la population pénitentiaire en Australie occidentale étant ainsi aborigène.
Les électeurs indigènes étant peu nombreux, malgré le système du vote obligatoire, l'enjeu est avant tout symbolique pour les politiciens. Et les deux principaux candidats au poste de premier ministre, le travailliste et premier ministre, Kevin Rudd, et le libéral, Tony Abbott, l'ont bien compris. Tous deux ont ainsi proposé à l'unisson la tenue d'un référendum sur le fait d'inscrire ou non dans la Constitution que les Aborigènes sont les premiers habitants du pays. Mis à part cet emblème, les deux partis principaux sont restés assez discrets sur leur programme en direction de la communauté aborigène.
En déplacement près de Darwin, Tony Abbott a été le premier à annoncer, mi-août, son plan pour les indigènes, expliquant qu'il s'agissait cette fois "de faire preuve d'un engagement total" pour lutter contre les différences entre la population australienne, estimant "qu'il ne s'agissait pas de jeter de l'argent en l'air". La mauvaise surprise découverte par les associations de défense de la cause aborigène fut de découvrir que les libéraux prévoyaient dans le même temps des réductions budgétaires, non détaillées dans les aides sociales à hauteur de 42 millions de dollars. Un séisme, dans les communautés aborigènes, où le taux de chômage est tel que les aides de l'État sont souvent le seul revenus des foyers. Devant la polémique, Tony Abbott a préféré reculer, affirmant qu'il s'agissait surtout d'économies dans l'administration, et que des aides seraient fournies pour "trouver un travail a au moins 60 000 indigènes."
Devant ce tollé, les travaillistes ont rapidement dénoncé "une gifle assénée à la communauté aborigène", par l'intermédiaire du ministre de la justice, Mark Dreyfus. Mais malgré leur rapidité à réagir, le parti au pouvoir n'a pas annoncé de nouvelles mesures en faveur des aborigènes, affirmant qu'il poursuivrait son plan d'action lancé en 2007, intitulé "réduire le fossé" (Closing the gap). Il prévoit notamment un taux de chômage équivalent chez les indigènes et dans le reste de la population à l'horizon 2018, en renforçant notamment le programme qui tend à rendre les aborigènes responsables des parcs nationaux du Nord de l'Australie, comme c'est déjà le cas à Uluru. Les travaillistes prévoient également un budget de 15 millions de dollars attribué aux communautés qui mettent en place des mesures de gestion de l'alcool, créant notamment des zones où il est interdit de vendre, d'acheter et de consommer de l'alcool.
Face au manque d'intérêt de la part des partis politiques, plus occupés à se déchirer sur la question des boat-people, beaucoup de membres de la communauté aborigène se sont sentis une nouvelle fois délaissée par les pouvoirs publiques. Représentante de la section indigène du syndicat National Tertiary Education Union, Celeste Liddle a ainsi expliqué dans une lettre au Guardian Australia que, "pour la première fois de ma vie, j'ai le sentiment que mon vote ne va rien changer, et ce n'est vraiment pas une position confortable". Selon elle, "le manque de diversité dans les plans proposés a été particulièrement criant cette année", et conduit une nouvelle fois à faire des aborigènes "la cause oubliée" de l'Australie.
Addendum : La Palme d'or du mépris politique à l'égard des aborigènes est évidemment attribué à Pam Hecht, candidate du parti nationaliste Rise Up Australia dans le Queensland, interrogée par ABC fin août, "Les gens ne le savent pas, mais beaucoup de musulmans paient de plus en plus d'aborigènes pour se convertir à leur religion", a expliqué la candidate. "Notre inquiétude, c'est qu'en convertissant à leur religion les premiers habitants du pays, cela signifie à terme que la terre australienne appartienne à Allah, et que l'Islam doive y être la seule religion." 20
Australie et Cambodge : sous-traiter les réfugiés ?
En 2014, le gouvernement australien est en négociations avec celui du Cambodge : pour 40 millions de dollars, ce dernier accepterait d'accueillir un millier de réfugiés indésirables.
L'Australie est un pays relativement peu peuplé et riche. Il s'est entièrement constitué par immigration - car les Aborigènes y ont toujours été marginalisés, quand ils n'étaient pas exterminés. Et il continue à accueillir beaucoup d'immigrés : 3,5 millions ont été intégrés depuis 1945.
Mais aujourd'hui une partie des immigrés qu'il attire sont considérés comme indésirables : les réfugiés de la misère et des guerres, Pakistanais, Bangladais, Népalais, Iraniens, Irakiens et Kurdes. Ils arrivent par bateau, des côtes d'Indonésie, de Timor oriental, de Papouasie-Nouvelle-Guinée. En 2013, ces demandeurs d'asile étaient environ 20 000. Les gouvernements, travaillistes comme conservateurs, cherchent à se débarrasser d'eux par tous les moyens. Ils sont refoulés vers les côtes d'Indonésie ou de Papouasie, ou arrêtés et envoyés dans des centres de rétention. Certains ont été spécialement créés dans des pays pauvres de la région, comme la Papouasie ou l'atoll de Nauru, en plein Pacifique, à plus de 2 000 km au nord-est de l'Australie, où des révoltes et des évasions de réfugiés se sont déroulées en juillet 2014.
Le Cambodge, lui, est trop pauvre et trop densément peuplé pour attirer les immigrés : ils ne seraient que 68 dans le pays, dont 12 demandeurs d'asile. Le gouvernement australien veut lui « vendre » ses réfugiés, après avoir tenté en vain en 2011 de les vendre à la Malaisie. Et il est bien difficile au Cambodge de dire non, car l'Australie est un gros contributeur aux fonds régionaux d'aide. Elle a ainsi prévu de lui verser une aide de 700 millions de dollars pour 2014-2015.
Les organisations humanitaires s'indignent, affirmant que les 40 millions de dollars ont peu de chances de servir à l'installation des réfugiés et que ceux-ci ne survivront pas, dans un des pays les plus pauvres du monde.
La conduite des autorités australiennes vis-à-vis des réfugiés est effectivement révoltante. Elle est calquée sur celle des gouvernants européens, français, italiens ou espagnols, qui refoulent les immigrants, les laissent à la merci des passeurs, leur font risquer leur vie sur mer et dans les containers, et qui tentent de sous-traiter aux pays d'Afrique du Nord le sale boulot de maintenir à distance la misère dont leur système est responsable.21
Le budget australien et la lutte pour l’égalité sociale
En juin 2014, un mois après le dépôt de son premier budget, le gouvernement de coalition libéral-national du premier ministre Tony Abbott est confronté à une vaste opposition croissante à son programme d’austérité brutale.
Rédigé selon les désirs du capital financier international, le budget cherche à imposer à la classe ouvrière australienne une contre-révolution sociale similaire à celle déjà déchaînée contre les travailleurs et les jeunes d’Europe, des États-Unis et d’ailleurs dans le monde au cours des six dernières années.
Cela a été un choc soudain et brutal pour des millions de gens ordinaires qui ont toujours été gavés avec la rhétorique incessante de l’establishment politique et des médias à propos de l’« exception » de l’Australie, « pays chanceux » et « terre d’opportunité ».
Ces mythes ont été diffusés avec encore plus de force au lendemain de la crise financière mondiale de 2008-2009, alors que plusieurs milliards de dollars en exportations minières vers la Chine ont amorti temporairement les problèmes économiques. La population s’est alors fait dire que l’Australie avait échappé à la crise financière, devenant ainsi un « modèle économique » pour le reste du monde.
Le boom de la Chine, cependant, a toujours été un phénomène profondément instable. La récession mondiale en cours a entraîné une forte baisse des prix du minerai de fer et du charbon, et l’industrie minière est en crise profonde. Sous la bannière déployée par le trésorier Joe Hockey de « mettre fin à l’ère des privilèges », l’élite dirigeante a répondu à cette grande mutation économique en exigeant la destruction de ce qui reste de l’État providence créé après la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que de tous les gains sociaux faits par la classe ouvrière au cours des 70 dernières années.
Les cibles directes du budget du 13 mai sont les familles de la classe ouvrière et de la classe moyenne inférieure, de même que les jeunes chômeurs, les étudiants, les retraités et les personnes handicapées, dont beaucoup vont être poussés dans la pauvreté permanente.
L’Australie apparaît ainsi loin d’être « exceptionnelle », l’âge de la retraite devant être progressivement levé à 70 ans – soit le plus élevé de tous les pays industrialisés avancés – tandis que les jeunes chômeurs âgés de moins de 30 ans se verront refuser l’aide sociale pendant six mois, puis contraints de travailler pour recevoir des allocations de chômage. L’enseignement universitaire sera privatisé et les étudiants contraints de s’endetter à des taux d’intérêt élevés austères qui les laisseront à la merci des banques pendant des décennies. Le financement des soins de santé et de l’éducation publique sera fortement réduit et les visites gratuites aux médecins généralistes deviendront choses du passé.
Aucune de ces mesures n’a été mentionnée au cours de la campagne électorale fédérale de 2013. Abbott est arrivé au pouvoir non pas sur la base d’un vote positif, comme le gouvernement et ses bailleurs de fonds prétendent – et encore moins avec un « mandat » – mais en raison d’un vote négatif historique contre l’ancien gouvernement travailliste, qui a fait tout son possible pour mettre en œuvre les exigences de l’élite financière et du monde des affaires. C’est pourquoi le gouvernement Abbott avait prévu un tollé initial, mais il a calculé que celui-ci se dissiperait rapidement.
Or le gouvernement est en pleine tourmente après seulement huit mois au pouvoir. Mise en sourdine pendant plus de vingt ans, la question de la croissance inexorable des inégalités sociales a soudainement éclaté et est devenue la principale question politique. La colère populaire est dirigée, en particulier, envers les mensonges du gouvernement quant à l’« égalité des sacrifices ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le National Centre for Social and Economic Modelling (centre national pour la modélisation économique et sociale) calcule que plus d’un tiers des réductions budgétaires totalisant 6 milliards de dollars, aura une incidence sur les ménages gagnant entre 45.000$ et 63.000$, soit les 20 % des salariés au milieu de l’échelle des revenus. Les familles représentant les 20 % des salariés de la tranche inférieure des revenus (35.000$ et moins), seront plus pauvres d’au moins 1056$ par an. Les familles comptant parmi les 20 % les plus riches, avec des revenus de plus de 200.000$, perdront un peu plus de 600 $.
Ross Gittins, chroniqueur financier au Sydney Morning Herald, écrit : « C’est bien la “ fin des privilèges ” pour les gens de la moitié inférieure, mais il n’y a aucun changement quant aux privilèges des nantis. »
En juin 2014, les sondages d’opinion montrent un effondrement du soutien au gouvernement, les travaillistes devançant maintenant la Coalition Abbott de 10 points. Un sondage réalisé par Essential Media a révélé que 53 % de la population, dont un nombre sans précédent de 41 % des électeurs de la Coalition, souhaitaient que l’opposition travailliste bloque au moins une partie des mesures budgétaires.
L’ampleur de l’hostilité produit de vives tensions au sein de la direction du Parti libéral, ainsi que des conflits entre les libéraux de Abbott et leurs partenaires de la coalition, le Parti national. Assiégés par leurs électeurs, au moins trois députés du Parti national menacent de voter contre le système de congé parental d’Abbott, qui favorise de manière disproportionnée les riches.22
Face aux incendies, l’irresponsabilité du pouvoir
Au début du mois de janvier 2020, une zone plus étendue que le Danemark est partie en fumée, des dizaines de morts, 100 000 personnes évacuées, des milliers de bâtiments détruits, des animaux brûlés par centaines de milliers, les grandes métropoles australiennes ont été asphyxiées par la fumée qui maculait jusqu’aux glaciers néo-zélandais situés à 2 000 kilomètres : les feux qui ont dévasté l’Australie ont pris une proportion monstrueuse.
En 2019, pendant l’hiver austral, de juin à septembre, la sécheresse a été particulièrement longue. La saison des feux de forêt a commencé tôt au printemps, dès septembre-octobre. Les très fortes chaleurs de l’été, ressenties en décembre, ont servi d’accélérateur à ce fléau saisonnier.
Des centaines de feux ont touché une très vaste zone : essentiellement les États de Nouvelle-Galles du Sud, de Victoria et d’Australie Méridionale. Or c’est là, dans le sud-est du pays, que se situent les grandes agglomérations – Sidney, Melbourne et la capitale Canberra – et que résident la majorité des 25 millions d’Australiens. Les pompiers ont été dépassés par l’ampleur de la catastrophe.
La colère de la population contre le Premier ministre, Scott Morrison, ne faisait qu’augmenter. Ce dirigeant du Parti libéral, de droite, est arrivé au pouvoir un an et demi auparavant en s’appuyant sur l’influence des grandes compagnies minières. Niant ou minimisant le réchauffement climatique, il a laissé toute liberté aux patrons de l’industrie du charbon, particulièrement polluante, demandant à la population d’être patiente à ce sujet. Cette politique de laisser-faire dans tous les domaines apparaissait comme particulièrement néfaste, au moment où les effets à long terme du réchauffement s’ajoutaient aux causes saisonnières des feux.
Dans un premier temps, en décembre, Morrison n’a pas semblé se soucier des incendies, pourtant de plus en plus menaçants. Ce n’est que lorsque deux pompiers volontaires ont perdu la vie qu’il s’est senti obligé de revenir de ses vacances à Hawaï.
Par la suite, les hommages appuyés du Premier ministre au courage et au dévouement des pompiers sont devenus insupportables. Plusieurs personnes ont refusé de lui serrer la main lors d’une visite sur un des lieux du désastre, début janvier. Devant les caméras, un pompier l’a même vertement traité de c…, répétant l’épithète à l’attention de tout son gouvernement, et précisant que les pompiers mettaient leur vie en danger non pas pour lui faire plaisir, mais pour protéger la population, malgré la politique des dirigeants du pays.
Le chef des pompiers de Nouvelle-Galles du Sud, un État pourtant dirigé par la coalition de Morrison, a aussi critiqué, quoique plus poliment, le gouvernement qui avait repoussé depuis un an et demi l’attribution d’un budget pour accroître la flotte aérienne de la lutte anti-incendie. Désormais, face à l’indignation de la population, Morrison annonçait que les besoins des pompiers et les nécessités de financer la reconstruction seraient pris en compte, semblant ne plus vouloir évoquer le prétexte de l’austérité budgétaire. L’annonce de la mobilisation de 3 000 soldats réservistes a aussi été dénoncée par le chef des pompiers, qui l’a apprise par les médias, comme un geste inutile d’un Premier ministre désireux de faire oublier son inaction générale.
C’est aussi sous la pression que les autorités ont accepté d’indemniser en partie les journées de salaire perdues par les pompiers volontaires, qui ont quitté leur travail plusieurs semaines pour se battre contre les feux. Auparavant, elles s’y étaient refusées, malgré les avertissements sur les risques d’une saison des feux particulièrement féroce et la perspective d’une diminution des vocations de pompier volontaire dans les zones rurales, impliquant de perdre tout ou partie de son salaire.
Face à cette catastrophe, pourtant annoncée, le gouvernement australien a montré qu’il avait la vue particulièrement courte et n'a réagit qu’une fois la catastrophe hors de contrôle. Mais, alors que le réchauffement climatique ne peut qu’accroître la fréquence et l’intensité de tels cataclysmes, et pas seulement aux antipodes, son irresponsabilité révoltante était à l’image de celle de la plupart des dirigeants du monde, plus soucieux de contenter les grands groupes capitalistes que de préparer l’avenir et de sauver les populations.23
Sources