Les anciennes civilisations
Les Khoïsan sont les plus anciens habitants du pays et leur présence attestée en Afrique australe remonte à plus de 8 000 ans avant le début de notre ère. Essentiellement des agriculteurs, leur présence est attestée par les œuvres picturales préhistoriques que l'on retrouve dans quantité de sites de cette région du monde.
Les premiers artisans du fer et agriculteurs de type bantous sont les Gokomere, arrivés d'Afrique centrale vers 500 sur le site du futur « Grand Zimbabwe ».
Entre le Ve et le Xe siècle, les Gokomere et leurs successeurs mirent en œuvre les techniques d'extractions de l'or et produisirent quantités d'objets en céramiques, des bijoux, des sculptures en stéatite et des étoffes de bonne qualité. Ces groupes étaient cependant avant tout des éleveurs de bétail en enclos. Ils dominèrent les groupes Sans antérieurs qui émigrèrent vers l'ouest quand ils n'étaient pas réduits en esclavage.
C'est entre le IXe et le XIIIe siècle qu'une civilisation édifia le monument de pierre de « Grand Zimbabwe », à l'origine de la civilisation shona (le monument a longtemps fait l'objet de polémiques sur son origine). Les fondateurs du « Grand Zimbabwe », près de Masvingo, étaient sans nul doute des bantous qui entretenaient des contacts commerciaux avec les commerçants arabes de la côte orientale de l'Afrique, plus particulièrement ceux établis dans l'actuel Mozambique. La cité elle-même de Grand Zimbabwe devait accueillir jusqu'à 20 000 habitants et son organisation sociale était structurée autour d'un roi, d'une caste dirigeante et d'une armée. L'influence de cette dynastie déclina soudainement au cours du XVe siècle sans doute sous l'influence de la surpopulation, de l'épuisement des pâturages, de la contestation populaire et de la fragmentation du royaume.
Vers 1420, des membres issus de la civilisation de Grand Zimbabwe fondent un état shona plus au nord, le royaume du roi Mwene Mutapa (« Le Grand Maraudeur »), connu sous le nom de Monomotapa, qui va prospérer jusqu'en 1629 alors qu'une autre dynastie, les Torwa, s'établit à Khami.
Vers 1440, l'empire de Monomatapa sous le règne du roi Mutota s'étendait à peu près sur le plateau de l'actuel Zimbabwe mais aussi sur une partie non négligeable de l'actuel Mozambique. Les ressources de cet empire reposaient essentiellement sur le contrôle des routes commerciales qui le reliait à la côte et sur les industries premières (or, fer, cuivre, ivoire, coton, agriculture) dont les extractions étaient revendues aux commerçants arabes et swahilis.
Le royaume shona des Torwa émergea vers 1480 et fut considéré comme le successeur direct du « Grand Zimbabwe ». Il prospéra grâce au commerce du bétail et de l'or.
Les empires du Zimbabwe
Au début du XVIe siècle, l'arrivée des Portugais sur la côte mozambicaine réduit à néant le trafic commercial avec les peuples de Zimbabwe. Plusieurs escarmouches ont lieu entre les natifs de l'intérieur et les contingents militaires envoyés dans la colonie du Mozambique. Les négociants portugais et swahilis parvinrent également à jouer des rivalités entre tribus pour tenter de s'imposer et de s'emparer de tout l'or qu'ils trouvaient.
En 1629, le roi Mwene Mutapa Kapararidze échoua à fédérer les tribus indigènes contre les Portugais. Il fut déposé et remplacé par Mwene Mutapa Mavura, un vassal à la solde des Portugais. À la suite de plusieurs renversements d'alliances et de rébellion, c'est en 1690 que les Portugais, qui avaient investi le plateau rhodésien, sont finalement expulsés par les troupes du Monomatapa. Mais le domaine de l'ancien empire est dorénavant limité à la vallée du Zambèze (ainsi fragilisé, il s'effondre définitivement à la fin du XIXe siècle, victime des raids britanniques et portugais) alors que la dynastie Torwa est absorbée en 1684 par le clan Changamire, lequel fonde l'empire Rozwi.
Ce nouvel empire Rozvi surgit ainsi sur les décombres du royaume des Torwa, représentant près de la moitié du Zimbabwe actuel. Celui-ci va s'effondrer à son tour au milieu du XIXe siècle, victime indirecte des guerres zoulous menées au Natal et dans le futur Transvaal.
L'invasion ndébélée
En 1823, Mzilikazi, chef du clan Xumalo et lieutenant du roi zoulou Shaka entre en rébellion contre son monarque. Condamné à une mort certaine, il parvint à fuir le Zoulouland avec sa tribu. Après avoir gagné le Mozambique, il traverse les terres du futur Transvaal, poursuivi par les Impis du roi zoulou. Sa fuite le conduit dans le futur Botswana où il rencontre le missionnaire Robert Moffat avec qui il se lie d'amitié. Puis Mzilikazi continue vers le nord, jusque dans l'actuelle Zambie. Sur son passage, il pille, massacre et assujetti les populations locales. La réputation de Mzilikazi lui attire de nombreux guerriers qui rejoignent son armée ndébélée (« ceux qui disparaissent sous leur longs boucliers »). Refoulé de Zambie par la nation Kololo, il finit par s'établir définitivement dans le sud-ouest de l'actuel Zimbabwe vers 1840. C'est près des collines « Amatobos » (« les crânes chauves ») qu'il installe sa capitale, Inyati.
Ses troupes mettent un terme définitif à l'empire Rozwi (déjà moribond depuis les raids des armées ngunis de Soshangane et Zwangendaba en 1834), assujettissent les tribus locales shonas et imposent le mode de vie zoulou aux quatre coins de son nouvel empire du Matabéléland. C'est alors un état militaire centralisé sur le modèle de celui fondé par Shaka. Il parvient ainsi à repousser les incursions boers entre 1847 et 1851 et signe un accord de paix et de reconnaissance mutuelle avec la république sud-africaine du Transvaal en 1852.
En 1854, l'explorateur David Livingstone découvre les chutes Victoria. Il tente quelques années plus tard de remonter le cours du fleuve Zambèze. L'expédition durera de mars 1858 à la mi-1864, et se soldera par un échec et la mort par dysenterie de sa femme, le 29 avril 1863.
En 1859, Mzilikazi autorise Robert Moffat et son fils John à fonder non loin de Bulawayo une mission pour le compte de la Société missionnaire de Londres. Il refuse cependant la conversion au christianisme. Le 5 septembre 1868, Lobengula succède à son père après avoir écarté ses rivaux. Il est couronné le 22 janvier 1870 et déplace la capitale du Matabéléland à Bulawayo. Le début de son règne est marqué par l'influence européenne dont il adopte le style vestimentaire. Mais dans les années 1880, les relations avec le gouvernement britannique se détériorent, l'amenant à revenir à sa culture d'origine.
C'est dans les années 1870 que plusieurs aventuriers européens explorent les territoires ndébélés et shonas. Frederick Selous découvre d'anciennes mines d'or, le peintre Thomas Baines découvre de l'or au Mashonaland et Adam Render révèle au monde l'existence des ruines du « Grand Zimbabwe ».
La Rhodésie du Sud (1890-1980)
La colonisation sous le régime de la BSAC (1890-1922)
En 1888, le roi ndébélé Lobengula, abusé par ses conseillers anglophones, « concédait » des droits miniers à la British South Africa Company (BSAC) de Cecil Rhodes, sur les territoires du Matabeleland, au sud du fleuve Zambèze. Croyant signer un droit de passage, il paraphait en fait l'annexion de son royaume. La BSAC obtenait ensuite du gouvernement britannique une charte l'autorisant à administrer les territoires conquis en Afrique australe.
En 1890, la Pioneer Column dirigée par Leander Starr Jameson et conduit par Frederick Selous débutait l'entreprise de colonisation avec la fondation de Fort Salisbury, qui deviendra plus tard Harare, la capitale du pays.
En novembre 1893, les troupes ndébélés de Lobengula, entrées en guerre contre les Britanniques, étaient vaincues. Bulawayo, la capitale Ndébélé, incendiée par Lobengula en fuite, était capturée. Le roi ndébélé décédait six mois plus tard de la variole.
En 1895, les territoires gérés par la BSAC furent alors divisés en Zambézie du Nord et Zambézie du Sud. La première fut ensuite partagée pour devenir la Rhodésie du Nord et le Nyassaland alors que la seconde prenait le nom de Rhodésie du Sud1. Leur nom de baptême rendait hommage à Cecil Rhodes, principal artisan de l’expansion européenne au nord du Limpopo.
Rhodes, qui avait fait fortune dans l’extraction de minerai et dont l'ambition était d’étendre l’influence de l’Empire britannique du Cap au Caire, fonda des colonies sur le territoire de la future Rhodésie du Sud et finança des expéditions visant à annexer les terres situées au nord du Zambèze à la couronne britannique.2
Rhodes est resté dans l'imaginaire britannique et sud-africain comme l'archétype de l'homme d'affaires impitoyable, un impérialiste nationaliste. Sa devise personnelle « So much to do, so little time… » (Tant de choses à faire, si peu de temps…) est restée célèbre.3
En janvier 1896, les ndébélés déclenchèrent la « Chimurenga » (rébellion ou guerre de libération) pour protester contre leurs conditions de vie imposées par les Britanniques. Suite à une vague de crimes sans précédent contre les blancs des districts isolés du Matabéléland, les colons se réfugièrent dans les enceintes de Bulawayo, Gwelo, Belingwe et Tuli. En juin, le Mashonaland était gagné par la révolte. Les troupes impériales britanniques, stationnées ordinairement au Natal, eurent la charge de dégager Bulawayo et les villes assiégées. Sous les pressions du gouvernement de Londres, Rhodes, résistant à l'appel à l'extermination demandé par les colons, vint en personne, au milieu des collines de Matopos, négocier un armistice avec les chefs Ndébélés le 21 août 1896. Deux mois plus tard, la paix était signée. Les shonas continuèrent de résister mais en vain.
Par ordre en concile du 20 octobre 1898, un conseil exécutif et un conseil législatif furent créés pour concilier les intérêts des colons et de la BSAC.
Par ailleurs, des réserves avaient été créées à l'usage exclusif des indigènes où aucun Européen ne pouvait pénétrer à l'exception des autorités civiles et des missionnaires. Ces derniers approuvaient cette ségrégation territoriale car ils y voyaient des « terres de mission » où ils pouvaient construire des écoles, des dispensaires, des hôpitaux, des fermes, des églises et enseigner la religion du Christ.
En 1902, Cecil Rhodes meurt au Cap.
En 1914, la charte de la BSAC arriva à terme. Les colons parvinrent à ce qu'elle soit renouvelée pour 10 ans avec une clause réservée prévoyant l'autonomie des territoires avant la fin de la décennie. En une petite trentaine d'années, les colons étaient parvenus à construire des villes, à ouvrir des routes, défricher la brousse et irriguer des terres arides. Le chemin de fer qui partait du Cap avait relié Bulawayo dès 1890, puis franchit les Chutes Victoria pour atteindre le Katanga en 1907. Des lignes indépendantes relaient Bulawayo, Salisbury et Beira au Mozambique. Des mines d'or, d'amiante, de charbon et de chrome furent mises en exploitation alors que, tout comme l'élevage bovin, l'agriculture (tabac, céréales) se développait.
Les shonas et les ndébélés ne profitaient que très peu de cette expansion économique et industrielle et continuaient à vivre selon une économie traditionnelle, ne retirant de la terre que le nécessaire à leur survie. Cependant, les colons, trop peu nombreux, étaient tributaires de leur force de travail. Le Masters and Servants Act du 29 novembre 1901 institua ainsi des contrats de travail, écrits ou oraux, conclus pour un mois, sans salaire minimum garanti.
En 1922, après de violentes querelles entre colons et la BSAC, les Blancs de Rhodésie réclamèrent leur émancipation et l'autonomie politique. Consultés par référendum, ils écartèrent le rattachement à l'Afrique du Sud.
L'émancipation de la Rhodésie du Sud (1923-1953)
En 1923, la Rhodésie du Sud devint une colonie de la Couronne britannique. Un gouvernement autonome, dirigé par Charles Coghlan, était chargé à Salisbury, la capitale, de la gestion du territoire alors que la Rhodésie du Nord et le Nyassaland demeuraient sous le contrôle du Colonial Office. Le parlement britannique conservait le droit d'intervenir dans la législation interne au titre des clauses réservées (dont celui au titre de la protection des droits indigènes). Le but était de transformer la Rhodésie du Sud, dont la population blanche était nettement plus importante, en un dominion comparable à l'Union de l'Afrique du Sud. Bien que la colonie fût encore officiellement non raciale, le droit de vote se fondait sur la citoyenneté britannique et les revenus annuels, des conditions que très peu de Noirs pouvaient remplir.
Dans les années 1930, un régime ségrégationniste fut officiellement instauré avec la loi de répartition des terres (Land apportionnement Act) alors qu'en 1934, une loi établissait une législation sociale ségrégationniste, interdisant aux Noirs l'accès à certaines professions ou l'implantation dans des zones déclarées blanches. Ainsi le territoire était divisé entre zone blanche, les réserves, les fonds d'achat indigène, les terres des missions et les terres de la couronne. Au total, la superficie allouée aux Noirs était sensiblement égale à celles des Blancs mais ces derniers étaient dix fois moins nombreux que les Africains. La réserve indigène allait cependant se révéler totalement insuffisante pour une population en pleine croissance démographique.
L'opposition africaine à cette politique ségrégationniste se constitua lentement et ce n'est que dans les années 1940 qu'elle vit le jour, d'autant plus que le développement économique de la Rhodésie du Sud avait considérablement accru le revenu national brut de la colonie mais les 3/4 de celui-ci allaient au secteur blanc contre 1/4 au secteur noir (92 % de la population). Ainsi en 1949, une enquête de l'ONU révéla que la Rhodésie du Sud était l'un des territoires où la disparité des revenus était l'une des plus élevées du monde, où le revenu annuel d'un africain était de 31 $ contre 1 170 $ pour un rhodésien d'origine européenne.
Contrairement à leurs compatriotes de Rhodésie du Nord, les Noirs de Rhodésie du Sud ne jouissaient pas du droit de grève, ne pouvaient adhérer à un syndicat ou à un parti politique et leurs droits fonciers étaient peu respectés.
Au début des années 1950, la Rhodésie du Sud comptait alors plus de deux millions d'habitants dont 200 000 Blancs (soit précisément un Blanc pour 13 Noirs).
La fédération de Rhodésie et du Nyassaland (1953-1963)
En 1953, le statut des territoires rhodésiens change de nouveau avec leur intégration dans la Fédération d'Afrique centrale. Le gouvernement britannique choisit ainsi d'expérimenter une union administrative et économique de ses colonies d'Afrique centrale en les réunissant sous le contrôle d'un gouvernement fédéral avec pour objectif le développement économique de la région et tenter de mettre un frein aux aspirations nationalistes des Noirs. Ceux-ci disposaient théoriquement du droit de vote mais les conditions pour y accéder étaient tellement drastiques que moins de mille d'entre eux possédaient alors une carte d'électeur.
En 1960, lors de la conférence sur la révision de la constitution fédérale provisoire de 1953, les représentants africains dénoncèrent l'intransigeance et le racisme des colons blancs de Rhodésie du Sud. Ils engagèrent alors des pourparlers directs avec le gouvernement britannique pour obtenir l'indépendance des 3 colonies.
En juillet 1961, une nouvelle constitution fut proposée par référendum aux 80 000 électeurs sud-rhodésiens. Elle fut approuvée par les seuls électeurs blancs alors que les 4 000 électeurs noirs s'abstenaient.
Le dirigeant nationaliste noir, Joshua Nkomo, créait alors la Zimbabwe African People's Union (ZAPU) alors que peu de temps après, un autre dirigeant noir, Robert Mugabe, fondait la Zimbabwe African National Union (ZANU). Tous deux réclamaient l'égalité raciale, le droit de vote et l'indépendance du pays qu'ils appelleraient Zimbabwe en référence aux ruines pré-coloniales de « Grand Zimbabwe ».
En mars 1962, le Front rhodésien (Rhodesian Front - RF) est créé par des Blancs conservateurs. En décembre 1962, ce RF, emmené par Winston Field, remporta les élections générales sud-rhodésiennes.
Au début de l'année 1963, la Grande-Bretagne reconnaissait le droit au Nyassaland de quitter la fédération désormais condamnée. Le 29 mars 1963, la même décision fut prise pour la Rhodésie du Nord. Le 31 décembre 1963, la fédération de Rhodésie et de Nyassaland était officiellement dissoute.
La déclaration unilatérale d'indépendance de la Rhodésie
En 1964, la Rhodésie du Sud était redevenue une colonie autonome. Ian Smith, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, avait succédé à Field à la direction du gouvernement le 13 avril 1964 avec la mission de maintenir les privilèges de la minorité blanche (8 % de la population).
Après les indépendances du Nyassaland (rebaptisé Malawi) et de la Rhodésie du Nord (Zambie), Smith obtint de ses électeurs un blanc-seing pour négocier l'avenir de la Rhodésie par le biais d'un référendum, par le soutien obtenu des grands chefs de tribus puis par la victoire totale du Front Rhodésien aux élections générales du 7 mars 1965.
Mais les négociations tournèrent court avec le gouvernement britannique. Pour éviter une indépendance imposée par Londres, le gouvernement colonial prit alors l'initiative le 11 novembre 1965 de déclarer unilatéralement son indépendance (Unilateral Declaration Of Independance – UDI).
Le gouvernement britannique non seulement déclara l'UDI illégale mais il prononça la dissolution du gouvernement rhodésien et la reprise directe du contrôle de l'administration de sa colonie par le gouverneur général. Ses décisions n'eurent cependant aucun effet à l'intérieur des frontières de la Rhodésie. Le Royaume-Uni s'en remit alors à l'ONU et prôna des sanctions économiques « non punitives ». Aux Nations unies, les résolutions se succédèrent condamnant fermement l'UDI et enjoignant les gouvernements à ne pas reconnaître le nouvel État. En 1968, la première résolution imposant des sanctions obligatoires totales fut votée par le Conseil de sécurité, mais certains États, comme l'Afrique du Sud, le Portugal, Israël où les États-Unis prirent des dispositions non contraignantes permettant de contourner ces sanctions.
La République de Rhodésie (1970-1979)
Le 3 mars 1970, la république est proclamée en Rhodésie, sur le modèle du régime parlementaire de Westminster. Les critères pour être électeurs étant très stricts, il n'y avait en 1970 que 8 000 Africains (sur 5 millions) bénéficiant du droit de vote afin d'élire 16 députés noirs alors que 82 300 Blancs (sur 256 000 Rhodésiens) élisaient 50 députés blancs. Cette iniquité civique se retrouvait dans la répartition géographique du territoire où 7 % de Blancs détenaient 49 % des terres. Les 92 % restant de la population (les Noirs) se partageaient 51 % de terres au titre des « réserves indigènes ». Les mouvements noirs de libération étaient interdits et leurs chefs régulièrement emprisonnés.
Les Nations unies continuèrent d'organiser l'isolement international de la Rhodésie mais de nombreux États et des sociétés internationales contournaient discrètement les sanctions. La richesse du sous-sol rhodésien en métaux rares était utile pour les industries occidentales.
Le 25 août 1975, John Vorster, premier ministre d'Afrique du Sud et Kenneth Kaunda, président de la Zambie, entreprenaient de concert une rencontre au sommet entre Ian Smith et les dirigeants noirs des mouvements de guérilla dont la lutte s'était intensifiée depuis 1972. La rencontre eut lieu dans un wagon sud-africain stationné sur un pont situé au-dessus des chutes Victoria à la frontière entre la Zambie et la Rhodésie. Au bout de neuf heures d'entretien, cette conférence entre Smith, Abel Muzorewa, Joshua Nkomo, le révérend Ndabaningi Sitholé, et Robert Mugabe se solda par un échec.
En 1976, soutenu par les États-Unis, Vorster, inquiet de l'évolution politique de l'Angola et du Mozambique deux anciennes colonies portugaises indépendantes depuis l'année précédente entreprit de convaincre Smith d'accepter un compromis avec les nationalistes noirs modérés. Ce compromis débouche sur les accords de Salisbury du 3 mars 1978, signés entre Ian Smith et trois dirigeants africains modérés. Le 21 mars 1978, le premier gouvernement multiracial de Rhodésie était formé avec un conseil exécutif réunissant les signataires de l'accord.
En septembre 1978, la situation sur le terrain dégénère démontrant la vulnérabilité de la société civile. Ainsi, le 3 septembre, un avion de ligne d'Air Rhodesia, avec à son bord 59 passagers et membres d'équipage, est abattu peu de temps après son décollage de l'aéroport du lac Kariba par des missiles sol-air tirés par la guérilla de la ZIPRA. Sur les 18 survivants, 10 sont ensuite massacrés à la kalachnikov par les membres de la guérilla. Joshua Nkomo revendiqua la destruction en vol de l'avion mais nia que les survivants aient été abattus par ses hommes.
En janvier 1979, une nouvelle constitution est ratifiée par les 3 % de Rhodésiens blancs. Ceux-ci disposeraient d'un quota de 28 sièges de députés sur 100. La constitution fut néanmoins désavouée par tous les autres mouvements noirs, les Nations unies et la Grande-Bretagne.
En avril 1979, les premières élections multiraciales eurent lieu. Le parti d'Abel Muzorewa remporta 51 des 100 sièges alors que le Front rhodésien remportait les 28 sièges réservés aux Blancs.
Le Zimbabwe-Rhodésie (1979)
Le 1er juin 1979, Abel Muzorewa devenait le premier Premier ministre noir de la nouvelle Zimbabwe-Rhodésie. Le premier président noir nommé fut Josiah Gumede et succéda au dernier président blanc du pays et un nouveau drapeau national adopté en septembre.
Ian Smith restait ministre dans le nouveau gouvernement qui comprenait 12 ministres noirs et 5 ministres blancs.
Pour l’Afrique du Sud, il s’agissait d’un gouvernement noir modéré mais pour les Nations unies, ce n’était qu’un nouveau régime discrédité et illégitime. L’absence de reconnaissance internationale et la pression de la guérilla empêcha le nouveau gouvernement d’asseoir sa légitimité d’autant plus que Smith restait l’homme fort du régime au sein du gouvernement.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, ce n’était que de justesse cependant que les demandes de levée des sanctions contre la Rhodésie étaient rejetées. Aux États-Unis, c’est d’ailleurs le président Jimmy Carter qui refusa la levée des sanctions pourtant votée par le Sénat américain le 12 juin 1979 par 75 voix contre 19. Le Sénat tenta de passer outre mais la Chambre des représentants rejoignit la position du président américain qui estimait que les élections d’avril 1979 n’avaient été « ni équitables ni justes » ce qu’il confirma de vive voix à Muzorewa lors de sa visite à Washington le 11 juillet 1979.
Au Royaume-Uni, Lord Carrington, le nouveau secrétaire britannique au Foreign Office, déclara pourtant que le gouvernement de Muzorewa était « l’autorité légitime » de la Rhodésie du Sud et qu’il fallait l’aider.
Constatant l’échec de son projet de constellation d’États amis, le gouvernement du nouveau premier ministre sud-africain Pieter Willem Botha poussa alors Muzorewa et Smith à revenir de nouveau à la table des négociations avec le Royaume-Uni et les autres partis noirs d’oppositions.
Si les sanctions ne firent pas plier la Rhodésie du Sud, elles l’avaient considérablement affaiblie au bout de quinze ans. De plus, le harcèlement des mouvements de guérilla avait fini par lasser une population blanche dont le solde migratoire était devenu négatif depuis 1975.
La fin de l'utopie rhodésienne (1979-1980)
En septembre 1979 s’ouvrirent des négociations au Royaume-Uni entre le gouvernement britannique, le gouvernement de Muzorewa et les mouvements de libération noir (ZANU, ZAPU, etc). Les négociations sont ardues et pour éviter tout blocage, notamment de la part du Front patriotique, le parlement britannique vota en novembre une loi conférant au gouvernement britannique le droit d’amener unilatéralement le Zimbabwe-Rhodésie vers l’indépendance.
Au 30 novembre, la guerre du Bush de Rhodésie du Sud avait déjà fait 19 500 victimes chez les Noirs (10 300 guérilleros et 7 500 civils) et 953 victimes chez les Blancs et les forces de sécurité (480 soldats sud-rhodésiens blancs ou noirs, 473 civils blancs).
Le 12 décembre 1979, dix ans après le début de la guérilla et vingt mille morts, l'ex-colonie rebelle accepta qu'un nouveau gouverneur soit nommé mettant fin à 14 années d'indépendance convulsive. Le gouvernement britannique nomma Lord Soames gouverneur général de la colonie de Rhodésie du Sud avec les pleins pouvoirs.
L’Union Jack était de nouveau hissé à Salisbury en lieu et place du drapeau de Zimbabwe-Rhodésie marquant le retour effectif de la souveraineté britannique sur sa colonie rebelle. La Grande-Bretagne regagne ainsi son prestige entamé par deux guerres mondiales et la décolonisation.
Le 21 décembre 1979, les accords de Lancaster House prévoyaient l’instauration d’un régime parlementaire, le maintien au parlement pendant sept ans de vingt sièges sur cent réservés aux Blancs et l’interdiction pendant dix ans de procéder à une nationalisation forcée de la propriété privée. Cependant, une redistribution pacifique des terres avec indemnisation conséquente était encouragée, avec les garanties apportées par le Royaume-Uni. Les accords de Lancaster House furent ratifiées par la Chambre des communes sous le nom de Zimbabwe Act alors que le conseil de sécurité des Nations unies décidait parallèlement de la levée de toutes les sanctions votées contre la Rhodésie du Sud.
Le cessez-le-feu entra en vigueur à partir du 28 décembre 1979 et fut effectif à partir du 4 janvier 1980 sous le contrôle de 1 200 hommes du contingent du Commonwealth. Le 6 janvier 1980, l’armée sud-rhodésienne fut autorisée à assister la police dans le maintien de l’ordre suite à la persistance de l’insécurité et au développement du banditisme.
À partir du 21 janvier 1980, quelque 240 000 réfugiés dans les pays limitrophes commencèrent à rejoindre la Rhodésie du Sud alors que 18 500 guérilléros rejoignaient les seize points de ralliements désignés pour leur assignation.
La campagne électorale limitée à six semaines fut traversée d’actes de violence et d'intimidation de la part du parti de Robert Mugabe. Soames choisit cependant de ne pas disqualifier le ZANU de Mugabe alors même que l'accord de Lancaster House prévoyait d'écarter les partis se livrant à l'intimidation. Robert Mugabe fut par ailleurs l’objet de deux tentatives d’assassinat.
Les élections eurent lieu le 14 février 1980 pour les vingt sièges réservés à la population blanche remportées dans leur totalité par le Front rhodésien de Ian Smith.
Du 27 au 29 février 1980, le vote se tint pour les 80 sièges réservés aux Noirs. Le président de Tanzanie, Julius Nyerere, dans l’attente du résultat définitif des élections, prévint alors qu’il ne reconnaîtrait qu’un gouvernement issu du Front patriotique et en aucun cas issu du Zimbabwe-Rhodésie. À la surprise générale, ce fut le parti le plus radical, le ZANU-Front patriotique de Robert Mugabe, qui remporta l’élection avec 62,9 % des voix (57 sièges) reléguant loin derrière son rival de la ZAPU de Joshua Nkomo (25 % des voix et 20 sièges) ainsi que l’UANC d’Abel Muzorewa (8 % des suffrages et 3 sièges).
Le 4 mars 1980, Robert Mugabe, un chrétien marxiste, fut désigné pour le poste de Premier ministre par Lord Soames. Il constitua un gouvernement de Front national incluant deux Blancs : Dennis Norman à la tête du ministère de l’Agriculture et David Smith à la direction du ministère de l’industrie et du Commerce.
Le 18 avril 1980, l’ancienne Rhodésie du Sud accédait une nouvelle fois à l’indépendance sous le nouveau nom de Zimbabwe. Le nouvel État fut accueilli chaleureusement par la communauté internationale. Le nouveau président de la République du Zimbabwe était Canaan Banana, un modéré. Le Zimbabwe rejoignait immédiatement les Nations unies puis le Commonwealth et dès septembre 1980, rompit ses relations diplomatiques avec l’Afrique du Sud tout en maintenant des relations économiques et commerciales assez étroites.
Le Zimbabwe de 1980 à 2000
Le nouveau gouvernement de Robert Mugabe donnait une impression d'unité nationale. Deux Blancs, par ailleurs anciens ministres dans les gouvernements de Ian Smith, avaient été nommés aux postes sensibles de l'agriculture et de l'industrie. L'ancien Premier ministre libéral Garfield Todd, emprisonné sous Smith, fut nommé sénateur et Joshua Nkomo, le frère ennemi, était nommé au gouvernement. Le général Peter Walls, chef de l'armée nationale rhodésienne, était maintenu à son poste et pilotait la fondation de l'armée nationale du Zimbabwe en intégrant les anciens guérilleros de la ZANLA et de la ZIPRA. Mugabe affirmait alors vouloir se démarquer des exemples désastreux du Mozambique ou de Tanzanie. Ses premières mesures symboliques furent l'augmentation générale des salaires et la mise en place de nouveaux programmes sociaux axés sur l'éducation et la santé.
Entre 1980 et 1985, la population blanche passa néanmoins de 225 000 à moins de 100 000 personnes. La minorité blanche n'allait plus peser sur la vie politique du pays puisqu'il lui était interdit de participer à toute coalition parlementaire visant à sanctionner le gouvernement.
Économiquement, cette minorité continuait cependant de peser. Ainsi, 4500 fermiers de souche européenne exploitaient 49 % des terres agricoles permettaient au pays de garder son autosuffisance alimentaire et d'être contributeur au Programme alimentaire mondial. Mais il y avait 200 000 fermiers noirs qui réclamaient des terres à cultiver et dont les revendications n'allaient cesser de mettre le gouvernement sous pression. Ainsi, dès la première année de l'indépendance, des manifestations anti-blancs, réclamant la redistribution des terres, dégénèrent. En septembre 1980, les deux statues de Cecil Rhodes érigées devant le parlement de Salisbury et dans le centre de Bulawayo, furent déboulonnées par une foule en furie, exigeant une redistribution immédiate des terres et l'expulsion de tous les Blancs.
L'Afrique du Sud voisine jouait néanmoins un rôle, le régime d'apartheid lançant de temps en temps des raids contre les bases de l'ANC sur territoire zimbabwéen face aux troupes zimbabwéennes impuissantes.
C'est cependant la rivalité entre la ZANU et la ZAPU qui débouche sur une dégradation générale et un conflit armé sanglant. Dès 1981, Nkomo avait été évincé du gouvernement et plusieurs de ses partisans arrêtés. Le conflit politique se calquait sur un conflit ethnique. Mugabe était un Shona (comme ses 62,9 % d'électeurs) et Nkomo un ndébélé (comme l'essentiel de ses électeurs).
Après la découverte de caches d'armes clandestines de la ZAPU, des activités de guérilla reprirent dans le Matabeleland. Nkomo fut accusé de trahison. En janvier 1983, Mugabe envoyait la cinquième brigade, formée par la Corée du Nord, pour rétablir l'ordre au Matabéléland. Des milliers de civils furent massacrés et des villages rasés. Nkomo s'enfuit alors en Angleterre. Ce ne fut qu'en 1988, et après 25 000 civils tués, que la réconciliation Nkomo-Mugabe met fin au conflit, assurée par une amnistie et la fusion entre la ZANU et la ZAPU dans la ZANU-Front patriotique.
En 1987, les Blancs de l'Alliance conservatrice du Zimbabwe (Conservative Alliance of Zimbabwe - CAZ), l'ex-front rhodésien, perdirent leur représentation assurée de 20 députés et furent éliminés du parlement. Leurs sièges furent mis à disposition du gouvernement qui nomma une vingtaine de députés. La coalition gouvernementale se retrouva alors avec le soutien de 99 députés sur 100. Détenant ainsi les pleins pouvoirs, Robert Mugabe fit modifier la constitution afin d'instituer un régime présidentiel, supprimant le poste de Premier ministre et reprenant le titre de président à son compte. Joshua Nkomo devint alors l'un des deux vice-présidents du Zimbabwe. Bien que représentant 1 % de la population, les Zimbabwéens blancs continuaient néanmoins de diriger l'économie en assurant 80 % du PNB.
Cependant, dès la fin des années 1980, le régime apparaissait comme corrompu et la profession de foi socialiste des principaux dirigeants de la ZANU masquait de plus en plus mal la recherche par ceux-ci de grands profits financiers. En 1988, le pouvoir fut impliqué dans le scandale de l'usine d'assemblage automobile de Willowvale. La corruption fut alors dénoncée par une presse encore libre et par les étudiants de l'Université de Zimbabwe. Se sentant menacé, le régime répondit rapidement en supprimant ses subventions à l'Université et en renforçant son contrôle politique.
Le démantèlement de l'apartheid en Afrique du Sud et l'effondrement de l'URSS eurent de profonde répercussion au pays, poussant le régime et l'opinion nationale à se tourner vers le libéralisme et le multipartisme renforçant le pouvoir des 100 000 Blancs restants et augmentant les contestations au régime (grèves, manifestations) et le désir d'expulser les Blancs.
En 1990, le basculement vers l'autoritarisme fut confirmé alors que s'abattait la répression contre tous ceux susceptibles d'animer un mouvement d'opposition, qu'ils soient Blancs ou Noirs. Ainsi, les élections de mars 1990 furent entachées de multiples fraudes favorisant les candidats gouvernementaux. Le ZUM (Mouvement uni du Zimbabwe) d'Edgar Tekere, principal force d'opposition libérale et démocrate, alors en pleine croissance fut victime d'un redécoupage électoral tendancieux. Son candidat le plus prometteur, Patrick Kombayi à Gweru, fut la victime d'une tentative de meurtre qui obligea tous les autres candidats du ZUM à tenir profil bas
Robert Mugabe fut encore réélu en 1996 avec 92 % des suffrages à la présidence de la république, après le retrait de ses deux opposants.4
L’« offensive » de Mugabe
En 1997, les masses pauvres du Zimbabwe, écrasées depuis longtemps par une misère croissante, en avaient plus qu’assez : des paysans se mirent spontanément à occuper des terres de fermiers blancs. Des anciens combattants de la guerre de libération, qui vivaient dans la pauvreté depuis des années, se mirent à exiger leur dû, encouragés par des démagogues en mal de troupes. Ils firent des manifestations dans les principales villes du pays, bloquèrent les offices publics et occupèrent des fermes et des usines. Qui plus est, dans la même période, la classe ouvrière urbaine qui avait été le groupe social le plus touché par les mesures d’austérité prises par Mugabe sur les injonctions du FMI, montrait également sa combativité et les grèves se multipliaient.
Tenu responsable pour tous les maux du pays et discrédité par la corruption de son régime, Mugabe avait absolument besoin de retrouver un certain crédit s’il voulait se maintenir au pouvoir. Il choisit de le faire sur le terrain de la question agraire, qui lui paraissait sans doute moins risqué, ne serait-ce que parce qu’il était relativement facile au régime d’encadrer la population rurale. Il se mit donc à tenir des discours musclés soutenant implicitement les occupations de fermes et annonça que 5 millions d’hectares supplémentaires de terres appartenant à 1 503 fermes commerciales allaient être réquisitionnés sans compensation immédiate.
Après avoir poussé les hauts cris face au projet de Mugabe, les puissances occidentales organisèrent en 1998 une conférence internationale de pays donateurs d’aide et finirent par donner leur aval à une version réduite de ce projet tout en s’engageant à aider au financement des indemnités versées aux fermiers commerciaux. Le but de cette tactique était d’obtenir de Mugabe qu’il soumette sa politique aux exigences de l’impérialisme et il le fit sans rechigner. Mais quand les gouvernements occidentaux durent joindre le geste à la parole, tous trouvèrent de bonnes raisons pour ne pas fournir l’aide promise.
De sorte que trois ans après le début de l’« offensive » agraire de Mugabe, en 2000, la majorité des fermes dont l’expropriation avait été annoncée en 1997 n’avaient toujours pas changé de mains. En fait, la situation globale n’avait pour ainsi dire pas bougé en dix ans : 4 500 fermiers commerciaux blancs continuaient d’occuper plus de 11 millions d’hectares de terres.
Or, les élections législatives approchaient et le mécontentement grandissait. Mugabe relança donc le cours démagogique amorcé trois ans plus tôt. En mars 2000, les occupations de fermes reprirent, mais avec bien plus de violence, en particulier celles encadrées par les groupes d’anciens combattants qui, cette fois, semblaient suivre les consignes de Mugabe. Puis, en juillet 2000 en pleine campagne électorale, Mugabe annonça le lancement d’un programme « accéléré » de redistribution des terres. Il précisa qu’il allait atteindre l’objectif fixé en 1997 et rattraper le temps perdu et du même coup, espérait-il sans doute, récupérer une partie de son crédit politique perdu. Une nouvelle liste de fermes « réquisitionables » fut publiée, non sans de laborieux marchandages. Cette fois elle comptait deux fois plus de fermes qu’en 1997 (3041 exactement) mais qui couvraient une superficie 30 % inférieure (3,5 millions d’hectares). L’annonce électorale de Mugabe cachait donc un recul par rapport aux promesses de 1997.
En fait de programme « accéléré », tout resta gelé. Les fermiers commerciaux restèrent cramponnés à leurs propriétés et des fermes « réquisitionables » continuèrent à être occupées par des paysans pauvres encadrés par des groupes d’anciens combattants arguant qu’ils ne faisaient qu’appliquer les décisions du gouvernement.
En mai 2002, après deux ans de blocage, Mugabe eut de nouveau recours à des mesures délibérément spectaculaires, mais qui ne firent que démontrer une fois de plus son manque de volonté politique. Ainsi 2 900 fermiers commerciaux reçurent l’ordre de cesser toute activité agricole au 24 juin et de quitter leurs terres pour le 8 août. Mais nombre d’entre eux n’en firent rien et s’en tirèrent avec une amende ou, au pire, une libération sous caution. Entre temps, un jugement de la Haute Cour avait annulé certains ordres d’expulsion pour vice de forme et la Cour suprême avait décidé d’examiner la « constitutionalité » du processus d’expulsion lui-même. Et, une fois de plus, Mugabe se plia sans protester à cette machine judiciaire toute dévouée aux fermiers commerciaux, de sorte que toute l’opération était désormais remise en question.
Derrière la « démagogie » de Mugabe
Quel est le bilan de la réforme agraire au Zimbabwé ? En 22 ans, seuls quelque 3,7 millions d’hectares ont été redistribués, soit moins d’un quart de la superficie contrôlée par les fermiers commerciaux lors de l’indépendance. Malgré tout le bruit fait autour des occupations de fermes qui, en fin de compte, n’ont pas touché plus de 250 à 300 propriétés les projets de Mugabe laisseront quand même une part de choix aux plus gros fermiers commerciaux puisqu’ils garderont de toute façon la bagatelle de 6 millions d’hectares.
Mais c’est justement là l’escroquerie que cache la saga de la « réforme agraire » façon Mugabe escroquerie qu’illustre fort bien le cas des 820 000 hectares de terres appartenant au groupe contrôlé par la famille Oppenheimer (Anglo-American, De Beers et leurs filiales). En mars 2002 des milliers de paysans pauvres ont tenté d’occuper l’immense ferme de Debshan (acronyme de De Beers-Shangani) et ses 137 000 hectares qui servent à l’élevage de bétail et de gibier. Cette ferme avait déjà été déclarée « expropriable » en 1997. Mais à l’époque, les Oppenheimer avaient obtenu de Mugabe que cette ferme soit rayée de la liste moyennant un « prêt » de 200 000 dollars en guise d’aide aux paysans pauvres et la cession de 40 000 hectares de terres à l’État, soit moins de 5 % du domaine de la famille Oppenheimer.
Lorsque des paysans pauvres vinrent occuper la ferme Debshan, le régime dut intervenir. Le vice-président Msika entra en scène pour indiquer que « l’État ne tolérera pas d’occupation du domaine qui ne ferait qu’aggraver la situation ». Et la ferme Debshan a servi de vitrine à l’État de Mugabe, pour montrer aux pays occidentaux combien il peut se montrer « raisonnable » lorsqu’il négocie avec des propriétaires étrangers.
Il faut dire qu’aux yeux de Mugabe la famille Oppenheimer mérite bien un tel respect, car elle possède bien d’autres actifs au Zimbabwé : par exemple, Nickel Bindura (extraction et raffinage de nickel), Zimbabwé Alloys (extraction et raffinage de ferrochrome), plusieurs mines d’or, Mazoe (extraction de sulfure de fer). Elle possède aussi Hippo Valley Sugar, l’une des deux grosses entreprises qui produisent la quasi-totalité du sucre du pays.
Les concessions que Mugabe a faites aux Oppenheimer ne sont qu’un exemple, mais combien significatif, de son respect pour les trusts impérialistes et leurs représentants un respect qui n’a d’égal que son mépris vis-à-vis des centaines de milliers de travailleurs agricoles pauvres et de leurs familles des fermes réquisitionnées, qu’il s’est contenté de chasser sans se soucier le moins du monde de leur avenir.
La montée du mécontentement
Comme la plupart des économies africaines, l’économie du Zimbabwe est au bord de la banqueroute. En 2002, la dette extérieure s’élève à 4,1 milliards de dollars américains. L’inflation s’est fortement accrue, passant de 30 % en 1997 à 123 % en 2002. Le taux de chômage s’est, lui aussi, envolé. 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté officiel. De plus, le Sida décime la population (déjà en 1999, 1,5 million de personnes étaient séropositives et la maladie s’était développée chez 160 000 individus). Les denrées alimentaires de base sont hors de prix, et ce, malgré le contrôle des prix entré en vigueur en octobre 2002. Certaines denrées deviennent de plus en plus difficiles à trouver. À cette période, alors que l’Afrique australe a été touchée par la plus forte sécheresse depuis vingt ans, la moitié de la population du Zimbabwe risque de connaître la famine, si l’aide nécessaire n’arrive pas. Cela tient en partie au fait que 70 % du maïs (le produit alimentaire de base dans la population pauvre) sont cultivés par des petits fermiers noirs, qui sont les plus affectés par la sécheresse faute de pouvoir se payer des systèmes d’irrigation.
Cette situation est le produit d’une longue dégénérescence qui a débuté à la fin des années quatre-vingt. Comme dans beaucoup de pays du tiers-monde, l’industrie manufacturière stagnait ou reculait faute de capitaux tandis que s’enflait la sphère financière. En 1989, la Banque mondiale considérait que le marché des capitaux du Zimbabwe était potentiellement plus rentable que ceux de la Corée, de l’Inde et même de Singapour. Mais plutôt que d’essayer de protéger le pays contre les prédateurs financiers, Mugabe chercha à augmenter l’afflux de capitaux spéculatifs. Le gouvernement se plia donc aux exigences du FMI en prenant des mesures d’austérité, contrepartie habituelle de l’« aide » de ce dernier. En particulier, le train de mesures de déréglementation et d’austérité introduites en 1991 entraîna une diminution de 25 % du nombre des fonctionnaires, la suppression de toute protection légale pour les salariés, du contrôle des prix, des changes et des taux d’intérêts, des restrictions aux importations et aux investissements étrangers et des subventions publiques. De toutes les mesures exigées par le FMI, seule la privatisation des entreprises d’État ne fut pas appliquée.
Non seulement ces mesures ne redonnèrent pas vigueur à l’économie, contrairement à ce que Mugabe avait promis, mais la chute des cours mondiaux des matières premières entraîna le pays sur une pente de plus en plus glissante. Le processus de désindustrialisation ravagea le secteur du textile, dont la production baissa de 64 % au cours des années quatre-vingt-dix, tandis que la production sidérurgique baissait de 35 %, celle des équipements de transport de 31 % et la confection de 28 %.
D’après la centrale syndicale ZCTU (Zimbabwe Congress of Trade Unions), le salaire réel chuta de 40 % entre 1990 et 1996. Mais la baisse des salaires n’entraîna pas de création d’emplois ; au contraire, les entreprises se contentèrent d’augmenter l’intensité du travail et continuèrent à licencier. Harare connut des émeutes de la faim en 1993 et en 1995. En 1996, les salariés du secteur public se mirent en grève dans tout le pays et les travailleurs agricoles entrèrent en lutte à leur tour en 1997.
Puis vint le 14 novembre 1997, le « vendredi noir » du Zimbabwe, quand le pays reçut l’onde de choc de la crise financière qui avait éclaté en Asie du Sud-Est quatre mois plus tôt. Le dollar zimbabwéen perdit 74 % de sa valeur et la banque centrale du Zimbabwe ne réussit à lui faire retrouver son cours antérieur qu’en obligeant toutes les entreprises étrangères à convertir en monnaie nationale leurs comptes en devises. Cela n’empêcha pas les investisseurs étrangers de fuir la Bourse du Zimbabwe qui connut un krach à la fin novembre.
Du fait de sa crise monétaire, le Zimbabwe se trouva menacé de cessation de paiement sur les intérêts de sa dette extérieure. Pour couronner le tout, les cours mondiaux des matières premières exportées par le Zimbabwe (or, tabac, lithium, coton, fleurs et agrumes) enregistrèrent une nouvelle chute vertigineuse. Entre 1997 et 2001, ces exportations chutèrent de 20 à 50 % en valeur. De sorte que dès 1999, Mugabe décida de ne plus assurer le service de la dette. Les arriérés d’intérêts impayés avaient atteint 1,25 milliard de dollars fin 2001.5
Mugabe contesté
Lors de l'élection présidentielle de mars 2002, Mugabe fut sérieusement accroché par le chef du MDC. Grâce à une fraude électorale massive constatée par les observateurs internationaux, il arriva néanmoins à se maintenir au pouvoir avec 56 % des voix contre 41,9 % à son adversaire.6
En août 2003, alors qu’allait s’ouvrir le « Sommet de la Terre » de Johannesburg, George Bush annonçait sa décision d’ajouter le Zimbabwe à la liste des « États voyous » dont les régimes déplaisent aux dirigeants américains. Faisant référence à la réélection du président Mugabe à la tête du pays, Walter Kansteiner, secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines de l’administration Bush, déclarait notamment : « Pour nous, le président Mugabe n’est pas un chef d’État démocratiquement élu.(...) Le statu quo politique est inacceptable car les élections ont été entachées de fraude ».
En tant qu’ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne n’avait pas attendu le signal de Washington. Suite à la réélection de Mugabe, elle avait déjà suspendu le Zimbabwe des institutions du Commonwealth. Mais pour ne pas être en reste après les déclarations de Bush, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères de Blair renchérissait en déclarant que Mugabe ne valait pas mieux que Saddam Hussein ou Slobodan Milosevic et méritait donc d’être traité de la même façon même s’il n’est pas question de bombarder Harare, la capitale du Zimbabwe.
Que Mugabe ne se soit pas embarrassé de « démocratie » dans cette élection, c’est une évidence. En fait, pendant les deux mois et demi qui l’ont précédée, le pays a connu une brutale escalade de violence. Selon une organisation locale, le Forum des ONG pour les Droits de l’Homme, on a recensé 54 morts d’opposants au régime (dont 6 scrutateurs de l’opposition assassinés après le vote à titre de représailles), 1 100 menaces de mort et 26 000 cas d’agressions de tous ordres. En même temps, la loi sur la sécurité et l’ordre public, introduite en janvier par Mugabe, a permis à la police d’interdire à sa guise les meetings électoraux, de faire inculper quiconque émettait des critiques publiques envers Mugabe, tout en donnant carte blanche à une milice officielle formée de jeunes chômeurs entraînés dans des camps financés par l’État, pour terroriser les partisans de l’opposition ce qu’ils firent en érigeant des postes de contrôle sur les routes, en menaçant des opposants connus, en incendiant locaux politiques et habitations privées, etc. Bref, si Mugabe l’a finalement emporté avec 56 % des voix contre 41,9 % à Morgan Tvangirai, le candidat du MDC (Mouvement pour un changement démocratique), c’est en partie au moins en usant non seulement de fraude, mais de méthodes terroristes.
Mais il n’y a certainement pas là de quoi tracasser les leaders impérialistes. Après tout, depuis 22 ans que Mugabe régnait sur le pays, quand se sont-ils jamais préoccupés de ses méthodes dictatoriales ? Sans même parler de celles des nombreux dictateurs qu’ils ont soutenus et armés, voire portés au pouvoir, aux quatre coins du tiers-monde !
Le vrai problème des dirigeants anglo-américains (et des gouvernements européens qui leur ont emboîté le pas) est ailleurs : c’est la politique engagée par Mugabe depuis quelques années dans le but de ravaler la façade décrépite de son régime aux dépens des quelques milliers de propriétaires de fermes dits « commerciaux », essentiellement blancs, qui monopolisent une grande partie des terres les plus fertiles du pays. Les prises de position occidentales marquaient simplement un durcissement de ton de l’impérialisme dans des relations déjà tendues pour cette raison.
Depuis 1997, en effet, on a vu Mugabe encourager plus ou moins ouvertement l’occupation de quelques-unes de ces fermes « commerciales » par des paysans pauvres encadrés par des bandes armées liées au régime, tout en mettant en œuvre un programme limité d’expropriations, présenté comme une revanche face aux « profiteurs néo-coloniaux ».
Or, même s’il s’agit avant tout de gestes démagogiques sans grandes conséquences de la part de Mugabe, le seul fait que le régime d’un pays pauvre ose laisser entendre qu’il peut être légitime de s’en prendre à de grandes propriétés privées liées à l’impérialisme par des liens économiques ou tout simplement historiques, ne peut être que mal vu des capitales occidentales. Après tout, de tels gestes peuvent faire des émules qui pourraient ne pas se contenter du caractère symbolique que leur donne Mugabe que ce soit dans les rangs de la classe ouvrière du Zimbabwe, dont les traditions militantes ne peuvent qu’inquiéter les trusts occidentaux qui y opèrent ou, pire encore, dans les grands pays voisins tels que l’Afrique du Sud ou l’Angola, où l’impérialisme a des intérêts encore bien plus considérables à protéger. D’où les anathèmes répétés lancés par les capitales occidentales contre Mugabe au cours de ces dernières années et les menaces de sanctions de toutes sortes dont il a fait l’objet.
Seulement, jusqu’à présent, il n’existait guère d’alternative au régime de Mugabe, du fait de la faiblesse de l’opposition au régime. Or depuis 2001, la situation a changé à cet égard. Il existe désormais une opposition puissante, regroupée au sein du MDC, qui a non seulement prouvé qu’elle disposait d’un réel crédit dans la population mais qui a également donné tous les gages voulus de son respect vis-à-vis de l’ordre impérialiste. Dans ces conditions, le remplacement de Mugabe devenait une option viable pour les leaders impérialistes et tout indiquait que le durcissement de ton auquel on assistait reflétait leur volonté de voir le MDC succéder à un dictateur jugé désormais par trop irresponsable.7
Le durcissement du régime
En 2003, le pays était au bord de la guerre civile avec un taux de chômage supérieur à 70 % de la population active. La famine sévissait dans ce qui était autrefois le grenier à blé de l'Afrique australe. Des émeutes de la faim éclatèrent alors que les terres prises aux Blancs restaient en friche car les nouveaux fermiers noirs manquaient de moyens et de connaissances. L'opposition organisa des journées générales de grève très suivies mais qui n'eurent aucun effet sur le gouvernement autre que de renforcer la répression.
Le chef de l'opposition qui avait défié Mugabe lors des dernières élections en 2002 fut alors poursuivi pour haute trahison devant les tribunaux. Encourant la peine de mort, il fut finalement acquitté par le tribunal en 2004.
En mars 2005, lors des élections législatives, la Zanu-PF remporta une victoire écrasante, avec 78 sièges au Parlement contre 41 pour le Mouvement pour le changement démocratique, tétanisé par la brutalité du régime et l'indécision de ses dirigeants à défier frontalement Mugabe. Comme la Constitution donnait au président du Zimbabwe le pouvoir de nommer 30 députés supplémentaires, la Zanu-PF eu finalement plus des deux-tiers des sièges. Les Zimbabwéens expatriés furent exclus du vote alors que les élections s'étaient déroulées en l'absence d'observateurs internationaux qualifiés pour en assurer le bon déroulement.
La démolition de bidonvilles (Printemps 2005)
Depuis les élections de mars 2005, la situation des droits humains au Zimbabwe n'a cessé de se détériorer.
Au printemps 2005, Mugabe décida de démolir les bidonvilles de la banlieue d'Harare (qui avaient vu le jour suite à la grave crise économique que traverse le pays et qui pousse de nombreux zimbabwéens à chercher du travail dans les villes), de fait les fiefs de l'opposition, en faisant expulser les habitants vers les zones rurales très pauvres. Officiellement, cette campagne de nettoyage, présentée sous forme de slogans tels que « Se débarrasser des ordures » et « Restaurer l'ordre », avait pour but de combattre la criminalité et de permettre de reloger décemment les familles vivant dans ces bidonvilles. Pour reloger les familles le gouvernement promettait de dépenser 325 millions de dollars pour la construction de 1,2 million de maisons ou l'achat de terrains constructibles, qui devrait voir le jour d'ici 2008. Mais pour l'opposition, c'était une mesure punitive à l'égard de ceux qui n'avaient pas votés pour le parti de Robert Mugabe.
En juin 2005, plus de 300 000 personnes avaient déjà ainsi été expulsées. La situation était tellement préoccupante qu'une envoyée spéciale des Nations unies, Anna Kajumulo Tibaijuka, directrice de l'Agence des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), fut nommée pour enquêter sur les destructions et expulsions, alors que plus de 200 organisations non gouvernementales africaines et internationales effectuaient un appel conjoint et à l'Union africaine pour qu'elles viennent en aide aux populations du Zimbabwe. Certains de ces groupes n'hésitèrent plus à comparer la politique de Mugabe avec celle de Pol Pot au Cambodge en 1975.
Le 22 juillet 2005, ONU-Habitat, rendit son rapport dans lequel furent dénoncées les démolitions « désastreuses » de bidonvilles, effectués « sans discernement, de manière injustifiée et dans l'indifférence à la souffrance humaine » précipitant une « crise humanitaire d'immenses proportions ». Le nombre de personnes privées de domicile ou d'emploi était alors chiffré à plus de 700 000 (1,5 million selon l'opposition). Prenant acte du rapport, le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, exhorta le gouvernement du Zimbabwe à cesser immédiatement le programme de démolition.
En réponse, le ministre zimbabwéen des Affaires étrangères, Simbarashe Mumbengegwi, dénonça ce rapport qu'il juge avoir un « ton pro-opposition » et d'avoir exagéré « grossièrement le nombre de personnes qui ont été affectées par l'opération ». Le Premier ministre britannique Tony Blair a également été accusé d'avoir manipulé la mission de l'ONU
Réforme constitutionnelle limitant les libertés et la justice
Le 30 août 2005, le parlement, dominé par les partisans de Robert Mugabe, approuva la révision de la Constitution permettant la nationalisation des fermes appartenant aux Blancs et le durcissement de la répression contre les opposants politiques. L'un des amendements constitutionnels retira aux exploitants blancs toute possibilité de recours judiciaire.
Un autre article interdit aux Zimbabwéens soupçonnés d'activités terroristes, ou d'opposition politique virulente, de sortir du territoire. Le texte priva également de droit électoral toute personne ayant au moins un parent étranger bien que détenant le statut de résident permanent. Il prévoit en outre que toute personne suspectée de porter atteinte aux « intérêts » nationaux puisse être interdite de sortie du territoire. Cet article viole ainsi le droit de combattre l'oppression, inscrit dans les droits de l'Homme.
Aujourd'hui, le Zimbabwe compte plus de 14 millions d'habitants, dont à peu près 30 000 Blancs (principalement âgés), lesquels ne représentent plus que 0,3 % de la population totale alors que plus de 3 millions de Zimbabwéens, selon l'opposition (incarnée principalement par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), ont fui le pays.
Les élections présidentielle et législatives de 2008
Les élections présidentielle, municipales et législatives du 29 mars 2008 se déroulent dans un contexte économique, politique et social très tendu. L'ancien grenier à blé de l'Afrique australe est alors en ruine, avec une hyperinflation annuelle de 165 000 % en février, quatre adultes sur cinq au chômage, des magasins vides, des pénuries alimentaires et énergétiques à répétition alors que l'espérance de vie a dégringolé à 36 ans. Le chef de l'état sortant, Robert Mugabe bénéficie du soutien sans faille de la police et de l'armée ainsi que d'un système élaboré de clientélisme assorti de campagnes de répression ou d'intimidation des partis rivaux.
Candidat à un 6e mandat présidentiel, Robert Mugabe (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique - Zanu-Pf) affronte de nouveau Morgan Tsvangirai (Mouvement pour le changement démocratique - MDC) et Simba Makoni, un ancien ministre des finances, dissident du Zanu-PF. Pour les élections législatives qui ont lieu en même temps, le MDC et la Zanu-PF sont les principaux rivaux.
Les élections ont lieu en l'absence de la plupart des correspondants de la presse étrangère et des observateurs européens et américains, le régime n'ayant accepté que la présence d'observateurs de pays africains ou « amis » comme la Chine, l'Iran ou le Venezuela. Plus de 5,9 millions d'électeurs sont appelés aux urnes.8
Le MDC remporte la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale (109 élus contre 97 élus à la ZANU). Publiés le 2 mai, le résultat de l’élection présidentielle est contesté. En obtenant officiellement près de 48 % des suffrages en dépit des fraudes, Morgan Tsvangirai devance néanmoins Robert Mugabe (43 %).
Lors de la campagne du second tour, le pays est le théâtre de violences politiques continues marquées par des atrocités commises par la police contre des membres de l’opposition et leur famille mais aussi par l’arrestation de ses principaux chefs.
Dans ce climat de terreur, Morgan Tsvangirai décide à cinq jours du second tour de l’élection présidentielle de boycotter celle-ci, permettant ainsi à Robert Mugabe d’être réélu.9
Alors que Ban Ki-moon estime que ces élections ne reflètent pas la volonté du peuple zimbabwéen, que les États-Unis et l'Europe considèrent la victoire de Robert Mugabe comme étant usurpée et réclament la mise au banc d'un "régime illégitime'', les chefs d'État africains réunis lors du sommet de l’Union africaine à Charm el-Cheikh reconnaissent que « le scrutin au Zimbabwe n’a pas été conforme aux normes de l’Union africaine sur les élections démocratiques », dénoncent les violences et l’absence « d’accès équitable aux médias publics » et en appellent à un partage du pouvoir entre Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai dans un gouvernement d'union nationale. Alors que les chefs d'État du Sénégal et du Nigeria sont les plus virulents envers Robert Mugabe, celui du Botswana propose d'exclure le Zimbabwe de l'organisation continentale et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).10
« Afin de sortir le pays de la profonde crise politique, économique et sociale dans laquelle il se trouve, le président sortant et son ex-opposant, M. Tsvangirai, signent le 21 juillet sous les auspices de l'Union africaine un accord fixant le cadre de négociations, qui débouchent, grâce à la médiation du président Mbeki, sur un accord de partage du pouvoir (Accord politique global, GPA) le 15 septembre 2008. Selon cet accord, R. Mugabe demeure à la tête de l'État, l'ex-syndicaliste M. Tsvangirai est nommé à la fonction nouvelle de Premier ministre. Après onze mois de crise, un gouvernement d'union nationale, dirigé par M. Tsvangirai, est formé le 13 février 2009. »11
Manœuvres impérialistes et rivalités politiques
Jamais une élection africaine n'avait suscité une telle levée de boucliers chez les leaders impérialistes que celle qui s'est déroulée au Zimbabwe, le 27 juin 2008. Du Conseil de sécurité de l'ONU au G8, en passant par l'Union européenne, tout le monde a dénoncé la " farce électorale " et menacé le pays d'une aggravation des sanctions qu'il subit déjà, voire d'une intervention militaire comme l'a fait le ministre des Affaires étrangères britannique, lord Malloch-Brown.
Sans doute ce deuxième tour des présidentielles, où le dictateur Robert Mugabe était seul candidat, était-il une farce, d'autant plus que son rival, Morgan Tsvangirai, leader du MDC (Mouvement pour le Changement Démocratique), avait dû se retirer cinq jours avant, prenant de court ses propres partisans.
Mais depuis quand l'impérialisme se préoccupe-t-il de démocratie en Afrique, lui qui entretient les meilleures relations avec nombre de potentats locaux, qu'il arme contre leurs populations pour protéger les intérêts des trusts occidentaux - des potentats qui ne se soucient même pas, bien souvent, de maintenir la moindre apparence démocratique ?
Lorsque Bush ajouta le Zimbabwe à sa liste d'États " voyous ", l'ère des sanctions économiques commença, gelant une partie des avoirs du pays dans les banques occidentales et tarissant ses sources de devises. C'est cela, bien plus que le parasitisme du régime (qui n'était pas nouveau), qui entraîna la catastrophe économique qui suivit. L'inflation atteignit en février 2008 un taux annuel astronomique de 100 580 %. La monnaie locale perdit toute valeur. Ceux qui n'avaient rien à troquer contre de la nourriture furent condamnés à la charité ou la famine. 30 à 40 % des 12,3 millions d'habitants du pays fuirent la faim dans les pays voisins. Et dans un pays qui avait été relativement riche par rapport à bien d'autres, l'espérance de vie tomba à 35 ans, la plus basse en Afrique.
Les prétentions " démocratiques " des leaders occidentaux, qui sont responsables de cette catastrophe, cachent des intérêts économiques bien définis.
Car, outre les banques comme Barclays et Standard Chartered qui continuent à opérer au Zimbabwe, ou les groupes agroalimentaires qui exportent chaque jour vers l'Europe des produits frais dont la population aurait tant besoin, de puissants groupes miniers ont des intérêts au Zimbabwe, et surtout des ambitions. Car le Great Dyke, une crête montagneuse qui traverse le centre du pays, contient des réserves de platine considérables, peut-être supérieures à celles de l'Afrique du Sud, premier producteur de ce métal. À un moment où le platine atteint un prix astronomique sur le marché mondial, aussi bien Anglo-American et Implats, qui sont déjà présents dans le pays, que Rio Tinto et BHP-Billiton qui ne le sont pas encore, ont l'œil rivé sur ce pactole. Mugabe n'a jamais été réticent à traiter avec ces groupes. Mais il leur faut des garanties, en particulier que leurs biens seront à l'abri de la démagogie populiste de Mugabe.
Dans cette affaire, le MDC est le cheval de Troie du capital occidental. Formé par des syndicalistes après les grèves de 1996-97, il a toujours été allié aux fermiers européens et ses liens avec le capital anglais et américain sont notoires, même si son principal soutien est le prolétariat urbain de Harare et Bulawayo. Son leader, Tsvangirai, ancien dirigeant des syndicats du pays, était lui-même un dignitaire chevronné de la dictature, qui finit par tenter sa chance à la tête des mécontents. Ayant poussé ses partisans à s'affronter avec le régime, en promettant d'aller jusqu'au bout de sa joute avec Mugabe, Tsvangirai s'est finalement dérobé, laissant ses supporters face à une police triomphante. Depuis, de son refuge à l'ambassade des Pays-Bas, il multiplie les appels à la négociation avec le régime sous l'égide de l'ONU. Le président de l'Union Sud-Africaine, Thabo Mbeki, s'est donc prononcé pour cette " solution " d' associer au pouvoir Tsvangirai, c'est-à-dire pour un partage du pouvoir avec Mugabe, sous l'égide des grandes puissances - ce qui permettait à l'impérialisme de faire rentrer Mugabe dans le rang.
Dans cette affaire, tous les camps, de Mugabe au MDC et aux puissances impérialistes, se seront servis de la population pauvre comme de chair à canon. Quant à ces leaders impérialistes qui se gargarisent avec le mot " démocratie " quand cela sert leurs intérêts, ils ont, plus que tous autres, le sang des zimbabwéens sur les mains.12
La Banque mondiale et le FMI n’ont pas leur place au Zimbabwe !
En juin 2009, pour la troisième fois depuis le début de l’année, une équipe du FMI s’est rendue au Zimbabwe pour évaluer les politiques économiques du gouvernement. Or, ce rôle d’évaluateur est illégitime vu les dommages causés par les Institutions financières internationales (IFI) à la population zimbabwéenne. En effet, l’appauvrissement du Zimbabwe est dû non seulement à la gestion désastreuse du régime de Mugabe mais aussi à la pression exercée par les IFI. En 2005, Mugabe sacrifiait les besoins humains fondamentaux de la population au profit du remboursement de la dette : 295 millions de dollars d’arriérés au FMI et 1 milliard de dollars aux autres bailleurs pour les attirer à nouveau après leur départ du Zimbabwe en 2000. À cela s’ajoute la crise alimentaire qui frappe le Zimbabwe depuis 2002.
L’échec des deux réformes agraires
La réforme agraire qui est considérée comme un élément clé d’une politique de lutte contre la pauvreté s’est révélée un échec au Zimbabwe, aussi bien celle menée après son indépendance que celle de 2000. En cause, les accords de Lancaster House signés avec l’ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, au moment de l’indépendance du Zimbabwe en 1980, qui ont imposé un moratoire de dix ans sur le règlement de la réforme agraire, bloquant ainsi une redistribution juste des terres accaparées par les fermiers blancs. En 1990, lorsque le régime de Mugabe put entreprendre cette réforme, il dû emprunter et signer un Plan d’ajustement structurel (PAS) imposé par les IFI. Les salaires furent alors dérégulés, les entreprises publiques privatisées et leur personnel licencié, le budget de l’État raboté, la gratuité des soins de santé et de l’accès à l’enseignement abolie. La seconde reforme agraire de 2000 fut aussi un échec car la redistribution de la quasi-totalité des fermes commerciales, soit 8,3 millions d’hectares sur un total de 11 millions, ne s’est malheureusement pas accompagnée d’une réduction des inégalités sociales. En effet, les bénéficiaires ne sont pas des cultivateurs en manque de terres cultivables mais des vétérans de la guerre de libération, ou supposés tels, qui apparaissent plutôt comme des commandos téléguidés par le régime.
La descente aux enfers
La mauvaise orientation de cette réforme agraire, l’importation minime des denrées essentielles et la flambée des prix plongent alors le Zimbabwe dans une crise alimentaire sans précédent entraînant par la même occasion une épidémie de choléra. Cette crise a connu un point critique en 2008 avec près de 7 millions de la population zimbabwéenne survivant avec l’aide humanitaire (soit 60% de la population). Le choléra, quant à lui, a fait 4000 décès entre août 2008 et mars 2009 et 90 000 personnes infectées.
Toutes ces souffrances subies par la population zimbabwéenne témoignent de la précarité de la situation et de l’impossibilité pour le Zimbabwe de subvenir aux besoins de sa population. Malgré les aides en nature (assistance technique, aide humanitaire), le Zimbabwe a surtout besoin d’aide financière pour satisfaire les besoins humains fondamentaux de sa population. Or, cette aide financière cruciale pour le Zimbabwe est actuellement conditionnée par la Banque mondiale et le FMI au paiement des arriérés de dettes. Ce qui est inacceptable quand on sait que ces dettes, contractées par le dictateur Mugabe avec la complicité des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale et le FMI, n’ont pas profité à la population qui doit se saigner aux quatre veines pour les rembourser ! Comment peut-on exiger d’un pays déjà à genoux de payer les arriérés de sa dette, si ce n’est en opprimant davantage sa population par le biais des ajustements structurels ? Les programmes d’ajustement structurel imposent la privatisation d’entreprises publiques et la réduction des budgets de l’État dans les domaines vitaux comme la santé, l’éducation ; interdisent les subventions pour les produits de première nécessité, gèlent les salaires des fonctionnaires. Or, dans le passé, ces mesures impopulaires ont déjà largement témoigné de leur échec.
Les avancées du gouvernement inclusif
Le nouveau gouvernement inclusif mis en place à partir de février 2009 avec à sa tête Morgan Tsvangirai, a accompli quelques avancées. L’épidémie de choléra a été contenue et la suspension de la monnaie nationale dans les transactions a permis de maîtriser une hyperinflation devenue incalculable avec un point culminant (estimé par certains) à 500 milliards % en septembre 2008 ! Les rayons des supermarchés ne sont plus aussi vides qu’avant même si l’essentiel des denrées alimentaires proposées restent inaccessibles pour la majorité des Zimbabwéens. Enfin, les écoles et les hôpitaux ont rouvert.
Tournée internationale de Morgan Tsvangirai et baratin des bailleurs de fonds
La tournée internationale du chef de gouvernement zimbabwéen au mois de juin 2009 s’est soldée une fois de plus par des conditionnalités à une éventuelle aide directe au Zimbabwe. En effet, à Paris, Morgan Tsvangirai a écouté la même musique qu’à Washington, Berlin, Bruxelles ou Londres : « Effectuez les réformes promises de l’appareil sécuritaire, rétablissez l’État de droit, mettez un terme aux violations des droits de l’Homme et nous reprendrons l’aide directe ». Certains États comme les USA et le Royaume-Uni ont annoncé l’octroi d’aide indirecte (via les ONG) pour se donner une bonne image. La France, quant à elle a annoncé une renégociation de la dette dans le cadre du Club de Paris. Ces conditionnalités de démocratie et ces « aides » servent simplement à faire distraction sur leur politique rapace qui est de pousser les États africains à rembourser leurs dettes. En mai 2009, le gouvernement Zimbabwéen a cédé à la pression de ses créanciers en s’engageant à payer les arriérés de sa dette envers le FMI à hauteur de 100 000 dollars par trimestre. Or, cette solution n’est absolument pas durable pour le Zimbabwe pris dans la spirale infernale de la dette.
Dès lors, une étape indispensable pour sortir de cette crise serait pour le gouvernement du Zimbabwe de mener un audit de la dette pour fonder le non-remboursement de toutes les dettes odieuses et illégitimes. Rappelons que l’obligation de respecter les droits humains de sa population prime sur les obligations financières des États.13
La reconduction de Robert Mugabe
Le 16 mars 2013, le Zimbabwe a adopté par référendum une nouvelle Constitution qui a pour but affiché de moraliser la vie politique. Le président Robert Mugabe et son premier ministre Morgan Tsvangirai appelaient à voter oui. Théoriquement le texte limite les prérogatives présidentielles, mais le chef de l'État conserve le pouvoir de nommer tous les acteurs importants. Seule la durée de la fonction a été réduite à deux mandats de cinq ans.14
Le 31 juillet 2013, Mugabe est réélu président, malgré de nombreuses irrégularités constatées. Le 22 août suivant, il prête serment pour un nouveau mandat de cinq ans.
Le 9 décembre 2014, Robert Mugabe limoge sa vice-présidente Joice Mujuru, un temps considérée comme sa dauphine politique, ainsi que huit ministres proches de cette dernière.15
Coup d'État de novembre 2017
En raison de l'âge avancé du président Robert Mugabe, qui célèbre ses 93 ans en février 2017, la question de sa succession est devenue un enjeu important dans le milieu politique zimbabwéen. Robert Mugabe, ayant révélé qu'il souhaitait voir son épouse Grace Mugabe lui succéder, a écarté du parti ZANU-PF et du gouvernement les rivaux potentiels de cette dernière. Grace Mugabe, connue pour ses goûts de luxe et sa brutalité, est toutefois impopulaire. Le 4 novembre, Robert Mugabe annonce qu'il souhaite que son épouse devienne vice-présidente. Le 5 novembre, celle-ci lui demande publiquement de lui céder directement la présidence de la République. Le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwa le 6 novembre 2017 a ainsi pour objectif de conforter la première dame, mais déplaît aux forces armées du Zimbabwe.
Le , le général Sibusiso Moyo annonce à la télévision nationale prendre le contrôle des rues afin « d'éliminer des criminels proches du président Mugabe » et affirme que l'armée ne mène pas de coup d'État contre le gouvernement. Robert Mugabe et sa femme Grace sont placés en résidence surveillée par l'armée. L'Afrique du Sud, inquiète pour Robert Mugabe, envoie deux émissaires pour rencontrer la famille de ce dernier ainsi que les responsables militaires. L'Union africaine, l'Union européenne ou le Nigeria lancent un appel à la paix. Néanmoins aucun signe d'anarchie n'est détecté depuis.
Le 16 novembre 2017, Robert Mugabe continue de se considérer comme le seul dirigeant légitime du Zimbabwe et refuse la médiation du prêtre catholique Fidelis Mukonori. Cependant, le 21 novembre 2017, pour devancer la procédure de destitution lancée à son encontre, il démissionne.16
Manifestations contre la hausse du prix de l’essence
Le gouvernement a entrepris de réprimer sauvagement la grève générale lancée par les syndicats, le 14 janvier 2019, pour répondre au doublement du prix des carburants décrété deux jours auparavant.
Dès le premier jour de la grève, l’armée a quadrillé la capitale, Harare, où les manifestants avaient élevé des barricades. Plusieurs personnes ont été tuées dans les grandes villes du pays, et au moins 200 ont été arrêtées.
La colère de la population contre la cherté de la vie s’accumulait depuis des mois. Avant la hausse des carburants, les prix de l’huile, du riz ou du maïs s’étaient envolés. Chacun redoutait désormais que la hausse du coût des transports, en plus de renchérir les déplacements quotidiens, se répercute sur tous les produits de première nécessité.
Cette grève générale intervenait à peine un an et demi après le renversement de Robert Mugabe, qui avait régné sur le pays depuis l’indépendance. L’armée l’avait écarté du pouvoir en novembre 2017 et remplacé par Emmerson Mnangagwa, son ancien vice-président, officiellement élu président en juillet 2018.
Sous Mugabe, les États- Unis avait inscrit le Zimbabwe sur la liste des États voyous et instauré des sanctions économiques qui avaient mis le pays à genoux. Cet embargo faisait suite à la décision de Mugabe d’appuyer l’occupation par des paysans noirs des terres appartenant à l’infime minorité de fermiers blancs. Il espérait ainsi regagner une popularité ternie par des années de dictature. Les mesures de rétorsion des grandes puissances avaient totalement étranglé l’économie du pays, le plongeant dans une inflation chronique, un chômage massif et un manque de liquidités dont le Zimbabwe n’est toujours pas sorti.
Le successeur de Mugabe avait promis de relancer l’économie, et entendait pour cela séduire les investisseurs étrangers. Depuis son élection, il a multiplié les gestes à leur égard, mettant sur pied des zones économiques spéciales et annulant la loi qui limitait les prises de participation étrangères dans les entreprises zimbabwéennes. Il devait bientôt se rendre au sommet de Davos, pour tenter de séduire le gratin de l’industrie et de la finance mondiales.
Rien de tout cela n’a changé le sort de la population pauvre, étranglée par l’impérialisme et par ses propres dirigeants. Pour sortir enfin de la misère, les travailleurs du Zimbabwe ont choisi la voie de la lutte, la seule qui puisse être efficace.17
Économie
Le Zimbabwe, bien que possédant d'énormes ressources naturelles et des terres fertiles, fait face à un désastre économique sans précédent depuis son indépendance.
L'implication du Zimbabwe dans la guerre en République démocratique du Congo a pesé lourd sur l'économie du pays (des centaines de millions de dollar, mais en échange Laurent-Désiré Kabila avait donné une mine de cobalt au président Mugabe.) L'économie est en voie d'effondrement depuis la toute fin du XXe siècle.
L'inflation était de 32 % en 1998, 59 % en 1999, 208 % en février 2002, 1 281 % en 2006 et 76 348,8 % en juillet 2007 tandis que le taux de chômage dépasse les 70 % de la population active et qu'il y a des pénuries récurrentes de produits de base. L'inflation en janvier 2007 avait atteint 1 593 % en rythme annuel, quelques jours après l'annonce du limogeage du ministre des Finances, Herbert Murerwa, remplacé par Samuel Mumbengegwi.
En janvier 2008, le taux de l'hyperinflation annuel atteint de 100 580,2 % alors que le taux de chômage approche les 80 %. En juillet 2008, le taux d'inflation annuel record s'est élevé officiellement à 231 millions %.
Depuis 2001, plus de trois millions de personnes ont quitté le Zimbabwe à cause de la crise économique. Environ 1,2 million de Zimbabwéens travaillent en Afrique du Sud, notamment dans les mines et l'agriculture.
D'après le site internet www.xe.com, un euro vaut 29,7 milliards de dollars zimbabwéens au 11 juillet 2008. Finalement en avril 2009 le gouvernement décide d'abandonner pour au moins un an le dollar zimbabwéen au profit des monnaies étrangères.18
Le secteur de l’agriculture a souffert d’une répartition des terres mal engagée en 1999 et 2000. En 1996, 4 500 fermiers blancs possédaient encore à cette date environ 30 % des terres cultivables du pays (contre 47 % en 1980) cultivant blé, arachides et tabac et dont le chiffre d’affaires représentait plus de 50 % du PIB. Surnommé le grenier à blé de l’Afrique, le pays participait en tant que fournisseur de denrées au Programme alimentaire mondial (PAM). Depuis, par l’expropriation des fermiers blancs, la moitié de ces terres ont été morcelées ou redistribuées en dépit du bon sens à des amis du régime ou à des fermiers noirs sans la connaissance technique pour gérer des exploitations. De nombreux blancs ont alors émigré vers l’Australie, la Zambie, l’Afrique du Sud ou l’Angleterre. Depuis, le Zimbabwe est devenu client du Programme alimentaire mondial.
Le Zimbabwe est aussi un grand pays minier (or, platine, diamant, chrome). L’exploitation faite à l’aide de capitaux privés s'est effondrée, une grosse partie de l’exploitation se fait maintenant clandestinement. De nouvelles mines de diamants ont été découvertes en 2006. Le minerai est revendu clandestinement en Afrique du Sud. Les officiels zimbabwéeens tiennent néanmoins a s'assurer l'essentiel de la contrebande et n'hésitent pas à traquer la population.
Selon la Banque mondiale, en 2011, 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage est également de 70 %. 19
Sources