Origine
Les premiers habitants de l’Angola sont des khoïsan vivant de chasse et de cueillette, ne connaissant ni le métal, ni l’agriculture. Leurs sociétés, peu nombreuses, n’étaient (et ne sont toujours pas) pas hiérarchiques, mais égalitaires.
Les peuples de langue bantoue commencèrent à émigrer par vagues successives depuis le golfe de Guinée et atteignirent la région dans les premiers siècles après l'an 1000. Les Khoïsan furent progressivement absorbés ou repoussés vers le sud où des petits groupes résiduels existent jusqu'aujourd'hui. Les Bantous constituèrent au long des siècles toute une série d'ethnies, normalement divisées en sous-groupes. Chaque ethnie ou sous-groupe s’identifie à un ancêtre mythique, mais ces ethnies ne cessent d’évoluer avec leurs lignages et autres clivages donnant souvent naissance à d’autres sous-groupes parfois antagonistes. Les Bantous imposèrent une société hiérarchique et apportèrent la métallurgie et l’agriculture. Les terres étaient invendables et étaient une propriété collective. L’esclavage était déjà connu, et était juridique, les prisonniers de guerre ou les criminels devenant des esclaves temporaires. Assez tôt se formèrent des unités politiques d'envergure, dont les plus connues sont le Royaume Kongo et le Royaume Lunda.
Les Bakongo arrivèrent à créer une civilisation puissante. Leur royaume finit par dominer le nord-est de l'Angola actuelle, l'ouest de la République démocratique du Congo et de la République du Congo ainsi que le sud du Gabon. Il était à son apogée lors de l’arrivée des Européens, grâce à l’échange d’objets de fer (armes, houes) contre de l’ivoire avec les peuples de l’intérieur. Le souverain, le mani-kongo, vivait dans une vaste capitale, Mbanza-Kongo (le fort des Kongo). Les Bakongo utilisaient les coquillages comme monnaie, et le tissage des habits avec du raphia ou du cuir ainsi que le travail du métal étaient réservés aux aristocrates : les mani vangu-vangu. Le léopard est considéré comme un animal sacré, symbole de l’intelligence. Nombreux seront les dignitaires à porter un chapeau léopard en guise de couronne.
Au sud de ce royaume, les Ambundu (dont une partie était liée au mani-kongo) constituèrent plusieurs états, notamment Ndongo (dont le roi porte le titre de Ngola, d’où le pays tirera plus tard son nom) et Matamba. Au nord-est s'imposa le Royaume Lunda dont le centre se trouvait dans l'extrême sud (Katanga devenu Shaba) de la République démocratique du Congo.
Au centre du pays, sur les plateaux, se forme une autre importante ethnie, les Ovimbundu, qui constituent également plusieurs états. Ceux-ci soumettent pendant certaines périodes des petites ethnies vivant plus à l'est et leur imposent un tribut (esclaves, bétail, métaux). Leur langue, l’umbundu, se répand comme langue commerciale dans l’est du pays. À l'ouest, les Ovimbundu assimilent progressivement les populations vivant entre les montagnes et la mer. Au sud des Ovimbundu se constituent toute une série de peuples - surtout les Nyaneka-Nkhumbi, qui combinent l'agriculture et l'élevage, et les Ovambo qui vivent de l’élevage et du commerce de sel et de fer.
Arrivée des Européens
Vers 1482, l'explorateur portugais Diogo Cão atteint le Cap du Loup à l'embouchure du fleuve Congo. Les Portugais débarquent et gravent le blason du Portugal sur le rocher de Matadi (en République démocratique du Congo) et érigent une croix sur les côtes angolaises (padrão). Les Portugais tirent d'abord profit de la stupeur des Africains voyant pour la première fois des hommes blancs ayant des armes à feu inconnues, le mani-kongo est alphabétisé et converti tandis que des collèges jésuites sont construits. Les Portugais forment aussi des tailleurs de pierres (probablement pour construire des églises), Mbanza Kongo est rebaptisé São Salvador (Saint-Sauveur) de Kongo. La majeure partie de la population vit néanmoins le christianisme comme une magie supplémentaire des nobles.
Une guerre civile entre pro et anti-Portugais éclate en 1506 et se termine avec la victoire des premiers. Mais les Portugais apprirent aussi aux Bakongos à fabriquer et utiliser des arquebuses et des mousquets à mèches. Le fleuve que les Bakongos appelaient Nzadi ou Nzere donna Zaïre en portugais. Le royaume Kongo est alors à son apogée et compte environ quatre millions d'habitants et est donc plus peuplé que le Portugal (1,5 million).
Les relations entre Portugais et Kongos d'abord égalitaires – échange d'ivoire contre armes à feu – tournent vers une mainmise des Portugais qui, désireux de s'approprier les mines d'or et de se procurer des esclaves pour leurs colonies du Brésil, employèrent la force. Les Portugais poussent les Bakongos à faire la guerre contre les ethnies voisines afin de capturer des esclaves et les échanger contre des produits manufacturés.
En 1567, le comptoir négrier de Luanda est construit au sud du Royaume du Congo, en territoire habité par les Akwambundu "Mundu du Nord". C'est à partir de cette tête de pont que les portugais commencèrent à canaliser les gros du trafic d'esclaves et occupèrent un territoire (au début assez limité) auquel ils donnèrent le nom d'Angola.
Mais en 1568, les Bayakas razzieurs nomades arrivent à prendre São Salvador et les Portugais doivent intervenir avec les premiers canons. Après cet échec, les Bakongos et les Portugais se brouillent et les Portugais prennent même des sujets du mani-kongo comme esclaves. Ils enlèvent deux neveux du mani-kongo (roi) comme esclaves et un attentat contre celui-ci échoue.
En 1630, les Hollandais expulsent les Portugais de Luanda. Les esclaves sont alors déportés vers des plantations brésiliennes. Les côtes angolaises sont désormais devenues le plus fameux comptoir négrier de l´Afrique. En 1650, les colons portugais du Brésil parviennent à chasser les Hollandais. La guerre entre Kongos et Portugais reprend et se termine en 1668. Le mani-kongo est décapité durant la bataille d'Ambuila et le royaume du Kongo commence à se décomposer. Les Européens avaient la maîtrise de l'armement ; ils possédaient des arquebuses à rouet qui leur permettaient de tirer plusieurs coups de suite, des armures et des canons, alors que les Africains, certes plus nombreux, n'avaient que des fusils à mèche, des lances, des flèches, des machettes, des boucliers, des haches et des massues.
Les Kongos de l'actuel Congo-Kinshasa ont été moins touchés par la traite, car les négriers portugais avaient peur des rapides sur le fleuve Congo. Au cours du XVIe siècle, les Kwanyamas venus du sud s'installent le long du fleuve Cunene. En 1671, les Portugais dominent les armées Mbundu et leur imposent un quota d'esclaves à fournir.
De la traite à la colonisation
L'Angola est le premier pays africain à connaître le colonialisme européen. Le Portugal se limite à la région côtière et les rives du fleuve Congo.
Le pays devient un vaste territoire de chasse aux esclaves à destination du Brésil et de Cuba. On estime que, du XVIe siècle au XIXe siècle, quelque seize millions d'Africains auraient été déportés à bord de bateaux portugais, quatre millions d'entre eux auraient survécu au voyage et seraient devenus des esclaves au Brésil. Durant tout le régime esclavagiste, l'Angola reste lié au Brésil parce qu'il lui fournissait les esclaves pour travailler dans les plantations, les mines, etc., et qu'en retour le Brésil envoyait ses trafiquants, ses fonctionnaires et « son portugais », c'est-à-dire la variété de cette langue parlée au Brésil.
Les colons portugais et brésiliens s'installent sur les côtes et se mélangent à la population noire pour consolider l'Angola comme possession portugaise, les Portugais y fondent des villes comme Luanda (1575) ou Benguela qui possèdent des prisons pour garder les esclaves jusqu'à leur embarquement. Une importante communauté métissée se développe, sa culture mêlant les coutumes africaines et celles des Portugais.
En 1836, les Portugais interdisent la Traite des Noirs. L'Angola aura été le pays le plus dépeuplé par la traite. Vers la fin du XIXe siècle apparaissent les Tchokwés, une ethnie apparentée aux Lundas, fournissant de l'ivoire aux Européens par l'intermédiaire des ethnies côtières.
À la toute fin du XIXe siècle, les Portugais commencent à développer l'intérieur du pays, mais la conquête du reste de l'Angola est lente. En 1920, après plus de 174 campagnes militaires, le Portugal contrôle tout le pays. Au cours de cette conquista, les Portugais sauront user des guerres inter-ethniques entre Africains. Les Portugais font construire un chemin de fer de Luanda vers l'intérieur et développent la culture du café, du sucre, la sylviculture et l'extraction du fer et du diamant. Ces matières premières exportées par les ports de la côte, alimentaient à des prix imbattables l'industrie portugaise. L'extraction pétrolière commence en 1954.
Régime de l'indigénat
À partir de 1933, date de la fondation de l'Estado Novo (« Nouvel État ») par Antonio de Oliveira Salazar au Portugal, le régime colonial se durcit considérablement. Le Portugal instaure alors le « régime de l'indigénat ».
Trois catégories d'individus sont instituées :
- les civilizados, les Portugais ;
- les assimilados regroupant les métis et quelques Noirs qui ont accès à l'instruction (en portugais) ;
- les indígenas, les Noirs (98 % de la population), dont une partie est soumise aux travaux forcés, à l'interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts sur les « réserves » et à un ensemble d'autres mesures tout aussi répressives telles que les châtiments corporels (dans certains cas).
Ce système colonial perdure jusqu'en 1954, alors qu'il est considérablement allégé, puis définitivement aboli en 1962.
Province d'outre-mer
En 1951, l'Angola devient une « province d'outre-mer ». Les Angolais peuvent devenir des « citoyens portugais » moyennant certaines conditions.
Cependant les mouvements d'opposition grandissent, des partis politiques tels que le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) un mouvement d'orientation marxiste, expression des métis et des citadins et l'UNPA sont créés en 1956. Le 4 février 1961 les membres du MPLA attaquent la prison de Luanda afin de libérer les prisonniers politiques et massacrent 2 000 colons portugais. Les représailles de l'armée portugaise font 10 000 victimes dans la communauté noire et des centaines de milliers d'Angolais doivent fuir vers le Congo-Léopoldville. Cette « insurrection de Luanda » assimilée à une véritable « prise de la Bastille » déclenche la guerre d'indépendance.
Le Portugal est présent avec un contingent d'environ 200 000 hommes venus de métropole et des corps de colons volontaires. Trois groupes armés se constituent en face :
- le MPLA d'Agostinho Neto ;
- le FNLA d'Holden Roberto soutenu par le Congo de Mobutu et les États-Unis, la Chine, Israël, la France, la Roumanie ;
- l'UNITA de Jonas Savimbi expression de l'ethnie Ovimbundu soutenue par les États-Unis.
Le Portugal n'envisage alors pas du tout de décoloniser l'Angola mais de l'intégrer comme province. En effet ce Brésil avorté avait un rôle clé dans l'économie portugaise : fournir des devises fortes (diamant, pétrole), des matières premières bon marché pour l'industrie (coton, sucre, café, bois), la politique du président Salazar étant basée sur une substitution des importations. Il constituait également un réservoir de travailleurs forcés.
Dès 1962, le FNLA forme un gouvernement angolais en exil à Léopoldville et l'ONU condamne les massacres portugais et reconnaît le droit du peuple angolais à l'indépendance. Pour calmer les mouvements indépendantistes, le Portugal abolit le travail forcé en 1962, et accepte d'investir plus d'argent en Angola. En effet, l'effectif des enseignants quadruple entre 1961 et 1974. Cependant la plupart des élèves du secondaire étaient toujours blancs. La métropole offre la citoyenneté portugaise à tous les Angolais ; si certains l'acceptent et émigrent au Portugal à la recherche d'un meilleur niveau de vie, d'autres la rejettent par conviction nationaliste. Lisbonne chercha un soutien étranger en ouvrant sa colonie aux capitaux étrangers, l'exploitation du pétrole fut confiée aux entreprises française et américaines, celle du diamant aux Belges (encore maîtres du Congo voisin) et aux Sud-Africains. Ceci marque un tournant dans l'histoire africaine, les puissances coloniales perdent petit à petit pied dans le continent, pas seulement au profit des Africains mais aussi de nouvelles puissances impériales.
Le Portugal impose alors un service militaire et envoie des centaines de milliers de soldats pour tenir l'Angola ; 3300 soldats portugais mourront en 14 ans de guerre tandis que dans d'autres provinces d'outre-mer, au Mozambique et en Guinée, se déclenchent des guerres du même type. L'effort de guerre absorbera 40 % du budget de l'État. Le Portugal devient pays d'émigration et devra faire venir de la main-d'œuvre africaine.
Le 25 avril 1974, un groupe de capitaines de l'armée portugaise, regroupés dans le Mouvement des Forces Armées, et qui avaient participé à la guerre coloniale, prend le pouvoir à Lisbonne, où ils sont largement soutenus par la population et renversent le régime dictatorial de Marcelo Caetano. Cette révolution, connue sous le nom de « révolution des Œillets », permet la fin de la guerre coloniale entre le Portugal et ses colonies. En janvier 1975, les nouvelles autorités portugaises réunissent les représentants des trois mouvements indépendantistes pour établir les paramètres du partage du pouvoir dans l'ex-colonie entre ces mouvements et l'indépendance de l'Angola.
Malgré les accords d'Alvor, la transition de l'Angola vers l'indépendance ne se fait pas de façon pacifique. Dans plusieurs quartiers de Luanda, les civils noirs commencent à s'en prendre aux colons, et les troupes des trois mouvements commencent à se battre les unes contre les autres pour le contrôle de la capitale. La ville sombre alors dans l'émeute et les pillages. Entre janvier et novembre 1975, les troupes portugaises repartent précipitamment vers Lisbonne, avec 300 000 colons dans ce qui fut l'un des plus grands ponts aériens au monde. Au cours de l'été 1975, le MPLA remporte la guerre des villes et expulse les deux autres mouvements (FNLA et UNITA) de la capitale et des principales villes.
Indépendance de la république populaire d'Angola
Le 11 novembre 1975, jour convenu pour l'indépendance, les autorités portugaises descendent pour la dernière fois le drapeau portugais du Palais du gouverneur civil et le soir même Agostinho Neto proclame l'indépendance de la République populaire d'Angola, au son des combats à quelques kilomètres de Luanda. Le pays est déjà entré dans la guerre civile qui ne se terminera qu'avec les accords de Bicesse, le 31 mai 1991.1
Origines de la guerre civile
Trois mouvements concurrents participent à la guerre d'indépendance de l'Angola :
- le Front national de libération de l'Angola (FNLA), fondé en 1962 et majoritairement bakongo,
- le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), fondé en 1958, dont la base sociale principale sont les Ambundu et les métis,
- l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), fondée en 1966 par une scission du FNLA, s'appuyant avant tout sur les Ovimbundu.
Quand la Révolution des Œillets met fin au régime salazariste au Portugal, en avril 1974, le nouveau pouvoir annonce son intention de se retirer des colonies portugaises en Afrique. En Angola, les trois mouvements commencent alors immédiatement entre eux une lutte pour le pouvoir. Le FNLA, entrant en Angola par le nord, reçoit le soutien de l'armée zaïroise et de mercenaires, l'UNITA celui de l'armée sud-africaine (encore sous le régime de l'Apartheid), et le MPLA de l'armée cubaine. Au moins 11 militaires de l'armée rouge sont morts dans ce pays et plusieurs aéronefs soviétiques détruits. Le service Action du SDECE français apporte une aide à l'UNITA. Un Mil Mi-8 abattu en 1980 l'aurait été par le service Action.
Les accords d'Alvor du 15 janvier 1975, obtenus par l'intermédiaire du Portugal, semblent permettre un rapprochement momentané des trois factions et l'établissement d'un gouvernement d'union. Cependant, les hostilités recommencent aussitôt après, et le 11 novembre 1975 le MPLA déclare l'indépendance du pays à partir de la capitale Luanda, et au même moment le FNLA et l'UNITA font, ensemble, la même déclaration à partir de la ville d'Huambo. Les combats entre les deux camps continuent et ont dorénavant le caractère d'une guerre civile.2
La guerre civile angolaise (1975-1992)
L'Angola s’enfonce ainsi dans une guerre civile ethnique, entre le MPLA, soit les métis et les citadins soutenus par l’Union soviétique et Cuba, et d’autre part, l'UNITA, un mouvement regroupant surtout les Ovimbundus (40 % de la population) et appuyé par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud. La guerre s’enracine aussi dans la différence de développement entre la côte occidentalisée et moderne et l’arrière-pays moins industrialisé et resté beaucoup plus africain et où le sentiment clanique est encore plus omniprésent.
Alors que les forces du MPLA sont appuyées par des soldats cubains (commandées par le général Arnaldo Ochoa, exécuté à Cuba pour haute trahison et trafic de drogue en 1989) et l’aviation soviétique, celles de l’UNITA le sont par des soldats sud-africains. Neto lance une opération militaire au Zaïre voisin dans la région du Shaba et fait noyer des mines afin de nuire à l’économie du puissant voisin.
À la mort de Neto en 1979, Dos Santos prend le pouvoir à Luanda. Politicien habile, il désamorce lentement la guerre en se tournant vers l’Occident, en écartant l’aile radicale de son parti. Les secteurs agricole et minier sont ravagés par la guerre qui fait venir de nombreux réfugiés à Luanda, le pétrole reste la seule source de richesse sur laquelle repose la fortune des hauts fonctionnaires du MPLA, tandis que l’UNITA se finance grâce au trafic de diamants. Même indépendant le pays est encore dépendant du Portugal notamment en matière d’éducation ; si l’alphabétisation progresse c’est grâce aux ONG portugaises et brésiliennes qui développent aussi pour la première fois l’enseignement secondaire et universitaire.
En janvier 1984, l’Afrique du Sud obtient de l’Angola la promesse du retrait de son soutien à la SWAPO (mouvement indépendantiste marxiste-léniniste namibien installé en Angola depuis 1975) en échange de l’évacuation des troupes sud-africaines d’Angola. Néanmoins, les troupes cubaines demeurent, tout comme les militaires sud-africains.
En 1988, si la bataille de Cuito Cuanavale entre soldats angolais et cubains contre les forces de l’UNITA, appuyées par l’armée sud-africaine, aboutit à un échec relatif des forces en présence, elle constitue néanmoins un élément déclencheur pour la reprise des négociations sur l’avenir de la Namibie.
Le 20 juillet 1988, un accord en 14 points est trouvé entre l’Afrique du Sud, l’Angola et Cuba. Parmi ceux-ci, la mise en œuvre de la résolution 435 prévoyant des élections en Namibie sous le contrôle des Nations unies en contrepartie du repli du contingent cubain (manifestant le succès du « linkage » formulée depuis 1979 par l’Afrique du Sud avec le soutien des États-Unis depuis 1981).
Le protocole de Genève est signé le 5 août. Les 8 et 12 août, l’Afrique du Sud et la SWAPO acceptent la cessation des hostilités l’une envers l’autre et le 22 août, l’accord de paix est signé entre l’Angola et l’Afrique du Sud à Ruacana.
Le secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar se rend alors aux Union Buildings de Pretoria pour préparer l’accord de Brazzaville qui aboutit à la signature du 22 décembre préparant le calendrier de la mise en œuvre de la résolution 435 et celui du retrait cubain d’Angola.
En dépit d’une tentative désastreuse d’infiltration de la Namibie par 1 200 guerrilleros de la SWAPO à partir de ses bases d’Angola le 1er avril 1989, le processus ira à son terme sous l’administration conjointe de l’Afrique du Sud et des Nations-Unies.
Cependant, en Angola, la guerre civile continue avec un peu moins de vigueur. Les accords de Bicesse en 1991 aboutissent à un cessez-le feu et à l’organisation d’élections générales supervisées par les Nations-Unies. Le 26 août 1992, une révision de la constitution fait disparaître les dernières traces d'idéologie marxiste-léniniste et le nom officiel du pays devient République d'Angola.
La République d'Angola
Les premières élections générales démocratiques et pluripartites ont eu lieu en Angola les 29 et 30 septembre 1992. Avec un taux de participation supérieur à 90%, le MPLA remporte 53 % des suffrages contre 34 % à l’UNITA. Aux élections présidentielles organisées en même temps, José Eduardo dos Santos reçoit 49,57 % des voix contre 40,6 % à Jonas Savimbi, le leader historique de l’UNITA. Celui-ci dénonce des fraudes, refuse de participer au second tour et reprend les armes, cette fois sans plus aucun soutien international. Un second accord de paix est finalement signé à Lusaka le 20 novembre 1994 prévoyant l’intégration des forces de l’UNITA dans l’armée régulière. En 1995, l’accord est rompu.
En 1997, un gouvernement d’union nationale est finalement formé avec Jonas Savimbi mais en 1998 les combats reprennent après que Savimbi eut dénoncé, selon lui, le manquement du MPLA à ses obligations. Le 28 août 1997, le Conseil de Sécurité des Nations unies impose des sanctions contre l’UNITA.
En 1999, le MPLA tente alors le coup de grâce et déclenche une offensive militaire massive contre le quartier général de l’UNITA et ses principaux bastions. Les opérations se soldent par un succès général malgré la fuite de Savimbi.
Le 22 février 2002, Jonas Savimbi, est finalement abattu lors d’un assaut de l’armée gouvernementale. Le 4 avril 2002, un nouvel accord de cessez-le-feu est signé, mettant officiellement et définitivement fin à 27 ans d’un conflit (1975-2002) qui a fait près de 500 000 morts et entraîné le déplacement de quatre millions de personnes.
L'Angola présente un paysage de cités martyres, de provinces jadis agricoles stérilisées par la présence de six millions de mines. La plupart des infrastructures coloniales ont été laissées à l'état de ruines : routes, ponts, aéroports, voies de chemin de fer, écoles... L’agriculture et les transports ont été presque entièrement détruits. Malgré l’aide alimentaire, la famine sévit et le pays ne vit que de l’exportation du pétrole.
Comme d’autres pays, l’Angola réclame des indemnisations et des aides financières, que le Portugal et l’Union européenne lui accordent sous forme d’aide au développement (écoles, eau potable, routes, hôpitaux) ou de visas de travail. En dépit de la guerre civile, la scolarité, certes médiocre, s'est amélioré (15 % d’enfants scolarisés en 1975, 88 % en 2005). Le Vatican et de nombreuses missions protestantes encadrent également les populations depuis l’indépendance.3
Le président Eduardo Dos Santos
Au pouvoir depuis 1979, Dos Santos est fréquemment associé à la grande corruption et au détournement des fonds du pétrole provenant en grande partie de l'enclave du Cabinda. Sa famille possède un important patrimoine, surtout immobilier, accumulé durant toutes ces années au pouvoir, dont des maisons dans les principales capitales européennes et des comptes bancaires en Suisse et dans des paradis fiscaux offshore. José Eduardo dos Santos possède une fortune de 31 milliards de dollars américains dans les banques européennes dissimulée dans plusieurs pays. La gestion de ces richesses est assurée pour l'essentiel par sa fille aînée, Isabel dos Santos.
Pour ces raisons ainsi que pour son style autoritaire, José Eduardo dos Santos et le régime qu'il représente sont devenus, dès février 2011, la cible de protestations politiques de la part de jeunes angolais. Une manifestation publique importante a lieu début septembre 2011 à Luanda. Cette contestation a continué sous diverses formes, y compris la musique "rap" et les réseaux de communication par l'internet. Cette contestation est une des causes d'une forte abstention aux élections de 2012 (37,2 %, contre 12,5 % en 2008), et à Luanda - où habite un quart de la population, et la partie la plus politisée - l'abstention est de 42 % et l'opposition a obtenu plus de 40 % des votes, de sorte qu'à peine 25 % environ des électeurs y ont voté pour le MPLA (et donc pour José Eduardo dos Santos).4
Sarkozy en visite : qu'importe la dictature s'il y a du profit en vue
Le 23 mai 2008, Sarkozy a fait une visite de quelques heures en Angola. Objectif affiché : tourner la page de l'Angolagate, un scandale autour d'un important trafic d'armes entre 1993 et 2000 à destination de l'Angola, alors en pleine guerre civile avec les rebelles de l'UNITA.
Dans le cadre de cette affaire qui jetait un froid dans les relations entre les deux pays depuis dix ans, plusieurs personnalités politiques françaises comme Jean-Christophe Mitterrand, Jacques Attali, Charles Pasqua et l'ex-préfet Jean-Charles Marchiani, soupçonnées d'avoir touché d'importantes commissions, devaient prochainement comparaître devant la justice. Des personnalités angolaises, proches de l'actuel président Eduardo Dos Santos, étaient également citées, mais la justice française avait récemment et opportunément abandonné toute poursuite à leur encontre.
Sarkozy n'a pas caché que sa volonté de renouer avec le régime angolais était loin d'être désintéressée. En effet, l'Angola figurait au deuxième rang des pays producteurs de pétrole d'Afrique derrière le Nigeria et possédait, selon les spécialistes, d'immenses réserves pétrolières. Il était en outre le cinquième producteur mondial de diamants. Enfin, le pays sortait de vingt-sept ans de guerre civile et le marché de la reconstruction laissait miroiter de juteux contrats pour les groupes français.
À commencer par Total qui, déjà présent sur ce marché, souhaitait devenir dans un délai de deux ou trois ans le premier des opérateurs pétroliers dans ce pays. Étaient également sur les rangs, Thalès qui a signé un contrat de 140 millions d'euros visant à fournir un système de télécommunications civiles et militaires, et Bolloré - l'ami de Sarkozy qui ne lui refusait ni son yacht, ni son avion pour son usage privé - qui souhaitait pour sa part mettre la main sur la modernisation et la gestion du port de Luanda. Areva espérait décrocher des droits d'exploration de gisement d'uranium dans le sud, enfin la Société Générale venait d'accorder aux autorités angolaises un crédit de 300 millions de dollars destinés au financement des échanges entre les deux pays.
Et il importait peu à Sarkozy et aux représentants des grands groupes qui l'ont accompagné que le régime de Dos Santos soit corrompu jusqu'à l'os et que la population de l'Angola vive dans la misère. Leur préoccupation, c'était de renforcer leur participation au pillage des richesses de ce pays et d'en tirer de plantureux profits.5
Économie
L'économie angolaise est marquée par les années de guerre civile. Elle s'est relancée en 2002. Elle reste une économie pauvre et de structure peu avancée. Le secteur primaire emploie 85 % des actifs pour 8 % des richesses créées. Le revenu par habitant demeure l'un des plus faibles au monde. Environ 50 % des actifs sont soit au chômage soit sous-employés. La croissance est élevée. Celle du PIB s'est élevée à 26 % en 2006. Elle est tirée par le pétrole et le diamant. Pourtant la manne pétrolière n'a pas réussi à tirer l'ensemble du pays de son état de sous-développement. En 2008, les indicateurs montrent que l'Angola possède l'une des plus faibles espérances de vie du continent, un système éducatif très insuffisant et que la fracture entre riches et pauvres ne fait que s'agrandir. L'Angola possède également des gisements d'or, de fer, de phosphates, de feldspath, de bauxite et d'uranium. Il compte de vastes forêts, des usines de pêche et des terres arables, ou sont cultivés le coton, le café et le sisal.
Grâce à une importante croissance de l'extraction pétrolière, et à la paix civile enfin retrouvée depuis 2002, l'économie angolaise est devenue l'une des plus dynamiques d'Afrique. Autrefois exploités par les entreprises françaises et américaines, les gisements pétrolifères seraient maintenant majoritairement gérés par les entreprises chinoises. Au mois d'août 2011, la société pétrolière Total a annoncé le début d'exploitation du champ pétrolier géant en eaux profondes (entre 600 et 1 200 mètres sous le niveau de la mer) de Pazflor. Ce gisement devait fournir 220 000 barils de pétrole par jour. Pazflor était le plus gros chantier du groupe pétrolier français.
La croissance du pays est presque entièrement portée par la production croissante de pétrole. Le contrôle de l'industrie pétrolière est exercé par la Sonangol, un conglomérat possédé par le gouvernement angolais.
Le 1er janvier 2007, l'Angola a fait son entrée comme membre de plein droit au sein de l'OPEP. L'Angola est la troisième puissance pétrolière d'Afrique. Avec des réserves récupérables estimées à 9 milliards de barils, l'or noir angolais n'est pas près de se tarir.6
En 2008, 36,6% de la population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.7
Combattre les pauvres au lieu de combattre la pauvreté
Le gouvernement angolais a annoncé en 2014 une mesure controversée : Dorénavant, la vente ambulante est interdite à Luanda, capitale de l'Angola. Une décision qui vise principalement à améliorer l'image de la plus grande ville du pays. Les clients tout comme les vendeurs pourraient être sujets à des amendes.
Depuis la période coloniale, les vendeurs ambulants font partie de la vie des rues de Luanda où ces hommes et ces femmes vendent tous types de marchandises. Plusieurs chansons d'artistes renommés célèbrent même cet aspect particulier de la culture locale.
L'Angola est actuellement l'une des économies les plus dynamique du continent Africain. Le pays profite de nouveaux revenus émanant de l'industrie pétrolière ; toutefois cette richesse n'est pas réinjectée dans l'économie et la grande majorité des Angolais n'a pas la chance d'en profiter. Le pays maintient un des pires taux d'inégalité au monde.
Dernièrement, « Le gouverneur de Luanda se bat contre les vendeurs ambulants » [pt] était le titre de l'un des billets gratifié du plus grand nombre de « j'aime » sur la page Facebook de Mana Mingota (Sœur Mingota), une des pages les plus populaires d'Angola. Mana Mingota est un personnage fictif et quasiment personne ne sait qui se cache derrière. Et pourtant, cette page qui publie des conseils, des traits d'humours et des commentaires sur les différents sujets qui parlent à la génération la plus jeune et la plus connectée du pays a presque 76 500 fans – plus que la plupart des groupes et des célébrités les plus populaires d'Angola. L'article proteste :
« Il y a tant de problèmes à résoudre – l'eau, l'électricité, des installations sanitaires de base, le travail des jeunes, le manque de logement, la nourriture hors de prix, la prostitution légale, la vente d'alcool aux mineurs, la consommation d'alcool exagérée de notre société, les accidents de la route, la falsification des documents, la bureaucratie bloquant l’émission de nouveaux documents, le coût élevé de l'éducation dans les universités privées, la corruption des forces de police, la corruption dans les écoles, la mauvaise qualité des services publics … Tant de problèmes et son Excellence le gouverneur pointe ses fusils sur les vendeurs ambulants qui font beaucoup de sacrifices et qui essayent juste de gagner de l'argent pour pouvoir nourrir leurs familles et mettre leurs gamins à l'école pour ne pas qu'ils deviennent des criminels. Sérieusement, beaucoup de gens de ce pays pensent à l'envers !!! »
L'interdiction des marchants ambulants – ou zungueiras, comme on les appelle ici – semble faire partie d'une stratégie plus importante qui consiste à cacher les pauvres de Luanda et à les déverser dans la périphérie. Loin des yeux, loin du cœur, en gros. Hormis les zungueiras, les habitants des bidonvilles plutôt nombreux de Luanda sont aussi fréquemment réveillés par le bruit des bulldozers qui viennent raser leur maisons sans sommation avant d'être transportés en bus jusqu'à des terrains non-habitables.
Conséquence d'une variété de facteurs dont une guerre civile prolongée et un manque d'investissements notoire dans l'éducation, la majorité de la main d'œuvre angolaise est non-qualifiée et le chômage touche plus d'un quart de la population. D'après un rapport sur la transition vers la démocratie et l'économie de marché de 129 pays, publié en 2014 (Bertelsmann Stiftung, BTI 2014 Angola Country Report) [en - pdf] :
«[...] la population des villes [angolaises] dépend souvent du commerce informel pour joindre les deux bouts. C'est particulièrement le cas à Luanda, la capitale, où on estime qu'un tiers de la population est seule responsable de la production de 75% du PIB. »
Le même rapport déclare que 70% de la main d'œuvre informelle est constituée de femmes. Immanquablement, les dernières mesures du gouvernement auront un impact négatif sur ces femmes, qui sont les plus vulnérables dans ce genre de cas. Il n'aura pas fallu longtemps pour mettre ces mesures en exécution : Le blog Maka Angola, qui lutte contre la corruption, a signalé qu'une cinquantaine d'hommes, femmes et enfants avaient été détenus dans la même cellule dans un commissariat de Luanda, certains durant 3 jours, pour ‘délit de vente ambulante'. Mais ça n'a rien de nouveau. Louise Redvers dénonce ce problème dans un article [en] paru sur le site internet de l'Open Society Initiative for South Africa (Initiative de l'Open Society pour l'Afrique australe).
«[...] pire encore, ces femmes sont régulièrement maltraitées par les équipes d'inspecteurs du gouvernement et des officiers de police abusifs qui les battent, les rackettent, leur volent ou endommagent leurs marchandises. Vous pouvez en lire plus sur l'étendue de ces abus – et l'impunité apparente des officiers concernés – dans ce rapport accablant de l'ONG Human RIghts Watch [en] publié en septembre 2016. »
Ces dernières mesures ont été reçues dans l'incrédulité générale et sont condamnées par l'opinion publique, mais il est important de noter que tout le monde ne pense pas de cette manière. Beaucoup ont applaudi la décision du gouvernement et jugent que la vente ambulante devient incontrôlable et qu'elle nuit à l'image de la ville. J'ai eu l'occasion de voir comment les zungueiras peuvent changer n'importe quel coin de rue ou de trottoir en un marché ouvert peu hygiénique, mais comme le chante le rappeur Angolais MCK :
« Ils combattent les pauvres au lieu combattre la pauvreté. »
Le commerce de rue n'est pas le problème mais plutôt la conséquence d'un phénomène de plus grande envergure, à savoir l'incapacité du gouvernement à réduire le fossé énorme qui sépare les nantis des plus démunis. L'incapacité également de se consacrer à la pauvreté malgré les immenses richesses pétrolières dont profitent les Angolais les plus fortunés. Et cette idée fausse que le meilleur moyen de s'occuper des pauvres, c'est de les cacher.
Une citation de l'article de Louise Redvers mentionné plus haut est particulièrement révélatrice :
« Je me rappelle très clairement des mots d'un homme d'affaires du pétrole angolais bien habillé et diplômé d'une université américaine coûteuse : « Nous ne pouvons plus avoir ces gens dans nos rues, pas dans le centre ville à côté de bâtiments comme Sonangol. Il nous faut améliorer notre image, nous sommes un pays moderne, ces gens ne peuvent pas être ici comme ça. »
L'Angola est un pays ou le registre national peut fermer pendant 4 jours pour cause de panne de système [en]. Où un transfert Western Union ou Moneygram de routine peut demander plusieurs heures ou plusieurs déplacements. Où il n'y a pas de distribution fiable d'eau potable ou de l'électricité. Où le gouvernement est incapable de fournir même le plus basique des services à sa population. Où le gouvernement ne consacre qu'une faible part de son budget à la santé et à l'éducation [en], (parmi les chiffres les plus faibles du continent africain [en]). Où la corruption est un mode de vie et où le gouvernement a oublié ses promesses de l'indépendance qui proclamaient que le plus important est de résoudre les problèmes de la population. Les zungueiras et les plus pauvres du pays continueront à souffrir de cette rénovation si soucieuse de l'image du pays jusqu'à ce que soient prises des mesures de lutte contre la pauvreté plus sérieuses et que soient promulguées d'autres possibilités de subsistance.8
Sources