Le Mali

 

 

Les trois grands empires

 

Empire du Ghana

L'empire du Ghana, est un ancien royaume africain qui a existé du IIIe siècle au XIIIe siècle de notre ère. Il est le premier des trois grands empires marquant la période impériale ouest-africaine.

Désigné par ses habitants sous le nom d'Empire Ouagadou, il se fait connaître en Europe et en Arabie comme l'Empire du Ghana. Issu du Royaume du Ouagadou, l'empire du Ghana s'est développé au VIIIe siècle avec l’exportation d’or et de sel, important pour la conservation des aliments. Il connait son apogée au Xe siècle, et s'étend alors sur un territoire à cheval sur la frontière actuelle entre la Mauritanie et le Mali, comprenant, outre le Ouagadou, les provinces du Tekrour, du Sosso, du Mandé et de Diarra, les régions aurifères du Bouré et du Bambouk et Oualata. En 990, il annexe Aoudaghost, grande cité berbère, centre névralgique des échanges entre le nord et le sud.

L'empire du Ghana décline à partir du XIe siècle, passant successivement sous domination almoravides, puis sous la tutelle de Sosso, enfin sous celle de l'empire du Mali.

Sa capitale était Koumbi-Saleh.1

 

Empire du Mali

Fondé au XIe siècle il sera unifié par Sundjata Keïta en 1222 qui proclame la Charte du Manden. En 1312 à son apogée sous le règne de Mansa Moussa il s'étendait sur une région comprise entre l'océan Atlantique et le Niger. Ce souverain sera célèbre pour les fastes de son pèlerinage à la Mecque. Son armée était composée de 100 000 soldats.

La prospérité de l'empire reposait sur le commerce transsaharien du cuivre, du sel, de l'or et des étoffes. Les caravanes favoriseront également les échanges culturels.

Tombouctou, Gao et Djenné furent les centres économiques et culturels de cette civilisation au centre de l'islam soudano-malien.2

 

Empire songhaï

L'État songhaï fut fondé à Koukia au VIIe siècle, à la suite des métissages qui s'effectuèrent entre les Sonrhaïs, et les Berbères dirigés par le chef Za el-Ayamen, qui fuyaient devant l'invasion arabe. Ce métissage entre Songhaïs et Berbères donnera la dynastie des Dia.

Initialement petit royaume au niveau du fleuve Niger au VIIe siècle, qui sera vassal des empires du Ghana et du Mali, il devient empire, durant le XVe siècle. L'empire Songhaï s'étendait sur plus ou moins le Niger, le Mali et une partie du Nigeria actuels. Vers 1010, les rois de Koukia s'installèrent à Gao et se convertirent à l'islam. La ville voisine de Tombouctou devient le point de regroupement des caravanes et le centre du commerce transsaharien, ce qui en fait non seulement la métropole économique de l'empire mais aussi le principal centre religieux et intellectuel. Cette cité mystérieuse s'honore alors de nombreux monuments en pisé (mélange de terre et de paille), telles les mosquées Djingareyber, Sidi Yaya et Sankoré. L'aventurier français René Caillié y pénétrera bien plus tard en 1828, n'y trouvant que les restes d'une splendeur passée.

Vers l'an 1300, le Songhaï passe sous la coupe de l'empire du Mali. Mais il retrouve son indépendance sous le règne de Sonni Ali Ber de la dynastie des Si (1464-1492) qui combat les Peuls et les Touareg, ainsi que les lettrés musulmans de la ville sainte de Tombouctou. Sonni Ali tente de préserver la culture africaine de son royaume.

Le successeur de Sonni Ali, Sarakollé Mohammed Touré (1493-1528), soninké originaire du Tekrour, prend le contrepied de sa politique, achève d'islamiser le royaume à travers plusieurs batailles que rapportent le voyageur Léon l'Africain. Il fonde la dynastie musulmane des Askia sous laquelle l'empire songhaï largement islamisé connaît son apogée.

Le Songhaï s'effondre en 1591 à la suite de l'invasion des armées du sultan marocain Ahmed al-Mansur Saadi sous le commandement de Djouder à la bataille de Tondibi. L'empire éclatera en une douzaine de principautés.3

 

Royaumes bambaras

Au milieu du XVIIIe siècle, les Bambaras créent avec Kaladjan Coulibaly un royaume animiste autour de Ségou. Kaladjan Coulibaly règne pendant trente ans (1652-1682) mais ne réussit pas à fonder un État stable. Ses successeurs seraient les rois Danfassari (1682-1697) et Soma (1697-1712).

C'est aux alentours de 1712 que Mamari Coulibaly prend le pouvoir à Ségou grâce à son « ton », qui est une association composée de personnes de même classe d'âge. Biton Coulibaly règne de 1712 à sa mort en 1755. Pendant son règne, les limites du royaume s’étendent sur les deux rives du Niger, entre Bamako et Tombouctou. Le fils de Biton, Dinkoro Coulibaly succède à son père en 1755. Il est assassiné en 1757 par ses tondjons pour « cause de tyrannie ». Son frère, Ali Coulibaly, musulman, tente d’interdire les cultes animistes et la consommation de dolo. Il est à son tour assassiné. L’anarchie s’installe avec une succession de rois victimes de coups d’État perpétrés par les tondjons. En 1766, Ngolo Diarra, un esclave pas tout à fait esclave (il est devenu captif à la suite des conditions de dettes d'impôts imposées par les Coulibaly), s’empare du trône et rétablit l’autorité sur les "tondjons". Il règne jusqu’en 1790 (ou 1792). Il organise le commandement du royaume en plaçant ses fils aux commandes des différentes localités. Il meurt au retour d’une campagne contre les Mossi, à Riziam (dans l’actuel Burkina Faso). Son fils Monzon Diarra lui succède en gagnant la guerre contre son frère Nianankoro. Régnant de 1790 (ou 1792) à 1808, il étend le royaume, en envahissant le Royaume bambara du Kaarta et en conquérant notamment Tombouctou en 1800. Son fils Da Monzon Diarra (1808-1827) a vaincu quatre rois que son père n'a jamais réussi à vaincre : Samanyana Bassi, Mahéri de Djonkoloni, Korè Douga Koro et Djakourouna Toto Keita. Il résiste à l’Empire peul du Macina de Sékou Amadou qui a lancé une guerre sainte contre les animistes. Les frères de Da se succèdent ensuite : Tiéfolo Diarra (1827-1840), Kirango Ba (1840-1848), Nalenkoma, Massa Demba (1851-1854), binamari dit Torokoro Mari (1854-1855) et Wetala Ali (1855-1861). Mais le Royaume bambara de Ségou s’affaiblit. En 1861, El Hadj Oumar Tall s’empare de Ségou et met fin au royaume Bambara.4

 

Royaume peul du Macina

L’Empire peul du Macina, appelé « Diina », est un empire théocratique, fondé au XIXe siècle par le marabout peul Sékou Amadou du clan des Barry. Il s’étend sur une partie du Mali actuel, de Tombouctou au nord, au pays Mossi au sud, de la Mauritanie à l’est à la région de Mopti, avec Hamdallaye comme capitale.

Les peuls, venus du Fouta Toro, se sont installés dans la région vers la fin du XIVe siècle. Au début du XIXe siècle, les « Satigué Ardos », chefs de clan peuls, de clan Dicko, contrôlent la région.

Sékou Amadou, exilé à Noukouma après avoir rencontré des problèmes avec les oulemas de Djenné, y livre sa première bataille en 1818 contre les Ardos, alliés au Fama (roi) de Ségou. Cette victoire le conduit à déclarer le Jihad, et à conquérir Djenné un an plus tard en 1819. Il ordonne que la grande mosquée, construite par le roi Koi Koumboro, soit abandonnée et non-maintenue, et il en fait édifier une nouvelle.

Il fonde alors un empire théocratique qu’il nomme diina (« foi en l’islam »). Il divise son empire en cinq régions, chacune dirigée par un gouverneur militaire et un conseil religieux. Il fonde la ville d’Hamdallaye, qui devient la nouvelle capitale, où siège le conseil de la diina, composé de quarante chefs religieux et militaires, et placé sous son autorité. Il développe l’enseignement coranique. L'empire est régi par la charia malékite.

L’économie repose sur l’élevage bovin et ovin. Sékou Amadou impose au nomade peul la sédentarisation. Les populations bambaras, soninkées, bwa, dogons, et peuls animistes, sont touchées par divers djihads lancés par les partisans de Sékou Amadou : les vaincus deviennent des « riimaybe », des « serviteurs », et travaillent dans l’agriculture. Pour développer le commerce, Sékou Ahmadou uniformise les unités de mesure sur le territoire de l’Empire. Les royaumes bambaras de Ségou et du kaarta, résistants, ne subissent pas l'autorité de la diina.

La Diina est plus un royaume qu'un véritable empire. Son autorité s'étend des actuelles régions maliennes de Mopti, le nord de la région de Ségou, jusqu'à Tombouctou, avec frontière avec les États mossis au nord du Burkina Faso.

En 1844, à la mort de Sékou Ahmadou, son fils Amadou Sékou puis son petit-fils Ahmadou Ahmadou en 1852 dirigent l'empire.

En 1862, l’empire, encore prospère, est attaqué par l’empereur toucouleur El Hadj Oumar Tall, qui s’empare de Djenné et d’Hamdallaye.5

 

Empire Toucouleur

Oumar Tall, à son retour de pèlerinage à la Mecque et de son séjour à l'Université el Hazar du Caire, entreprend à partir de Dinguiraye la création d'un empire théocratique musulman.

Avec une armée de 30 000 hommes équipés d'armes à feu, il lance un Djihad en 1852. Il attaque le Bambouk et au Kaarta convertit par la force les habitants à l'islam.

Il s’attaque au Khasso mais doit faire face aux Français qui avaient construit en 1855 un fort à Médine sur un terrain acheté au roi du Khasso, Diouka Samballa Diallo. Oumar Tall assiège le fort pendant 4 mois qui est libéré par les troupes françaises arrivées par le fleuve Sénégal en juillet 1857.

Oumar Tall se dirige vers l'est par Nioro puis Ségou qu'il conquiert en 1861.

Oumar Tall, vaincu par les peuls du Macina, se réfugie dans la falaise de Bandiagara où il se serait fait sauter.

Son fils, Amadou Tall, à qui il avait confié la ville de Ségou, prend sa succession mais ne réussit pas à maintenir l'unité de l'Empire.

En 1880, les Français lui promettent de ne pas toucher à ses possessions. Amadou croit en ces promesses et refuse de s'allier avec Samory Touré. Les Français conquièrent Ségou en 1890 et Amadou doit fuir à Sokoto, au nord du Nigeria.

 

Pénétration coloniale et résistances

La pénétration coloniale française, menée par Louis Faidherbe puis Joseph Gallieni, se fait à partir du Sénégal en allant vers l’est : les Français conquièrent progressivement tout le territoire de ce qui allait devenir le Soudan français puis le Mali après l’indépendance : Sabouciré en 1878, Kita en 1881, Bamako en 1883, Ségou en 1890, Nioro en 1891, Tombouctou en 1894, Sikasso en 1898, Gao en 1899. Cette conquête d’un territoire divisé en plusieurs royaumes s’est opérée par la force et par la diplomatie, les Français tentant de jouer les uns contre les autres, en faisant signer des traités, pas toujours respectés.

En 1863, Louis Faidherbe évoque le projet de pénétration coloniale en ces termes : « Vous voulez arriver au Soudan par l'Algérie ? Vous n'y réussirez pas. Vous vous perdrez dans les sables du Sahara et vous ne les traverserez pas. Mais si, profitant des voies naturelles qui nous sont offertes, vous vous servez du fleuve Sénégal pour gagner la route du Soudan et les rives du Niger, vous y créerez une colonie française qui comptera parmi les plus belles du monde ». Il envoie cette même année une mission de reconnaissance, la mission Quintin-Mage, puis une deuxième mission en 1879-1880, la mission Gallieni-Vallières auprès du roi de Ségou, Amadou Tall.

Le royaume khassonké de Logo, dont la capitale Sabouciré (actuellement commune de Logo) est située sur la rive gauche du fleuve Sénégal à 25 km de Kayes est dirigé par le roi Niamodi Sissoko. Celui-ci refuse la pénétration coloniale française. Le 22 septembre 1878, les troupes françaises, conduites par le lieutenant-colonel Reybaud, fortes de 585 hommes, équipées de 4 canons et 80 chevaux affrontent pendant plusieurs heures les troupes du roi Niamodi Sissoko. Les Français dominent militairement et gagnent la bataille qui fait 13 morts et 51 blessés chez les Français et 150 morts chez les khassonkés, dont le roi Niamodi Sissoko. Cette bataille marque le premier acte de résistance contre les Français.

En 1880, Joseph Gallieni découvre Bamako qui « ne renferme plus actuellement qu'un millier d'habitants » et que « rien ne distingue des autres villages de la région ».

Après son installation à Kita le 7 février 1881, Borgnis-Debordes se lance dès le 16 février 1881 vers Bamako. Le 26 février 1881, l'armée française bat en retraite devant l'armée de Samory Touré à Kéniéra. Le 1er février 1883, Gustave Borgnis-Desbordes, entre dans Bamako et débute la construction du fort le 5 février.

Samory Touré fonde un Empire, le Ouassoulou, qui s'étend sur une grande partie du pays malinké, correspondant à l'actuel Mali et la Guinée et atteignant les zones forestières de Sierra Leone et du Liberia.

L’armée était composée de Sofas bien entraînés et équipés de fusils, achetés avec les revenus tirés de la vente d'esclaves. Samory Touré résiste longtemps contre les troupes coloniales françaises, dirigées successivement par Gustave Borgnis-Desbordes, Joseph Gallieni, Louis Archinard. Samory Touré est arrêté par les Français dirigés par le capitaine Gouraud à Guélemou (Côte d'Ivoire). Il est déporté au Gabon où il meurt en 1900.

Le roi Tiéba Traoré du Kénédougou était allié des Français. Son frère et successeur, Babemba Traoré s'oppose aux Français pour résister à leur visée expansionniste. Sikasso, capitale du royaume, est prise le 1er mai 1898 malgré son tata, muraille défensive. Babemba, qui refuse de se rendre, se donne la mort.

 

Soudan français

Le territoire malien, dénommé Haut-Sénégal-Niger devient, en 1895, une colonie française intégrée à l'Afrique-Occidentale française avec une portion de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Niger. Kayes devient son chef-lieu pour laisser la place, en 1907, à Bamako. En 1920, elle est appelée Soudan français.

Le 4 avril 1959, le Sénégal et le Soudan se regroupent pour former la Fédération du Mali, qui accède à l'indépendance le 20 juin 1960. Deux mois plus tard, le Sénégal se retire de la fédération et proclame son indépendance. Le 22 septembre 1960, le Soudan proclame à son tour son indépendance sous la conduite de Modibo Keïta, tout en conservant le nom de Mali.6

 

La naissance du Mali

Le Mali actuel est une création artificielle du colonisateur français, à l’instar de tant d’autres anciennes possessions françaises. Le Mali est né dans le cadre des frontières tracées par les grandes puissances européennes au 19e siècle, et des découpages administratifs inventés à l’intérieur de chacune de leurs zones d’influence. Ces tracés arbitraires sur la carte du continent africain ont servi de limites aux nouveaux États lors des indépendances. Le colonialisme a ainsi légué aux jeunes nations africaines des territoires où étaient regroupés des peuples différents, ce qui ne l’empêchait pas d’écarteler ces peuples entre plusieurs pays.

Il faut remonter au Moyen Âge pour entendre auparavant parler du Mali. L’empire portant ce nom avait connu un essor prodigieux aux 13e et 14e siècles. D’immenses caravanes apportaient alors le sel vers les régions des fleuves Niger et Sénégal, et en rapportaient de l’or, vendu ensuite dans les royaumes arabes d’Afrique du Nord. Ce commerce avait fait la fortune de Tombouctou et de Gao, et le souverain musulman de cet empire, qui s’étendait jusqu’aux côtes de l’océan Atlantique, pouvait alors éblouir les sultans arabes lors de son voyage à La Mecque. Les dirigeants maliens actuels invoquent souvent cette grandeur passée, disparue bien avant l’arrivée des premiers colonisateurs.

À l’indépendance, le Mali a pris la place de l’ancienne colonie française à laquelle les autorités avaient donné le nom de Soudan, mais qui n’a rien à voir avec l’actuel Soudan, ni avec la République du Soudan du Sud. Le nouvel État a dû assumer les oppositions entre deux régions totalement différentes. Au sud, entre les fleuves Niger et Sénégal, le pays était peuplé d’agriculteurs bambaras, malinkés, sarakolés et de bergers peuls, que l’on retrouve aussi dans les pays voisins. Au nord, des tribus nomades touareg, sans traditions étatiques, faisaient transhumer leurs troupeaux sur d’immenses étendues semi-désertiques. Sur le fleuve Niger lui-même, les populations étaient et sont toujours très mélangées. Les Touareg, qui se trouvent aussi au Niger, en Algérie ou en Libye, sont des peuples berbères dont la langue est de la même famille que le kabyle. Ils regroupent aujourd’hui, avec les Maures, 10 % de la population malienne et font partie d’un ensemble beaucoup plus vaste de populations vivant aux confins du désert, comme les Toubous au Tchad ou les Maures en Mauritanie et au Mali même.

En fait d’unité nationale, le Mali contemporain n’a à présenter qu’une fracture qui n’a cessé de s’approfondir entre le sud et le nord du pays.

Lorsque les représentants des grandes puissances se réunirent en 1885 à Berlin pour se partager l’Afrique, dont la plus grande partie restait encore à conquérir, il fut établi que tout État européen occupant une partie de la côte africaine se verrait reconnaître des droits sur l’intérieur des terres, à condition qu’il occupe effectivement le terrain. La grande course était donc lancée entre puissances impérialistes. Pour les territoires composant le nord du Mali actuel, elle se doubla d’une course entre administrations françaises rivales. Des troupes s’élancèrent à la fois du Sénégal et d’Algérie, écrasant les peuples qui résistaient. Elles finirent par se rejoindre dans les villages touareg, où elles restèrent à se regarder en chiens de faïence. L’affaire se trancha à Paris. Les jeux d’influence dans les ministères finirent par décider du rattachement de cette région semi-désertique à l’Afrique occidentale française (AOF), mais cela aurait tout aussi bien pu être à l’Algérie.

Encore fallait-il soumettre effectivement les Touareg, ce qui était une tout autre histoire. Ils opposèrent une résistance farouche, dans des combats de guérilla où des régiments français entiers se firent massacrer. La totalité de la zone ne fut finalement occupée qu’en 1909, jusqu’à ce qu’une révolte éclate en 1916 et 1917. Mais par la suite, et jusqu’à l’indépendance, les Touareg restèrent plutôt en marge du système colonial, dans l’immense région qui s’étend au nord du fleuve Niger et qui recouvre la moitié du Mali actuel. Cette zone n’avait alors pour le colonisateur aucun intérêt économique. Il s’agissait simplement de l’occuper pour assurer la continuité entre les possessions de la France au Maghreb et ses colonies d’Afrique subsaharienne. L’occupation s’y fit peu voyante, la doctrine officielle étant qu’il ne fallait surtout pas toucher aux nomades tant qu’ils restaient tranquilles. Des Touareg durent simplement former des unités chargées de repousser les razzias des tribus du désert, ce qu’ils faisaient depuis toujours.

La présence française se traduisit surtout par l’installation de rares cadres coloniaux chargés de surveiller ces territoires immenses. Les Touareg échappèrent ainsi aux calamités que la colonisation faisait pleuvoir sur les populations vivant plus au sud. Ils ne furent pas soumis au travail forcé, on ne les envoya pas servir de chair à canon sur les champs de bataille européens et on ne tenta surtout pas de les sédentariser de force. Il n’y eut même aucun zèle intempestif dans la perception des impôts. Mais ils ne purent pas non plus bénéficier des rares évolutions favorables, en particulier en matière d’éducation. Lorsque les colonisateurs commencèrent à se préoccuper d’instruire une toute petite élite locale pour qu’elle les aide dans leurs tâches, l’administration ouvrit quelques écoles dans le sud. Ce furent d’abord des « écoles de fils de chefs », ce qui indiquait bien leur objectif. Le nord du pays fut laissé à l’écart de ce mouvement et quand, bien plus tard, les premières écoles y furent construites, les nomades se montrèrent de toute façon très réticents à y envoyer leurs enfants. Il en résulta que, lorsqu’après 1946 apparurent au grand jour ceux qui allaient être les leaders de l’indépendance, il n’y avait parmi eux aucun Touareg.

Vivant en dehors des grands courants, les Touareg ne crurent pas jusqu’au dernier moment au départ des Français. Lorsque finalement cette évolution leur apparut, ils firent tout pour ne pas tomber sous la coupe des populations noires du sud. Dans ce domaine, les officiers coloniaux français s’employèrent à mettre de l’huile sur le feu, comme ils le firent dans bien d’autres pays. Dans les années 1950 s’était développée en France une campagne de presse visant à unifier les régions sahariennes partagées entre l’AOF (Afrique occidentale française), l’AEF (Afrique équatoriale française) et l’Algérie. En décembre 1956, l’Assemblée nationale créa une nouvelle structure administrative, l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS). En janvier 1961, Alain Peyrefitte, député UNR (le parti gaulliste d’alors) chargé par le général de Gaulle de suivre le dossier algérien, publia un livre sous le titre : Faut-il partager l’Algérie ? Il répondait à cette question par l’affirmative et réclamait le droit à l’autodétermination pour les peuples du Sahara. La richesse du sous-sol, alors que l’on commençait à exploiter le pétrole du désert, était au cœur de cette opération. L’OCRS aurait pu devenir un nouvel État ou rester dans le giron de la France. La tentative avorta, aucun des pays qui allaient devenir indépendants n’entendant se priver de ces richesses et, moins que tout autre, l’Algérie qui arrachait son indépendance les armes à la main. Cela n’empêcha pas les officiers français de faire miroiter l’idée d’un État saharien aux yeux des Touareg, les dressant par avance contre les autorités des États où ils allaient devoir vivre. Ils suscitèrent ainsi une pétition des chefs de la région, adressée au général de Gaulle, où l’on pouvait lire : « Puisque vous quittez le pays touareg, rendez-nous notre pays tel que vous nous l’avez arraché... Nous ne voulons pas que les Noirs ou les Arabes nous dirigent. Nous voulons nous diriger nous-mêmes. Nous voulons que notre pays soit un seul pays. » C’est ce mélange explosif que la France laissa en héritage au jeune État malien créé en 1960, et celui-ci allait encore en augmenter la charge en se coulant dans le moule de l’ancien colonisateur vis-à-vis des Touareg.

 

L’État malien, nouvel oppresseur des Touareg

Dans le nord du nouvel État, les fonctionnaires noirs venus du sud remplacèrent simplement les colonisateurs français et furent d’emblée en butte à la méfiance de la population touareg. Cette méfiance tourna rapidement à l’hostilité quand les nouveaux venus tentèrent de percevoir réellement les impôts, basés sur le capital que représentaient les têtes de bétail. Le Mali avait désespérément besoin de ressources financières. La réaction brutale de l’armée malienne creusa un fossé de haine entre les autorités de Bamako et les Touareg.

La première révolte éclata en 1962 et n’entraîna que les Touareg de l’Adrar des Ifoghas, près de la ville de Kidal. Partie d’un événement insignifiant, le vol par un chef touareg des armes de deux soldats, elle embrasa rapidement toute cette zone. Plusieurs centaines de Touareg se lancèrent dans la guérilla, pratiquant leur tactique habituelle : retraite devant des forces plus nombreuses et embuscades. La répression fut terrible. L’armée malienne envoyée contre eux était composée des anciennes troupes coloniales qui avaient combattu en Indochine et en Algérie. Elles appliquèrent les méthodes apprises dans l’armée française. La vaste étendue située entre Kidal et la frontière algérienne fut déclarée zone interdite. Les puits furent empoisonnés. Toute personne rencontrée dans cette zone pouvait être abattue, et ce fut le cas de bien des bergers qui y faisaient simplement transhumer leur bétail. Les troupes maliennes poursuivirent même les rebelles en Algérie. Cette première révolte fut écrasée dans l’indifférence générale et resta presque inconnue en Occident. Mais pour les Touareg, ce que le reste du pays appelait la « décolonisation » devint dans les faits une occupation de leur pays par des envahisseurs aussi étrangers que l’ancien colonisateur. Après cela, plus rien ne bougea pendant des années. Il y eut cependant un fait positif. Le nouvel État malien développa massivement la scolarisation qu’avaient délaissée les Français, ce qui fut profitable à tous les jeunes qui purent y accéder. C’est de ces écoles que sortirent les futurs chefs des rebelles touareg.

Les Touareg se remettaient à peine de cette répression et leur cheptel se reconstituait, quand se produisirent les grandes sécheresses des années 1972, puis 1984. Ils prirent alors le chemin des camps de réfugiés du Niger, d’Algérie ou du Mali, avec pour seule ressource une aide internationale qui fut d’ailleurs en grande partie détournée par le pouvoir de Bamako. Cela accentua encore le sentiment que les autorités maliennes les abandonnaient complètement, et même souhaitaient les voir disparaître. Lorsque le climat redevint plus clément, les familles retournèrent sur leur territoire d’origine, mais bien des jeunes partirent chercher du travail ailleurs, rompant avec leur mode de vie et leur isolement traditionnels pour devenir salariés en Algérie, en Libye, dans les grandes villes de l’Afrique subsaharienne ou en Europe. C’est parmi ces jeunes que se préparèrent les révoltes suivantes.

La seconde révolte touareg eut lieu en juin 1990. À la différence de la précédente, elle n’eut rien de spontané et entraîna tous les Touareg du Nord-Mali comme ceux du Niger. Une partie des jeunes qui avaient quitté le pays après les grandes famines s’étaient engagés en Libye dans l’armée de Kadhafi. Celui-ci les envoya combattre dans les opérations qu’il lança au Tchad de 1980 à 1987. C’est là qu’ils se formèrent militairement et apprirent à manier des armes modernes. Ils constituèrent un mouvement politique pour l’indépendance de l’Azawad, un mot signifiant « zone de pâturage » par lequel les Touareg désignent leur territoire, et attaquèrent le 29 juin 1990 le poste de Ménaka, tuant 36 militaires, puis d’autres villes. Ce fut à nouveau la même répression menée par l’armée malienne : région interdite, exactions, tortures sur les civils pour obtenir des renseignements. Cette terreur eut pour effet de souder la population autour des rebelles, mais cette fois elle fut largement commentée au Mali comme à l’extérieur et souleva l’indignation. Il faut dire que le régime du dictateur Moussa Traoré vivait ses dernières heures et que l’agitation gagnait tout le pays. La rébellion se termina cette fois par un accord prévoyant une certaine autonomie du Nord et des promesses de développement. Mais ce « Pacte national » ne fut jamais appliqué. L’armée ne se hasarda alors plus guère dans les zones désertiques du nord du pays, qui furent plus que jamais laissées à la pauvreté et à la sous-administration.

En 2006, nouvelle révolte. Les rebelles s’emparèrent de Ménaka et de Kidal pour dénoncer la non-application du Pacte, l’absence des investissements prévus, le refus par l’État malien d’intégrer des Touareg dans l’armée et la police. Des accords furent signés sous l’égide de l’Algérie, mais dans les faits rien ne changea, si ce n’est que les sommes allouées au développement de la région disparurent dans la corruption et que les Touareg purent entrer dans l’armée. L’abandon de la région fut plus total encore, des groupes armés se livrant à des attaques sporadiques et les troupes maliennes se gardant bien de les poursuivre. Venus d’Algérie, les commandos intégristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) commencèrent alors à s’installer dans ce Nord totalement abandonné. Ils y reçurent l’appui d’anciens membres des rébellions précédentes et purent se financer grâce aux enlèvements d’otages. On vit aussi se développer le trafic de drogue, dans lequel tout ce monde trempe, des intégristes aux généraux maliens.

 

Un État malien en décomposition

Pendant que le nord du pays était ainsi abandonné, en proie à des révoltes répétées et à l’insécurité, le sud vivait de son côté une longue désagrégation. Aux espoirs nés de l’indépendance a succédé aujourd’hui la réalité d’un État corrompu, dont tous les corps vivent en parasites sur la population ; un État qui n’en est pratiquement plus un, mais est un assemblage de clans pratiquant chacun son trafic, et auquel il vaut mieux éviter d’avoir affaire, sauf nécessité absolue. Et cet État, si pourri soit-il, a bénéficié de la protection inconditionnelle de tous les gouvernements français.

Cette corruption va de pair avec la pauvreté endémique du pays. Le Mali figure en 2013 au 179e rang sur les 188 pays que recense le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement humain), un indice qui tient compte du revenu par habitant, mais aussi de l’espérance de vie, du degré de scolarisation ou de l’état sanitaire du pays. Le pays doit avant tout cette situation à l’emprise des grandes puissances. Pendant la période coloniale, l’économie avait été organisée comme une annexe de celle de la métropole, les infrastructures créées uniquement pour vider le pays de ses richesses sans qu’il y eût le moindre investissement industriel d’envergure. Le jeune État malien essaya bien de secouer ce joug à sa naissance. L’indépendance se fit d’abord dans le cadre d’une fédération Sénégal-Mali. Cela aurait au moins permis une certaine répartition des revenus entre un Mali pauvre, uniquement agricole, et un Sénégal que la France avait un peu plus développé, le port de Dakar constituant le débouché des produits régionaux vers la métropole. Mais la fédération ne dura pas deux ans. Les dirigeants africains, qui avaient agité les idées du panafricanisme avant l’indépendance, les abandonnèrent une fois celle-ci venue pour se replier sur leur territoire. Le premier président du Mali (1960-1968), Modibo Keïta, choisit de prendre ses distances avec la France. Il fit évacuer les bases militaires françaises, créa un franc malien différent du franc CFA et développa les échanges commerciaux avec les pays d’Europe de l’Est, le tout enveloppé d’une phraséologie marxisante. Mais s’il est impossible de développer une économie moderne dans un seul pays, c’était encore plus vrai dans le Mali entièrement agricole, sans ressources minières ou pétrolières et totalement enclavé à l’intérieur des terres. La situation se dégrada rapidement et Modibo Keïta fut obligé de réintégrer la zone franc en 1967 et de rejoindre l’orbite de l’ancienne puissance coloniale. Il fut renversé par un coup d’État. Sous ses successeurs, Moussa Traoré, puis Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, le nœud coulant de la dette extérieure, les plans d’ajustement imposés par le FMI (Fonds monétaire international) et la spéculation sur les matières premières, en particulier les produits agricoles importés, ne firent que dégrader de plus en plus la situation.

Mais cette situation désastreuse imposée par l’impérialisme, et en premier lieu l’impérialisme français, a rapidement été aggravée par la prédation d’un appareil d’État uniquement préoccupé de détourner les maigres ressources du pays.

La corruption y a certes toujours existé, comme dans tous les pays pauvres. Les fonctionnaires mal payés complètent leur salaire avec les trafics que leur permet leur fonction. L’adage « la douane est pauvre mais les douaniers sont riches », parmi bien d’autres, résume bien cet état de fait.

Mais ce vol organisé a atteint des sommets entre 2002 et 2012 sous la présidence d’Amadou Toumani Touré et a fini par désorganiser totalement le fonctionnement de l’appareil d’État. Des plus hautes sphères du pouvoir jusqu’au petit fonctionnaire, tout est devenu un moyen de s’enrichir au détriment du pays et de la population. Certaines affaires ont défrayé la chronique. Le ministre de la Santé s’était mis dans la poche les fonds internationaux pour lutter contre le sida, le paludisme et la tuberculose, entraînant la suspension de ces aides. Il y eut le scandale d’« Air cocaïne » en 2009 : un Boeing bourré de drogue avait pu atterrir dans la région de Gao avec la complicité des autorités. Dans les différents ministères, les officiels qui en ont la possibilité organisent leurs propres circuits commerciaux avec tout un réseau d’hommes de main et de prête-noms, organisant la vie chère. Dans l’éducation, la vente des notes, des diplômes et même des simples certificats de scolarité est devenue un trafic rentable. Il n’y a plus d’appareil d’État, mais des mafias qui coexistent, avec leurs parrains respectifs, le président et son clan étant au sommet de tout cet édifice.

Dans l’armée, cette situation s’est révélée lourde de conséquences. Les hommes de troupe, vivant avec femmes et enfants dans leurs casernes, améliorent leur solde en rackettant la population. Porter l’uniforme permet aux hommes du rang de vivre et aux officiers supérieurs de s’enrichir. Il faut d’abord payer une somme importante aux officiers en place pour intégrer leur unité, à charge ensuite à chacun de se rembourser sur la population pauvre. Aucun militaire n’avait la moindre envie d’abandonner ses lucratives opérations pour risquer sa vie face à des rebelles bien armés et déterminés.

Cet État malien déliquescent était une proie toute désignée aux groupes armés intégristes.

 

L’offensive des groupes armés intégristes

Le groupe armé islamiste AQMI est présent depuis 2006 dans la zone de non-droit que constitue le désert du Nord-Mali. Une partie de ce groupe a scissionné en 2011 pour former le MUJAO. D’anciens chefs de la rébellion de 1990, comme lyad ag Ghali, formèrent de leur côté l’organisation intégriste Ansar Dine. Quant aux indépendantistes touareg, ils avaient constitué de leur côté le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Tous ces groupes furent rejoints, après l’effondrement du régime de Khadafi en octobre 2011, par un millier de soldats de l’armée libyenne, la plupart du temps d’origine touareg, qui ont quitté le pays avec leur armement lourd. Le 17 janvier 2012, le MNLA lança son offensive et s’empara en deux mois des villes les plus au nord : Tessalit, Ménaka et Kidal, avant d’être rapidement rejoint et débordé par les groupes intégristes. En face d’eux l’armée malienne, qui comptait officiellement 22 000 hommes, n’avait aucune envie de se battre. Ses cinquante généraux, sans doute occupés à des tâches plus lucratives, étaient aux abonnés absents. Soldats et officiers s’enfuirent précipitamment, abandonnant armes et bagages aux intégristes.

À Bamako, le régime ne résista pas à ce désastre. Le 22 mars 2012, un groupe d’officiers menés par le capitaine Sanogo renversa le président Amadou Toumani Touré, l’accusant d’avoir détourné depuis des années les fonds destinés au budget de la Défense et d’être ainsi responsable du sous-équipement de l’armée. Sous la pression des chefs d’État des autres pays d’Afrique et de la France, les militaires durent rentrer dans leurs casernes, ce qui ne les empêcha pas de rester une force déterminante, le seul véritable pouvoir en fait. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, fut nommé président de la République par intérim, en attendant les futures élections.

Ce coup d’État accentua encore la désorganisation de l’armée malienne ; les groupes intégristes purent alors continuer leur avancée et s’emparer des villes qui bordent le fleuve Niger, Tombouctou et Gao. Dans ces villes où les peuples noirs, comme les Songhaïs, les Bambaras, les Peuls ou les Bozos, cohabitent avec les Touareg et les Maures, ces intégristes instaurèrent un régime de terreur moyenâgeuse, imposant à la population les formes les plus arriérées de la loi islamique : flagellations, mains coupées, lapidations. Ils interdirent aux femmes d’aller au marché, même voilées. Ce furent de longs mois abominables pour les habitants.

De son côté l’État français ne pouvait assister sans réagir à cette déroute qui, en deux mois, avait fait basculer dans l’inconnu la moitié du Mali. L’offensive intégriste risquait de déstabiliser toute la région. Au-delà du Mali, c’était le Niger, le Tchad, le Sénégal, la Côte d’Ivoire qui étaient menacés. Ces anciennes colonies recèlent encore trop d’intérêt économique pour l’impérialisme français pour que celui-ci laisse faire. Ils ont nom Areva, Bolloré, Bouygues, Total... Le pacte conclu lors des indépendances avec les chefs des États africains tient toujours : la protection militaire française en échange d’un droit de priorité pour piller les richesses de ces pays.

Pour les autorités françaises, la question n’était donc pas de savoir s’il fallait intervenir, mais plutôt comment. François Hollande aurait préféré ne pas s’engager seul dans cette aventure risquée. Les autres puissances impérialistes lui firent rapidement comprendre que, cette zone étant la chasse gardée de la France, elle n’avait qu’à la garder elle-même. Il entreprit alors de mobiliser les États africains voisins. La « Françafrique » était finie, il l’avait déclaré, c’était donc à leurs soldats d’aller se faire trouer la peau pour les intérêts de l’impérialisme français. Seul problème : la plupart de ces troupes africaines se trouvaient à peu près dans le même état que l’armée malienne, pour les mêmes raisons. Leur formation allait être prise en main par des conseillers français et européens, voire nord-américains, quand les groupes armés intégristes se lancèrent sur Bamako et amenèrent la France à intervenir militairement.

« L’unité et l’intégrité du Mali », qui servent d’alibi à Hollande pour y envoyer ses troupes, ne sont donc qu’un mythe. Répression contre les Touareg au nord du pays, pauvreté pour tous, État suçant le sang de toute la population, voilà la réalité. Tel est le résultat de la présence française au Mali depuis plus d’un siècle. Elle a imposé un découpage des frontières indépendamment des peuples, et a fait des gouvernements locaux de véritables sous-traitants de l’impérialisme. Si jusqu’à aujourd’hui le Mali a été épargné par les conflits ethniques qui ont ensanglanté tant d’autres pays d’Afrique, la guerre actuelle pourrait tout remettre en cause. Les exactions de l’armée malienne à l’encontre des civils touareg, les pillages dont ils ont été victimes dans les villes reconquises et le climat d’insécurité poussent déjà une partie d’entre eux à s’enfuir, parfois vers d’autres pays. Cela montre comment pourrait se développer un climat de vengeance et de violence de type interethnique dont la population malienne, tous peuples confondus, serait la victime.

Les dirigeants français, eux, ne se préoccuperont pas plus de l’intérêt des populations qu’ils ne l’ont fait jusqu’à aujourd’hui, au nord comme au sud du pays. Ils continueront à faire prévaloir leurs intérêts de grande puissance impérialiste, quitte à plonger le Mali dans le chaos.7

 

Sur l'intervention française au Mali

En général quand le gouvernement français s’occupe des Maliens c’est pour les expulser, pourquoi tout d’un coup se métamorphoserait-il en défenseur des populations maliennes ? En tentant de répondre à cette interrogation, inévitablement on pointe les responsabilités propres de la France dans la crise malienne.

 

Les responsabilités de la France dans la crise du Mali

 

Politique d’ajustement structurel

La crise de la dette dans les années 80 a eu des répercussions dramatiques sur le continent africain. Pour le Mali en 1968, la dette était 55 milliards de FCFA, en 2005, elle s’élève à 1766 milliards de FCFA. Les plans d’ajustements structurels et leur déclinaison de politiques d’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) ont eu des conséquences désastreuses pour le Mali qui se sont traduits par une privatisation massive des entreprises maliennes pour le plus grand bénéfice des multinationales au premier rang desquelles les françaises. La distribution d’électricité est passée sous le contrôle de Bouygues qui est aussi présent dans l’extraction, les mines d’or comme la mine de Morila. La compagnie malienne du développement textile qui gérait la filière coton a été vendue en partie à Dagris. Orange par sa filiale de l’époque Ikatel récupère la téléphonie. L’office du Niger qui gère les terres arables devient un promoteur des accaparements de terres. À cela s’ajoute la présence des multinationales comme Delmas, ou Bolloré avec des entrepôts de 100 000 m2 essentiellement pour le stockage du coton. La seconde conséquence est l’affaiblissement de l’État incapable de remplir ses fonctions tant sociales que régaliennes. Les structures sanitaires et d’éducation sont délabrées, l’armée comme on l’a vu est totalement déficiente. Cette tendance est plus marquée dans le nord du pays qui est la région la plus pauvre.

 

Corruption massive

Dans le même temps existe au Mali, un personnel politique particulièrement corrompu. L’entourage d’Amadou Toumani Touré (ATT) et son clan ont amassé des millions d’euros du fait de la corruption et des trafics notamment dans le nord du pays. Trafics en tout genre qui financent non seulement les bandes armées djihadistes ou non mais aussi la hiérarchie militaire malienne et le personnel politique. La France n’a eu de cesse de soutenir Amadou Toumani Touré qui, s’il a été capable après le coup d’État de rendre le pouvoir aux civils, s’est présenté et a gagné les élections présidentielle de 2002-2007 puis une seconde fois 2007-2012 mais là, dans des conditions de transparence et de sincérité du scrutin fort discutables. Comme à son habitude la diplomatie française a fermé les yeux et a soutenu ATT alors qu’il menait le pays droit vers l’abîme.

 

Intervention en Libye

La France a été le fer de lance dans l’intervention militaire en Libye. Comme pour le Mali, Sarkozy a prétexté l’urgence pour intervenir, à l’époque il s’agissait de colonnes de blindés qui s’apprêtaient à entrer dans la ville libérée de Benghazi. On connaît la suite, d’une intervention pour bloquer cette colonne, elle s’est transformée en une intervention massive de l’OTAN qui a volé la révolution aux Libyens et l’a empêché au fur et mesure des conquêtes de territoires de construire et de fonder des structures de pouvoir. La militarisation à outrance et la chute brutale de Kadhafi ont créé un vide propice permettant à tous les groupes djihadistes et les trafiquants de puiser largement dans les stocks d’armes. De plus cette soudaineté de l’effondrement du régime libyen sans remplacement crédible d’une structure gouvernementale a déstabilisé la région entière en enlevant une source de médiation dans les conflits sahéliens.

 

La France joue avec le feu

La France comme les autres métropoles impérialistes comprend qu’ATT se refuse à combattre réellement AQMI au nord Mali. Cette question est d’importante pour la France où Areva investit de fortes sommes pour l’extraction de l’Uranium dans la zone du Niger frontalière à celle du nord Mali. Elle voit dans le MNLA la possibilité de s’en servir comme une sorte de supplétif capable d’assurer la sécurité des installations minières et de contenir les attaques d’AQMI. Le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est une organisation touarègue laïque, son agenda est l’indépendance de l’Azawad situé dans le nord du Mali. Il est le fruit d’une recomposition parmi les organisations touarègues. L’essentiel des troupes combattantes viennent de Libye où elles servaient dans l’armée. Avec la chute de Kadhafi elles sont retournées au Mali avec des armes et des véhicules équipés de mitrailleuses. Un convoi qui parcourra des milliers de kilomètres sans jamais être inquiété. La diplomatie française à l’époque conduite par Juppé, toujours droit dans ces bottes, expliquait que le temps était venu d’engager des négociations avec le MNLA lui donnant crédibilité et encouragement : « Paris est favorable à un dialogue politique inter-malien ». Alain Juppé l’a réaffirmé sur les marches du palais présidentiel : « C’est un dialogue politique qui peut permettre de s’en sortir et pas une confrontation. Un dialogue inter-malien est absolument nécessaire ». Lors de cet entretien le ministre français a rappelé que la France était attachée au respect de l’intégrité territoriale du Mali et que l’adversaire numéro un avait un nom : Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique.

Le scénario se déroule différemment de ce qu’avaient prévu les stratèges du Quai d’Orsay. Le MNLA va faire alliance avec les djihadistes dans la lutte contre l’armée malienne puis sera expulsé des principales villes du nord par ses anciens alliés. Il existe quatre groupes djihadistes, Ansar Dine organisation touarègue qui a refusé de se joindre au MNLA, sa priorité est l’instauration de la charia. AQMI qui vient de l’organisation Algérienne du GSPC, Groupe salafiste pour la prédication et le combat, le MUJAO (mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest) et Boko Haram qui est une secte qui sème la terreur au nord du Nigeria en s’en prenant à l’État, ainsi qu’aux Nigérians de confession chrétienne.

 

La politique de la France dans la gestion de la crise malienne

 

Rappel

L’intervention de la France au Mali se situe dans une longue tradition d’interventions. Depuis l’indépendance des pays africains la France est intervenue une soixantaine de fois. La stratégie de la France est de garder son influence politique et économique au moyen d’un soutien sans faille aux différentes dictatures qui en échange de cette assurance tout risque favorisent les intérêts français. Ainsi les multinationales hexagonales bénéficient de véritables niches commerciales, dans l’agroalimentaire, la logistique, les transports la téléphonie, mais aussi dans le pillage des ressources naturelle, pétrole et uranium notamment.

 

Les pions de la France

Quand elle le peut, la diplomatie française évite d’intervenir directement. Ainsi dans la crise malienne. Elle dispose de deux structures. La présidence de L’Union Africaine assurée par le Béninois Boni Yayi. Lors de sa visite en France le 30 mai 2012, Hollande lui a conseillé que l’UA fasse une demande de recours au conseil de sécurité de l’ONU pour demander une intervention militaire africaine : « Abordant les différentes pistes pour une sortie de crise, le président français a demandé à la Cedeao et à l’Union Africaine de saisir le Conseil de sécurité de l’Onu, afin que celui-ci puisse ''désigner un cadre qui permette au Mali et plus largement à la zone Sahel de renouer avec la stabilité'' ». Lorsqu’il apprit à Montréal l’intervention militaire française, il a déclaré qu’il était aux anges (sic). Son deuxième point d’appui est la CEDEAO qui est l’organisme qui regroupe les états de l’Afrique de l’ouest, est présidé par Alassane Ouattara qui doit son poste de président de Côte d’Ivoire grâce aux blindés de la France. L’argument à l’époque était de faire respecter les résultats des élections présidentielles. Un scrutin dont la légitimé est de plus en plus discutée. Quant au médiateur de la CEDEAO, ce n’est autre que Blaise Compaoré bien connu du sérail de la Françafrique, puisse qu’il a contribué à renverser Thomas Sankara et a été le complice de Charles Taylor condamné pour crime contre l’humanité pour ses exactions au Liberia et en Sierra Leone.

 

La France s’oppose à un processus de transition politique

Lorsque la hiérarchie militaire a voulu envoyer les soldats maliens sur le front en leur assurant que les armes et les munitions viendraient après, une révolte a éclaté dans la caserne de Kati située à une quinzaine de km de la capitale Bamako. Les mutins se dirigent vers le palais présidentiel, défendu faiblement par quelques membres de la garde présidentielle. ATT doit s’enfuir. Les mutins se retrouvent au pouvoir, ils annoncent la création d’un conseil national. Le putsch est appuyé par la gauche radicale, les organisations de la société civile militante et une partie des organisations syndicales qui vont fonder le mouvement populaire du 22 mars. Cette organisation ambitionne d’être l’aile politique des militaires. La diplomatie française est en phase avec les pouvoirs africains en place, la peur est grande que le Mali s’émancipe de l’ordre établi et vont tout faire pour remettre en selle le pouvoir précédent pourtant honni. La CEDEAO va organiser un blocus économique dont l’efficacité se fait vite sentir du fait de l’enclavement du pays. Elle va saboter toutes les initiatives visant à une refondation politique qui réponde aux exigences des populations et réussir à mettre en place le président de l’Assemblée Nationale qui n’a aucune légitimité ni populaire ni constitutionnelle. Pire, alors que les djihadistes renforcent leur position, la CEDEAO va bloquer dans les ports de Dakar et de Conakry les chargements d’armes que le Mali a pourtant achetés en toute légalité. Ils seront débloqués quand le gouvernement malien signera la demande d’aide militaire extérieure.

 

Lobby belliciste

C’est la France qui va faire un travail intense de lobby pour que la communauté internationale accepte le principe de l’intervention militaire, c’est elle qui va écrire la résolution de l’ONU et bataillera pendant des mois contre le scepticisme de l’ONU, des USA, et de l’Algérie elle-même qui devra accepter à contre cœur le principe d’une négociation avec certains groupes notamment le MNLA et Ansar Dine.

 

L’intervention militaire de la France

Des observateurs comme Jacquemot dans l’hebdomadaire l’Express explique que cette intervention a été longuement préparée : « Le déclenchement de l’intervention française a été soudain, mais il était planifié. Pour preuve, la contre-offensive menée ensuite au-delà des localités menacées était bien préparée ». Le Drian ministre de la défense lui aussi parlait en 2012 d’une intervention inéluctable.

Une fois de plus, l’urgence évoquée d’une intervention militaire sert à éviter le débat et permet d’avancer des objectifs qui évoluent au fil du temps. En effet l’intervention a été justifiée pour stopper l’avancée des djihadistes. Aujourd’hui on voit bien que l’objectif initial atteint, un nouveau apparaît désormais : on parle « d’éradiquer les islamistes de sécuriser l’État malien » ce qui permet pour la diplomatie française toutes les marges de manœuvre.

Une intervention qui est faite en dehors du cadre juridique international. Rappelons que la résolution 2085 du conseil de l’ONU n’autorise que les interventions des forces armées Africaines. La France a obtenu un assentiment à postériori du conseil de l’ONU avec cependant de fortes réserves des experts militaire de cette instance.

Toujours pour rester dans le cadre légal, la France argumente qu’elle a agi suite à la demande du président malien qui comme nous l’avons vu n’a pas plus de légitimité constitutionnelle que populaire.

 

Une intervention qui va durer

Cette intervention va durer du fait de la résistance importante des djihadistes liée à leur entraînement et à leur armement. De plus la tactique opérée par ces groupes est désormais de se séparer et tenter d’envahir des villes moyennes ou petites. Ainsi les frappes des avions mirages et rafales vont vite devenir inopérantes. En effet ils servent avant tout à frapper des positions fixes clairement établies, QG, entrepôts camps d’entraînement etc. Dans tous les cas des opérations terrestres devront avoir lieu. Déjà des combats ont été engagés par les militaires français à Diabali. Théoriquement ces opérations devraient être du ressort des armées africaines, mais ces dernières, comme celles du Niger ou du Sénégal sont peu efficaces et, si elles sont relativement efficientes, elles ne connaissent pas le terrain comme l’armée Nigériane. Aussi dans tous les cas l’armée française devra se déployer, et il n’est pas exclu qu’elle soit en première ligne dans les affrontements. Le début d’une intervention pérenne est amorcé puisque l’objectif est de déployer 2500 soldats au Mali.

Notons car c’est aussi un élément important à l’heure de l’austérité budgétaire que la valorisation de l’intervention est estimée à 400 000 euros par jour, on imagine ce que l’on aurait pu faire avec de telles sommes pour l’amélioration des structures sanitaires et sociales dans la région du nord Mali.

Le renforcement du plan Vigipirate, la volonté d’une dramatisation à outrance des risques de terrorisme contribuent à créer un climat d’union nationale, et renforce dans le même temps le climat raciste de la France. Une fois de plus les thèses de l’islam comme danger potentiel pour la France vont être renforcées.

 

Rester internationaliste

Certains ont pu se laisser envahir par une émotion tout à fait légitime face à la barbarie des djihadistes et la souffrance des populations, mais progressivement les choses sont devenus plus claires, on nous a expliqué que la guerre serait longue coûteuse et dure.

La France qui est la source des problèmes ne peut être la solution. En effet la France qui depuis l’indépendance des états africains n’a eu de cesse de soutenir les pires dictatures, les pires massacres, les pires guerres, qui est impliquée dans le génocide du Rwanda, n’est certainement pas la mieux placée pour défendre les droits des peuples en Afrique.

Nous ne pouvons que dénoncer la Françafrique, son soutien aux dictateurs, le fait que Hollande reçoit les Bongo, les Déby, les Compaoré, le fait qu’elle n’a pas prononcé une seule protestation contre les violences des forces de répression au Togo à l’encontre des manifestants.

Nous devons réaffirmer notre solidarité avec les forces progressistes africaines et maliennes qui s’opposent à l'intervention française.8

 

Face a l’intervention française en Afrique : Combattre notre propre impérialisme

L’impérialisme français est en net déclin mais, comme le montre son intervention militaire au Mali, il continue de jouer un rôle majeur – et ô combien néfaste – sur le continent africain. Malheureusement, la grande majorité de la « gauche de gauche » française ne s’y oppose pas, ou de façon tout sauf conséquente…

La politique militaire et africaine de l’État français est celle d’une puissance impérialiste qui a perdu beaucoup d’envergure, qui a dû abandonner bien des positions, et qui est aujourd’hui menacée dans la principale zone d’influence qui lui reste. Une menace qui provient de l’instabilité nourrie dans le cadre de son règne : crises de nombreux États clients, décompositions sociales accélérées par les politiques néolibérales, montée des radicalismes religieux… Mais aussi des ambitions présentes d’autres impérialismes « classiques » (États-Unis, Canada…) et de nouvelles « puissances émergentes » (ou émergées) : Chine, Inde, Afrique du Sud…

Outre les liens tissés depuis des décennies avec les élites locales dans ses anciennes colonies d’Afrique, Paris peut encore user et abuser de trois atouts maîtres :

- Le franc CFA qui, bien qu’arrimé à l’euro, demeure sous la tutelle de la Banque de France.

- Sa présence militaire permanente sur le continent africain. Aucune autre puissance n’a dans cette région le réseau de bases et la connaissance du terrain dont bénéficie Paris – aucune autre ne peut (pour l’heure) intervenir aussi rapidement et décisivement.

- En France même, la marginalité des résistances à notre impérialisme. Cette marginalisation de l’opposition anti-impérialiste n’est pas nouvelle, facilitée qu’elle fut par le climat d’union nationale en matière de politique africaine. Nous en avons eu de nombreux exemples, parfois particulièrement terribles, comme en ce qui concerne les complicités de l’État français dans le génocide des Tutsi (et le massacre de Hutus progressistes) au Rwanda.

Nous en avons une fois encore l’illustration. Le gouvernement accentue aujourd’hui son engagement militaire en Afrique, où il conduit une guerre sous direction française (chose rare !). Il prend une série de mesures pour préparer les interventions de demain… et le tout passe comme un « non événement » – même semble-t-il pour une grande partie de la gauche de la gauche.

 

Le Parti communiste français

Les députés du Front de gauche avaient initialement voté en faveur de l’intervention française au Mali lors du débat au Parlement en janvier 2013. Lors du débat du 22 avril 2013 sur la prolongation de l’opération Serval, ils se sont abstenus – en clair, de même qu’EELV, ils ne se sont pas opposés à la prolongation de cette intervention. Dans ces conditions, l’abstention est un soutien honteux, avec pour résultat que le vote à l’Assemblée nationale s’est fait sans une seule voix contre.

Cela fait plusieurs décennies que pour le PCF, ses alliances avec le Parti socialiste ne doivent pas être mises en cause par la politique impérialiste de la France en Afrique (ou ailleurs) ; une politique qui a été mise en œuvre par le PS – et avant lui la SFIO – à chaque fois qu’il était au gouvernement. Le Parti communiste émet des « doutes », fait part de ses « inquiétudes », comme aujourd’hui sur la situation au Mali, mais ne rompt pas, ne condamne pas. L’argument du « moindre mal » et du danger de chaos a été invoqué pour soutenir une intervention qui se prétendait (mensongèrement) à l’origine ponctuelle, limitée à des frappes aériennes. Cette logique du « moindre mal » le conduit aujourd’hui au laisser-faire face à un engagement terrestre qui s’inscrit dans la durée.

 

Mélenchon et le Parti de gauche

Jean-Luc Mélenchon a, pour sa part, violemment critiqué le Livre blanc sur la défense – mais parce qu’il annonce l’affaiblissement de la capacité militaire française ! Il titre son communiqué du 29 avril « Non à la liquidation de l’argument militaire de la France », au nom de sa « souveraineté » et de son « indépendance » : « ce Livre blanc marque un nouvel étiolement de la puissance militaire de la France. »

Mélenchon utilise dans ce communiqué un langage « contourné » (« argument militaire » pour « forces armées ») et ne recule pas devant les formules les plus grotesques (« la France doit construire une défense souveraine et altermondialiste »)  ; mais tout cela ne change rien au contenu. Or ce n’est pas une posture conjoncturelle, mais une ligne de fond de la figure de proue du Front de gauche.

Le vocabulaire et l’argumentaire d’un discours de J.-L. Mélenchon intitulé « pour une défense souveraine et altermondialiste » sont très parlant à ce sujet, à commencer par l’usage du « nous », du « notre » et du mot « puissance » : « Nous sommes la France », « Nous les Français ». « Notre puissance satellitaire ». « Notre position particulière » due au fait que « nous sommes le deuxième territoire maritime du monde. ». Mélenchon assume la responsabilité qu’impose « notre rang de puissance maritime » alors qu’« inévitablement les conflits de puissances arriveront dans la mer »… Ainsi, grâce à sa « puissance » et ses « points d’appui » (dont la francophonie, son réseau diplomatique…), « la » France doit proposer une « alliance altermondialiste » en particulier aux « puissances émergentes ».

L’usage martelé du « nous » et du « notre » induit une identification à l’État réellement existant. L’invocation du « territoire maritime de la France » ne tire aucune conséquence de ce qu’il résulte du défunt grand empire colonial français. Ce discours de politique étrangère long d’une heure trente ne contient aucune critique de l’impérialisme français réellement agissant : il cible l’atlantisme dans un argumentaire aux tonalités gaullistes […]

 

Impérialisme « humanitaire »

Cela fait maintenant longtemps – au moins depuis la crise de désintégration de la Yougoslavie et l’Afghanistan – que nos impérialismes occidentaux s’attaquent à des adversaires détestables – qui parfois ont été leurs créatures (talibans). C’est à nouveau le cas au Nord Mali vu l’influence et le pouvoir acquis par les fondamentalistes religieux.

Dans la mesure où ils existent, les gains engrangés à l’occasion d’une intervention « impérialiste humanitaire » sont éphémères – comme la réduction de la pression fondamentaliste sur les femmes, véritable dictature quotidienne. Voir en Afghanistan, par exemple, à quel point les droits des Afghanes sont attaqués par le régime mis en place à Kaboul par les Occidentaux et s’avèrent aujourd’hui négociables lors des pourparlers avec les talibans. La realpolitik de puissance se préoccupe peu des droits, fussent-ils fondamentaux.

Nous n’avons que fort peu de prise sur le présent […] Notre responsabilité présente est donc de reconstruire, dans la durée, une capacité de solidarité indépendante, progressiste. Cette solidarité ne doit pas être seulement un acte « de principe », mais un engagement concret. Par exemple, dans le cas de l’Afghanistan, le soutien à l’organisation féministe progressiste Rawa : ou à la ville de Tuzla dans le conflit yougoslave (cette ville « solidaire » vers où partaient les « convois ouvriers ») ; ou à la gauche laïque (et pour une part marxiste) de la résistance syrienne… […]

Tout mouvement progressiste au Mali n’est donc pas seulement confronté à la question de la domination impérialiste et des rapports de classes au Mali même, mais aussi au droit d’autodétermination de peuples du nord qui ne sont pas présents au sud.

Les manœuvres constantes de la France au Nord ne simplifient pas les choses et brouillent à plaisir les enjeux. Ainsi, la représentativité du Mouvement national de libération de l’Azawad pour les Touaregs est en question – sans parler des autres peuples de la région. En traitant avec le MNLA de la façon dont Sarkozy puis Hollande l’ont fait, ils l’ont rendu suspect d’ouvrir la porte à l’ancienne puissance coloniale (en vue notamment de l’établissement d’une base militaire…). Cependant, en permettant à l’armée malienne de revenir dans une grande partie du Nord, grâce à l’opération Serval, Paris se voit aussi accusé de complicité pour les exactions qu’elle y commet, notamment à l’encontre de Touaregs […]

Du côté de la solidarité internationale, les priorités de départ ne se recoupent pas automatiquement suivant les liens antérieurement tissés et le point de vue initialement privilégié : le Mali ou le Sahel. De plus, la situation des populations touarègues et l’histoire de leurs mouvements diffèrent entre le Sahara occidental, le Mali, le Niger…

Les deux « angles de vue » doivent être pris en compte, mais cela ne simplifie pas la réponse à la question : qui soutenir et comment ? Les peuples du Mali, certes, et du Sahel. Mais plus concrètement ? Avons-nous une réponse à cette question ?

Nous avons – en revanche et malheureusement – beaucoup de réponses à la question : qui combattre ? Les courants politico-religieux d’extrême droite, le régime clientéliste malien, les politiques néolibérales si destructrices et leurs promoteurs (FMI, Union européenne…)… sans oublier, au grand jamais, notre propre impérialisme.

 

Impérialisme tout court

La politique du gouvernement français au Mali montre que l’impérialisme « humanitaire » reste un impérialisme tout court.

La situation de crise au Mali – nord et sud – risquait d’avoir des effets déstabilisateurs pour Paris dans toute la région, avec des répercussions immédiates au Sahel – en particulier au Niger (avec ses mines d’uranium et l’implantation d’Areva) et en Algérie, mais aussi ailleurs. Dès l’origine, les objectifs de l’intervention française ne se limitaient donc pas à ce seul pays, comme l’ont confirmé les débats au parlement : il fallait renforcer l’influence de la France en Afrique.

Très classiquement, Paris n’a cessé de mentir, en affirmant d’abord que la France ne devait pas intervenir au Mali, simplement soutenir des forces africaines ; puis qu’elle ne devait que les « instruire » sur le terrain et agir dans le cadre de l’Union européenne. Quand l’opération Serval a été déclenchée, elle ne devait être qu’aérienne et n’avait pour objectif avoué que de bloquer l’avancée supposée des troupes islamistes sur Bamako ; puis de les repousser jusqu’à la frontière entre le Nord et le Sud du Mali ; avant que la « reconquête » du Nord entier ne soit annoncée. Les forces françaises devaient céder la place aux Africains… mais le vote du parlement montre qu’elles sont bien là pour rester.

Au moment de déclencher l’opération Serval, la manipulation grossière de l’information (Bamako allait tomber dans les deux jours) a permis de faire taire les interrogations. L’affirmation était particulièrement peu crédible : des mouvements touaregs et arabes, peu nombreux et pas si bien armés que cela, auraient été à même d’imposer en quelques jours leur propre théocratie au Sud Mali ! Elle n’en a pas moins été acceptée comme véridique par bon nombre d’organisations progressistes…

Puis un blackout radical a été imposé sur les premières semaines de l’opération Serval, les chaînes de télévision en étant réduites à passer en boucle des images de propagande fournies par l’armée [...]

Paris a même interdit que des visas Schengen soient accordés à des personnalités maliennes opposées à l’intervention française, dont Aminata Traoré – une ancienne ministre de la Culture qui a rappelé qu’elle défendait encore les idées qui lui avaient valu d’être invitée à une université du PS… quand ce dernier était l’opposition !

Dans le fond des objectifs poursuivis comme dans les méthodes utilisées, la Françafrique est toujours là. Nous sortons d’une période durant laquelle Paris a réduit son dispositif militaire en Afrique : il y a aujourd’hui beaucoup moins de bases qu’il y a vingt ans. Mais il est bien question maintenant d’un nouveau redéploiement. L’intervention malienne en est l’illustration. Le Livre blanc remis à Hollande insiste sur l’importance de l’Afrique ; or ce continent était négligé dans le précédent. Le rapport du groupe « Sahel » au Sénat enfonce le clou : « L’intervention au Mali a permis de prendre la pleine mesure de l’intérêt des forces françaises prépositionnées et de l’erreur d’appréciation qui consisterait à réduire notre dispositif en Afrique de l’Ouest  ».

L’une des raisons qui expliquent la profondeur de la crise économique de l’Union européenne, c’est son déclin international. Les bourgeoisies européennes ont perdu beaucoup de « marchés », de zones d’influence, et ne peuvent plus bénéficier comme auparavant des surprofits liés à l’exploitation du « tiers-monde ». Elles se retournent avec d’autant plus d’agressivité contre leurs propres salariats, mais cherchent aussi comment stabiliser et reconquérir leur accès aux surprofits postcoloniaux. La particularité de la bourgeoise française, c’est qu’à cette fin elle peut utiliser son armée.

L’engagement français en Afrique de l’Ouest est assez unique : quel autre impérialisme bénéficie-t-il en permanence d’une telle liberté de présence et d’action militaires dans un tel ensemble de pays étrangers ? Malheureusement, en France, la dénonciation de cet état de fait n’a jamais été à la hauteur de l’enjeu solidaire, malgré le travail d’information remarquable d’une association comme Survie. Nous ne pouvons rester passifs à l’heure de l’intervention malienne et alors que le gouvernement affiche sa volonté de renforcer à nouveau son dispositif – en collaboration étroite avec les États-Unis qui, eux aussi, annoncent leur « retour ».

Il faudrait de même s’attacher plus au rôle de l’État français dans la crise haïtienne (non sans analogie avec sa politique malienne, malgré des différences fondamentales) et les raisons pour lesquelles il se montre si violent à l’encontre des mouvements populaires en Guadeloupe et Martinique.

Nous sommes à un moment charnière. Sans garantie de succès vu son affaiblissement, l’impérialisme français cherche à moderniser et rationaliser ses moyens et ses ambitions. Il en appelle pour ce faire à l’union nationale. C’est à nous de la briser et de faire entendre une autre voix… Une autre voix qui ne se contente pas de dire que l’avenir est incertain ; que la solution militaire est insuffisante, comme le fait le PCF (tout le monde le sait, y compris l’Élysée) ; ou qu’il ne faut en rien affaiblir notre armée nationale, comme le proclame Mélenchon !

 

Il faut nommer un chat un chat et la « puissance » française un impérialisme ; pour assumer nos responsabilités anti-impérialistes.9

 

L'opération Serval

L'opération Serval est le nom donné à l'opération militaire menée au Mali par l'armée française. Lancée en janvier 2013 et menée dans le cadre de l'intervention militaire au Mali, elle s'est achevée en juillet 2014. Les forces engagées dans le pays ont depuis intégré un dispositif régional, intitulé opération Barkhane.

 

Le surcoût de l’opération Serval pour le budget de la défense français s’élève, après dix jours, à 30 millions d’euros, montant qui est passé à 50 millions vers la fin du mois de janvier pour atteindre, au 1er février 2013, 70 millions d'euros.

Il se répartit à cette date de la façon suivante :

  • 50 millions pour l’acheminement stratégique, poste qui comprend la location d’avions ;
  • 5 à 10 millions pour le carburant des aéronefs ;
  • 5 millions environ pour les munitions tirées ;
  • 5 millions d’indemnités opérationnelles versées aux militaires en raison de leur participation à l’opération Serval;
  • 3 millions pour le fonctionnement courant comme l’alimentation et les frais de télécommunication.

 

Fin février 2013, le budget est estimé par l'Assemblée nationale française à 100 millions d'euros.

Dans un rapport parlementaire d'information dédié à l'opération Serval déposé le 18 juillet 2013, les députés Christophe Guilloteau et Philippe Nauche évaluent les surcoûts engendrés par les opérations au Mali à 250 millions d'euros à la fin du mois de mai 2013. Fin 2013, la cour des comptes évalue le coût total de l'opération à 647 millions d'euros.10

 

 

L'objectif de « l'opération Serval » était de préserver la présence économique et politique de la France en Afrique de l'Ouest, et plus généralement de préserver l’ordre mondial qui permet l’exploitation et le pillage des pays pauvres par les pays riches.

« L'opération Serval » a été lancée le 11 janvier 2013 (11 1 2013).

11x1x2013 = 22143

22143 est le code commune de MATIGNON dans les Côtes-d'Armor.

L'hôtel de MATIGNON, situé 57 rue de Varenne, dans le 7e arrondissement de Paris est depuis 1935, la résidence officielle et le lieu de travail du chef du gouvernement français (président du Conseil des ministres, puis Premier ministre).11

Du 31 mars 2014 au 6 décembre 2016, l'hôte de MATIGNON était Manuel VALLS, alors Premier ministre de la République française.

SERVAL = VALS

Manuel VALLS était le VALET des multinationales françaises. En accord avec le président de la République, il a utilisé l'argent du contribuable pour envoyer l'armée française en Afrique et au Moyen-Orient afin de sécuriser les intérêts économiques des multinationales françaises.

Lorsque « l'opération SERVAL » a été lancée, le Premier ministre était Jean-Marc AYRAULT.

AYRAULT se prononce comme le mot HÉRAUT.

Un HÉRAUT est un officier de l'office d'armes, chargé de faire certaines publications solennelles ou de porter des messages importants12. En Grèce et à Rome, le HÉRAUT était le messager chargé de porter les ordres du prince, de faire les annonces dans les assemblées et de déclarer la guerre.13

Jean-Marc AYRAULT et François Hollande ont décidé de faire la guerre au MALI en suivant les ordres du prince : les multinationales françaises qui avaient des intérêts dans la région.

Un « AYRAULT » est un MESSAGER.

MALI = MAIL

Un MAIL est un MESSAGE.

Lors de « l'opération SERVAL », la France a envoyé le MESSAGE au monde entier qu'elle ne renoncerait jamais à sa politique impérialiste.

 

MATIGNON est une commune située dans le département des Côtes-d'Armor et elle fait partie de l'arrondissement de DINAN.

Dieu nous transmet le MAIL suivant :

DIS « NAN ! » à la politique impérialiste de l'État français. DIS « NAN ! » au pillage des ressources naturelles de l'Afrique. DIS « NAN ! » à l'extermination quotidienne de milliers d'enfants africains tués par la pauvreté. DIS « NON ! » au capitalisme le jour de l'élection présidentielle et prends le contrôle de MATIG « NON ! » pour changer le destin de milliards d'êtres humains sur Terre.

 

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Hôtel-Matignon.png.

 

L'hôtel de MATIGNON se situe au 57 rue de VARENNE.

Louis XVI a été arrêté à VARENNES par la maître de POSTE Jean-Baptiste Drouet, alors qu'il tentait de fuir en Autriche pour y organiser une contre-révolution.

Olivier Besancenot, le porte-parole du NPA, travaille à La POSTE, et le père de Philippe Poutou, le candidat du NPA aux élections présidentielles de 2012, 2017 et 2022, est un ancien salarié de La POSTE.

Dieu nous fait ainsi comprendre que lors de l'élection présidentielle, le maître de POSTE qui nous permettra d'abolir la monarchie capitaliste, est le candidat du NPA.

57 = 75

Le département 75 est celui de PARIS.

Le jour de l'élection présidentielle, PARI sur le parti politique du salarié de La Poste, et non sur le VALET des multinationales françaises.

 

VARENNE = AV RENNE

À travers l'hôtel MATIGNON qui se situe rue de VARENNE, Dieu te transmet le message suivant : « Ne dis plus ''AVE César'' en prenant collectivement les RÊNES du pouvoir. »

 

VARENNE = ARVENNE

Vercingétorix appartenait à la tribu des ARVENES.

Vercingétorix a uni les peuples gaulois pour combattre César – alors nous devons prendre exemple sur nos ancêtres et nous unir pour renverser le pouvoir de César en éradiquant le capitalisme.

 

Le rôle de Vercingétorix a été joué au cinéma par l'acteur Christophe LAMBERT.

Lors de l'opération Serval, le maire de VARENNES était Jean-Marie LAMBERT.

 

Christophe LAMBERT est né le 29 mars 1957.

L'hôtel de MATIGNON se situe au 57 rue de VARENNE.

29 mars = 29 3

29 3 = BIC

La société BIC fabrique notamment des stylos et des briquets.

Dieu nous fait comprendre qu'il écrit chaque ligne de l'histoire de l'humanité et il nous demande désormais de mettre le FEU à MATIGNON afin d'ÉCRIRE nous-même NOTRE futur.

 

« L'opération SERVAL » a été lancée le 11 janvier 2013 (11 1 2013).

11x1x2013 = 22143

22143 est le code commune de MATIGNON dans les Côtes-d'Armor.

MATIGNON se situe au 57 rue de VARENNE.

Lors de la finale du Championnat d'Europe de football en 2004, la Grèce a battu le Portugal 1 à 0 grâce à un but marqué à la 57e minute par Angelos Charistéas,.

Angelos Charistéas est né à SERRES.

SERRES = SERVAL

ANGELOS CHARISTEAS = ANGE CHARITÉ

Le gouvernement français nous a fait croire qu'il lançait « l'opération SERVAL » par CHARIRTÉ, pour venir en aide au peuple malien – François Hollande se faisait alors passer pour un ANGE.

Le gouvernement français peut mentir mais pas les signes, car Dieu nous dévoile la vérité à travers eux, c'est pourquoi Angelos Charistéas a marqué à la 57e minute.

Manuel VALLS a résidé pendant plus de deux ans et demi au 57 rue de Varenne.

Le chef-lieu du département 57 est la ville METZ.

Un METS est un aliment préparé lors d'un repas.

À travers le chiffre 57, Dieu nous révèle que le gouvernement français mène des guerres impérialistes afin de permettre aux multinationales françaises de se « goinfrer » de profits en accaparant les richesses des peuples du Tiers Monde ; par conséquent, des millions d'enfants meurent de faim à cause des capitalistes français qui volent leur nourriture.

« L'opération SERVAL » a été lancée uniquement dans ce but.

Le maire de METZ était alors Dominique GROS.

« L'opération SERVAL » avait pour but de permettre aux capitalistes français de continuer à s'ENGRAISSER de profits en Afrique de l'Ouest.

Le but de la Grèce à la 57e minute a été marqué lors de la finale du Championnat d'Europe de FOOTball en 2004.

Adolf Hitler est né un 20 04 (20 avril).

GRÈCE = GRAISSE

Les enfants africains n'ont plus de GRAISSE sur le corps car les capitalistes français leur volent leur nourriture et ils s'en FOOT complètement si des gosses crèvent de faim. Le gouvernement a donc financé « l'opération SERVAL » avec NOTRE argent afin qu'un enfant puisse continuer à mourir de faim toutes les 5 secondes, leur extermination permettant aux actionnaires des multinationales françaises de maximiser leur profits ; c'est ça le nazi-capitalisme.

 

Lorsque Manuel VALLS était Premier ministre, Dieu nous envoyait le MAIL suivant à travers « l'opération SERVAL » : L'oligarchie capitaliste se SERT de VALLS pour préserver ses intérêts, cet homme politique n'hésitant pas à exterminer un enfant toutes les 5 secondes pour enrichir les actionnaires des multinationales françaises.

VALLS ne SERT pas la nourriture aux pauvres, il leur prend des mains pour la donner aux riches, et lorsque nous aurons pris le pouvoir en main, les crimes de ces serviteurs du nazi-capitalisme apparaîtront dans tous les MANUELS scolaires.

Alors SERS ton prochain en prenant le contrôle de MATIGNON, et nous transformerons alors ce lieu nauséabond en musée retraçant l'histoire de l'impérialisme, afin de rendre hommage aux centaines de millions de victimes tuées par les dirigeants successifs de la République française et leurs alliés occidentaux.

 

Par ailleurs, à travers « l'opération SERVAL », Dieu nous fait comprendre que cette opération SERT VALLS, car à travers l'ancien chef du gouvernement, Dieu nous révèle que cette opération servait les intérêts du gouvernement de l'époque. En effet, « des responsables français et des journalistes ont clairement dit à plusieurs reprises que le but de cette intervention était de pousser le climat politique en France franchement à droite, pour permettre à Hollande de poursuivre ses attaques impopulaires contre la classe ouvrière.

Quand la guerre a été lancée, les responsables français et les médias comparaient la guerre du Mali avec la guerre des Malouines de 1982 lancée par le Premier ministre Margaret Thatcher. Le magazine d'information Le Point a fait un reportage indiquant qu'''À l'Élysée, les conseillers de Hollande rêvent, comme le dit l'un d'eux, d'un 'effet guerre des Malouines.' '' La journaliste du Point Anna Cabana expliquait le contenu de cette stratégie tel qu'il lui était présenté par les conseillers de Hollande : ''Lorsque les troupes argentines débarquent aux Malouines en 1982, Margaret Thatcher décide de répliquer militairement. La dame de fer, qui était alors extrêmement impopulaire à cause de ses réformes drastiques, embarque le Royaume-Uni dans une aventure militaire qui a assuré la réélection de son gouvernement en 1983.''

Après avoir obtenu sa réélection en 1983, Thatcher avait accentué ses attaques sociales contre la classe ouvrière. Avec l'aide des syndicats britanniques, le gouvernement Thatcher avait vaincu la grève des mineurs en 1985, durant laquelle 20 000 mineurs avaient été blessés, 13 000 arrêtés, 200 emprisonnés, près de 1 000 licenciés sur le champ, et deux tués sur le piquet de grève. Elle avait enchaîné en imposant une politique de désindustrialisation et de financiarisation, fermant des industries et détruisant des milliers d'emplois.

Les commentaires du gouvernement Hollande selon lesquels le gouvernement modelait sa politique sur celle de Thatcher témoignaient de la criminalité politique du Parti socialiste de François Hollande comme de l'ensemble de l'élite médiatique et politique, qui n'ont pas remis en cause cette politique.

S'étant rendu lui-même profondément impopulaire par ses attaques contre les emplois et les dépenses sociales, Hollande essayait de se rallier du soutien en se lançant dans des aventures militaires de plus en plus dangereuses à l'extérieur, il espérait ainsi se donner un avantage dans l'opinion pour poursuivre avec des attaques sociales encore plus graves.

On aurait du mal à imaginer un exemple plus dévastateur de la faillite du capitalisme en Europe. Poussé par des contradictions sociales qu'il ne peut pas résoudre, Paris tentait de trouver une solution à ses problèmes intérieurs par l'aventurisme militaire et les agressions. »14

 

« L'opération SERVAL » avait donc pour objectif de préserver la présence économique et politique de la France en Afrique de l'Ouest, mais également de permettre au gouvernement de retrouver un certain « prestige » pour mieux faire passer sa politique antisociale.

 

 

Le naufrage et l'offense : « le Mali est à rendre aux maliens »

 

Par Aminata Dramane Traoré, femme politique et écrivain malienne, née en 1947 à Bamako.

 

  1. Que sommes nous devenus au Mali ?

« À qui allons-nous rendre les clés ? » est la question posée par Pierre Lellouche, député UMP et Président du groupe Sahel de la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Nationale française à propos du Mali. C’était le 22 avril 2013, lors du débat parlementaire qui a précédé le vote de la prolongation de l’opération Serval. Comme pour lui répondre, Hervé Morin, ancien ministre (UMP) de la Défense dit « Mais il n’y a personne à qui passer la main ». Comme une lettre à la poste, la prolongation demandée a été adoptée à l’unanimité. S’agissant de l’organisation de l’élection présidentielle en juillet 2013. La France officielle est non seulement unanime mais intransigeante.

Je serai « intraitable » a prévenu le Président François Hollande. Ce mot est dans toutes les têtes ici et nous a blessé. Le ministre de la Défense Jean Yves Le Drian estime à ce sujet qu’ « il faut dire les choses fortement » (RFI). Les Maliens qui ont accueilli le Président François Hollande en libérateur s’imaginaient que l’Opération Serval débarrasserait rapidement leur pays de Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et ses affiliés d’Ansar Dine et du MUJAO et que la vie reviendrait comme avant. L’intervention militaire a incontestablement réduit la capacité de nuisance des djihadistes en en tuant quelques centaines et en détruisant d’énormes stocks d’armes et de carburant. Mais les villes de Gao et Tombouctou sont libérées sans l’être totalement puisque des groupes que le discours officiel qualifie de « résiduels » opèrent dans ces localités et y commettent des attentats. Fait plus préoccupant, Kidal est entre les mains du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui interdit à l’armée malienne d’y accéder.

De peur de s’enliser, la France revoit ses effectifs à la baisse sans pour autant se retirer. Sa coopération avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la mobilisation des troupes africaines de la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA) étant loin d’être satisfaisante. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies au Mali (MINUSMA) entrera en action en juillet.

La France ne s’enlisera pas. Mais dans quelle aventure a-t-elle embarqué notre pays alors qu’il ne s’y était pas préparé ? Et quel Mali laisserons-nous aux générations futures ? Celui où le départ du dernier soldat français a été l’un des temps forts de sa décolonisation et qui aujourd’hui perd ce qui lui restait de souveraineté ?

Confiant dans son rôle de libérateur, le Président Hollande nous a promis lors de son passage à Bamako une nouvelle indépendance, « non pas contre le colonialisme, mais contre le terrorisme ». Comme s’il appartenait à la France de nous sauver d’un péril auquel elle n’est pas étrangère si l’on remonte à son intervention en Libye.

L’Homme malien est-il suffisamment entré dans l’histoire ? Est-il sujet de son propre devenir de manière à jouir de son droit de dire « non » aux choix et aux décisions qui engagent son destin ?

La militarisation comme réponse à l’échec du modèle néolibéral dans mon pays est le choix que je conteste. Interdite de séjour dans les pays de l’espace Schengen, je regarde avec admiration et respect, la mobilisation et la détermination des peuples d’Europe à lutter contre le même système qui en toute quiétude nous broie, ici en Afrique.

 

2. L’Effondrement du capitalisme « gagnant »

Le Mali ne souffre pas d’une crise humanitaire et sécuritaire au nord du fait de la rébellion et de l’islam radical et d’une crise politique et institutionnelle au sud en raison du coup d’État du 22 mars 2012. Cette approche réductrice est la première et véritable entrave à la paix et la reconstruction nationale. Nous avons assisté surtout à l’effondrement d’un capitalisme malien prétendument gagnant au coût social et humain fort élevé.

Ajustement structurel, chômage endémique, pauvreté et extrême pauvreté, sont notre lot depuis les années 80. La France et les autres pays européens ont juste une trentaine d’années de retard sur le Mali, et ses frères d’infortune d’Afrique, soumis depuis plus de trois décennies à la médecine de cheval du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale.

Selon le CNUCED (rapport 2001), l’Afrique est le continent où la mise en œuvre des PAS a été la plus massive, la plus poussée et la plus destructrice le long des décennies 80 et 90 au cours desquelles les institutions internationales de financement ne se sont préoccupées que de la correction des déséquilibres macro-économiques et des distorsions du marché en exigeant des États des documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).

Le credo de Margaret Thatcher « There Is No Alternative » (TINA) marche à merveille sous nos cieux. Il revient à dire au plan économique « libéralisez vos économies à tout prix », au plan politique « Démocratisez selon nos normes et nos critères » et dans le cas du Mali « votez en juillet ». À cet agenda, suffisamment périlleux, s’ajoute, à présent, le volet militaire « sécurisez vos pays selon nos méthodes et conformément à nos intérêts ».

Sacrifié sur l’autel du commerce dit libre et concurrentiel, mais parfaitement déloyal comme l’illustrent les filières cotonnière et aurifère, et sur celui de la démocratie formelle, le Mali est en train de l’être, également, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

La rébellion du Mouvement Nationale de libération de l’Azawad (MNLA), le coup d’État, et le recrutement des jeunes chômeurs et affamés au nord comme au sud du pays par AQMI, Ansar Dine et MUJAO s’inscrivent dans un environnement national explosif. Il a été marqué en fin 2011 et début 2012 par des marches de protestations contre la vie chère, le chômage, la précarité, le référendum constitutionnel, la question foncière, la corruption et l’impunité.

Mis à part la petite minorité des nouveaux riches, c’est le peuple malien qui est le grand perdant de l’ouverture de l’économie nationale aux forceps. Il est diverti par le discours mensonger et soporifique sur l’exemplarité de notre démocratie et de nos performances économiques qui étaient semble-t-il les meilleures de l’UEMOA. Les voix discordantes sont ostracisées.

 

3. Déni de démocratie

Démocratique à l’intérieur de ses frontières, lorsqu’on considère la teneur et la vivacité du débat dans l’hémicycle et dans la rue sur le mariage pour tous, par exemple, la France se montre intraitable dans ses relations avec le Mali. Ne pas voir le moindre mal dans son retour en force. Ne rien savoir de ses desseins ou faire semblant de ne pas savoir. Chanter et danser à sa gloire si l’on veut être dans ses bonnes grâces, exister politiquement et circuler librement en Europe. S’y refuser, reviendrait à ne pas être avec elle, donc contre elle. On se croirait au lendemain des attentats du World Trade Center aux États-Unis d’Amérique en 2001, au moment où le Président américain Georges W Bush déclarait : « Ou bien on est avec nous, ou bien on est avec les terroristes ». Dans mon cas ce sont les idées de gauche sur les ravages de la mondialisation néolibérale en Afrique qui sont devenues subversives. Elles m’avaient pourtant valu d’être l’invitée du Parti Socialiste à son université de La Rochelle en 2010.

Pour brouiller le sens de mon discours et de mon combat j’ai été qualifiée d’abord de pro-putschiste et d’anti-CEDEAO, avant l’étape actuelle de mon assignation à résidence. Je suis redevable à Karamoko Bamba du mouvement N’KO de cette pensée africaine selon laquelle « celui qui a le fusil ne s’en sert pas pour prendre le pouvoir. Et celui qui détient le pouvoir l’exerce dans l’intérêt du peuple et sous son contrôle ».

Pourquoi devais-je faire porter l’entière responsabilité de l’effondrement de l’État aux laissés-pour-compte d’une armée gangrenée, comme les autres institutions de la République, par la corruption, le népotisme et l’impunité ?

Il ne peut être reproché aux militaires de ne pas savoir défendre un pays dont les élites politiques et économiques, non seulement acceptent de l’ouvrir au marché dans les pires conditions mais en profitent pour s’enrichir. Le naufrage est d’abord le leur pour avoir revendiqué un modèle économique qui rime avec le désengagement et le délitement de l’État, la ruine des paysans, la clochardisation des troupes et le chômage endémique. S’ils n’avaient pas les moyens d’appréhender les ravages du système dans les années 80, nos dirigeants politiques ne peuvent plus l’ignorer au regard de l’impasse dans laquelle ce système a conduit la Grèce, l’Espagne, le Portugal, Chypre et… la France, leur mode de référence.

 

4. De l'ostracisation à la criminalisation

C’est le 12 avril 2013 au moment de me rendre à Berlin à l’invitation de la gauche allemande (Die Linke) et à Paris à celle du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) que j’ai appris que j’étais devenue persona non grata en Europe à la demande de la France. Il en est de même pour Oumar Mariko, le Secrétaire général du parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance). L’ambassade d’Allemagne m’a donné un visa qui m’a permis de me rendre à Berlin en passant par Istanbul (Turquie) au lieu d’Amsterdam (Pays-Bas) comme initialement prévu. Quant à l’étape de Paris, elle a tout simplement été annulée.

J’ai pris connaissance de mon statut de persona non grata par le message suivant qui m’a été adressé par la Fondation Rosa Luxembourg :

« L'ambassade d'Allemagne à Bamako nous a informé ce matin que la condition indispensable pour votre visa pour l'Allemagne est que vous ne voyagez pas via un pays de Schengen. C'est pourquoi nous avons acheté un nouveau ticket (des vols via Istanbul/Turquie) que vous trouvez ci-joint. Je suis désolé que de ce fait vous n'avez pas la chance de rester trois jours à Paris. Mais l'ambassade d'Allemagne nous a informé que la France a empêché qu'on vous donne un visa pour tous les pays Schengen. On va venir vous chercher à l'aéroport à Berlin lundi. »

L’Association « Afrique Avenir » en co-organisatrice de l’une des conférences à Berlin a protesté et ses principaux partenaires ont réagi à leur tour. Je remercie tous ceux qui m’ont témoigné leur solidarité et rappelle ici le sens de mon combat, pour ceux qui considèrent que la France a le droit de porter atteinte à ma liberté de circulation en raison de mon désaccord avec Paris lorsqu’il ne pratique que la politique de ses intérêts.

Qui peut me reprocher ce que les auteurs du rapport d’information du Sénat français disent si clairement en ces termes « La France ne peut se désintéresser de l’Afrique qui est, depuis des décennies, sa profondeur stratégique, qui sera demain, plus peuplée que l’Inde et la Chine (en 2050, l’Afrique aura 1,8 milliard d’habitants contre 250 millions en 1950), qui recèle la plupart des ressources naturelles, désormais raréfiées et qui connaît un décollage économique, certes, inégal, mais sans précédent, qui n’est plus, seulement, porté par l’envolée du cours des matières premières, mais aussi, par l’émergence d’une véritable classe moyenne ».

Si le constat sur les enjeux démographiques et économiques est fondé, le « décollage économique » auquel ce rapport fait allusion est incertain, source de conflits parce qu’inégalitaire, ne profitant d’abord qu’aux entreprises étrangères et à une partie de l’élite politique et économique.

Les enjeux de l’intervention militaire en cours sont : économiques (l’uranium, donc le nucléaire et l’indépendance énergétique), sécuritaire (les menaces d’attentats terroristes contre les intérêts des multinationales notamment AREVA, les prises d’otages, le grand banditisme, notamment le narcotrafic et les ventes d’armes), géopolitique (notamment la concurrence chinoise) et migratoires.

Quelle paix, quelle réconciliation et quelle reconstruction peut-on espérer lorsque ces enjeux sont soigneusement cachés au peuple ?

 

5. L'instrumentalisation des femmes

L’interdiction de l’espace Schengen ne me vise pas en tant que femme mais elle démontre que celles qui refusent d’être instrumentalisées dans la défense des intérêts dominants peuvent être combattues. J’en fais la douloureuse expérience au niveau national depuis longtemps déjà, mais ne m’attendais à être ostracisée de la part du pays des droits de l’homme, précisément, au moment où mon pays est en guerre. Il viole ainsi la résolution 1325, relative à la participation des femmes à la prise de décision à tous les niveaux, à la prévention ou à la résolution des conflits ainsi qu’à la reconstruction.

Dois-je rappeler que le 8 mars 2013, Journée Internationale des Femmes, le Président François Hollande répondait à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy qui s’interrogeait sur la présence de l’armée française au Mali, qu’elle y est allée « parce qu’il y avait des femmes victimes de l’oppression et de la barbarie ! Des femmes à qui l’on imposait de porter le voile ! Des femmes qui n’osaient plus sortir de chez elles. Des femmes qui étaient battues ! ».

À propos de voile, je suis l’une des rescapées maliennes et sahéliennes de l’analphabétisme qui tente de déchirer celui, pernicieux, de l’illettrisme économique qui maintient les Africains dans l’ignorance la plus totale des politiques néolibérales et fait d’eux du bétail électoral. Le Président Hollande se montrerait-il si intraitable quant à la date de l’élection présidentielle au Mali s’il avait devant lui un électorat malien qui place la souveraineté économique, monétaire, politique et militaire au cœur du débat politique ?

À propos des femmes qui ‘’ n’osaient plus sortir de chez elles’’, je sortais jusqu’ici librement de mon pays et parcourais tout aussi librement l’Europe et le monde. Quelle que soit l’issue de la situation que je traverse en ce moment, elle ne peut qu’être dissuasive pour les autres Maliennes et Africaines qui ont envie de comprendre le monde global et de lutter pour ne pas le subir mais en être des citoyennes averties et actives.

 

6. Aide au développement ou à la militarisation

Au djihadisme armé il faut, semble-t-il, une solution armée. La voie est ainsi ouverte dans un pays comme le nôtre aux achats d’armement au lieu d’analyser et de soigner le radicalisme religieux qui prospère là où l’État, ajusté et privatisé, est nécessairement carencé ou tout simplement absent.

Faire l’âne pour avoir du foin, est le comportement qui prévaut dans ce contexte de pauvreté généralisée tant au niveau des États que de certaines organisations non étatiques. Et la guerre -comble de l’horreur- est aussi une occasion d’injecter de l’argent frais dans notre économie exsangue.

Déçue par les hésitations et les lenteurs de l’Europe dont la solidarité s’est traduite jusqu’ici par la formation de l’armée malienne et de certains soutiens bilatéraux, la France invite au partage de l’effort financier entre Européens dans la défense de leurs intérêts stratégiques en Afrique de l’Ouest. D’autres bailleurs de fonds y seront associés.

Le 15 mai 2013 à Bruxelles, les bailleurs de fonds examineront le plan d’actions prioritaires d’urgence (pour 2013 et 2014). Les ressources qui seront mobilisées (ou annoncées) profiteront-elles au peuple malien, qui ne sait plus où donner de la tête ou irrigueront-elles les mêmes circuits économiques selon les mêmes pratiques qui ont aggravé la pauvreté et les inégalités.

Dans le cadre de la reprise de la Coopération, le ministre français délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement annonce 240 millions d’euros destinés à financer l’agriculture, les services de bases dont l’eau et l’électricité dans les régions du nord, le retour des populations.

C’est le lieu de rappeler que Tripoli la capitale Libyenne a abrité, les 29 et 30 novembre 2010, le Troisième Sommet Afrique-UE où le Guide libyen, Mouammar Kadhafi, a accueilli, en grande pompe, les dirigeants de 80 pays africains et européens.

La création d’emplois, les investissements et la croissance économique, la paix, la stabilité, les migrations et le changement climatique étaient à l’ordre du jour de ce sommet. Les participants s’étaient mis d’accord sur un « plan d’action » pour un Partenariat Afrique-UE de 2011 à 2013.

L’UE a, à cette occasion, réaffirmé son engagement à consacrer 7% de son PNB à l’aide publique et au développement d’ici 2015 et d’affecter 50 milliards d’euros aux objectifs généraux du partenariat envisagé entre 2011 et 2013. Nous sommes en 2013 et fort loin des objectifs de développement du Millénaire et des voies et moyens de les atteindre en 2020. Car le ver est dans le fruit.

La paix, la réconciliation et la reconstruction du Mali, n’ont aucune chance d’aboutir si elles doivent reposer sur des arrangements politiciens en vue d’engranger l’ « aide extérieure ».

L’État, ou ce qui en reste ainsi que les rebelles se battent et négocient dans le cadre du même paradigme qui a aggravé le chômage, la pauvreté et les tensions. Les différends se règlent en termes d’investissement, dans les infrastructures, le lieu par excellence de l’enrichissement rapide et de la corruption. La liste des travaux d’infrastructures mal exécutés ou non réalisés est longue. Elle explique en partie le mécontentement des populations du septentrion qui souffrent pendant que des maisons individuelles poussent au su et au vu de tout le monde grâce aux détournements de fonds et l’argent du narcotrafic.

 

7. Osons une autre économie

Rien ne sera plus comme avant. Ce qui était difficile risque de l’être davantage avec la militarisation qui absorbera des ressources dont nous avons cruellement besoin pour l’agriculture, l’eau, la santé, le logement, l’environnement et l’emploi.

Opération Serval, Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA), Mission Intégrée de Stabilisation Multidimensionnelle des Nations-Unies, la défense de notre pays et notre sécurité, avant d’être militaire, est d’abord un défi intellectuel, moral et politique.

Je me suis reconnue dans les propos du candidat François Hollande lorsqu’il déclara qu’ « il est temps de choisir une autre voie. Il est temps de choisir une autre politique ». Ce temps est, assurément, venu et pour la France et pour ses anciennes colonies d’Afrique. Il est celui des transitions économiques, sociales, politiques, écologiques et civilisationnelles qui n’ont rien à voir avec la feuille de route de la « communauté internationale ». Elles renvoient à un changement de paradigme.

Que les dirigeants africains qui ont intériorisé le discours mensonger sur l’inéluctabilité de cette guerre afin d’en finir avec le péril djihadiste ne s’y trompent pas : l’effet de contagion qu’ils redoutent, tient moins à la mobilité des djihadistes qu’à la similitude des réalités économiques, sociales et politiques induites par le modèle néolibéral.

Si les chefs djihadistes viennent d’ailleurs, la majorité des combattants sont des jeunes maliens sans emplois, sans interlocuteurs, sans perspectives d’avenir. Les narcotrafiquants puisent, eux-aussi, convoyeurs et revendeurs de drogue parmi la même jeunesse désemparée.

La misère morale et matérielle des jeunes diplômés, des paysans, des éleveurs et d’autres groupes vulnérables constitue le véritable ferment des révoltes et des rebellions qui, mal interprétées, alimentent, de l’intérieur bien des réseaux. La lutte contre le terrorisme et le crime organisé, sans effusion de sang, au Mali et en Afrique de l’Ouest passe par l’analyse honnête et rigoureuse du bilan des trois dernières décennies de libéralisme sauvage, de destruction du tissu économique et social ainsi que des écosystèmes. Rien n’empêche les centaines de milliers de jeunes Maliens, Nigériens, Tchadiens, Sénégalais, Mauritaniens et autres, qui viennent chaque année grossir le nombre des demandeurs d’emploi et de visas, de rejoindre le rang des djihadistes si les États et leurs partenaires techniques et financiers ne sont pas capables de remettre le modèle néolibéral en question.

 

8. L'indispensable convergences des luttes

Je plaide pour un élan de solidarité qui prenne le contre-pied de la militarisation, nous restitue notre dignité, préserve la vie et les écosystèmes.

Tout irait dans le bon sens si les 15.000 soldats étaient des enseignants, des médecins, des ingénieurs et si les milliards d’euros, qui vont être dépensés, étaient destinés à ceux et celles qui ont le plus besoin. Nos enfants n’auraient pas besoin d’aller se faire tuer en soldats mal payés, en narcotrafiquants ou en fous de Dieu.

Nous nous devons de nous atteler, nous-mêmes à la tâche primordiale de la transformation de notre moi profond, ébranlé et de notre pays meurtri. L’avantage considérable de l’approche systémique est la détribalisation des conflits au profit d’une conscience politique qui réconcilie et rassemble ceux que l’économie mondialisée broie. Touareg, Peulh, Arabes, Bamanan, Sonrhaï, Bellah, Sénoufos cesseraient de s’en prendre les uns aux autres et se battraient ensemble et autrement.

Cette approche altermondialiste nous rend notre « dignité » dans un contexte où nous avons tendance à culpabiliser et à nous en remettre, poings et pieds liés, à une « communauté internationale » juge et partie.

Elle plaide pour la convergence des luttes à l’intérieur des frontières entre les différentes composantes de la société éprouvées par la barbarie du système capitaliste qui ne veulent ni se résigner ni se soumettre. Elles doivent explorer ensemble des alternatives à la guerre.

Les États libéraux ayant privilégié la guerre et investi dans les armes de destruction des vies humaines, du lien social et des écosystèmes, innovons à travers la bataille des idées et convoquons une conférence citoyenne au sommet pour l’autre développement du Mali, en vue de desserrer l’étau de la mondialisation capitaliste. Il s’agit d’instaurer le débat sur la relation entre politiques néolibérales et chaque aspect de la crise : chômage endémique des jeunes, rébellions, mutineries, coups d’État, violences faites aux femmes, radicalisme religieux.

Un travail inédit et intense d’information et d’éducation citoyenne dans les langues nationales, permettra aux Maliens de parler enfin entre eux de leur pays et de leur avenir.

Parce que tous les Hommes naissent libres et égaux en droits, nous revendiquons juste notre droit à :

-une autre économie, de manière à disposer des richesses de notre pays, et à choisir librement des politiques qui nous mettent à l’abri du chômage, de la pauvreté, de l’errance et de la guerre ;

-un système politique véritablement démocratique, parce que intelligible pour l’ensemble des Maliens, décliné et débattu dans les langues nationales, fondé sur des valeurs de culture et de société largement partagées ;

-la liberté d’expression et de circulation.

 

9. Rendez-nous les clés de notre pays !

La France officielle qui déclare urbi et orbi que nous n’avons « pas d’État digne de ce nom », ni « d’armée digne de ce nom », considère certainement que nous n’avons pas non plus d’existence en tant que peuple pour aller jusqu’à se demander « à qui remettre les clés » et à exiger l’organisation de nos élections en juillet 2013. Elle s’accommode par ailleurs de l’annulation de la concertation nationale - qui devait nous permettre de prendre ensemble entre Maliens le pouls de notre pays. Elle s’accommode tout autant de l’état d’urgence instauré, puis prolongé une première fois, et une seconde fois de manière à « sécuriser » la transition.

Je n’ai pas le sentiment que la « guerre contre le terrorisme » ait apporté la paix en Irak, en Afghanistan et en Libye, et que les casques bleus ont su garantir aux populations de la République Démocratique du Congo et en Haïti la sécurité que celles-ci étaient en droit d’attendre d’eux.

Mais je suis persuadée qu’il y a en chaque Malienne et chaque Malien un(e) soldat(e), un(e) patriote qui doit pouvoir participer à la défense de ses intérêts et du Mali à partir d’une bonne connaissance de son état réel dans l’économie mondialisée.

La réponse à l’insupportable question de Claude Lellouche est claire : le Mali est à rendre aux Maliens. Nous pouvons-en prendre le plus grand soin parce que, comme Bouna Boukary Dioura l’a rappelé, nous savons, nous les peuples du Sahel que les rochers finissent par fleurir à force d’amour et de persévérance.

Rendez les clés du Mali au peuple malien ! 15

 

Aminata D. Traoré, Bamako le 03 mai 2013.

 

 

Le rôle joué dans la guerre au Mali par les pétrodollars saoudiens et qataris

Des intérêts saoudiens et qataris soutiennent financièrement des djihadistes salafistes du Sahel.

Cela pose la question fondamentale de la politique différenciée des États occidentaux. L’Arabie Saoudite et le Qatar sont présentés par les États-Unis et la France comme des alliés stratégiques, notamment dans la lutte contre le régime tyrannique syrien, ainsi que dans le maintien du système financier international, sensiblement alimenté par les milliards des fonds souverains des puissances pétrolières. De l’autre, des membres de ces deux pays financent sans scrupules des groupes « salafistes djihadistes surarmés » comme les qualifie Alain Joxe. Des groupes qui déstabilisent, notamment, le Mali, le Niger, le Nigeria, voire la Tunisie.

Leur objectif : soutenir partout – de l’Indonésie au Nigeria – une vision wahhabite de l’Islam. Elle s’oppose ainsi à la vision de l’Islam majoritairement syncrétique des Maliens. Les fortunes saoudiennes et qataries qui financent ces groupes salafistes ont aussi été profondément perturbées par les révolutions arabes. Elles ont eu des effets jusque dans le golfe persique. Où, comme à Bahreïn, les soulèvements ont été réprimés dans le sang et une quasi-indifférence médiatique. Ils sont résolus à tout mettre en œuvre pour empêcher qu’émerge un modèle démocratique et musulman qui marquerait la fin des régimes dictatoriaux et monarchiques. Avec, de fait, l’aval implicite des États-Unis et de la France.16

 

 

Attentat à Bamako sur fond de crise

L’attaque du vendredi 20 novembre 2015 contre l’hôtel de luxe, le Radisson Blu, allonge la liste des multiples attaques armées qui ont déjà eu lieu au Mali. Elle met aussi en lumière les difficultés d’un pays confronté à une multitude de groupes armés.

On compterait plus d’une vingtaine de morts et une dizaine de blessés parmi les clients de différentes nationalités et le personnel de l’hôtel situé à l’ouest de Bamako dans le quartier d’affaires ACI 2000.

Le groupe Al Mourabitoune aurait revendiqué cet attentat fait en commun avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le groupe Al Mourabitoune s’était fait connaître par une prise d’otages en janvier 2013 dans un complexe gazier à In Amenas dans le sud de l’Algérie, prise d’otages qui s’était terminée dans un bain de sang après l’intervention de l’armée algérienne.

 

Kyrielle de groupes armés

Dirigé par Mokhtar Belmokhtar, Al Mourabitoune est né de la fusion de deux formations : « Les signataires par le sang » et le Mouvement pour l’unité du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) qui, avec AQMI et Ansar Dine, s’étaient emparés du nord du Mali au début 2012, faisant régner la terreur contre les habitantEs. Ces différents groupes continuent à exister et à sévir : Al Mourabitoune avait déjà revendiqué la fusillade le 7 mars 2015 au café-restaurant « La Terrasse » qui fit cinq morts, et quelques mois plus tard, d’autres djihadistes proches cette fois-ci du prêcheur radical Hammadoun Kouffa revendiquaient l’attentat de l’hôtel Byblos dans la ville de Sévaré (à 600 km de la capitale) qui fit treize morts. Dans le nord du Mali, les attaques contre l’armée malienne ou la force militaire des Nations unies, la Minusma, sont fréquentes.

Quoi qu’en dise Le Drian, l’intervention militaire française au Mali – avec l’opération Serval qui s’est transformée en opération Barkhane s’étendant sur l’ensemble de la zone sahélienne du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad – ne parvient pas à stabiliser la région. Quant aux accords de paix d’Alger, ils restent très précaires puisque la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), mouvance indépendantiste qui comprend cinq organisations armées dont le MNLA, a apposé sa signature sous la forte pression, pour ne pas dire la menace, de la communauté internationale. Cette multiplication des mouvements armés se retrouve aussi du côté des loyalistes pro-Bamako, avec l’apparition d’organisations comme le Gatia regroupant les Touareg de la tribu des Imghad ou la Coordination des mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR) représentant les Peuls et Songhaïs.

Le nord du Mali n’a plus l’apanage des groupes armés. Ainsi dans la région de Mopti au centre du pays, s’est créé le Front de libération du Macina, essentiellement composé de combattants peuls qui se sont radicalisés. Cette organisation a fait allégeance à Daesh, tandis qu’il semblerait qu’à l’intérieur même d’Al Mourabitoune, une aile conduite par al-Sahraoui ait aussi rejoint l’État islamique.

 

Crise économique et radicalisme religieux

En appliquant les politiques d’ajustement structurel, la réponse du FMI aux crises économiques liées au surendettement a non seulement affaibli les services sociaux des États et plongé les populations dans la misère, mais a aussi laissé le champ libre aux monarchies pétrolières pour implanter un islam wahhabite, via les constructions de mosquées, d’écoles coraniques, la prise en charge financière des imams, et les innombrables structures d’aides sociales. Cet islam rigoriste, pourtant largement minoritaire dans le monde musulman, a envahi nombre de pays africains, permettant une radicalisation favorisée par une absence complète d’avenir pour la jeunesse.

De plus, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta élu le 15 août 2013 avec 77,6 % des voix a déçu, incapable de répondre à la faillite de l’État et éclaboussé de scandales liés à la corruption. Les populations se tournent de plus en plus vers les chefs religieux.

Au nord du Mali, les différents groupes armés, qu’ils soient islamistes ou non, se mènent une guerre sans merci pour contrôler les routes commerciales et de contrebande à travers le Sahel qui restent extrêmement lucratives, notamment le trafic de cigarettes, de drogue ou d’êtres humains. L’agriculture et l’élevage pâtissent de cette insécurité généralisée, appauvrissant encore plus une population fragilisée. En l’absence d’autres activités économiques, beaucoup se laissent recruter par ces groupes qui se construisent ainsi une base sociale.

Il est illusoire de penser qu’une réponse militaire serait pertinente en l’absence d’alternative qui permette aux populations de vivre décemment dans leur région. Et ce qui est valable pour le nord l’est également pour l’ensemble du Mali.17

 

 

Attentat à Bamako : l'impasse de la guerre contre le terrorisme

Cinq personnes, trois civils et deux militaires, ont été tuées le 18 juin 2017 dans l'attaque d'un complexe touristique près de Bamako, la capitale du Mali. Quatre assaillants, ont également été tués.

Cet attentat est venu rappeler qu'au Mali l'intervention menée par l'armée française depuis 2013, avec des milliers de soldats maliens ou venus d'autres pays africains, n'a pas rétabli la sécurité. En étendant leurs opérations aux pays voisins du Mali, les troupes françaises mènent des actions qui alimentent le chaos et ne peuvent qu'encourager les vocations terroristes.

Il est vrai que l'engagement des troupes françaises en Afrique n'a pas pour but de protéger les populations, mais de garantir que les intérêts de Bolloré, Bouygues ou Areva seront, eux, bien défendus ! 18

 

 

Cycle meurtrier d’affrontements ethniques

Le 23 mars 2019, le massacre de Ogossagou et Welingara dans la région de Mopti, au centre du Mali, a fait au moins 165 mortEs. Les témoins font état d’actes d’une grande cruauté, y compris contre les enfants et les personnes âgées. Cette tuerie fait suite à de nombreuses violences qui se produisent dans la région depuis maintenant plusieurs années.

La région de Mopti, traversée par le fleuve Niger, est très fertile et densément peuplée. Parmi les nombreuses communautés qui y vivent, on trouve notamment les Peuls, les Dogons, les Bambaras, mais aussi des Arabes ou des Touaregs.

 

Agriculteurs contre pasteurs

En 2012, les Peuls ont été victimes de razzias des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui s’étaient fait évincer du nord du pays par les combattants islamistes. En l’absence de protection de l’État, une partie des Peuls a rejoint des groupes djihadistes pour assurer leur protection et celle de leur bétail.

Depuis longtemps, les périodes de transhumance sont sources de tensions. Les troupeaux traversent les champs, occasionnant des dégâts, et utilisent les points d’eau. Traditionnellement des médiations permettaient, via des dédommagements, de trouver des solutions pacifiques. Le réchauffement climatique a changé la donne, en contribuant à la raréfaction des ressources. Les dédommagements exigés deviennent plus nombreux et plus chers, les médiations entreprises par les anciens ont moins de légitimité et les conflits violents augmentent entre les Dogons ou Bambaras, majoritairement agriculteurs, et les éleveurs Peuls. Les conséquences de ces conflits sont plus coûteuses en vies humaines du fait de la circulation grandissante d’armes de guerre.

 

Djihadisme et stigmatisation des Peuls

Dans le même temps, l’émergence d’une mouvance armée djihadiste, la Katiba de Macina, dirigée par le prédicateur Amadou Koufa, a contribué à augmenter l’insécurité dans la région.

Koufa est un prédicateur célèbre pour ses dons oratoires et sa connaissance du Coran. Ses prêches dénoncent, pêle-mêle, la corruption de l’État, la dissolution des mœurs, mais aussi l’ordre social injuste, et il prône un égalitarisme qui trouve écho parmi les Peuls situés au bas de l’échelle de leur communauté, très hiérarchisée. La dimension sociale de l’engagement prévaut sur les autres motivations, notamment religieuses.

Les meurtres ciblés contre les agents de l’État – militaires, policiers, instituteurs – mais aussi les notables et les religieux, vont créer un vide permettant au groupe djihadiste d’asseoir son pouvoir sur de larges zones de la région du centre du Mali. Comme cette Katiba est composée majoritairement de Peuls, l’amalgame entre cette communauté et les islamistes est facilité. 

 

Ni milice ni impunité

En réponse aux attaques des djihadistes, la communauté Dogon s’est dotée de milices structurées par les Dozos – les chasseurs traditionnels – dont le but est la protection des villages dogons. La plus connue est Dan Nan Ambassagou, qui serait impliquée dans le massacre.

Le gouvernement a laissé faire, sans toutefois soutenir ouvertement ce groupe armé. Mais sur le terrain une alliance de fait s’est créée entre l’armée malienne et Dan Nan Ambassagou, qui joue le rôle de supplétif. Dans la lutte contre le terrorisme dans la région de Mopti – où l’armée française est impliquée – les Peuls ont été victimes de nombreuses exactions en toute impunité.

Ainsi les auteurs, issus de la communauté Bambara, du massacre de 29 Peuls à Nampala en 2016 ont été relâchés ou ont écopé d’une peine de prison avec sursis. Une clémence justifiée par Bamako par une avancée vers la réconciliation, mais surtout interprétée par les Peuls comme un permis de tuer….

L’armée française pratique la même stratégie d’alliances et de soutien à certaines milices. Ce fut le cas en 2012 avec l’opération Serval, en coopération avec le MNLA, et ça l’est encore dans le cadre de l’opération Barkhane. La France collabore avec des milices communautaires pour « sécuriser » la frontière entre le Mali et le Niger. Cette politique ne fait qu’aggraver la situation. En effet l’ensemble des communautés sont associées à tel ou tel camp et, à l’arrivée, ce sont les populations civiles qui subissent les actes de représailles des milices, comme cela vient de se produire avec le terrible massacre de Ogossagou et Welingara.19

 

 

Coup d’État dans un pays ravagé par l’impérialisme français

Le 18 août 2020, des officiers de l’armée malienne ont fait arrêter le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Le soir même, depuis le camp où il était retenu, celui-ci a annoncé sa démission. L’armée française présente sur place a pour le moins laissé faire ce coup d’État contre un régime qu’elle soutenait jusque-là, mais qui était devenu de plus en plus impopulaire.

Dévasté par des décennies de colonisation et de pillage de l’impérialisme français, le Mali fait partie des pays les plus pauvres de la planète. L’incurie du gouvernement face aux problèmes cruciaux de la population, la corruption permanente du haut en bas de l’appareil d’État, le luxe insultant dans lequel vit la famille du président ainsi que bien des généraux, sont des éléments alimentant la colère de la population. Celle-ci s’était exprimée ces derniers mois contre le gouvernement.

En 2012, l’armée malienne s’était avérée incapable de repousser les groupes djihadistes qui avaient occupé le nord du pays et s’en étaient pris de façon barbare à la population. Le gouvernement d’alors s’était effondré laissant la place à un pouvoir militaire jugé trop instable et incontrôlable par l’ex-puissance coloniale française. C’est avec le soutien des dirigeants français qu’Ibrahim Boubacar Keïta était arrivé au pouvoir en 2013, en promettant de mettre fin à la misère et à la corruption. Alors même que Hollande lançait l’intervention militaire française au Mali censée éradiquer le terrorisme dans la région.

Sept ans plus tard, le constat est effroyable. Le sort de la population ne s’est en rien amélioré. Et l’intervention militaire française n’a pas arrêté la montée du terrorisme et des groupes djihadistes. Depuis toutes ces années, au contraire, le chaos n’a fait que s’étendre à l’ensemble du Sahel. La présence militaire française est ressentie comme de plus en plus lourde par toute une partie de la population. Celle-ci se retrouve coincée entre la misère, les exactions des djihadistes et celles des militaires maliens protégés par la France.

Une opposition politique, menée par un imam, Mahmoud Dicko, connu pour ses prêches particulièrement réactionnaires contre les femmes, s’est fait entendre les dernières semaines précédant le coup d'État. Elle regroupe une partie des politiciens maliens qui n’ont rien de plus à offrir à la population que l’ex-pouvoir.

Macron a dénoncé ce coup d’État et le communiqué de Le Drian, son monsieur Afrique, le condamnait « avec la plus grande fermeté ». Pourtant, on ne pouvait que constater le silence et la passivité de l’armée française présente au Mali.

Il n’était pas impossible que les dirigeants français trouvaient positif d’être débarrassés de cet allié devenu trop encombrant et impopulaire. Surtout que l’impérialisme français a une très longue expérience sur le continent dans le maniement des coups d’État, des interventions militaires et le soutien aux dictateurs. De toute façon, rien ne peut cacher son rôle dans la situation catastrophique de la population malienne.20

 

Changer les têtes pour que rien ne change

Les militaires qui ont renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août ont ensuite achevé la mise en place d’institutions censées diriger le Mali pendant dix-huit mois, jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

La France et les chefs d’État des pays voisins du Mali exigeaient que le président ne soit pas un militaire. En guise de civil, les putschistes ont nommé à la présidence un militaire à la retraite, l’ancien colonel Ba N’Dao, qui fut aide de camp du dictateur Moussa Traoré, puis chef d’état-major de l’armée de l’air et plus récemment ministre de la Défense sous Ibrahim Boubacar Keïta. Le vice-président sera le chef du coup d’État en personne, le colonel Assimi Goïta, qui restera chargé directement des questions de défense et de sécurité. Enfin, pour rassurer les institutions internationales, c’est l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Ibrahim Boubacar Keïta, Moctar Ouane, qui a été nommé Premier ministre et doit constituer le gouvernement.

Les militaires gardent ainsi le pouvoir. Même s’ils semblent jouir d’une certaine popularité pour avoir renversé un président détesté, les travailleurs et les couches populaires maliens auraient bien tort de se fier à eux. Depuis des mois les manifestations se multipliaient contre la corruption, les violences de la police et de l’armée, contre l’incapacité du régime à assurer les services publics de base, santé, éducation, transports. Pourtant ce n’est pas à la population pauvre que les militaires ont tenu à donner des gages, mais d’abord à l’impérialisme français, en l’assurant que les engagements internationaux du Mali seraient tenus. Le droit pour l’impérialisme français de piller les ressources du pays et pour l’armée française d’y faire ce qu’elle veut reste garanti. Quant à la corruption, c’est dans le vivier de spécialistes en la matière que le nouveau régime est allé puiser : anciens ministres, anciens militaires.

C’était donc l’habituelle comédie de la transition qui allait se jouer au Mali, comme au Burkina-Faso après la chute du dictateur Blaise Compaoré, ou au Mali déjà en 2012, après le renversement du président Amadou Toumani Touré, remplacé sous l’égide de la France par Ibrahim Boubacar Keïta, lequel s’est rapidement avéré tout aussi corrompu. Les hommes de l’impérialisme français vont se charger de chapeauter le processus, directement ou par l’intermédiaire de leurs obligés à la tête des pays africains.

Pour en finir avec les maux contre lesquels ils manifestaient avant le renversement d’Ibrahim Boubacar Keita, les Maliens ne peuvent vraiment compter que sur eux-mêmes. Pour eux, rien n’a changé avec le nouveau régime.21

 

 

Sous les bombes françaises

Le 21 janvier 2021, l’ONG Human Rights Watch a réclamé l’accélération de l’enquête de l’ONU sur le bombardement français qui a fait 19 morts et des dizaines de blessés près du village de Bounti, au centre du Mali, le 3 janvier.

Cette tuerie serait passée inaperçue sans les témoignages de villageois, relayés par les réseaux sociaux puis les médias, dénonçant le fait que les victimes étaient des civils, rassemblés à l’occasion d’un mariage. Peu avant la cérémonie, trois bombes sont tombées sur une assemblée d’hommes, réunis séparément des femmes et des enfants. D’après Médecins sans frontières, la plupart des blessés graves étaient des hommes âgés.

Face au scandale, les autorités maliennes et françaises ont mis plusieurs jours à sortir du silence. L’armée française a assumé le bombardement mais a prétendu que les victimes étaient des djihadistes… qu’elle aurait identifiés comme tels une heure avant le bombardement ! Interrogée le 10 janvier sur France Inter, la ministre française des Armées, Florence Parly, a déclaré : « Il n’y avait ni mariage, ni femmes, ni enfants, il s’agissait d’hommes, et exclusivement d’hommes. » Le gouvernement malien s’est finalement aligné sur cette version, avant d’annoncer, du bout des lèvres, l’ouverture d’une enquête.

Les bombardements français sont fréquents dans cette zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, où sont présents des groupes islamistes armés.

La préoccupation de l’impérialisme français et de ses alliés du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) est d’empêcher que la zone échappe aux intérêts des capitalistes comme Areva ou Total. L’enfer vécu par la population sous la férule des islamistes n’est pas le problème de l’armée française, pour qui la vie des civils n’a aucune importance.

Le bombardement du 3 janvier, puis la fin de non-recevoir opposée par les États français et malien face aux questions légitimes, en sont une nouvelle illustration.22

 

 

Dehors les troupes françaises !

Le 31 janvier 2022, les dirigeants maliens ont annoncé qu’ils laissaient trois jours à l’ambassadeur de France pour quitter le pays. Cette expulsion en bonne et due forme consacrait l’échec de la politique française visant, à coup de menaces et de sanctions, à obliger la junte militaire menée par le colonel Assimi Goïta qui a pris le pouvoir à Bamako en mai 2021 à obéir aux volontés de Paris.

En renvoyant l’ambassadeur, le gouvernement malien entendait répondre aux propos du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui a accusé la junte « d’être illégitime et de prendre des mesures irresponsables ». Les mesures incriminées revenaient simplement à ne plus laisser libre champ à l’armée française pour agir au Mali comme en territoire conquis. Elles consistaient à demander la révision des accords de défense liant les deux pays, à interdire à certains avions militaires le survol du Mali et à refuser l’arrivée d’un contingent de forces spéciales danoises. Le Drian pointait aussi l’arrivée des mercenaires de la société russe Wagner, redoutant l’irruption dans les chasses gardées de l’impérialisme français de nouveaux acteurs, comme ce fut le cas en Centrafrique.

Cette expulsion est l’aboutissement d’un processus enclenché dès le lendemain du coup d’État du 28 mai 2021 qui avait porté au pouvoir l’actuelle junte militaire. Emmanuel Macron avait alors annoncé son intention de retirer du Mali la moitié du contingent militaire de la force Barkhane et d’y fermer les bases de Tombouctou, Kidal et Tessalit. Il espérait ainsi montrer aux nouveaux dirigeants à quel point ils dépendaient du bon vouloir de l’impérialisme français, mais cela a eu l’effet inverse. Le 21 décembre, le Premier ministre Chogel Maïga dénonçait à la tribune de l’ONU « l’abandon en plein vol » de la France et affirmait « le droit du Mali à chercher d’autres partenaires pour assurer sa sécurité ».

Pour accroître la pression, le gouvernement français a eu alors recours à ses amis africains de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Leur l’assemblée a pris le 9 janvier des sanctions dont le but évident était d’étrangler la population malienne pour l’inciter à se retourner contre son gouvernement. Les frontières terrestres et aériennes du pays ont été fermées, rendant notamment impossible le transport de marchandises venant des ports de Dakar au Sénégal et d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Même les transports de médicaments, théoriquement non concernés, ont été bloqués. Les nombreux maliens travaillant dans les pays de la Cedeao ne pouvaient plus envoyer d’argent à leur famille.

Mais là encore, ces mesures odieuses prises à l’instigation du gouvernement français ont eu l’effet inverse de celui escompté. Le 14 janvier, des milliers de personnes ont manifesté un peu partout au Mali pour soutenir Assimi Goïta. Les mesures de rétorsion prises par le gouvernement français et la Cedeao n'ont fait que renforcer la junte. Elles ont soudé la population pauvre derrière des militaires qui en fait sont eux aussi ses ennemis mortels.

Les interventions militaires françaises au Sahel, officiellement justifiées par la nécessité d’enrayer la menace djihadiste, ont toujours eu pour seul but de défendre les intérêts de l’impérialisme français. Aujourd’hui, une partie de plus en plus large de la population africaine rejette cette mainmise de la France sur ses anciennes colonies. Les réactions populaires aux sanctions prises contre le Mali ont suscité de la sympathie dans bien d’autres pays. Au Burkina voisin, les militaires qui venaient de prendre le pouvoir ont surfé sur le sentiment de refus de la présence militaire française déjà exprimé avec force lors du blocage de convois militaires.

L’impérialisme français n’a rien à faire en Afrique : il doit en évacuer ses troupes, comme le demandent les populations locales.23

 

 

L’armée française part mais reste en Afrique

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé le 14 février 2022 que l’armée française allait quitter le Mali, précisant toutefois qu’elle serait toujours présente au Sahel. Les intérêts de l’impérialisme français seront simplement défendus à partir d’autres pays.

Les troupes qui constituent la force Barkhane vont donc se replier sur les pays voisins, dans un nouveau dispositif qui leur permettra d’intervenir dans la zone où sont concentrés les intérêts économiques majeurs de l’impérialisme français. Cela concerne la Côte d’Ivoire et le Sénégal notamment, menacés à leur tour par les groupes djihadistes, mais aussi le Bénin ou le Togo. Le 8 février 2022, sept personnes ont ainsi été tuées dans une attaque djihadiste au Bénin et une dizaine d’autres blessées. L’armée française a beau multiplier les communiqués sur le nombre de djihadistes qu’elle élimine, l’expansion de ces groupes dans des zones jusque-là épargnées confirme que sa présence est bien impuissante à enrayer leur progression.

Les dirigeants français entendent continuer à défendre militairement les intérêts de leur impérialisme après l’éviction de leurs troupes du Mali. Macron s’est concerté dans ce but avec les chefs d’État de pays qu’il avait impliqués dans l’alliance G5 Sahel, le Niger, la Mauritanie, le Tchad. La nature des régimes de ces pays suffit à rendre dérisoires les critiques françaises sur le manque de démocratie au Mali. Au Tchad règne la dictature de père en fils du clan Déby et de sa soldatesque. En Mauritanie l’esclavage est toléré et ceux qui s’y opposent sont emprisonnés. Quant au Niger, c’est avant tout la chasse gardée du trust français Orano, le successeur d’Areva qui y a extrait pendant des dizaines d’année l’uranium bon marché pour les centrales nucléaires.

L’impérialisme français n’est pas seul dans la région. Au Niger, les USA disposent de deux bases de drones, à Niamey et Agadez, et de plusieurs centaines d’hommes des forces spéciales. Ils fournissent à l’armée française les informations de leurs satellites, sans lesquelles elle se trouverait pratiquement aveugle. Dans cette partie de l’Afrique, les USA sous-traitent à la France le maintien de l’ordre impérialiste, tout en gardant un œil sur la situation. L’armée française est ainsi la mandataire des grandes puissances capitalistes.

Cette domination maintient toute la région dans un état de sous-développement chronique, sous la coupe de gouvernements brutaux et corrompus. Pour que cela cesse, il faudra que les troupes françaises et celles des autres puissances soient définitivement chassées hors d’Afrique.24

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_du_Ghana
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mali
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_songha%C3%AF
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mali
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_du_Macina
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mali
(7) http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/article/mali-l-heritage-empoisonne-du
(8) Paul Martial http://www.npa2009.org/content/sur-l%E2%80%99intervention-de-la-france-au-mali
(9) Pierre Rousset http://www.npa2009.org/node/39047
(10) https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Serval
(11) https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_Matignon
(12) https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9raut
(13) http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/_h%C3%A9raut/39625
(14) Kumaran Ira https://www.wsws.org/fr/articles/2013/nov2013/mali-n13.shtml
(15) Aminata D. Traoré http://npa2009.org/content/le-naufrage-et-l%E2%80%99offense-le-mali-est-rendre-aux-maliens-aminata-d-traor%C3%A9
(16) Eros Sana http://www.bastamag.net/Mali-les-veritables-causes-de-la
(17) Paul Martial https://npa2009.org/actualite/international/mali-attentat-bamako-sur-fond-de-crise
(18) https://www.lutte-ouvriere.org/breves/attentat-bamako-limpasse-de-la-guerre-contre-le-terrorisme-94247.html
(19) Paul Martial https://npa2009.org/actualite/international/mali-stopper-la-spirale-de-la-violence
(20) Marion Ajar https://journal.lutte-ouvriere.org/2020/08/19/mali-coup-detat-dans-un-pays-ravage-par-limperialisme-francais_151023.html
(21) Daniel Mescla https://journal.lutte-ouvriere.org/2020/09/30/mali-changer-les-tetes-pour-que-rien-ne-change_151895.html
(22) Julie Lemée https://journal.lutte-ouvriere.org/2021/02/10/mali-sous-les-bombes-francaises_154600.html
(23) Daniel Mescla https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/02/02/mali-dehors-les-troupes-francaises_200905.html
(24) Daniel Mescla https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/02/16/mali-larmee-francaise-part-mais-reste-en-afrique_209362.html