La Mauritanie est un pays situé dans le nord-ouest de l’Afrique. Elle possède une côte de 600 km sur l'océan Atlantique s'étirant de Ndiago au sud jusqu'à Nouadhibou au nord. Au nord, elle est limitrophe de l'Algérie et du Sahara occidental, du Mali à l'est, et du Sénégal au sud. La Mauritanie constitue un point de passage entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne, ce qui en fait un pays pluriethnique ; elle est peuplée de négro-Africains, premiers habitants, Peuls, Soninkés, Wolofs et Bambaras, représentant 30 % de la population, de maures Arabo-Berbères dits « Maures blancs » (30 %) et d'Haratins, d'origine négro-africaine, anciens esclaves des Arabo-Berbères, dits « Maures noirs » (40 % de la population), selon les estimations de la CIA.
Préhistoire
Des populations noires du Bafour, en partie sédentaires, se sont établies en Mauritanie, plus particulièrement dans la région de l'Atar. Ils étaient chasseurs-pêcheurs puis ils ont développé une civilisation agro-pastorale. Ensuite le Sahara s'est étendu, d'autres populations venant de l'est sont parvenues dans cette région comme les Peuls (des pasteurs qui suivent leurs troupeaux) ainsi que d'autres nomades du nord qui sont venus dès le premier millénaire avec leur dromadaires.
Les empires
L’empire du Ghana — peuplé de noirs (Soninkés) — qui avait pour capitale Koumbi Saleh (dans le Hodh Ech Chargui), est antérieur aux premiers Capétiens de France.
Désigné par ses habitants sous le nom d'Empire Ouagadou, il se fait connaître en Europe et en Arabie comme l'Empire du Ghana. Issu du Royaume du Ouagadou, l'empire du Ghana s'est développé au VIIIe siècle avec l’exportation d’or et de sel, important pour la conservation des aliments. Il connait son apogée au Xe siècle, et s'étend alors sur un territoire à cheval sur la frontière actuelle entre la Mauritanie et le Mali, comprenant le Ouagadou, et Oualata. En 990, il annexe Aoudaghost, grande cité berbère, centre névralgique des échanges entre le nord et le sud.
Le mouvement religieux musulman de rite malékite almoravide formé par des tribus berbères Sanhadja (nomadisant entre le Nord de l'actuel Sénégal, l'actuelle Mauritanie et le Sud de l'actuel Maroc) est né sur les rives du fleuve Zenaga (fleuve Sénégal) ou sur les rivages de l’Atlantique. Ce mouvement religieux a donné un empire Almoravide contemporain et rival de l'empire du Ghana. Au Xe siècle, il unifiera certains peuples de l'Adrar et étendra, au XIe, sa domination sur l'empire du Ghana (victoire sur les villes Aoudaghost et Koumbi Saleh).
Au XIIe, la Mauritanie devient province de deux empires : l'empire du Mali et l'empire songhaï. La ville de Tichit est fondée. Cette cité qui allie le savoir au commerce contribue substantiellement au rayonnement de la région du Maghreb et de l'ouest africain fraîchement islamisé.
Au XIVe siècle, plusieurs villes comme Oualata, Chinguetti, Ouadane se développent.1
Les Banî Hassan, l'empire Songhai et les Saadiens
Vers 1350, Ibn Battuta apporte de précieux renseignement sur la situation du commerce caravanier et l'état culturel.
Nous sommes dans le contexte de l'arrivée des tribus arabes, issues d'un brassage entre les célèbres Hillaliens, qui, installés au Maghreb tunisien et central commencent à entrer au Maghreb et au Sahara atlantique, et les Banî Hassan, venus du Yémen, installés à Sijilmasa, Zagora, Skoura et dans toute la Mauritanie.
Les Saadiens qui prennent le contrôle de Marrakech vers 1560 sont eux-mêmes rattachés aux Banî Hassan.
En 1442, les premiers navigateurs portugais découvrent le Cap Blanc et Arguin. Ils implantent un comptoir pour le commerce de l’or, des esclaves, ainsi que de la gomme arabique. Le commerce transsaharien est ainsi détourné au profit des Européens.2
Islamisation et arabisation
Au XVe siècle, l’arrivée des Arabes Beni Hassane (ou tribu des Hassanes) venus de Haute-Égypte se fixent dans le Nord et combattent les tribus sanhadjas. Ils vont influencer la structure sociale et la composition ethnique de la société mauritanienne, répandre progressivement la langue arabe, ou leur langue courante dérivée de l'arabe dite encore hassaniyya. Au XVIIe siècle, les tribus Maghfra et Zouaya vont se combattre pendant près de 30 ans. Les berbères étaient déjà islamisés avant l'arrivée des arabes, ils avaient fondé la grande civilisation islamique almoravide quatre siècles avant l'arrivée des arabes. Tout comme les berbères, les royaumes et empires négro-africains qu'a connu la Mauritanie étaient déjà islamisés avant l'arrivée des arabes, comme en témoignent l'empire peul du Fouta-Toro et L’empire du Ghana. Les tribus gèrent des régions et c'est ainsi que des émirats tels que le Trarza, le Brakna, le Tagant et l'Adrar arriveront à se maintenir. Ses émirats étaient souvent en guerre avec les empires du sud tels que l'empire peul du Fouta-Toro ou l'empire du Oualo.3
Époque moderne
L'espace Mauritanien commence à décliner inexorablement, et c'est finalement avec les dynasties Peuls du XVIIIe et XIXe siècle que le commerce transsaharien perd définitivement sa raison d'être, la colonie française du Sénégal, de Côte d'Ivoire ou du Dahomey captant désormais tout le commerce.
Les esclaves et la gomme arabique y sont les principales marchandises convoitées.
À partir du XIXe siècle, le processus de colonisation débute4. Les Portugais avaient déjà eu des contacts avec les habitants du banc d'Arguin. Le commerce de la gomme au nord du Sénégal se développe. Le fort Portendick au nord de l'estuaire du fleuve Sénégal ainsi que la vallée du Sénégal deviennent une région servant de base à l'expansion économique des colonies. Faidherbe (un administrateur colonial français) considère que les émirats sont source d'insécurité et commence d'abord par annexer l'empire du Oualo avant de conquérir l'autre rive du fleuve. Les peuples maures du Trarza tentent d'instaurer une paix entre les tribus, mais dès 1899 l'administrateur Coppolani instituera une Mauritanie occidentale, tout en reconnaissant en 1900 les intérêts des Espagnols établis au cap Blanc.
Les Français s'établissent dans l'Adrar en 1908 puis au Hodh en 1911. Les frontières sont fixées à la suite d'un accord franco-espagnol. En 1920, la Mauritanie devient une des colonies de l'Afrique-Occidentale française (AOF). 1934 est l'année qui sonne le glas de la résistance, puis 1936 marque l'achèvement de l'occupation militaire de la Mauritanie.
Il n'y aura pratiquement pas de développement du pays et juste une domination militaire en se servant des chefs traditionnels afin de sécuriser le territoire (les antagonismes entre les différentes tribus seront utilisées avec profit par les Français). Ce sera Saint-Louis du Sénégal — capitale de l'AOF et du Sénégal — qui sera donc la capitale administrative de la Mauritanie. Il faudra attendre l'indépendance pour voir s'ériger des installations portuaires ou des aéroports. Durant cette période, les populations nomades deviennent de plus en plus pauvres.
En novembre 1945 les Sénégalais Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor sont élus députés de la circonscription réunissant le Sénégal et la Mauritanie.
En 1946, la Mauritanie accède au statut de territoire d'outre-mer et le 10 novembre 1946, Ahmeddou Ould Horma Ould Babana devient le premier député mauritanien. Cela permet dès 1948, le développement d'une élite et de partis politiques. La loi-cadre Gaston Deferre du 23 juin 1956 permet la création d'un pouvoir exécutif local dont la mise en place est confiée à un avocat Mokhtar Ould Daddah.
La Mauritanie indépendante
Après le référendum de 1958, la Constitution mauritanienne adoptée l'année suivante instaure un régime parlementaire. L'indépendance est proclamée le 28 novembre 1960. Le pays est reconnu officiellement par l'Organisation des Nations unies (ONU) le 27 octobre 1961 et devient membre fondateur de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1963.
Mokhtar Ould Daddah (1960-1978)
Reprendre l'œuvre inachevée de l'unification des diverses ethnies est l'objectif premier de cette jeune république. Son président Mokhtar Ould Daddah (né le 25 décembre 1924 a Boutilimit) devra s'imposer face aux dissensions internes et l'influence de ses voisins tels que le Maroc ou l'Algérie. En août 1966, il est réélu à la présidence. Il est confronté à une contestation syndicale marxiste et maoïste qui finit par intégrer l'unique parti au pouvoir quelques années plus tard en 1975.
Le partage du Sahara occidental entre le Maroc et la Mauritanie va générer de graves crises pour le pays. Le conflit avec le front Polisario soutenu par l'Algérie plonge la Mauritanie dans une misère noire (et une famine à cause de la sécheresse de 1978). Malgré le soutien de l'armée française basée à Dakar en décembre 1977, les attaques de villes dans le nord et même de la capitale Nouackchott par le front Polisario finissent par pousser les militaires mauritaniens à déposer le président Mokhtar Ould Daddah en 1978.
La Mauritanie des colonels
Le 10 juillet 1978, le lieutenant-colonel Moustapha Ould Mohamed Saleck accède au pouvoir. Le Comité militaire de redressement national signe un cessez-le-feu avec le front Polisario. Ce nouveau dirigeant est en proie à des luttes intestines qui ont conduit, le 6 avril 1979, à des modifications transférant la réalité du pouvoir à un nouveau premier ministre le lieutenant-colonel Ahmed Ould Bouceif. Moustapha Ould Mohamed Saleck conserve toutefois son poste de chef de l’état. Un Comité militaire de Salut National est créé. À la suite de la mort du premier ministre Ahmed Ould Bouceif dans un accident d'avion le 2 juin 1979, une nouvelle direction est mise en place, Mohamed Mahmoud Ould Ahmed Louly devient chef de l’état et Mohamed Khouna Ould Haidalla premier ministre. Un accord de paix est signé avec le front Polisario et la Mauritanie se retire du Sahara occidental. Le 4 janvier 1980, à la suite d'une nouvelle restructuration au sein du Comité Militaire de Salut National, Mohamed Khouna Ould Haidalla devient chef de l’état5. « Son passage au pouvoir est marqué par une tentative de coup d'État soutenue par le Maroc (mars 1981) et un complot pro-irakien (février 1982), ainsi que par la création des Forces de libération africaine de Mauritanie (F.L.A.M.), mouvement clandestin d'émancipation des Noirs mauritaniens. »6
Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya (1984-2005)
Le 12 décembre 1984, le colonel Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya, chef d'état major des armées — Premier ministre (1981-1984) et ministre de la Défense — accède au pouvoir par un coup d'État avec l'aide du Comité militaire de salut national dont il est président. Il libéralise l'économie, permet l'organisation des élections au niveau régional et départemental. En 1991, il proclame une nouvelle Constitution, instaure le multipartisme et crée le Parti républicain démocratique et social (PRDS). En 1992, il est élu président de la République, puis réélu en 1997, malgré de fortes contestations sur l'état des libertés dans le pays. Crise économique et corruption empêcheront le processus de démocratisation d'arriver à sa fin.7
En deux décennies de pouvoir personnel, Ould Taya n’avait apporté à la population ni liberté d’expression ni prospérité économique, encore moins le minimum de droits sociaux auxquels celle-ci aspirait. Bien au contraire, il avait cherché à compartimenter les Mauritaniens selon leurs origines ethniques. Lui qui affirmait en 1986 qu’il « refusait de diviser [son] peuple en Blancs et Noirs » laisse une Mauritanie divisée dans laquelle la méfiance règne entre les uns et les autres et où les tensions entre communautés n’ont cessé de s’exacerber depuis avril 1989.
En effet, à la fin des années quatre-vingt, plus de sept cents Mauritaniens noirs étaient massacrés dans les grandes villes de Nouakchott et Nouadhibou ainsi que dans plusieurs autres localités, avec la complicité des plus hautes autorités de l’État. Loin de s’opposer à ces pogroms anti-Noirs, le régime de Taya procédait à son tour à une « épuration » des employés noirs de l’administration et des entreprises publiques et à l’arrestation, puis à l’exécution, de dizaines de Mauritaniens noirs. Des déportations furent organisées dans le but de « dénégrifier » le pays, en chassant plus de 120000 Négro-Africains.
Cette politique ethniste appliquée et encouragée sous Ould Taya a permis à de nombreux membres de la communauté beydane, l’ethnie de l’ex-président, d’accaparer tous les leviers du pouvoir.
Outre le poison de l’ethnisme, l’esclavage continue à exister dans les faits. Il a fallu attendre une ordonnance du 9 novembre 1981 pour qu’il soit officiellement aboli. Cela signifie déjà qu’il ne l’avait pas été alors que la Mauritanie, jusqu’en 1960, était une colonie de la France et que celle-ci prétendait lui apporter sa « civilisation ». Mais en fait le système perdure. Les descendants d’esclaves, appelés les Haratines (« libérés » en arabe), majoritairement des Noirs de culture arabo-berbère, qui en sont les victimes, vivent dans des campements près des oasis ou même dans les grandes villes. Ils survivent pour la plupart en pratiquant les cultures maraîchères, l’entretien des palmiers-dattiers, le petit commerce tel que la vente ambulante d’eau et depuis peu en travaillant dans les entreprises privées, publiques ou semi-publiques. Leurs conditions de travail sont particulièrement pénibles et ils ne mangent pas toujours à leur faim. Ceux qui travaillent dans les villes doivent encore, en fait, reverser à la fin du mois une partie de leur salaire à leurs maîtres.
Dans la société arabo-berbère traditionnelle de Mauritanie, le fait de posséder des esclaves est considéré comme déterminant le rang social de la personne. Plus un propriétaire a un nombre élevé d’esclaves, plus il attend de considération. Les Haratines, de ce fait, sont considérés comme une sorte d’« intouchables » et, selon la mentalité réactionnaire qui règne chez les tenants de l’ancien ordre social, comme des « sous-hommes ». Rien n’a été fait, bien sûr, sous le long règne de Ould Taya, pour l’émancipation des Haratines ni même pour changer quoi que ce soit à leurs conditions. Au contraire, les gouvernements successifs n’ont cessé d’aggraver leur situation.
Quant aux tribunaux, lorsqu’ils sont saisis par une demande de libération d’un individu victime d’esclavage, ils se prononcent systématiquement pour son retour chez ses anciens maîtres ! Les dignitaires de l’État, ceux-là même qui sont censés officiellement combattre le système d’esclavage très ancré dans les traditions de la société mauritanienne, utilisent des esclaves dans leurs maisons en guise de domestiques non salariés.
Parmi la population qui a accueilli avec soulagement le changement de régime, beaucoup espèrent que les nouvelles autorités envisageront une société plus démocratique, sans clivages raciaux, et voir finir une situation de misère qui perdure alors que le pays ne manque nullement de richesses. Beaucoup ont l’espoir de sortir de la situation parfois moyenâgeuse dans laquelle le colonialisme d’abord, les régimes qui lui ont succédé ensuite, ont tenté de les maintenir. Ils reportent sans doute en partie leurs espoirs sur la nouvelle équipe dirigeante.8
Ely Ould Mohamed Vall (2005-2007)
Le 3 août 2005, l'armée, au travers du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), prend le pouvoir pour, officiellement, « mettre fin au régime totalitaire du président Taya et mettre en place de véritables institutions démocratiques ». Ce putsch a lieu alors que le président est sur le chemin du retour de Riyad où il avait assisté la veille aux funérailles du roi Fahd d'Arabie saoudite. Après un court séjour au Niger et en Gambie, ce dernier se réfugie au Qatar où il obtient résidence permanente.
Le nouvel homme fort du pays, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, a été l'un des plus fidèles compagnons de route du président déchu. En effet, responsable de la Sûreté nationale (police mauritanienne) pendant 18 ans, il était à la base de toutes les politiques de répressions successives. Le 21 avril 2006, il autorise l'ex-président Maaouiya Ould Taya, en exil au Qatar, à revenir dans son pays, lui interdisant toutefois de participer aux élections prévues dans le cadre d'une transition démocratique jusqu'en 2007. L'ex-président Maaouiya Ould Taya n'a toutefois pas regagné la Mauritanie.
Conformément à ses engagements formulés lors de sa prise de pouvoir, Ely Ould Mohamed Vall ne se présente pas à l’élection présidentielle de mars 2007, ainsi que tous les militaires qui avaient participé au coup d'État. Aucun des candidats en lice ne pourra obtenir 50 % des suffrages lors du premier tour. Un second tour a lieu le 25 mars 2007.
Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (2007-2008)
Le nouveau président de la République élu lors de ces élections est Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Il prête serment le 19 avril 2007. C'est le premier civil, depuis près de 30 ans, élu démocratiquement sans fraude massive depuis l'indépendance de la Mauritanie. Un vent d'espoir souffle sur le pays : les médias sont plus libres et de nouvelles organisations politiques sont acceptées dont un parti islamiste. Mais des émeutes à cause de la baisse du pouvoir d'achat et l'augmentation de l'insécurité dans le pays affaiblissent le pouvoir du président.
Le Premier ministre est Zeine Ould Zeidane mais le 6 mai 2008, il annonce sa démission ainsi que celle de tout son cabinet. Le 11 mai 2008, le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf forme son premier gouvernement d'ouverture avec des personnalités de l'entourage du président déchu, ce qui sera peu apprécié par les militaires qui étaient à l'origine du putsch de 2005 sans oublier l'entrée de deux membres islamistes. Trois femmes, dont deux du précédent gouvernement, rejoignent ce cabinet. Mais une motion de censure est déposée par des députés, le 30 juin 2008. Cette motion n'aboutira pas puisque le gouvernement démissionnera.
Après trois semaines de crise constitutionnelle, le Premier ministre, reconduit dans ses fonctions, compose un nouveau cabinet renouvelé par moitié mais sans ouverture vers l'opposition ni vers la deuxième force politique du pays qui faisait pourtant partie de la majorité présidentielle. Les anciens membres du gouvernement qui semblaient être source de conflit entre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et les militaires ont été écartés afin de permettre le retour à un apaisement mais les membres inconnus du public semblent susciter encore des interrogations.
Mohamed Ould Abdel Aziz (depuis 2008)
Lors du coup d'État militaire du 6 août 2008, le président de la République et le Premier ministre sont arrêtés et déposés à la suite du renvoi de quatre des plus importants officiers militaires du pays. Le rapporteur de la présidence annonce que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi est détenu au palais des congrès de Nouakchott. Le nouveau maître du pays est le général Mohamed Ould Abdel Aziz qui préside un Haut Conseil d'État et promet d'organiser une rapide élection présidentielle. Le 13 août 2008, il nomme un nouveau Premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf.
Après avoir démissionné de l'armée, il abandonne la charge de chef de l'État le 15 avril 2009 au président du Sénat Ba Mamadou dit M'Baré afin de pouvoir se présenter à l'élection présidentielle, prévue en juin, qui se tient finalement le 18 juillet. Élu avec 52,5 % des voix, il entre officiellement en fonction le 5 août.
Le premier semestre de l'année 2011 est marqué par l’extension du printemps arabe en Mauritanie, avec une vague sans précédents de grèves, manifestations et revendications politiques.9
Contestation de 2011
Les contestation en Mauritanie en 2011 débute vers le 17 janvier 2011 et fut décrite comme la plus grande depuis l’indépendance du pays. Elle s'inscrit dans le contexte du printemps arabe.
Ces manifestations touchent tout le pays et tous les secteurs de la société ; des conflits sociaux durent parfois longtemps, signe de la détermination des contestataires, mais les différents mouvements de contestation politique et sociale ne convergent pas. Les manifestations dépassent rarement les 1 000 personnes. Ainsi, la période d’agitation ne se transforme pas en révolte généralisée contre le régime, comme en Tunisie, en Égypte ou en Syrie.
Contexte
En 2005, Maaouya Ould Taya est renversé par l’armée après vingt ans de dictature. Après deux ans de transition, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est élu président, mais renversé dès août 2008 par le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Celui-ci est élu président en juillet 2009 ; bénéficiant du soutien de l’Occident, qui voit en lui un rempart face à AQMI, il adopte rapidement une pratique non-démocratique du pouvoir, voire autocratique.
Depuis le succès de la révolution tunisienne, le monde arabe est secoué par une vague de contestations.
En Mauritanie, la question sociale est compliquée par l’existence de nombreux haratines, communauté issue des esclaves. Le taux de chômage est de 31 % et touche plus particulièrement les jeunes, et plus encore les diplômés. Chaque année, un tiers de la génération entrante sur le marché du travail ne trouve d’emploi ni dans le secteur déclaré, ni dans le secteur informel.
Début des mouvements en janvier
Les manifestations demandent des réformes sociales et économiques et le départ du président Mohamed Ould Abdel Aziz, dont l’élection en 2009 est contestée. La première manifestation a lieu le 13 janvier à Nouakchott, et rassemble des milliers de personnes. Une baisse de 30 % du prix des denrées alimentaires est promise.
Yacoub Ould Dahoud s’immole par le feu face au palais présidentiel, le 17 janvier, en protestation contre les politiques du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Revendications sociales et politiques
La semaine suivante, des centaines de personnes manifestent dans les rues de Nouakchott. D’autres manifestations ont lieu à Atar, Zouerate, et Aleg.
La répression de manifestations contre le manque d'eau et la hausse des prix à Vassala, le 18 février, fait plusieurs blessés. Des arrestations ont eu lieu, mais le mouvement continue, mobilisant quelques centaines de jeunes.
Début mars, les manifestations ont lieu tous les mardis et vendredis suivent à un rythme soutenu : des milliers de jeunes se rassemblent à Nouakchott le mardi 1er mars, à nouveau place des Blocs, et à Ayoun el-Atrouss pour demander des meilleures conditions de vie et le départ du président. La quatrième manifestation, le 8 mars, est dispersée par la police après des affrontements qui font dix-huit blessés chez les manifestants, la police ayant bouclé tous les accès à la place. Lors des manifestations suivantes, les jeunes restent nombreux et pacifiques.
Début mars également, un mouvement de grève dans le secteur de la santé commence. Des négociations y mettent fin seulement au mois de mai. Les universités participent également au mouvement, et sont même fermées quelques jours. D’autres grèves ont lieu dans l’enseignement secondaire, les mines de fer du nord du pays, la pêche, les transports, les fonctionnaires municipaux.
La première réponse d’envergure est un plan social de 9 milliards d’ouguiyas, permettant de baisser de 30 % le prix des denrées de première nécessité dans un réseau de boutiques spécialisées. Le gouvernement demande à rencontrer les représentants des manifestants.
Malgré ces concessions économiques du gouvernement, la coordination appelle à une nouvelle manifestation le 25 avril, avec des mots d’ordres plus radicaux (comme la démission du premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf). Plusieurs centaines de manifestants réussissent à bloquer la circulation, avant d’être violemment dispersés par la police, qui arrête une vingtaine d’entre eux.
Le Syndicat national des enseignants du secondaire (SNES) organise une grève, très suivie, du 8 au 10 mai. Les employés du secteur public de l’information annoncent une nouvelle grève pour le 18 mai. Les journalistes font trois grèves successives au mois de juin, pour obtenir enfin l’application de l’augmentation de 10 à 50 % des salaires, obtenue en 2008.
Les contestations d’ordre politique sont portées uniquement par un mouvement de jeunes réunis au sein du mouvement du 25 février, formé sur Internet. Ils manifestent avec constance et pacifiquement sur un terrain vague, la place des Blocs, portant un programme très concret en 28 points :
- annulation de la vente frauduleuse de la place des Blocs ;
- la non-participation des militaires à la politique ;
- un système électoral plus juste ;
- la démission du gouvernement ;
- des créations d’emploi ;
- augmentation du salaire minimum à 73 000 ouguiyas.
Le maire d’Aoujeft, Mohamed El Moctar Ould Ehmeyen Amar, démissionne du parti au pouvoir en soutien à « la juste cause des jeunes » début mars. À Nouakchott, la manifestation du 26 avril est dispersée à coups de matraques et de gaz lacrymogènes, et une vingtaine de manifestants sont arrêtés.
Enfin, la classe politique dénonce l’autoritarisme du président, que ce soit le vice-président de l’Assemblée nationale, El Arbi Ould Jideine, des membres de son parti, l’Union pour la République, ou ses alliés du Parti mauritanien de l’union et du changement (Hatem) et du Tawassoul (islamistes).
Du 9 au 11 juin, les jeunes tiennent des rencontres et forums à Nouakchott, avec la participation de la coalition du 25-février.
Mesures prises par le gouvernement
Le 23 juin, la pénalisation des délits de presse est levée. Toujours en juin, des terres sont distribuées à une centaine de jeunes diplômés pour qu’ils les cultivent.
Le printemps arabe trouve un débouché dans des négociations entre parti au pouvoir et opposition entre septembre et octobre. Alors que les discussions avaient du mal à démarrer, des points d’accord ont été trouvés, malgré les tensions persistantes suscitées par le recensement :
- les minorités seront reconnues dans la constitution ;
- l’interdiction de l’esclavage sera également inscrite dans la constitution ;
- l’influence de l’armée devrait être réduite, par la criminalisation des coups d’État et l’exclusion des militaires de la politique ;
- des sièges du Parlement seraient réservés aux femmes.
Dans le même temps, la Haute autorité de presse et d’audiovisuel est chargée d’élargir le nombre de chaînes et de radios disponibles, pour passer de deux chaînes actuellement à 7, et de deux radios à 7 également.10
Une dictature esclavagiste alliée de la France
Le président mauritanien Abdel Aziz est réélu en juin 2014. Les principaux partis d'opposition ayant choisi de boycotter cette élection qu'ils qualifient de « scrutin organisé par un pouvoir dictatorial », ce résultat ne représente pas une surprise. L'élément nouveau est surtout le score non négligeable obtenu par le militant antiesclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid, qui a obtenu près de 9 % des suffrages et arrive second. Lui-même descendant d'esclaves, il avait été emprisonné plusieurs mois en 2012 pour avoir brûlé des textes d'une école de droit musulman légitimant l'esclavage. Son mouvement étant interdit, c'est en tant que candidat libre qu'il s'est présenté aux élections.
La Mauritanie est en effet le pays du monde où l'esclavage est encore aujourd'hui le plus répandu. Une partie des descendants de Noirs autrefois asservis par les tribus maures, ceux qu'on appelle les Haratines (Maures noirs), y sont privés de toute liberté. On estime à 150 000 le nombre de ces esclaves. Ils passent leur vie à travailler pour leurs maîtres, des Beidanes (Maures blancs), et gardent leurs troupeaux de chèvres ou de chameaux dans le désert. Les femmes se voient enlever leurs enfant dès le plus jeune âge, leur maître pouvant les offrir en mariage ou les vendre à qui bon leur semble. Les esclaves haratines sont considérés comme du simple bétail, que leur propriétaire peut blesser, tuer ou violer selon son bon plaisir. Leur seul recours est de s'enfuir pour gagner les bidonvilles de la capitale Nouakchott.
L'État mauritanien est pleinement complice de cette situation. Il nie en effet purement et simplement l'existence de l'esclavage, parlant à ce propos de simples séquelles et d'anciennes coutumes aujourd'hui abandonnées. Une loi interdisant officiellement l'esclavage a été votée, pour satisfaire les alliés occidentaux et les organisations internationales dont la Mauritanie fait partie, mais elle n'a jamais été appliquée. Bien au contraire, dans la république islamique qu'est la Mauritanie, toute la formation donnée aux magistrats ou aux officiers de l'armée et de la police légitime l'esclavage. Dans les faits, jamais les propriétaires d'esclaves n'ont été pourchassés. La répression ne frappe que les militants antiesclavagistes.
Plus largement, tous les pouvoirs sont d'ailleurs concentrés entre les mains des dirigeants beidanes, dont la communauté ne représente que 30 % de la population. Les Haratines mais aussi les membres des tribus noires qui résident sur le territoire, Peuls, Toucouleurs, Bambaras, ne sont que des citoyens de seconde zone, ce qui a déjà donné lieu à des révoltes réprimées par le pouvoir.
Tout cela n'empêche pas la Mauritanie d'être un allié traditionnel du gouvernement français. Il soutient ce régime dont la façade moderne cache une dictature esclavagiste et moyenâgeuse, dans laquelle il voudrait voir un rempart contre l'intégrisme religieux au Sahel.
Ce pays abrite une base militaire française de l'opération Barkhane, censée enrayer la progression des groupes armés djihadistes. Le groupe pétrolier Total y a des intérêts. L'actuel dictateur, Mohamed Ould Abdel Aziz, sait défendre les intérêts de l'impérialisme français sous sa casquette de président de l'Union africaine. Il s'est ainsi déplacé en 2015 à Ouagadougou pour distiller aux nouveaux maîtres du Burkina Faso les conseils soufflés par Paris après la chute de Compaoré. C'est donc peu dire que l'État français est totalement complice du régime mauritanien et de sa perpétuation de la barbarie esclavagiste.11
Démographie
La population de la Mauritanie est estimée à près de 4 million d'habitants en 2014.
Les conditions géographiques – le Sahara occupe les deux tiers du territoire – expliquent la très faible densité moyenne de population, de l'ordre de 3 habitants par km2. Dans le Sud cependant, les rives du fleuve Sénégal connaissent une plus grande concentration d'habitants, très majoritairement noirs. Nouakchott, capitale créée de toutes pièces après l'indépendance (6 000 habitants en 1965), est devenue une agglomération importante qui accueille, aujourd'hui, le tiers des Mauritaniens, dont de très nombreux anciens nomades, que la sécheresse a condamnés à changer de mode de vie. Avec le port de Nouadhibou, au nord, et quelques rares centres secondaires, dont Zouerate, la ville minière du désert, le taux d'urbanisation dépasse 50 %. Le pays connaît une croissance démographique soutenue, de l'ordre de 3 % par an, liée à une très forte fécondité.
On distingue généralement trois groupes humains :
Les Maures noirs
Ils constituent la partie la plus nombreuse de la population (40 %). Les Haratines sont des Noirs, anciens esclaves des Beidanes, d'origines bafours et négro-africaines fortement assimilés et quelque peu métissés aux maures blancs partageant la même langue et la même culture.
Les Noirs africains
Représentant environ 30 % de la population, ils comprennent plusieurs ethnies :
- Les Poulars (ou Peuls : faisant partie des plus anciens peuples du pays, ils sont pour la plupart originaires du sud du pays.
- Les Soninkés : ce sont les descendants des habitants de l'empire du Ghana qui dominait le pays jusqu'à la chute de l'empire, ils se sont par la suite établis majoritairement dans la wilaya du Guidimakha et du Gorgol.
- Les Wolof : ils sont pour la plupart établis au Trarza sur les rives du fleuves Sénégal.
- Les Bambaras.
Les Maures blancs
Ils forment 30 % de la population. Les « Beidanes » -littéralement, les Blancs- issus des vagues de peuplement successives arabes plus ou moins métissées avec les populations berbères et noires anciennement implantées. Ils parlent un dialecte berbéro-arabe fortement influencé par les langues berbères, le hassanya et sont, ou plutôt étaient, organisés en tribus nomades.12
La dette de la Mauritanie : Business pour une minorité et drame pour la majorité
Ce pays est sous pression du cycle infernal de la dette depuis son « indépendance » de l’impérialisme français. Pour servir ses intérêts et ceux des Institutions financières internationales (IFI), la France continue de dominer ce pays et intervient dans la reconfiguration de sa carte politique. Plus que jamais, le pays est bord de la faillite.
La moisson de « l’indépendance »
La Mauritanie a accédé à l’indépendance le 28 novembre 1960. L’État indépendant lance le premier programme d’investissement étatique couvrant la période 1960-1978. Ce projet comprenait la nationalisation de l’entreprise française « Mirva » en 1974, du temps du premier président du pays Mokhtar Ould Daddah.
L’histoire contemporaine du pays est marquée par une instabilité politique, des coups d’État militaires et une guerre régionale entre le Maroc et le Front Polisario. Cette situation précipite l’économie du pays dans une longue récession. Ce mauvais départ sera à l’origine de déficits structurels que connaît le pays.
Aux débuts des années 80, le déficit budgétaire dépasse les 9 %. La dette extérieure progresse de 20 % vis à vis des quatre créanciers principaux (France, Libye, Koweït et Algérie) et l’inflation explose à 14 %. La corruption est endémique dans l’appareil de l’État. La Mauritanie subit des catastrophes naturelles successives (invasion des crickets et sécheresse). La somme de tous ces facteurs font que le pays souffre de sous-développement et la grande majorité de la population vit dans une pauvreté extrême.
Dans ce contexte international marqué par la crise de la dette dans les pays du Sud, la Mauritanie tombe sous les fourches caudines des IFI. Un programme de « réforme » néolibérale est imposé au pays, conduit par le FMI et la Banque mondiale. Sa mise en application sera déléguée aux hommes d’affaires du pays. Le contenu répond aux exigences d’un Programme ajustement structurel (PAS) : baisse des dépenses publiques, hausse des impôts, retrait de l’État des services publics terriblement affaiblis. La Mauritanie poursuit le chemin qu’a suivi le reste des pays de la région du Maghreb.
Les « réformes » économiques : mesures et conséquences
Le PAS mauritanien couvre la période 1985-1995 et il est intitulé : Programme de « Réforme économique ». Il prévoyait des emprunts de 4,5 milliards de dollars. En contrepartie, le pays s’engage à arrêter les subventions des produits alimentaires, baisse du taux de change, gel des salaires, arrêt de l’embauche dans la fonction publique ; exception de la police et de la santé.
Un des piliers de ce PAS est la privatisation des entreprises publiques. Parmi les établissements publics proposés au capitalisme local ou étranger, il y avait les sociétés de transport, de production de sucre, d’assurance, poste et télécom et les banques.
À cette même période, la Mauritanie signe des accords de pêche avec l’Union européenne (UE), permettant aux grandes multinationales du continent de pêcher dans les eaux poissonneuses de ce pays. La principale richesse du pays se trouvait ainsi hypothéquée au profit du capitalisme international.
La France, qui occupait déjà la place du premier créancier du pays, profite de l’ouverture commerciale dictée par le PAS. La France est omniprésente dans l’économie locale. En 2016, 65 sociétés françaises disposent de sièges dans le pays, 1257 entreprises de l’Hexagone exportent vers la Mauritanie et réalisent un chiffre d’affaires de 192 millions de dollars.
Les conséquences de ces mesures ne se sont pas faites attendre. Le taux de pauvreté a augmenté. En 2002, il était de 40 %. Le taux de chômage chez les diplômés universitaires est de 40 % chez les femmes et 35 % chez jeunes urbains. L’ouverture commerciale a réduit à néant l’artisanat local, remplacé par des produits de mauvaise qualité. Le soi-disant programme de réforme s’est avéré être un facteur de paupérisation de la population. Seul gagnant, les créanciers de ce pays africain. Depuis, la Mauritanie n’arrive pas à sortir de la spirale de la dette.
Entre les mains des IFI
En 2011, la croissance du pays a atteint 7 %. Un chiffre qui a valu au pays les louanges du FMI sur « la croissance de la Mauritanie ces dernières années ». Une performance due en premier lieu à l’évolution positive des cours des matières premières comme le confirme l’économiste mauritanien Asslem Ould Mohamed : « La croissance économique du pays s’explique essentiellement par la hausse des cours du fer ».
Cette croissance positive ne se traduit pas par une amélioration des conditions de vie des citoyens. Ce chiffre est synonyme d’une croissance des profits des capitalistes locaux et internationaux basés dans ce pays. Cette classe profite des mesures d’austérité et du retrait de l’État des services publics. Un constat partagé par l’économiste Assoufi Ould Chiyani : « Le discours sur le recul de la pauvreté dans le pays ne tient pas la route. De larges franges de la population vivent dans l’exclusion. Dans les campagnes, la situation des petits agriculteurs ne s’est pas améliorée. D’ailleurs la valeur ajoutée du secteur primaire ne dépasse pas 0,3 % du PIB ». Les objectifs fixés pour la réduction de la pauvreté sont hors de portés. L’objectif du gouvernement ne pourrait être atteint qu’en 2030.
Alors que la pauvreté ne faiblit pas, la courbe de la dette publique reprend son envolée. Durant les années 2000, les Mauritaniens ont été soumis à une sévère cure d’austérité pour réduire le poids de la dette publique. Dès 2010, l’encours de cette dette a recommencé à grimper. Entre 2011 et 2012, la dette publique a augmenté de 7,8 %. Les prévisions du FMI tablent sur une dette extérieure ne dépassant pas les 61,1 %/PIB. Cette hypothèse est accompagnée par de nouvelles mesures d’austérité et des hausses des prix. Le service de la dette continue d’absorber une partie considérable des ressources publiques. En 2016, la dette publique pèse 85,1%/PIB, un chiffre en hausse de 9 % en trois ans.
Ce service de la dette profite aux émirs du Koweït, qui sont avec les autres pays arabes les premiers créanciers du pays (43 %), devant la Chine (20 %) et le Club de Paris (36,2 %). Rappelons que la Mauritanie a bénéficié d’une légère annulation de sa dette extérieure de 2 % de la part du Fonds monétaire arabe et la Libye en 2014.
L’austérité au service de la dette
Le 28 janvier 2015 au terme des consultations au titre de l’article IV avec la Mauritanie, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a publié un communiqué fixant les priorités pour le gouvernement pour ce pays.
Extraits :
Dans un premier temps, le FMI salue la politique d’austérité :
« Les administrateurs ont salué les progrès accomplis en matière d’assainissement budgétaire ainsi que l’amélioration des recettes ».
Ensuite, l’institution appelle à de nouvelles mesures de restriction budgétaire :
« Ils considèrent que des mesures supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires si des tensions budgétaires faisaient jour. Les administrateurs ont aussi souligné l’importance de renforcer la gestion des finances publiques pour réduire le risque de surendettement ».
Les inégalités sociales se creusent
Les services de santé dans le pays sont dans un état désastreux. De facto, la mortalité infantile et maternelle est très élevée. Le système scolaire ne se porte pas mieux, 40 % des écoliers sont victimes du décrochage scolaire.
Selon le rapport du PNUD de 2015, 52,4 % de la population mauritanienne vit dans une privation sévère. Le coefficient de l’inégalité humaine développé par l’agence onusienne fait ressortir une inégalité dans la répartition du développement humain de 32,9 contre 22,7 au niveau mondial. L’inégalité dans l’espérance de vie touche 36,6 % de la population de Mauritanie (17,4 % au niveau mondial). Dans l’éducation, l’inégalité touche 40,8 % des enfants scolarisés (26,8 dans le monde). Même si la pauvreté se réduit (23,4 %), les inégalités se creusent. L’indice GINI mesurant les inégalités dans leur globalité est de 40,5. Ainsi, la Mauritanie occupe le 156e rang sur 188 pays dans le classement de l’IDH de 2015, parmi la catégorie des pays à Développement humain faible.
Pas de souveraineté sous le système dette
L’État mauritanien inscrit son action dans le cadre de la coalition régionale pour la lutte contre le terrorisme et les mouvements migratoires dans le sud du Sahara. La Mauritanie comme d’autres pays de la région jouent le rôle de gendarme dans cette zone pour l’UE. En plus de ces services, le territoire mauritanien est mis à disposition des puissances occidentales pour jeter ses déchets dangereux.
La Mauritanie présente ainsi ses services en contreparties d’aides pour sauver une économie locale en crise. Ces alliances font que la Mauritanie est sous la tutelle de ces pays qui se permettent de définir la carte politique du pays et la stratégie de développement économique. Le pays perd ainsi toute souveraineté sur son territoire.
Aucun développement n’est possible dans la configuration actuelle. L’annulation de la dette illégitime de ce pays est une nécessité immédiate. La réorientation des richesses du pays vers les dépenses sociales est une priorité. Portons ces revendications : Ils ont pillé le peuple de la Mauritanie…Luttons pour l’annulation de la dette ! 13
La crise alimentaire de 2007-2008
La Mauritanie est l'un des pays touchés par la crise. Cette dernière a pour origine une forte hausse du prix des denrées alimentaires de base, plongeant dans un état de crise quelques-unes des régions les plus pauvres du monde et causant une instabilité politique et des émeutes dans plusieurs pays.14
La crise alimentaire a laissé des traces profondes dans les économies des pays en voie de développement.
Il existe des conséquences de court terme à la crise alimentaire : le nombre annuel de « pauvres absolus » (moins de un dollar par jour de revenu réel) s’est accru du fait de l’augmentation du prix mondial des biens agricoles de première nécessité, en particulier dans les grands centres urbains ; le nombre annuel de personnes souffrant ou succombant de malnutrition a lui aussi augmenté. Toute famine a par ailleurs des conséquences de long terme sur les régions touchées : perte de capital humain liée à l’accroissement direct de la mortalité, mais aussi à l’augmentation de la malnutrition qui diminue de manière pérenne les capacités cognitives, et baisse du capital foncier ou animalier, lorsque les plus pauvres n’ont pas les flux de revenu suffisants pour faire face à cette crise et sont obligés de vendre leur capital productif.15
Analyse de la crise alimentaire de 2007-2008
Constat de la flambée des prix agricoles
Depuis le début de l'année 2007, les prix de bon nombre de matières premières agricoles et denrées alimentaires de base ont augmenté de façon significative sur les marchés internationaux. L'indice FAO des prix des produits alimentaires est passé de 139 à 219 entre février 2007 et février 2008, les plus fortes augmentations concernant les céréales (indice 152 à 281) et les produits laitiers (indice 176 à 278).
Parmi les hausses les plus significatives, on relève :
- Le prix du marché international du blé a quasi doublé entre février 2007 et février 2008 atteignant un record à plus de 10 dollars américains le boisseau US.
- Le prix du riz a atteint son niveau le plus élevé depuis dix ans.
- Dans certains pays, les prix du lait et du pain ont plus que doublé.
- Le soja atteint son prix le plus élevé depuis 34 ans en décembre 2007.
- Le prix du maïs a également augmenté de façon significative.
Selon Jacques Diouf, directeur général de la FAO, la facture des importations céréalières des pays les plus pauvres va augmenter de 56 % en 2008 après avoir augmenté de 37 % en 2007. Une hausse qui a « un impact dévastateur sur la sécurité de nombreux peuples et sur les droits de l’Homme ».
Déterminants de la flambée des prix
Les économistes avancent des causes conjoncturelles et des causes structurelles, qui seraient les plus importantes, à la flambée des prix agricoles.
Origines de la crise
La plupart des analystes s'accordent à fixer le début des manifestations de cette crise mondiale à 2007, mais ses racines et ses signes annonciateurs sont antérieurs. Ainsi Josette Sheeran, directrice du Programme alimentaire mondial estime que ces signes étaient visibles dès 2005 ou 2006 : « Je pense que tout a commencé il y a trois ou quatre ans, lorsque la consommation de certains produits agricoles de base a dépassé la production à l'échelle mondiale. La sécheresse dans des pays comme l'Australie n'a rien arrangé (la production de céréale a été divisée par deux). Les stocks alimentaires ont commencé à baisser, et pas simplement dans les pays riches. Ça a été la même chose en Éthiopie par exemple. Est venue s'ajouter la hausse des cours du pétrole. À 80 dollars le baril de brut, il devenait intéressant, d'un point de vue économique, de fabriquer des carburants à partir de denrées agricoles ». La combinaison de deux facteurs a aggravé la crise ;
- la consommation croissante de viande et de laitages, en Chine notamment (sachant qu'un kg de poulet, la viande qui est la plus efficiente en termes de transformation des protéines végétales en protéines animales, nécessite 4 kg de protéines et céréales végétales).
- la dégradation et le recul des sols arables : Dans les années 2005/2008, la Chine a perdu 1 million d'ha de terres arables par an, utilisés pour construire les logements qui accueillent les paysans de l'exode rural. L'équivalent d'une ville comme Paris est construite chaque mois en 2007-2008. Le prix du porc a fortement augmenté à la suite d'une zoonose, 100 000 t de porcs ont été importés par la Chine. La demande en porc augmente en Chine, ce qui implique de cultiver beaucoup de maïs (220 millions de tonnes de mais seront nécessaires en 2020, avec 45 000 t importées selon les prospectivistes), au détriment du soja qui fournissait les protéines traditionnellement consommées en Chine. En 2008, la Chine, la Corée du sud cherche à produire hors de Chine, en louant ou achetant des terres (Birmanie, Laos, Cuba, Brésil, Russie et Argentine). En 2008, des émeutes ont touché l'Argentine dont l'agriculture a été déstructurée par la surproduction de soja (25 % de ventes du pays) et sa taxation à l'exportation. La demande de soja pour les agro-carburants a aussi tendu le marché.
Causes structurelles
Destructions de terres arables
Les surfaces arables du globe sont en réduction depuis plusieurs dizaines d'années sous l'effet de plusieurs facteurs : urbanisation des meilleures terres (notamment en Asie), processus de désertification (notamment dans les régions du Sahel et en Australie, mais aussi en Espagne), impact du réchauffement climatique (augmentation du stress hydrique en Europe selon un rapport publié par le Parc naturel régional du Morvan en 2006) et érosion des terres arables fragiles causée par la déforestation ou l'abus d'engrais...
À l'échelle du globe, les pertes de surfaces arables sont estimées à une fourchette comprise entre 70 000 et 140 000 km2 par an (soit -à titre de comparaison entre 12 et 25 % du territoire français). Ce chiffre est estimé à plus de 100 000 km2 par B. Sundquist de l'Université du Minnesota dans son étude synthétique publiée en 2000, Topsoil loss - Causes, effects and implications: a global perspective.
La politique d'augmentation de rendements (révolution verte, augmentation des intrants, etc.) formant une des causes de la destruction de terres arables et de la modification de la qualité des réseaux hydrauliques (et de diversité des zones de pêche), la question des impacts du progrès technique sont encore débattues : compenser la perte de surfaces arables ou au contraire, accélérer le processus de destruction. Ainsi, l'agronome Claude Bourguignon établit dès les années 1970, le lien entre fertilisation par engrais minéraux et déstructuration biologique des sols.
Phénomènes climatiques
Divers éléments climatiques expliquent la faiblesse de récoltes dans de nombreuses parties du monde en 2007. Ainsi des sécheresses (Roumanie, Lesotho, Somalie, Ghana), des inondations (Équateur, Bolivie, Sri Lanka) ou un hiver particulièrement rude (sud de la Chine, Argentine).
Augmentation des prix du pétrole
Le quasi quadruplement du prix du pétrole depuis 2003, de 30 $ à 146 $ le baril a augmenté considérablement le coût des fertilisants et des pesticides, qui en majorité, requièrent l'utilisation de pétrole ou plus souvent du gaz naturel (dont le prix est lié à celui du pétrole) pour leur fabrication. De plus le coût de production des matières agricoles inclut également les frais liés à l'utilisation des machines agricoles et à leur transport.
Augmentation de la demande
Un autre facteur systémique a été l'augmentation de la demande en raison d'un régime alimentaire plus riche dû à l'explosion des classes moyennes, en Inde et en Chine entre autres ; qui est venu s'ajouter à la hausse de la population mondiale d'environ 1,2 % par an. La consommation de viande, en hausse, a provoqué un détournement des zones cultivées au profit de l'élevage, plus lucratif, et au détriment des cultures des aliments de base traditionnels. Pour avoir un ordre de grandeur, en 1990 les classes ou couches moyennes représentaient 9 % de la population en Inde et 8,6 % de la population chinoise, tandis qu'en 2008 elles atteindraient près de 30 % et 70 % de leur population respective. Les Chinois consomment ainsi cinq fois plus de viande en 2005 qu'en 1980 (il faut trois kilogramme de grains pour faire un kilogramme de volaille, le double pour un kilogramme de bœuf.
Cependant l'Inde comme la Chine, pays continents qui ont beaucoup augmenté leurs rendements grâce à la « révolution verte », affirment être pour le moment autosuffisants du point de vue de la consommation humaine de céréales.
Baisse des prix agricoles
Considérée comme inévitable par les analystes économiques sur la base des travaux de Paul Samuelson (prix Nobel d'économie 1970), la baisse des prix des produits agricoles payés aux producteurs a entraîné une baisse importante des investissements agricoles depuis les derniers sommets atteints par les prix agricoles à la fin des années 1970. Cette réduction, affectée tant aux structures qu'à de nombreux intrants ainsi qu'à la main d'œuvre a limité la progression des rendements. Elle a contribué en retour à la faiblesse des investissements du secteur minier des engrais (phosphore, potasse).
Causes conjoncturelles ou dépendant de choix politiques
Agrocarburants
L'augmentation de l'utilisation de matières agricoles comme agrocarburant dans les pays développés a entraîné une diminution de l'offre de nourriture disponible pour la consommation humaine à l'échelle du globe. Cette offre réduite se traduit par un renchérissement très significatif des matières premières agricoles et notamment des céréales. Ce renchérissement touche toutes les populations du globe, mais affecte plus particulièrement les pays les moins développés et les pays en voie de développement, car la part de l'alimentation dans les budgets des ménages y est plus importante.
La production d'agrocarburants est devenue plus rentable grâce à des subventions des gouvernements. Ces subventions étant elles-mêmes justifiées par la volonté d'accroître la part des agrocarburants, en raison de la hausse des prix du pétrole et de leur impact supposé moindre sur l'émission de gaz à effet de serre. Ainsi aux États-Unis, une part croissante de la récolte de maïs est consacrée à la production de bioéthanol (6 % en 2005, 23 % en 2007), et on estime que ce chiffre progressera encore à 36 % en 2011. En France, en 2010, environ 65 % de l'huile de colza est destinée à l'industrie des biocarburants. En Allemagne, une partie significative de la récolte de maïs est destinée à la production de biogaz.
Cette production est violemment attaquée par des associations de défense de l'environnement ou des organismes internationaux. Jean Ziegler, le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, parle même de « crime contre l'humanité ».
Selon l'économiste américain Paul Krugman « les terres consacrées aux cultures de biocarburants de synthèse ne sont plus disponibles pour les cultures vivrières, ce qui fait que les subventions aux biocarburants sont un facteur majeur dans la crise alimentaire. On pourrait décrire les choses de cette façon : les gens meurent de faim en Afrique afin que les hommes politiques américains puissent gagner des voix dans les États agricoles des É.-U. ».
Aux États-Unis, une étude de l'Université de l'Iowa a déterminé que l'expansion du bioéthanol tiré du maïs, liée à une politique de subventions, avait compté pour 36 % de l'augmentation des prix du maïs entre 2006 et 2009.
Si l'intégralité des céréales en date de 2008 utilisées dans le monde pour la production de biocarburants (environ 100 millions de tonnes en 2008) étaient à nouveau destinés à l'alimentation humaine (1 008 millions de tonnes en 2008 toujours selon le rapport de la FAO déjà cité), les bilans mondiaux de produits céréaliers redeviendraient excédentaires.
Plusieurs pays, de l'Union Européenne notamment, ont déclaré leur intention de réfléchir quant à la modification de leur position vis-à-vis des biocarburants. À l'inverse, le président brésilien Lula a récusé le lien de causalité entre biocarburant et hausse des prix (le Brésil est le deuxième producteur mondial de biocarburants.)
Selon un rapport de la Banque mondiale publié par The Guardian en juillet 2008, les agrocarburants seraient responsables de 75 % de la hausse des prix alimentaires.
Baisse des stocks
Les pays développés en particulier ont eu tendance ces dernières années à laisser les stocks agricoles diminuer, préférant avoir recours à l'importation. Des pays en voie de développement ont également appliqué cette politique, et lorsque des pays producteurs comme l'Égypte ont annoncé stopper leurs exportations pour réguler la hausse des prix sur leur territoire, cela a amplifié le mouvement de hausse des prix. L'USDA montre ainsi que la production et les stocks de blé ont diminué depuis 2004, alors que la consommation s'est stabilisée. Le Programme alimentaire mondial (PAM) évoque des stocks ayant « atteint leur niveau le plus bas depuis trente ans »
Crise financière
Conséquence de la forte volatilité des marchés : Avec la crise des subprimes, les matières premières sont devenues des valeurs refuges et donc spéculatives. En effet les aliments de base et les matières premières, comme le pétrole, servent de valeurs refuges aux établissements bancaires et autres fonds d’investissement qui ont perdu, après avoir spéculé sur les fameux subprimes, des sommes très élevées sur les marchés financiers. Et les grandes banques centrales qui volent à leur secours en injectant dans le circuit financier plusieurs centaines de milliards de liquidités, c’est-à-dire de crédits bon marché, leur ont permis de se tourner vers ces nouveaux investissements à moindre frais.
Résultat : des hedge funds en particulier ont aggravé la hausse des prix par leur intervention sur le marché à terme. Ils ont usé de ces nouvelles facilités avec une seule idée en tête : « se refaire » le plus vite possible. D’où leur précipitation sur l’or, le pétrole ou les produits alimentaires de base. Des achats qui pouvaient offrir une perspective de plus-value rapide et très importante. « Le monde croule sous les liquidités », reconnaissait ainsi le 18 avril 2008 Patrick Artus, l’économiste de Natixis, sur les ondes de France Inter en relevant qu’il s’agissait d’une des causes essentielles « des nouvelles poussées de fièvre spéculatives ».
Les troubles sociaux provoqués par la crise
La flambée des prix des matières agricoles de base a affecté l'ensemble de la population mondiale. Si elle ne pose essentiellement dans les pays développés qu'une question de pouvoir d'achat, ses conséquences sont plus graves dans les pays en voie de développement. La FAO a dressé une liste de 37 pays touchés et « requérant une aide extérieure ».
De nombreux pays d'Asie et d'Afrique, et plus particulièrement le Burkina Faso, le Cameroun, le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d'Ivoire, l'Égypte, et le Maroc ont connu des manifestations ou des scènes d'émeutes à la fin de l'année 2007 et au début de l'année 2008 liées au renchérissement des denrées alimentaires de base. D'autres pays qui ont connu des émeutes liées à l'alimentation ou des émeutes semblables : Mexique, Bolivie, Yémen, l'Ouzbékistan, le Bangladesh, le Pakistan, le Sri Lanka, et l'Afrique du Sud.
Comme les réserves mondiales de riz ont diminué de moitié, plusieurs pays producteurs comme la Chine, le Viêt Nam, le Cambodge, l'Égypte et d'autres, ont imposé des interdictions des exportations.
Les mesures mis en place au niveau mondial
Alors que 75 % des pauvres habitent dans des zones rurales, l'agriculture ne recevait que 4 % des investissements publics et l'aide au développement. En avril 2008, la Banque mondiale et le FMI annoncèrent conjointement une série de mesures visant à atténuer la crise, comprenant l'augmentation des prêts agricoles en Afrique et l'aide monétaire d'urgence aux zones durement touchées tel que Haïti.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir besoin de 500 millions de dollars supplémentaires à son budget de 2,9 milliards pour financer ses projets en 2008 en raison de la hausse des prix.
Les puissances occidentales augmentent l'aide alimentaire d'urgence, le président des États-Unis Georges W. Bush à ainsi débloqué, le 14 avril 2008, 200 millions de dollars d'un fonds d'affectation spéciale afin de pouvoir accroître l'aide alimentaire d'urgence de l'Agence des États-Unis pour le développement international et demandé 350 millions de dollars de crédits budgétaires supplémentaires au Congrès des États-Unis. Cependant, de façon générale, l'aide alimentaire a baissé avec la hausse des prix : 8,3 millions de tonnes de graines ont été expédiées au titre de l’aide alimentaire en 2005-06 ; 7,4 millions en 2006-2007 et environ 6 millions en 2007-2008.
Retour à une situation similaire en 2010
De nouveau en 2010, une combinaison de circonstances naturelles (sécheresse en Russie, inondations en Australie) et d'un marché du pétrole de nouveau orienté à la hausse, ayant un effet sur le marché des biocarburants et par là-même sur les marchés des oléagineux, a conduit à de nouvelles hausses de prix de l'ensemble des produits agricoles. Il faut noter que l'utilisation de récoltes alimentaires pour la production de biocarburants a augmenté entre-temps pour la plupart des commodités (soja, maïs, colza, canne à sucre).16
Par ailleurs, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a publié un rapport qui mettait en évidence l'impact majeur de la spéculation sur la hausse des prix des denrées alimentaires et sur la faim qui touchait un milliard d'êtres humains dans le monde.
Ainsi, la FAO constatait qu'entre juillet et septembre 2010 les prix du blé ont augmenté de 60 à 80 %, ceux du maïs de 40 % et ceux du riz de 7 %. Et cette tendance n'est pas nouvelle, puisque entre 2005 et 2008 les prix des aliments ont augmenté en moyenne de 83 %, et de 170 % pour le riz.
Les auteurs de cette étude contredisaient les propos habituellement tenus pour expliquer la hausse des prix des denrées alimentaires de base, mettant en avant la baisse de la production sous l'effet des dérèglements climatiques ou la hausse de la demande, liée à l'élévation du niveau de vie dans certains pays comme la Chine. Ils affirmaient en effet qu'« une part significative de la hausse des prix s'explique uniquement par l'émergence d'une bulle spéculative » résultant de « l'entrée sur les marchés de puissants investisseurs institutionnels comme les fonds spéculatifs, fonds de pension et les banques d'investissement ».
Effectivement, les spéculateurs ont misé sur le gel des exportations de blé décrété par la Russie (troisième producteur mondial) et les mauvaises conditions climatiques ayant touché le Canada et le Pakistan pour faire monter les prix, alors que les récoltes de 2010 s'annonçaient globalement supérieures à celles des années précédentes et que les stocks de céréales, avec 527 millions de tonnes, atteignaient leur plus haut niveau depuis huit ans.
Un autre facteur a contribué à l'aggravation de la crise alimentaire mondiale : la mainmise sur les terres arables par les spéculateurs. Ainsi, selon l'un des responsables d'Oxam France, « depuis 2006, 15 à 20 millions d'hectares ont été acquis par des investisseurs étrangers dans les pays du Sud », au détriment des petits cultivateurs locaux et des cultures vivrières qui doivent céder la place à d'immenses propriétés et aux cultures d'exportation.
Résultat : alors que les denrées alimentaires abondent, de l'Asie à l'Afrique un milliard d'hommes, de femmes et d'enfants sont acculés à la famine. Il en faudrait moins pour condamner définitivement l'organisation capitaliste de l'économie mondiale.17
Union européenne-Mauritanie : les requins aiment la sardine
Le 28 juillet 2021, l’Union européenne et la Mauritanie ont renouvelé pour cinq ans l’accord permettant aux bateaux-usines des pays capitalistes du Nord de venir travailler sur les bancs poissonneux de l’Ouest africain.
La négociation fut présentée par les signataires européens sous les aspects les plus vertueux, promettant tout à la fois de protéger la ressource en poisson, les intérêts des artisans pêcheurs mauritaniens, ceux de la population locale en général et même de doter cet État, un des plus pauvres du monde, des moyens propres à contrôler lui-même qui pêche quoi dans ses eaux territoriales. La réalité est évidemment beaucoup moins reluisante.
Il s’agit tout d’abord d’une excellente affaire pour les industriels de la grande pêche. L’UE versera 57,5 millions d’euros par an à la Mauritanie, plus une subvention de 16,5 millions destinée à l’aider à améliorer ses méthodes de pêche. Les bateaux européens doivent, c’est bien le moins, payer des licences pour opérer dans les eaux mauritaniennes. Il est prévu qu’ils y raflent près de 300 000 tonnes de poissons par an, dont 20 000 tonnes de thon. Aujourd’hui le thon blanc se négocie autour de 7 euros le kilo à Rungis, soit 140 millions d’euros pour la capture annuelle mauritanienne. Autrement dit, la seule pêche au thon, moins d’un dixième du total, couvre, et au-delà, les contributions versées à la Mauritanie.
Ce pays n’est pas en position de négocier. La pêche industrielle, 90 % des captures dans la zone, représente 20 % des ressources de l’État. Elle est complètement dominée par les groupes capitalistes des pays riches qui utilisent tous les moyens pour accéder à la ressource. Il y a quelques années, la Namibie, pays comparable à la Mauritanie – grande pauvreté, population peu nombreuse, plateau continental riche en poissons très peu exploités localement – avait voulu réserver la pêche à des entreprises locales. En 2019, en annexe aux révélations de Wikileaks, la presse découvrait qu’une des premières compagnies de pêche au monde avait versé des millions de dollars de pots-de-vin à divers ministres pour mettre ses bateaux sous pavillon namibien. Le jeu devait en valoir la chandelle.
Au pillage pur et simple s’ajoute l’absurdité criante. Une partie de cette pêche est transformée en farine de poisson destinée à nourrir les saumons d’élevage ou les poulets en batterie. Les ONG estiment que 500 000 tonnes de poissons, des sardines entre autres, sont ainsi prélevées chaque année sur les côtes d’Afrique de l’Ouest pour cette pêche dite minotière. Des poissons frais propres à la consommation humaine sont donc transformés en produits de la grande industrie de piètre qualité nutritionnelle.
Enfin, comme on peut s’y attendre, aussi bien les pêcheurs locaux que des ONG dénoncent un dangereux pillage de la ressource, menaçant certaines espèces. C’est évidemment le cas dans toutes les mers du globe. Mais, dans ce cas, c’est lu et approuvé par ces mêmes députés européens qui se gargarisent jour et nuit de discours écologiques, de droit des peuples et de démocratie. Ces gens sont même extrêmement fiers d’avoir généreusement prorogé la clause laissant l’exclusivité de la pêche aux poulpes aux pêcheurs locaux. Autant leur voter le droit de sucer les têtes des sardines rescapées des bateaux-usines.18
Une élection ne fait pas le printemps
Le 27 mai 2023, le pouvoir mauritanien a remporté les élections, profitant d’une paix dont ne bénéficient pas les autres pays de la région en butte aux attaques des djihadistes. Cette stabilité pourrait être minée par les profondes injustices liées au passé esclavagiste du pays.
Au total, 71,8 % des 1,8 million de Mauritaniens et Mauritaniennes ont voté pour élire leurs députés, leurs conseillers régionaux et municipaux. Un vote d’autant plus important qu’il se situait à un an de l’élection présidentielle.
Une élection contestée
Le parti présidentiel El Insaf (équité) est sorti grand vainqueur de ce scrutin et remporte 107 sièges sur les 176 à pourvoir, ceux de la mouvance présidentielle obtiennent 42 mandats. Quant à l’opposition, elle se contente de 27 sièges. Le mouvement islamiste Tawassoul confirme sa première place d’opposant avec 11 sièges, le Front républicain pour l’unité et la démocratie (FRUD) nouvelle organisation politique conduite par Diop Amadou Tijane, militant anti-esclavagiste, remporte 7 sièges et le parti Sawab (nationaliste arabe) qui avait fait une alliance avec Biram Dah Abeid lui aussi militant anti-esclavagiste et ancien candidat à l’élection présidentielle arrivé second, n’obtient que 5 sièges.
L’opposition a critiqué la sincérité du scrutin, rejointe de manière inattendue par les partis de la majorité présidentielle. Les accusations de fraude, de bourrage des urnes, d’achat de conscience, ont été exposées lors d’une conférence de presse le 19 mai. Cela a valu à Biram Dah Abeid d’être incarcéré pendant deux jours, accusé d’avoir tenu des propos séditieux, ce que ses avocats ont réfuté.
Évolution du paysage politique
En dépit de la difficulté de mesurer l’effet des fraudes sur les résultats annoncés, la capacité du parti présidentiel El Insaf à présenter des candidats sur l’ensemble des postes à pourvoir lui a donné un avantage décisif. L’opposition s’est affaiblie. Le mouvement islamiste Tawassoul a perdu cinq sièges en raison de ses divisions internes. Les partis de la gauche mauritanienne comme le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Union des Forces du progrès (UFP) ont perdu chacun leurs trois sièges. Certains leur ont reproché une attitude trop conciliante à l’égard du pouvoir et une distanciation avec leur base populaire.
Le président actuel Mohamed Ould Ghazouani a succédé à Mohamed Ould Abdel Aziz. Les deux ont participé en 2008 au putsch contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi arrivé au pouvoir lors des élections transparentes et menant plutôt une politique progressiste. Les deux putschistes se sont ensuite brouillés. En créant le parti El Insaf, Ould Ghazouani a tenté de solder un passé encombrant même si certains, accusés de crimes racistes dans les années 1990, continuent à occuper des postes stratégiques.
Un cas singulier
Le succès électoral du camp présidentiel fait suite aux nombreuses années de paix que connait la Mauritanie. Alors que le djihadisme se répand sur l’ensemble de la région y compris les pays côtiers comme le Bénin ou le Togo, la Mauritanie reste épargnée. Ce ne fut pas toujours le cas. Par exemple en 2007, quatre ressortissants français ont été tués. Mais depuis 2011 le calme est revenu. Officiellement et c’est en parti vrai, la réorganisation de l’armée mauritanienne a permis de contenir les offensives des islamistes. Le caractère islamique de la république de Mauritanie délégitimerait les attaques djihadistes. Une autre explication est aussi avancée, bien que réfutée par le pouvoir. Il s’agirait d’un accord avec al-Qaïda. En effet les USA, lors de l’assassinat de Ben Laden, ont mis la main sur sa correspondance. Il proposait aux autorités mauritaniennes la paix contre divers avantages pour son organisation. Ce type d’accord n’est pas nouveau. Le Burkina Faso sous l’ère de Compaoré en a bénéficié.
La quiétude de la Mauritanie ne saurait effacer les profondes divisions liées à son héritage esclavagiste dont les survivances continuent à structurer la société. Le succès électoral du camp présidentiel demeure entaché par les criantes injustices, véritable bombe sociale à retardement.19
Sources