Antiquité
Beaucoup de civilisations et de royaumes se sont succédé sur le sol jordanien, à cheval entre le croissant fertile et le désert d'Arabie. Certains peuples historiques y ont établi leurs capitales comme les Ammonites, les Édomites, les Moabites. D'autres civilisations ont également dominé cette région, tels les Akkadiens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, ainsi que l'Égypte pharaonienne ou encore la dynastie juive hasmonéenne des Maccabées. La civilisation la plus connue en Jordanie a probablement été la civilisation nabatéenne qui y a laissé de riches vestiges archéologiques comme Pétra. L'alphabet arabe semble être né à Pétra.
Des civilisations occidentales ont également régné en Jordanie comme les Macédoniens, les Romains, les Byzantins et les Ottomans.1
Moyen Âge
Jusqu'au VIIe siècle, les Byzantins dominent la Décapole comprenant les villes de : Gerasa/Jerash, Philadelphie/Amman, Raphana/Abila, Dion/Capitolias, Gadara/Umm Qeis et Pella/Irbid.
Dès les premières décennies de l'hégire, les musulmans conquièrent la région. En 635, les forces musulmanes battent l'armée byzantine à la bataille de Fihl près de Pella. Le retrait des Byzantins est définitif après leur défaite à la bataille du Yarmouk le 20 août 636. Le territoire de la Jordanie actuelle fera intégralement partie de l'empire musulman au cours des différents califats qui se succèdent, notamment sous les Rashidun, les Omeyyades et les Abbassides puis les Mongols.
Originaires de la péninsule arabique, les Hachémites sont, selon la tradition, les descendants en droite ligne de l'arrière-grand-père de Mahomet, Hashim ibn Abd al-Manaf (mort en 510), appartenant comme lui à la tribu des Quraychites, riche et commerçante, qui dominait La Mecque au VIIe siècle et à laquelle est dédiée une brève sourate du Coran. Depuis le Xe siècle, les chérifs et émirs de La Mecque furent des Hachémites, voyant se succéder les empires régionaux tout en conservant leur autorité.
À partir de 1115, les Croisés créent la Seigneurie d'Outre-Jourdain. Les Ayyoubides et les Mamelouks y mettent un terme et s'affrontent également pour le contrôle de ce territoire jusqu'au XVIe siècle et l'émergence de l'empire ottoman qui durera jusqu'au début du XXe siècle.
Éclatement de l'Empire ottoman
La Transjordanie, région marginale dans l'économie du Proche-Orient, commence à s'ouvrir aux échanges modernes avec l'ouverture en 1908 du Chemin de fer du Hedjaz reliant Damas à Médine, étape du pèlerinage de La Mecque. À l'aube de la Première Guerre mondiale, l'empire ottoman exerce son contrôle sur la Syrie, la Palestine, le Liban et l'Irak. La France conserve des liens commerciaux avec les Chrétiens de Syrie. Lorsque la guerre se déclenche, l'empire ottoman se range aux côtés de l'Allemagne. Quand, en 1915, les troupes de Djemal Pacha s'approchent dangereusement du canal de Suez, le gouvernement de Londres prend conscience du caractère hautement stratégique de cette position et de l'intérêt de contrôler les régions méditerranéennes du Proche-Orient arabe. Il va trouver auprès des tribus arabes, désireuses de se libérer du joug ottoman, des alliées de taille. Par ailleurs, une lutte sourde s'installe entre les deux alliés France et Royaume-Uni pour le contrôle de la région.
En 1916, s'appuyant sur le sentiment nationaliste arabe et sur le chef des hachémites de la Mecque, Hussein de la Mecque, les Britanniques développent une attaque contre la partie proche-orientale de l'empire ottoman. Le résident général britannique au Caire, Henry Mac-Mahon, promet au chérif Hussein la création, après la guerre, d'un État arabe, allié du Royaume-Uni, et comprenant la péninsule arabique, et la Mésopotamie à l'exception d'une partie de la Syrie, dont la Palestine. Le 10 juin 1916, la révolte arabe est déclenchée, sous l'influence de l'officier britannique Thomas Edward Lawrence, et est dirigée par le prince Fayçal ibn Hussein, un fils du chérif Hussein. Parallèlement, à Londres, Mark Sykes (pour le Royaume-Uni) et François Georges-Picot (pour la France) signent l'accord Sykes-Picot qui définit les futures zones d'influences française et britannique au Proche-Orient : la France se verrait attribuer la Syrie du Nord et le Liban, tandis que le Royaume-Uni établirait un protectorat sur la Mésopotamie et la Syrie du Sud. Le 2 novembre 1916, le Chérif Hussein est proclamé roi du Hedjaz et est reconnu par la France, le Royaume-Uni et la Russie. En juillet 1917, les troupes de Fayçal reprennent Aqaba aux Ottomans. La Palestine se révolte et le général Allenby entre dans Jérusalem. Le 1er octobre 1918, les troupes britanniques et les troupes arabes pénètrent dans Damas.
En Europe, les grandes puissances se concertent sur les nouvelles frontières à tracer au Moyen-Orient. Les Britanniques se montrent favorables à une présence juive en Palestine mais sans décider de sa forme. Le 2 novembre 1917, la déclaration Balfour se prononce en faveur d'un foyer national juif en Palestine.
Le mandat britannique
En janvier 1919, Fayçal arrive en France pour défendre en vain auprès de la Conférence de la paix la création de l'État arabe promis à son père. Il signe à Londres l'Accord Fayçal-Weizmann de 1919 avec Chaim Weizmann, chef des sionistes, concédant la création d'un "foyer national" pour les Juifs - non d'un État -, à condition que l'État arabe voit le jour.
Le 28 juin 1919, le traité de Versailles est signé, confirmant le partage d'influences franco-britanniques au Proche-Orient. Le 2 juillet 1919, un congrès syrien rejette les accords franco-britanniques et la déclaration Balfour. Une commission, mise en place par le président Wilson et dirigée par Henry Churchill King et Charles Crane, recommande le maintien d'un grand Liban autonome et alerte sur les dangers d'un État juif en Palestine (le projet sioniste présenté en février 1919 prévoyait un État juif comprenant la Palestine, la Transjordanie et le Liban).2
Indépendance
En 1920, lors de la Conférence de San Remo et dans le mandat donné aux Britanniques sur la Palestine en 1922, les alliés redéfinissent les frontières de la région en la scindant en quatre mandats dont celui de Palestine mandataire qui comprend les territoires situés entre la mer Méditerranée et le désert de Syrie, territoires correspondant aujourd’hui à Israël, à la Cisjordanie, à la Bande de Gaza et à la Jordanie. En 1923, lors de l’officialisation du Mandat sur la Palestine, et avec la volonté de respecter les promesses formulées envers Hussein ibn Ali et le mouvement sioniste, les Britanniques scindent la région en deux parties : la Palestine à l’ouest du Jourdain, destinée à accueillir un « foyer national juif » et l’« Émirat hachémite de Transjordanie » à l’Est (ou Transjordanie, la future Jordanie) attribué Abdallah bin al-Hussein à la suite de l'alliance victorieuse contre les ottomans conclue entre sa famille et les Britanniques lors de la première guerre mondiale.3
L'armée britannique constitue en 1920 une armée arabe organisée au sein de l'émirat arabe de Transjordanie, la Légion arabe, dont le contrôle est progressivement transféré à l'émirat. À sa création, elle compte 100 soldats sous les ordres de cinq officiers britanniques. En 1921, le nombre de soldats passe à 1000. En 1926, le Corps d'armée de Transjordanie devient une force intégrée à l'Armée impériale britannique. Dans les années 1940, elle intègre dans ses rangs des volontaires des pays arabes limitrophes et participe au renversement du régime de Rashid Ali Al Kaylani pendant la guerre anglo-irakienne au printemps 1941, puis à l'invasion de la Syrie mandataire, alors sous contrôle du régime de Vichy pendant la campagne de Syrie la même année. La Transjordanie soutient l'armée britannique dans tous ses combats au Proche-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale.4
En 1946, l'émirat acquiert l'indépendance totale et devient le « Royaume hachémite de Transjordanie ». Il est admis à l'Organisation des Nations unies et rejoint la Ligue arabe.5
Depuis l'indépendance
Le mandat britannique se termine le 22 mars 1946. Le 25 mai, la Transjordanie déclare son indépendance. Elle devient le Royaume hachémite de Jordanie et Abdallah devient roi.
La Transjordanie est l'un des pays arabes opposés à une nouvelle partition de la Palestine incluant la création d'un État juif, d'un État arabe et d'un État de Jérusalem, comme proposé par la résolution 181 des Nations Unies. Le 15 mai 1948, le Royaume-Uni met fin à son mandat en Palestine, laissant face-à-face Juifs et Arabes de Palestine. La Transjordanie contribue à la coalition arabe qui déclare la guerre à l'État d'Israël nouvellement créé. L'armée arabe est commandée par le roi Abdallah. Les forces de la Légion arabe obtiennent la reddition du Quartier juif de la vieille ville de Jérusalem, combattent à Shaar Hagaï, à Latrun, Lod et Ramleh. Avec la fin de la guerre de 1948, la Légion arabe reste la force militaire du royaume jordanien, et comptera jusqu'à 25 000 hommes. Le 24 janvier 1949, le roi Abdallah annexe la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Le 3 avril 1949, la Transjordanie signe un accord d'armistice avec Israël en insistant sur le fait que la ligne de démarcation ne préjuge pas les frontières à négocier. Cette guerre a conduit à une forte arrivée de réfugiés palestiniens en Transjordanie, dont la population augmente ainsi de 50 %. La Cisjordanie (désignant toute la région sous contrôle transjordanien incluse dans les lignes de démarcation de 1949 et à l'ouest du Jourdain) est annexée immédiatement. Cette annexion n'est reconnue, au départ, que par le Royaume-uni. En 1950, le pays prend le nom de Royaume Hachémite de Jordanie pour entériner cette annexion.
Le 20 juillet 1951, le roi Abdallah, désapprouvé pour son annexion de la Cisjordanie et les accords d'armistice, est assassiné à Jérusalem (probablement sur ordre de Hadj Amin al-Husseini, le « grand mufti de Jérusalem », chef religieux et nationaliste palestinien). Talal, son fils, lui succède. Il ne règne qu'un an avant d'être contraint d'abdiquer, pour raison de santé, en faveur de son fils Hussein, qui monte sur le trône le 11 août 1952.6
Règne du roi Hussein
Entre occidentalisme et arabité
Le début de son règne paraît dans un premier temps difficile. En effet, bien qu'il soit parfaitement accepté par les autorités occidentales, notamment grâce à son interdiction en 1953 du parti politique communiste (créé en 1951), il semble que son propre peuple remette en cause sa légitimité à cause de l'influence des différents mouvements panarabes et de la propagande nassérienne qui s'oppose à l'occident. Le parlement jordanien forme rapidement une opposition. La famille Hachémite semble alors trop en accord avec la politique britannique, ce qui va à l'encontre des idées des Palestiniens jordaniens, qui ne veulent plus de la tutelle des Occidentaux, et principalement des Britanniques.
Dans les années 1950, la carrière politique du roi Hussein prend une tournure totalement différente. Il rejette l'influence occidentale et l'alliance avec la Grande-Bretagne après la crise du canal de Suez en 1956 durant laquelle il se rapproche de l’Égypte de Nasser. Il se voit ainsi obligé d'accepter un gouvernement nationaliste progressiste pour disposer du soutien d'un parlement élu en octobre 1957.
La mise en place d'un régime autoritaire
Mais en avril 1957, il dissout le parlement et instaure un régime autoritaire pour asseoir son autorité et limiter l'emprise des radicaux. Le 25 avril, la loi martiale est décrétée, et la constitution mise en place en 1952, qui affirmait que « le royaume hachémite de Jordanie est un souverain indépendant et son système de gouvernement est parlementaire avec une monarchie héréditaire » et qui mettait en place la répartition des différents pouvoirs sur le territoire jordanien est suspendue.
Devant les instabilités externes, le roi Hussein fait appel aux Américains, pour notamment faire face à la menace syrienne dans le nord de la Jordanie.
L'union hachéménite et désillusion
En 1958 la République arabe unie (RAU) est créée entre les deux grandes menaces de la Jordanie : l’Égypte de Nasser, et la Syrie de Shukri al-Kuwatli. Ainsi, pour faire face à ces pays, Hussein va essayer de trouver de l'aide et du soutien auprès de son cousin hachémite, Fayçal II, qui est à la tête de l'Irak.
Ensemble, ils mettent en place la Fédération arabe d'Irak et de Jordanie pour contrer une éventuelle attaque de la RAU. Mais en juillet 1958, la révolution en Irak mené par Abdul Karim Qasim met fin au règne de Fayçal II qui est exécuté ainsi que toute sa famille. Hussein décide alors de nouveau faire appel aux États-Unis, et parvient à sauver la Monarchie de son pays.
Une certaine stabilité jordanienne
Il parvient alors à garder une certaine stabilité, jusqu'en 1960, où il s'oppose de nouveau à Nasser, qui lui demande de l'aide pour la guerre civile yéménite opposant les républicains pro-nassériens aux royalistes pro-saoudiens. Néanmoins, malgré les tensions entre les deux gouverneurs, leurs relations tendues ne s'arrêtent qu'à de petites provocations notamment lors du premier sommet arabe au Caire le 13 janvier 1964. La même année, Hussein décide de faire alliance avec les Palestiniens et est l'un des précurseurs de l'OLP, l’Organisation de la Libération de la Palestine en 1964. Mais l'OLP tente de s'établir en Cisjordanie. Hussein l'interdit alors dans tout son royaume.
Alliance pro-palestinienne a la guerre des Six-Jours
Le 30 mai 1967, l’Égypte et la Jordanie signent un commun accord de défense. Hussein est alors contraint de s'engager sous la pression de sa population avec la Syrie, l'Irak et l’Égypte, dans la guerre des Six Jours, contre Israël entre le 5 et le 10 juin 1967. Les pertes sont importantes pour la Jordanie et lors de ce conflit, elle perd Jérusalem-Est et la Cisjordanie désormais occupés par Israël.
L'OLP menaçant en Jordanie
À la fin des années 1960, le Fatah, faction de l'OLP, a installé en Jordanie un véritable « État dans l'État » : nombre sans cesse croissant de postes de contrôle tenus par les fedayins (groupes de commandos palestiniens), des impôts perçus, le refus des Palestiniens de voyager avec des plaques minéralogiques jordaniennes sur leurs véhicules, etc. L’OLP organise des détournements d’avions. Très rapidement, le Mouvement national palestinien va s’opposer rapidement au gouvernement jordanien qui est prêt à reconnaître Israël. Les régions de Jordanie où les Palestiniens rejettent en masse l'autorité du roi Hussein se multiplient. De ces zones palestiniennes, l'OLP effectue des raids et des attaques terroristes contre le reste du territoire jordanien et contre Israël. C'est l'époque où Yasser Arafat appelle ouvertement au renversement de la monarchie hachémite en s’appuyant sur le fait que 75 % des habitants de la Jordanie étaient alors Palestiniens à un degré ou à un autre. Le roi Hussein cherche désespérément un compromis avec l'OLP pour calmer le jeu. Ces tentatives de médiations sont rejetées en bloc par Arafat.
Absorbé par sa lutte de palais avec Arafat, Hussein cherche également un compromis et la paix avec Israël. C'est le « plan Rogers » qui prévoit la fin des opérations militaires jordaniennes contre l'État hébreu, et la paix également entre l'Égypte et Israël.
Le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habache considèrent ce plan comme une trahison de la cause palestinienne. En 1970, le VIIe Congrès national palestinien déclare que tout état arabe qui ne soutienne pas l’OLP serait déclaré comme traître et pourrait être renversé. Au début de l'année 1970, le roi Hussein décide de réduire l'influence d'Arafat et des fedayins en Jordanie. Les choses vont alors s'envenimer et les événements s'accélérer.
Septembre Noir
Le 1er septembre 1970, le roi Hussein échappe à un attentat palestinien, c'est le « septembre noir ». Le 6 septembre, le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine) détourne en même temps quatre avions de ligne : une tentative échoue (le détournement du vol d'El Al Amsterdam-New York par un groupe mené par Leïla Khaled), mais les trois autres avions se posent sur l'ancienne base aérienne Dawson à Zarka. Ce détournement est connu sous le nom de Dawson's Field hijackings.
Georges Habache déclare : « Tout ce que nous voulons, c'est combattre Israël et rien d'autre. Mais le régime jordanien considère que notre seule présence dans le pays représente pour lui un danger (…) Pour nous, le roi Hussein est un dirigeant réactionnaire, chef d'un État réactionnaire et donc un obstacle. Et pour réussir notre révolution, nous devons supprimer cet obstacle. » Le 10 septembre, l'armée jordanienne prend d'assaut l'hôtel où sont retenus 125 femmes et enfants occidentaux en otages et les libère.
Le 12 septembre 1970, sur Dawson Field, où sont retenus des otages juifs et israéliens, les pirates de l'air du FPLP font exploser les trois avions vides devant la presse internationale. C'est l'événement qui met le feu aux poudres, et Hussein ne peut plus reculer. Le 16 septembre, il décrète la loi martiale.
Le 17 septembre 1970, l'armée jordanienne intervient massivement contre les fedayins, et l'artillerie commence à bombarder les camps de réfugiés et les bâtiments qui abritent les organisations palestiniennes.
Au bout de dix jours de pilonnages, les camps sont rasés et les organisations palestiniennes doivent trouver refuge au Liban et même en Israël, certains des fedayins de Yasser Arafat préfèrent traverser la frontière israélienne pour ne pas se faire massacrer par les soldats jordaniens.
La Syrie envoie alors des blindés à la frontière afin de venir en aide aux Palestiniens, mais Hussein sollicite l'aide des États-Unis et de quiconque prêt à empêcher la Syrie d'intervenir. Israël répond à l'aide des Jordaniens en envoyant des avions simuler des attaques contre les chars syriens. L'armée syrienne fait demi-tour, abandonnant les troupes d'Arafat à leur sort.
Le 27 septembre 1970, le président égyptien Nasser parvient à faire cesser les hostilités entre la Jordanie et l'OLP. Les estimations du nombre de victimes palestiniennes oscillent entre 3 500 (source jordanienne) et 10 000 morts et plus de 110 000 blessés (source palestinienne). L'implantation en masse de combattants palestiniens au Liban, pays politiquement fragile, a été l'un des facteurs déclenchant de la guerre du Liban.
La tentative de réconciliation avec l'OLP
Le 15 mars 1972, le roi Hussein déclare vouloir un État rassemblant les deux rives du Jourdain pour les Palestiniens. Il présente ce qu'on appellera le « plan Hussein » : il veut que ce soit la Cisjordanie qui serve de territoire palestinien autonome et formant un état fédéral avec la Jordanie. Hussein obtient le soutien des États-Unis, mais pas des Israéliens qui doivent leurs rendre la région pour que le plan prenne forme, ainsi que la désapprobation de l'OLP, et des États Arabes, qui pensent qu'il veut rétablir une autorité Hachémite sur la Cisjordanie qui ne lui appartient plus.
Durant la guerre du Kippour en 1973 (ou troisième guerre israélo-arabe), Hussein va rester à l'écart des combats ce qui lui a valu des reproches de l’Égypte, de la Syrie et de l'OLP.
Du 26 au 29 octobre 1974, lors du sommet de Rabat, le roi Hussein reconnaît l'OLP comme « l’unique représentant légitime du peuple palestinien », ce qui les amène à des relations plus ou moins correctes. De plus, il s'accorde avec tous les chefs d’État arabes pour le refus de la signature d'un traité de paix entre l’Égypte et Israël. Pour continuer d'améliorer ses relations avec l'OLP, il les autorise à revenir à Amman, et reçoit même Yasser Arafat en juin 1980, dans son pays. Néanmoins, Hussein ne renonce toujours pas à récupérer la Cisjordanie, et devant le refus de négociations des États arabes et des Palestiniens, ainsi que des soulèvements de plus en plus nombreux des Palestiniens, des réunions secrètes sont organisées et tout liens, que ce soit au niveau économique ou politique, avec les territoires occupés sont rompus. Néanmoins en 1983, en accord avec l'OLP, il tente de faire une Fédération jordano-palestinienne. Mais le 31 juillet 1988, devant l'échec de son projet, il finit par renoncer totalement à la Cisjordanie, qui était annexé depuis le règne de son grand-père, Abdallah Ier (premier roi de Jordanie).7
Libéralisation du régime
Le mois d'avril 1989 est marqué par la crise économique et une révolte dans le sud du pays, notamment à Ma'an. Des mouvements de protestations se sont également organisés dans les universités jordaniennes comme l'Université de Yarmouk et dans les villes pour réclamer davantage de libertés. Un processus de libéralisation politique rapide est entrepris avec la fin de la loi martiale, le rétablissement d'un Parlement et la participation d'une trentaine de partis à la vie politique, incluant le Front d'Action Islamique. Le succès des forces islamistes est large lors des premières élections libres en novembre 1989. Par contre, les nouvelles élections de novembre 1993 montreront un recul de l'opposition et des islamistes.8
Soutien a Saddam Hussein a la guerre du Golfe
Lors de la guerre du Koweït, qui oppose l'Irak de Saddam Hussein et 34 états coalisés et soutenus par l'ONU (Organisation des Nations unies) entre 1990 et 1991, le roi Hussein se positionne en faveur de l'Irak et de Saddam Hussein qui prononce un discours panarabiste, ce qui provoque la colère des États-Unis et des monarchies du Golfe. Mais contrairement aux pays extérieurs, la population palestinienne semble apprécier ce choix, ce qui le rend de plus en plus populaire au sein de son pays. Malgré tout, il arrive quand même à devenir l'un des principaux interlocuteurs dans les conférences visant la paix dans la région.9
L'année suivante, la Jordanie participe, en même temps que les autres voisins arabes d'Israël, à la Conférence de Madrid de 1991 qui constitue le début de négociations directes de paix, soutenues par les États-Unis et la Russie. Dans le cas de la Jordanie, cela met un terme aux hostilités vis-à-vis d'Israël.10
Traité de paix et alliance avec les États-Unis
Après les accords d'Oslo (signés à Washington, le 13 septembre 1993) qui posent les premières pierres quant à la résolution du conflit israélo-palestinien, le roi Hachémite se range du côté des États-Unis et signe un traité de paix avec Israël le 26 octobre 1994. L'année d'après, il cesse toutes sortes de négociations et d'associations avec l'Irak, et laisse la surveillance de ce pays aux États-Unis par l'intermédiaire son propre territoire.
Dernières années de la vie du roi Hussein
Atteint d'un cancer, il se fait régulièrement hospitaliser aux États-Unis, tout en continuant à jouer un rôle important sur la scène politique, notamment dans les accords de Wye Plantation le 23 octobre 1998 entre les Israéliens et les Palestiniens. Ces accords ont pour but de retirer l'occupation des Israéliens de 13 % du territoire de la Cisjordanie. Mais ces accords sont gelés puis abandonnés deux ans plus tard.
Le roi Hussein meurt des suites de sa maladie le 7 février 1999, laissant son fils Abdallah II monter sur le trône.
Ainsi, malgré ses nombreux changements de position et les différentes crises, autant intérieure que venant de l’extérieure, le roi Hussein de Jordanie a su ramener la paix dans son territoire, et une certaine stabilité. La dynastie Hachémite est ainsi complètement ancrée et installée en Jordanie. Son fils, le roi Abdallah II est aujourd'hui encore à la tête du royaume. Il est considéré comme le père de la Jordanie moderne, en ayant mené son peuple vers la paix et vers une certaine stabilité autant interne qu'externe.11
Le règne du roi Abdallah II
Depuis son accession au trône hachémite, Abdallah a mis en œuvre une politique militaire visant à faire primer l'aspect qualitatif des unités sur la quantité des troupes. Cette politique a été marquée notamment par la modernisation de l'armée de l'air jordanienne, par l'achat de F-16, et du parc blindé, par l'acquisition de chars Challenger 1.
De plus, conscient de la nécessité d'équiper l'Armée royale en matériel moderne, efficace et bon marché (les contraintes budgétaires du petit royaume hachémite étant serrées), le roi Abdallah a signé le 24 août 1999 un décret créant le KADDB (King Abdullah Design & Development Bureau). Cette agence publique jordanienne a pour mission de fournir aux forces armées du matériel et des prestations de très bonne qualité (reconversion, amélioration et maintenance de véhicules), de manière à garantir au Royaume une filière d'approvisionnement en matériel militaire indépendante et efficace (véhicules Al-Tha'Lab, Al Jawad, Matador ou Nimir par exemple). Le roi a ainsi mis sur pieds une industrie d'armement jordanienne, compte tenu de l'instabilité de la région et des menaces pesant sur la sécurité du Royaume.
Le 4 octobre 2012, le palais annonce que le roi Abdallah II dissout la Chambre des représentants et convoque des élections législatives anticipées, sans en préciser la date. Un projet de réforme vise à attribuer au Parlement la nomination du Premier ministre.
Modernisation
Le roi Abdallah II a érigé en priorité la modernisation de l’économie et de la société jordaniennes.
Sur le plan économique, le souverain mène depuis son accession au trône une politique libérale, articulée autour de principes clairement définis qui ont déjà modifié en profondeur la structure de l’économie jordanienne, désormais largement tournée vers les services et profitant d’investissements étrangers massifs, issus notamment des pays du golfe Persique.
Politique économique
D’abord, conscient des ressources naturelles, énergétiques et financières limitées du Royaume, le souverain a cherché à amplifier l’insertion du pays dans l’économie mondiale, avec l’ambition de faire de la Jordanie un hub stable, attractif et dynamique, capable, à l’instar des « tigres asiatiques », d’attirer des investissements étrangers massifs et les sièges régionaux de groupes mondiaux implantés dans la région. À ce titre, le roi a œuvré pour l'entrée de la Jordanie dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), effective en 2000. Il a également signé un accord de libre-échange avec les États-Unis en 2000 et l’accord d'Agadir avec l’Égypte, le Maroc et la Tunisie en 2001. Parallèlement, les autorités ont créé en 2001 une zone franche à Aqaba, seul accès de la Jordanie à la mer ; cette initiative vise à dynamiser le port de cette ville enclavée au sud du pays, en développant les échanges de marchandises entre Orient et Europe.
Politique fiscale
Une réduction de la fiscalité et une simplification de la réglementation est entreprise, notamment pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers.
En 2001, une réforme de la fiscalité des entreprises et des personnes physiques fixe le taux marginal d’impôt sur le revenu à 30 %, et prévoit des taux variables pour l'impôt des sociétés. Une TVA appelée General Sales Tax est adoptée.
Un train de privatisation a également lieu, les diverses entreprises publiques jordaniennes comme Jordan Telecom quittent le giron de l'État. Des partenariats publics/privés voient le jour pour des projets d'infrastructure.
Une parité des changes JOD/USD est maintenue.
D'autres mesures visent à réformer le système bancaire, prévoir une égalité complète de traitement entre investisseurs étrangers et locaux depuis 2003 ; création d'un guichet unique one stop shop permettant aux entreprises d'accomplir l'ensemble des démarches administratives.
Éducation
L'éducation est considérée comme une priorité, de façon à former une main-d'œuvre adaptée. Le taux d'alphabétisation est supérieur à 80 %, le troisième plus grand taux après le Liban et les Émirats arabes unis dans la Moyen-Orient.
Des projets visant à équiper les écoles de connexions Internet sont également mis en œuvre.
Bilan économique
Ces réformes sont corrélées par une croissance de 5,9 % depuis 2000. Une politique de désendettement abaisse la dette de 98 % du PIB en 2003 à 72 % en 2007, principalement grâce à une hausse des recettes fiscales (de 23 milliards en 2003 à 31 milliards en 2006) et des économies dans les dépenses de l'administration.
Ces réformes n'ont pas permis une baisse du taux de chômage, de maîtriser l'inflation et la balance courante reste déficitaire.12
Droits de l'homme : le rapport dAmesty international 2015/2016
Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion étaient soumis à des restrictions, et des personnes critiques à l’égard du gouvernement ont été poursuivies en justice et emprisonnées. Cette année encore, des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été infligés dans les centres de détention et les prisons, et des procès inéquitables se sont déroulés devant la Cour de sûreté de l’État. Les femmes faisaient l’objet de discriminations dans la législation et dans la pratique et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences, sexuelles ou autres. Les tribunaux ont prononcé des sentences capitales et des exécutions ont eu lieu. La Jordanie accueillait plus de 641 800 réfugiés venus de Syrie.
Contexte
Le conflit armé dans la Syrie voisine a encore eu des répercussions en Jordanie, qui a accueilli des réfugiés syriens et dont des civils ont été tués par des tirs transfrontaliers en provenance de Syrie. En février, des avions de combat jordaniens ont lancé de nouvelles attaques sur des zones de Syrie contrôlées par l’État islamique (EI) après que ce groupe armé eut diffusé une vidéo montrant ses combattants en train de brûler vif Muath al Kasasbeh, un pilote de chasse jordanien qu’ils avaient capturé.
Une douzaine de personnes auraient trouvé la mort lors d’affrontements violents avec les forces de sécurité qui ont fait une descente dans plusieurs maisons à Maan, dans le sud-ouest du pays, en mai et juin. En mai, à la suite des événements de Maan et de la mort en détention d’Abdullah Zubi (voir plus loin), le ministre de l’Intérieur a démissionné et les chefs de la gendarmerie et de la Direction de la sécurité publique (DSP), qui gère la police et les prisons, ont été mis à la retraite anticipée. Le Premier ministre a déclaré que ces faits étaient dus à « un manque de coordination entre les services de sécurité ».
Lutte contre le terrorisme et sécurité
Des partisans présumés de l’EI et d’autres groupes armés ont fait l’objet, aux termes des lois antiterroristes et d’autres textes législatifs, de poursuites pénales devant la Cour de sûreté de l’État, un tribunal quasi-militaire appliquant une procédure non conforme aux normes internationales d’équité.
Torture et autres mauvais traitements
En août, le Centre national des droits humains a affirmé avoir reçu 87 plaintes pour torture et mauvais traitements en 2014. Le Premier ministre, Abdullah Ensour, a réagi en annonçant qu’une commission ministérielle, formée d’agents du Département des renseignements généraux (DRG) et de la DSP et présidée par le coordinateur du gouvernement sur les droits humains, avait été désignée et chargée d’examiner les conclusions du Centre national des droits humains. En décembre, mettant en exergue les centres de détention du DRG et du Département des enquêtes criminelles, le Comité contre la torture [ONU] a fait part de sa préoccupation devant les informations concordantes selon lesquelles les membres des forces de sécurité et les agents chargés de l’application des lois utilisaient couramment la torture et les mauvais traitements contre les suspects.
Amer Jubran, un militant jordano-palestinien, a déclaré avoir été torturé et autrement maltraité pendant ses deux mois de détention dans les locaux du DRG. Il a été contraint de signer des « aveux » que les juges militaires de la Cour de sûreté de l’État ont retenus à titre de preuve à charge lorsqu’ils l’ont condamné, en juillet, à 10 ans d’emprisonnement pour détention d’armes et d’explosifs et d’appartenance au Hezbollah (Parti de Dieu), entre autres chefs d’accusation. En novembre, la Cour de cassation a confirmé sa culpabilité. D’autres personnes jugées en même temps que lui, et dont certaines ont affirmé avoir été elles aussi torturées par des agents du DRG, ont été condamnées à des peines de deux à trois ans d’emprisonnement.
Morts en détention
Abdullah Zubi et mort en détention à Irbid. Il avait été arrêté pour infraction présumée à la législation sur les stupéfiants. Trois policiers ont été inculpés pour avoir contraint Abdullah Zubi à faire des « aveux » et l'avoir battu à mort ; deux autres étaient susceptibles d’être inculpés de négligence et de désobéissance aux ordres. D’après une autopsie officielle, réalisée après qu’une vidéo montrant son corps tuméfié eut circulé sur Internet, la mort d’Abdullah Zubi était due à des coups infligés en détention. On ignorait à la fin de l’année si les policiers avaient été jugés. Dans une autre affaire, une autopsie officielle est arrivée à la conclusion qu’un homme, Omar al Naser, était mort à la suite de coups infligés alors qu’il était détenu par le Département des affaires criminelles en septembre. L’affaire a été transmise au procureur chargé de la police. En Jordanie, les policiers accusés de tels crimes comparaissent devant un tribunal spécial de la police qui n’est ni indépendant, ni transparent.
Détention administrative
Au cours de l’année, des milliers de personnes ont été incarcérées aux termes de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité. Cette loi autorise les gouverneurs de province à ordonner le placement en détention de suspects de droit commun, sans inculpation ni jugement et sans leur donner accès à des voies de recours judiciaires, et cela pour une durée pouvant aller jusqu’à un an.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Les autorités ont restreint les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion grâce à des lois érigeant en infraction pénale les manifestations pacifiques et d'autres formes d’expression non violente. Plusieurs dizaines de journalistes et de militants ont été arrêtés et incarcérés aux termes notamment du Code pénal, qui interdit toute critique du roi et des institutions étatiques, et de la Loi antiterroriste telle qu’amendée en 2014, qui érige en infraction pénale toute critique de dirigeants ou d’États étrangers considérée comme portant atteinte aux relations de la Jordanie avec ces États. Parmi les personnes poursuivies figuraient des journalistes et des militants favorables aux réformes ainsi que des membres des Frères musulmans, dont certains ont été jugés par la Cour de sûreté de l’État.
Le ministère de la Justice a suggéré d’importantes modifications du Code pénal, qui n’avaient pas encore été adoptées à la fin de l’année. Il a notamment proposé que les grèves dans des « secteurs vitaux » soient interdites et érigées en infraction pénale.
Droits des femmes
Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique, et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre la violence, notamment les crimes « d’honneur ». Aux termes de la Loi relative à la nationalité, près de 89 000 Jordaniennes mariées à des étrangers se voyaient toujours refuser le droit de transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants, qui de ce fait ne pouvaient pas accéder aux services publics. Toutefois, en janvier, le gouvernement a autorisé les enfants de mère jordanienne et de père étranger à demander une carte d’identité s’ils ont résidé en Jordanie pendant cinq ans au moins, facilitant ainsi leur accès aux soins, à l’éducation et à la propriété foncière ainsi que l’obtention d’un permis de travail ou du permis de conduire.
L’Association de solidarité des femmes jordaniennes Tadamun a signalé en septembre qu’elle avait recensé 10 meurtres probables de femmes et de filles commis au nom de l’« honneur » entre janvier et août, selon des informations diffusées dans les médias. Le gouvernement a approuvé en mai des modifications annulant les dispositions du Code pénal qui permettaient à l'auteur d'un viol d'échapper aux poursuites en épousant sa victime. Ces modifications ne s’appliquaient pas aux cas où la victime était âgée de 15 à 18 ans, au motif que son mariage avec le violeur pouvait la protéger en évitant qu’elle soit tuée pour l'« honneur » par des membres de sa famille.
Réfugiés et demandeurs d’asile
La Jordanie accueillait plus de 641 800 réfugiés venus de Syrie, dont quelque 13 800 Palestiniens, ainsi qu’un nombre croissant de réfugiés en provenance d’Irak. Les autorités ont maintenu un contrôle rigoureux aux lieux de passage de la frontière officiels et informels, et elles ont interdit l’entrée en Jordanie aux Palestiniens, aux hommes célibataires seuls qui n'étaient pas en mesure de prouver qu’ils avaient des liens familiaux en Jordanie, et aux personnes dépourvues de documents d’identité. En mars, le Premier ministre a déclaré lors de la Troisième conférence internationale humanitaire des donateurs que le nombre de réfugiés dépassait déjà la capacité d’accueil de la Jordanie. Pourtant les fonds internationaux alloués aux interventions humanitaires et les allocations de réinstallation pour les réfugiés syriens en Jordanie étaient toujours insuffisants.
La Jordanie a renvoyé de très nombreux réfugiés en Syrie. En violation du droit international, le pays a refusé d'accueillir plus de 12 000 réfugiés venus de Syrie, qui sont restés soumis à des conditions de vie très éprouvantes dans la région désertique de la frontière syrienne, du côté jordanien. En décembre, la Jordanie a renvoyé plus de 500 réfugiés et demandeurs d’asile soudanais au Soudan, où ils risquaient de subir des violations de leurs droits fondamentaux.
Peine de mort
Cette année encore, les tribunaux ont prononcé des sentences capitales et des exécutions ont eu lieu. Sajida al Rishawi et Ziad al Karbouli, une femme et un homme irakiens liés à Al Qaïda, ont été pendus en février. Le moment fixé pour les exécutions laisse à penser qu’elles ont eu lieu en représailles du meurtre par l’EI d’un pilote jordanien. Sajida al Rishawi avait dit en 2006 au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture qu’elle avait été torturée pendant sa détention provisoire.13
La population refuse de payer
À l’annonce d’une réforme des impôts faite par le Premier ministre jordanien, d’importantes manifestations ont eu lieu début juin 2018 à Amman et dans d’autres villes du pays, durant une semaine. Elles ont fait reculer le gouvernement.
Fin mai, le Premier ministre du roi Abdallah annonçait une réforme fiscale qui entraînait une augmentation du montant des impôts pouvant aller de 5 à 25 % et rendant imposables les personnes ayant un salaire annuel supérieur à 8 000 dinars (environ 9 700 euros). Cette réforme avait été préconisée par le Fonds monétaire international, en échange d’un prêt de 723 millions de dollars. L’annonce de cette réforme fiscale s’ajoutait à une série de hausses des prix, du pain et d’autres produits de première nécessité, de l’électricité, des loyers, de l’essence, des frais d’école, qui s’accumulaient depuis des mois.
Les syndicats et associations professionnelles ont alors appelé à une manifestation le soir dans les principales villes du pays. À Amman, plus de 5 000 personnes se sont rassemblées devant les bâtiments gouvernementaux. Bien que dispersées par la police et les gaz lacrymogènes, les manifestations se sont répétées pendant plusieurs nuits. Les manifestants reprenaient des slogans tels que : « Celui qui augmente le pain cherche à enflammer le pays », ou encore « Nous sommes le peuple, nous sommes la ligne rouge » ainsi que « Pain, liberté et justice sociale ».
Parmi les manifestants se trouvaient des professions libérales aussi bien que des enseignants, fonctionnaires ou commerçants. Tous refusaient de faire les frais des engagements du gouvernement auprès des banques et du FMI et de voir leur impôt sur le revenu augmenter. Mais ils étaient soutenus aussi par les travailleurs et chômeurs plus pauvres, touchés de plein fouet par les récentes taxes renchérissant le pain et les autres produits, dans ce pays où le taux de chômage officiel est de 18,5 %, le taux de pauvreté de 20 % et le salaire minimum seulement de 310 dollars par mois.
Le 4 juin 2018, le Premier ministre démissionnait et, tandis que le nouveau chef du gouvernement annonçait qu’il retirait la réforme fiscale, les syndicats maintenaient leur appel à la grève pour le 6 juin. De nombreux commerces sont alors restés fermés, des rassemblements d’hospitaliers et de fonctionnaires ont eu lieu dans la journée. Le 11 juin, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït annonçaient une aide de 2,5 milliards de dollars au total, motivés disaient-ils par des liens fraternels étroits avec la Jordanie, en fait surtout par la volonté de tenter d’étouffer dans l’œuf une agitation sociale qui pouvait être contagieuse. Reste que la population jordanienne a réussi à imposer au gouvernement un recul dans sa tentative de racket au profit des banques internationales.14
Sources