Hong Kong, officiellement « Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine », est la plus grande et la plus peuplée des deux régions administratives spéciales (RAS) de la République populaire de Chine (RPC), l'autre étant Macao. Elle compte environ sept millions d'habitants.
Hong Kong est située sur la rive orientale de la Rivière des Perles, sur la côte sud de la Chine et elle est baignée par la mer de Chine méridionale. Elle jouxte la province du Guangdong au nord. Hong Kong est la ville la plus riche de Chine ; son économie est une des plus libérales au monde. C'est un pôle financier et commercial d'envergure mondiale.
Colonie britannique à partir du traité de Nankin (1842), rétrocédée à la Chine en 1997 soit 155 ans plus tard, Hong Kong demeure fondamentalement différente du reste de la République populaire de Chine. Une loi fondamentale particulière détermine son régime politique. Elle obéit au principe « un pays, deux systèmes », qui permet à Hong Kong de conserver son système légal, sa monnaie, son système politique, ses équipes sportives internationales et ses lois sur l'immigration. Selon les termes de la déclaration sino-britannique commune, la Chine a promis que Hong Kong garderait une relative autonomie jusqu'à au moins 2047, soit 50 ans après le transfert de la souveraineté.
Économie
Hong Kong est de loin la ville la plus riche de Chine continentale avec pour 2009 un PIB par habitant de 231 023 HKD. En parité de pouvoir d'achat, il était de 42 653 $ en 2009 contre 33 434 $ en France et 45 934 $ aux États-Unis.
Hong Kong est devenu un centre essentiellement tertiaire. Elle est la 11e entité commerciale et le 3e centre financier au monde. Son économie est depuis quinze ans la plus libérale du monde. Les taux de prélèvements obligatoires sont bas et les législations peu contraignantes. En outre, l'activité économique de Hong Kong permet à son port d'être le huitième du monde (année 2008) pour le tonnage cargo.
L'objectif de la politique monétaire hongkongaise est de maintenir la stabilité monétaire. Étant donné son ouverture vers l’extérieur, il s’agit en pratique de maintenir le taux de change à 7,80 dollars hongkongais pour 1 dollar américain. Depuis 2005, le change se fait entre 7,75 HK$ et 7,85 HK$.
Tertiarisation
Hong Kong s'est d'abord développé en tant que port commercial. À partir des années 1950, l'industrie, et particulièrement le textile prend une place majeure. Hong Kong bénéficie alors de l'afflux de main d'œuvre bon marché. Cependant, la hausse du niveau économique entraîne le développement des services à partir des années 1970. Elles prennent bientôt le pas sur les activités industrielles.
Une économie tournée vers l'extérieur
Hong Kong, territoire petit et spécialisé économiquement dépend beaucoup des échanges avec l'extérieur. La valeur des importations et des exportations est supérieure au PIB. La ville est de plus en plus intégrée fonctionnellement à la République populaire de Chine, avec laquelle elle réalise 47 % de ses échanges. Les investissements hongkongais en Chine, notamment dans le Guangdong, sont également très importants. Ses liens étroits avec la Chine et son statut autonome offrent à Hong Kong le rôle d’intermédiaire entre la Chine continentale et Taïwan.
Le tourisme joue un rôle croissant. La RPC autorise depuis le 28 juillet 2003 certains Chinois à visiter Hong Kong en dehors de voyages organisés en groupes.
Concurrence financière
Hong Kong compte parmi les villes qui sont en concurrence en tant que centres financiers mondiaux. Hong Kong est directement concurrencée par Singapour, et dans une moindre mesure, par Shanghai.
Selon la banque d'affaires Merrill Lynch, la pollution atmosphérique à Hong Kong diminue fortement sa compétitivité en particulier face à Singapour, les travailleurs hongkongais et leurs familles préférant quitter Hong Kong pour préserver leur santé.
Fiscalité attractive
L'impôt sur les sociétés exerçant hors de Hong Kong est de 0 %, il n'y a donc aucun impôt sur les sociétés dans ce cas. Seules les entreprises exerçant à Hong Kong sont soumises à l'impôt société en vigueur de 16,5 %.1
L'économie de Hong Kong est citée par certains économistes, tel Milton Friedman, comme un exemple des bénéfices du capitalisme du « laissez-faire ». D'autres pensent que c'est inexact vu que le gouvernement de Hong Kong, sous les Britanniques comme sous les Chinois, intervient dans l'économie. Par exemple, la quantité de terrain à être vendue a été déterminée et le dollar de Hong Kong a été maintenu à parité avec le dollar américain.2
Le statut spécial de Hong Kong
L’importance de Hong Kong n’est pas due à sa taille. Sa population de 7,5 millions d’habitants représente tout juste 0,5 % de la population chinoise. Mais Hong Kong est une place financière importante. Selon le Forum économique mondial de 2011, Hong Kong a déjà dépassé Londres, New York et Singapour en matière d’accessibilité financière, d’environnement commercial, bancaire et financier, de facilités institutionnelles, de services financiers non bancaires et de marchés financiers.
Hong Kong constitue la porte d’accès financière à la Chine. Elle bénéficie d’un statut administratif privilégié et garanti, propice aux banques. Elle est reconnue pour ses services financiers, ses lois, son système comptable et ses centaines de sociétés spécialisées et professionnelles. Les capitalistes installés à Hong Kong sont aujourd’hui les plus gros investisseurs financiers de Chine.
C’est également à Hong Kong que l’on trouve les plus grandes différences entre riches et pauvres. La ville est célèbre pour ses gratte-ciel et ses centres commerciaux luxueux, et pour héberger les plus riches du monde. Mais la moitié de sa population vit dans des HLM surpeuplés, qui tombent en ruine. Un cinquième de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté.
Plus de 170 000 travailleurs pauvres vivent dans des appartements divisés en sortes de cages. Chacune de ces cages pour chien mesure deux mètres de long, 1 mètre de large et 1 mètre de haut [soit 2 m3, NDT], et une pièce en comporte trente. Il n’y a pas de salaire minimum.
Petit retour historique : le statut colonial de Hong Kong…
De 1842 à 1997, Hong Kong, quand elle n’est qu’une colonie britannique, ne connaît ni élections ni aucune forme de démocratie.
Hong Kong devient une colonie à la suite d’une série de traités injustes et illégitimes, imposés par l’impérialisme britannique. Plutôt que de payer en argent métal, la Grande-Bretagne impose l’échange d’opium contre du thé, des épices, de la soie et de la porcelaine, des marchandises de valeur ramenées en Occident. La dynastie des Qing veut empêcher de laisser entrer ces importantes quantités d’opium : en 1838, elle en confisque plus de 2 millions de livres, ce qui donne une bonne raison à l’Angleterre et aux autres puissances impérialistes pour lui faire la guerre
Ainsi, au nom de la liberté de commerce, l’imposante flotte de guerre britannique bombarde les villes chinoises situées le long du Yang Tse (Yangzi Jiang) et de la rivière Pearl, dont les maisons et entrepôts, faits de bambous, de bois et de chaumes, prennent feu avec une grande facilité. Les forces britanniques s’emparent de l’île de Hong Kong, ainsi que de ses nombreux ports naturels situés à l’embouchure de la rivière Pearl, et en font une base navale et militaire stratégique pour leurs futures guerres contre la Chine.
Le traité de Nankin, signé en 1842, contraint la Chine à payer de lourdes indemnités et à donner aux Britanniques, ainsi qu’autres nationalités étrangères, une position privilégiée d’extraterritorialité en Chine, à céder des franchises portuaires et le territoire correspondant à l’île de Hong Kong. Les ségrégations raciales envers les Chinois sont alors une pratique courante à Hong Kong, et dans les autres concessions étrangères.
Durant la seconde guerre de l’opium, quinze ans plus tard, les impérialistes anglais, français, américains, japonais et russes imposent d’autres revendications, à l’aide de bateaux de guerre et de milliers de militaires. La Chine est forcée de céder d’autres territoires, et d’ouvrir d’autres villes. Un bail de 99 ans pour les îles entourant Hong Kong, rebaptisées les Nouveaux territoires, est signé en 1898. La Chine connait alors une période noire de famines et de guerres civiles menées par des chefs de guerres, ce qui condamne sa population à la pauvreté et au sous-développement.
… la révolution de 1949
La révolution chinoise, qui culmine en 1949 sous la direction révolutionnaire de Mao Zedong et du Parti communiste chinois, en termine avec les traités injustes et le racisme envers les Chinois dans leur propre pays, et commence à réorganiser l’économie chinoise sur une base socialiste. Mais Hong Kong reste aux mains des impérialistes anglais, Macao dans celles des colonialistes portugais et l’île de Taiwan fait sécession (le régime réactionnaire du Kuo-Min-Tang, dirigé par le dictateur Tchang-kai Chek, ne survivant que grâce au protectorat américain). Les pays impérialistes occidentaux et le Japon refusent toute aide technologique et industrielle au peuple chinois, pauvre et sous-développé.
Dans les années 1980, la Chine socialiste commence à s’ouvrir de manière exponentielle à l’investissement capitaliste occidental. Le marché capitaliste et l’influence de la propriété privée érodent sérieusement l’esprit socialiste. Mais l’importance centrale du Parti communiste dans la politique et les décisions économiques n’est pas abolie.
De la même manière que les impérialistes, il y a 100 à 200 ans, essayèrent de saboter toute restriction apportée à leur domination économique, aujourd’hui Wall Street continue à comploter pour reconquérir un accès sans contrainte à tous les marchés chinois.
HKSAR : Une région chinoise avec un statut administratif spécial
Le bail britannique concernant Hong Kong devant prendre fin en 1997, un accord est signé en 1984 entre la Chine et la Grande Bretagne sur le futur statut administratif de Hong Kong. Il est appelé le Hong Kong basic law.
Afin d’éviter l’instabilité et l’arrêt du flux d’investissements étrangers en Chine passant par Hong Kong, le gouvernement chinois, tout en insistant pour réintégrer la ville sous souveraineté chinoise, accepte de garantir le système capitaliste pour les cinquante prochaines années, par un accord appelé Un pays, deux systèmes, une idée proposée par le secrétaire général du Parti communiste, Deng Xiaoping, en 1997.
Hong Kong devient alors une région sous statut administratif spécial de la République populaire de Chine (HKSAR). Selon cet accord avec les Britanniques, la HKSAR conserve son statut de place financière internationale et la libre circulation des capitaux, le dollar de Hong Kong restant une monnaie librement convertible au taux fixé par les marchés.
Les droits de propriété, les contrats, les actions d’entreprises, les droits d’héritage et l’investissement étranger sont tous garantis. L’accord stipule que le système capitaliste de Hong Kong et son style de vie resteront inchangés jusqu’en 2047. Le réseau d’écoles privées, d’universités et de médias dominants ne change pas de mains. La loi fondamentale (basic law) de Hong Kong établit que le système et la politique socialistes ne s’appliqueront pas à la HKSAR.
Les banquiers, financiers et industriels de Hong Kong ont leur autonomie assurée, sauf en ce qui concerne les affaires étrangères et militaires, où la République populaire de Chine garde un total pouvoir de décision.
Un antique système judiciaire, encore basé sur le droit commun (Common law) britannique, étaye les lois défendant un strict système de propriété. Les Cours de justice concernant les petits délits, le travail, les mineurs, et les cours d’appel appliquent toutes de vieilles lois capitalistes, et non celles qui régissent le reste de la population chinoise, soit 99,5 % de la population.
Les juges de Hong Kong portent toujours les habits style vieille Angleterre, avec perruques en crin de cheval, gants blancs, ceintures et robes pourpres spéciales pour les cérémonies.
La garantie pour cinquante ans d’un capitalisme sans restriction provoque un écart de richesse extrême entre les plus pauvres et les plus riches, qui vivent côte à côte.3
Le « mouvement des parapluies » à Hong Kong
Le mouvement des parapluies, qui implique toutes les couches sociales de Hong Kong, est complètement différent des mouvements de masse des décennies précédentes, par ses méthodes de lutte pacifiques, sa spontanéité et la perturbation massive de l’ordre public. Si la question politique en a été l’élément déclencheur, de profondes tensions sociales et économiques sous-tendent le mouvement.
L’élection du conseil législatif (Legco) et du président au suffrage universel fait partie du programme des mouvements pro-démocratie depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997. La loi fondamentale, qui est appelée la mini-constitution de Hong Kong, stipule que le président de Hong Kong sera éventuellement élu au suffrage universel. Mais le gouvernement de Pékin a retardé l’échéance de sa promesse de mise en œuvre.
En mai 2013, une coalition, Occupy Central, dirigée par le juriste Benny Thai, le sociologue Chan Kin-Man et le pasteur Zhu Yao Ming, a officiellement lancé un plan de campagne pour une élection directe du président en 2017, menaçant d’organiser l’occupation du centre de Hong Kong (le centre commercial et financier) et de le paralyser si nécessaire. Près de 800 000 personnes ont participé a une votation citoyenne (un simili plébiscite) pour laisser le peuple choisir entre trois modes d’élection du président, en votant en ligne ou dans des bureaux de vote. La nomination civile, qui implique un droit des citoyens de proposer les candidats à l’élection du président, a été majoritaire.
L’explosion
En août 2014, le comité permanent de l’assemblée populaire nationale (CPAPN) de la République populaire de Chine (RPC) décidait que les électeurs n’auraient que le choix parmi une liste de deux ou trois candidats, après une sélection par un comité de nomination formé par le comité électoral (qui est responsable de « l’élection » du président). Le comité électoral est composé de 1 200 personnes, qui sont des capitalistes pro-chinois et des politiciens... Le président de l'époque, C.-Y. Leung, a été « élu » par la clique de ce comité antidémocratique en 2012. Il est l’un des plus purs et durs soutiens de Pékin et est largement considéré comme un membre discret du PC Chinois.
Le 22 septembre, la fédération des étudiants de Hong Kong (HKFS, qui regroupe les syndicats de huit instituts d’enseignements supérieurs) a appelé à une grève étudiante de cinq jours. Scholarism, un groupe militant de lycéens dont le leader est Joshua Wong, a appelé les lycéens à rejoindre la grève. Le 26 septembre, ils ont lancé une manifestation afin d’occuper la « place civique » (Civic Square), qui est proche du siège du gouvernement, après que C.-Y. Leung et d’autres dirigeants aient refusé d’accéder à leurs revendications. La police a réprimé le mouvement et arrêté deux dirigeants de la HKFS ainsi que Joshua Wong. Mais de plus en plus de gens les ont rejoints sur la place pour les soutenir.
Ce n’est qu’à partir de là que les trois leaders du mouvement ont annoncé le lancement de l’occupation du centre de Hong Kong, quelques jours avant ce qui était prévu dans leurs plans, à cause de la poussée de l’action de masse. De manière inattendue, ils avaient été hués par une partie des manifestants, alors que les protestataires étaient sortis du parc pour demander à la police de relâcher les trois représentants étudiants.
La police a utilisé du gaz au poivre et finalement du gaz lacrymogène pour disperser le rassemblement. La brutalité policière sur des étudiants pacifiques a initié une vague de colère débouchant sur un mouvement de masse. Des milliers de personnes sont sorties pour soutenir les manifestants, mais les routes menant à la « place civique » étaient bouclées par la police. Les protestataires étaient coincés près de l’Amirauté, bloquant les routes et montant spontanément des barricades. Les protestations se sont aussi étendues à Mong Kok, un quartier de Kowloon (partie de Hong Kong). La confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU, un syndicat indépendant appartenant au camp démocratique) a appelé à une grève générale pour le 29 septembre, dont l’effet fut limité.
Les dynamiques du mouvement
En général, les médias de Hong Kong se référent au mouvement Occupy Central (OC), campagne initiée une année auparavant par les trois figures politiques mentionnées ci-dessus. Même si la HKFS et Scholarism ont rejoint la coalition OC, ils ont organisé leur propre campagne de manière indépendante. Les jeunes étudiants sont la force motrice du mouvement et ils ont fait attention à garder leurs distances vis-à-vis des trois leaders de OC et d’autres courants pan-démocrates. Ce mouvement dépasse donc le mouvement OC tel qu’il avait été conçu au départ par les trois leaders : un plan strictement centralisé de protestation du haut vers le bas. Au contraire, un mouvement massif a rapidement jailli des protestations étudiantes après que la police eut utilisé des grenades lacrymogènes. C’est une sorte de désobéissance civile, avec des caractéristiques importantes en comparaison des précédents grands mouvements sociaux de Hong Kong : la spontanéité et la décentralisation des méthodes de luttes. Les manifestants ont fait preuve dans leurs actions d’une autonomie exceptionnelle.
Le mouvement a été surnommé « la révolution des parapluies » par les médias étrangers. Ce n’était clairement pas une révolution. Le symbole du parapluie a été une belle coïncidence. À l’origine, les manifestants utilisaient le parapluie pour se protéger tant du soleil que de la pluie, mais ils s’en sont servis aussi pour se protéger des gaz au poivre. Ils utilisaient également des équipements standards comme des lunettes de protection ou des foulards.
Dans ce qui est donc un mouvement de masse spontané, les manifestants ont fait preuve d’autodiscipline sur les sites occupés, organisant le ramassage et le tri des déchets, le nettoyage des rues... De nombreux petits forums de discussions se sont tenus, avec des possibilités égales d’expression pour tous les participants. De plus, un appel a été lancé à tous les protestataires pour qu’ils manifestent leur soutien aux petits commerçants locaux de manière à s’attirer leur sympathie, particulièrement à Mong Kok (un district populaire de la ville). Les gens ordinaires ont été émus par l’esprit de sacrifice que montraient les étudiants pour l’avenir de Hong Kong. Ils leur ont constamment fourni de l’eau, de la nourriture et d’autres provisions. Ils ont protégé les étudiants quand des membres de la mafia ou des laquais pro-Pékin (certainement enrôlés par des partisans de C.-Y. Leung) ont attaqué les manifestants, harcelé sexuellement certaines femmes, détruit les barricades, les stands et les tentes – pendant que la police se contentait de regarder.
Des tensions sociales
Selon un rapport de l’ONU de 2008-2009, Hong Kong est, de toutes les zones capitalistes développées, la région qui connaît depuis une dizaine d’années les plus grandes inégalités économiques entre les riches et les pauvres. Un rapport du Crédit Suisse Research Institute de 2010-2011 a montré que 1,2 % de la population détient 53 % du patrimoine de Hong Kong. La plupart sont des magnats de l’immobilier et des oligarques financiers. Le gouvernement de Hong Kong a rarement pris des mesures effectives pour limiter les problèmes de polarisation sociale. La moitié des sièges du Legco (le parlement) est occupée par des « électeurs fonctionnels », désignés plus par leur secteur économique que par le suffrage universel. De manière générale, ces membres du parlement se sont toujours et avec véhémence opposés au suffrage universel. D’un autre côté, ils opposent régulièrement leur veto à tout projet de loi qui pourrait protéger le droit du travail et les gens ordinaires. Ils préfèrent soutenir les projets visant à privatiser les services publics dans l’intérêt des consortiums.
L’hégémonie des promoteurs immobiliers est un problème social sensible à Hong Kong. L’énorme oligarchie des promoteurs, qui monopolise le marché immobilier, pratique des prix de vente et des loyers très élevés. Selon le FMI, en 2013, la hausse des prix de l’immobilier a été la seconde au monde. Il est désormais quasi impossible, pour un jeune couple, d’acheter un petit appartement. Une autre cause désastreuse de ces prix démentiels est la spéculation immobilière, qui est principalement due à l’afflux de capitaux de Chine. Cette oligarchie de promoteurs n’a pas seulement dominé le marché immobilier, mais aussi investi la vie quotidienne des gens pour faire des profits dans les transports, les télécommunications, les biens domestiques... Les conditions de vie de la classe ouvrière se sont détériorées car les salaires stagnants ne peuvent compenser une inflation galopante. Les petits commerçants ont été expulsés des quartiers à cause de l’envolée des loyers au profit de chaînes de supermarchés, fast-food, etc.
En mars 2012, la grève de 40 jours des dockers, une des plus grandes grèves qu’ait connue Hong Kong ces dernières décennies, a rencontré un large soutien populaire, avec des actions de solidarité des jeunes. Elle avait été appelée par le syndicat des dockers de Hong Kong (affilié à la HKCTU) pour obtenir des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail. Les grévistes travaillaient pour des filiales de Hutchison Whampoa Ltd qui appartient à l’empire économique de l’homme le plus riche d’Asie, Li Ka-shing.
Les effets négatifs du programme de visite individuelle (IVS), qui permet aux Chinois du continent de visiter plus librement Hong Kong, ont entraîné des conflits entre les habitants de Hong Kong et les continentaux chinois aux habitudes sociales différentes. Les continentaux chinois achetaient de très grandes quantités de biens domestiques, comme des produits pour bébés, ce qui a causé des désagréments à la population locale. Début 2013, le gouvernement de Hong Kong a finalement restreint les quantités de produits que les voyageurs peuvent ramener. Ce tourisme déformé par l’IVS a entraîné des situations paradoxales : ainsi, certains quartiers comptent plus de bijouteries que de boulangeries.
Une droite locale, qui prétend défendre le mode de vie et la culture locale, a émergé ces dernières années et attisé les haines entre la population locale et les continentaux chinois. Cette droite qualifie les continentaux chinois de « sauterelles » et attaque aussi les militants de gauche. Certains des plus extrêmes défendent même l’indépendance, voire le retour à la colonisation britannique. Ils ont réussi à attirer dans leurs rangs quelques jeunes, désabusés par le gouvernement.
À la croisée des chemins
Les jeunes constituent la force motrice du mouvement. Outre les débats qui continuent sur la spontanéité et les critiques envers la direction pan-démocrate, ils sont plus militants et osent s’opposer aux contrôles excessifs des manifestations par la police. Cette forme de militantisme remonte à peu près au mouvement de 2010 contre une ligne à grande vitesse (une LGV entre Hong Kong et Guangzhou, néfaste pour l’environnement mais conforme aux intérêts des promoteurs), quand les manifestants avaient alors bloqué le parlement.
Cela étant, aucune concession n’ayant été faite par le régime de C.-Y. Leung (comme auraient pu le constituer le retrait de la réforme du CPAPN ou sa propre démission), le mouvement est confronté au défi de « que faire après ? » Des débats houleux le traversent pour savoir s’il faut se retirer, y compris du siège de l’amirauté à Mong Kok, pour éviter une nouvelle répression potentiellement meurtrière.
Comme les protestataires ont une forte volonté d’autonomie, ils s’opposent à l’édification d’une estrade et à la formation de piquets par peur d’une récupération du mouvement dans certains quartiers occupés. Malheureusement, la droite locale peut prendre avantage de cette peur de la récupération et distribue des tracts contre les militants de la gauche alternative avec des slogans tels que « méfiez-vous des idiots gauchistes ! »
Il y a un groupe militant pour une alternative de gauche appelé Left 21. Ses membres se sont engagés très fortement dans le mouvement, sur une base individuelle vue l’atmosphère ambiante. Dans les débats, ils ont mis en avant le fait que la démocratie doit être liée aux droits des travailleurs et aux conditions de vie.
Ce mouvement a des dimensions sociales et économiques. Les jeunes se révoltent contre l’injustice, l’hégémonie des promoteurs, les inégalités sociales, la mainmise du capital de Chine continentale. Ils pensent que tous ces problèmes sont liés à un système non démocratique et ne peuvent pas imaginer leur futur dans une telle société.
Néanmoins, la seule spontanéité du mouvement ne peut le faire avancer. Les questions de stratégie et d’organisation doivent être prises en compte quand des manifestants affrontent un appareil d’État aussi puissant (soutenu par le PCC), et qu’il est indispensable d’obtenir le soutien de la classe ouvrière. Pendant ce temps, la droite locale cherche toujours à opposer les habitants de Hong Kong aux continentaux chinois, tandis que les médias pro-Pékin décrivent le mouvement comme étant « sous influence étrangère ». Le PCC serait certainement heureux de voir ce mouvement dégénérer en une campagne contre les continentaux chinois. Pour la gauche radicale locale, il est donc nécessaire de combattre cette tendance et de se lier aux Chinois du continent en les invitant à soutenir le mouvement.
Le mouvement apporte aux gens une expérience importante, en les libérant du poids du « respect de la loi » et en leur donnant des possibilités de se politiser au travers des nombreux forums et réunions.
Quel que soit le résultat final, ces jeunes déterminés, pacifiques et ingénieux ont gagné par leur combativité le soutien de la majorité de la population de Hong Kong. Dans tous les cas, il y aura à l’avenir une formidable force de résistance à la classe dirigeante de Hong Kong (les capitalistes pro-Pékin et les oligarques) ainsi qu’au PCC.4
Succès politique d’une génération contestataire
En septembre 2016, plusieurs figures de proue du jeune mouvement contestataire ont été élues au Conseil législatif du territoire de Hong-Kong avec des scores remarquables. Un succès qui les met en danger.
Le Conseil législatif (Legco) de la « région administrative spéciale » qu’est devenue Hong-Kong n’a que des pouvoirs limités et sa composition assure le contrôle de l’establishment pro-Pékin (et probusiness). L’élection du 4 septembre n’en a pas moins une importante portée politique : le candidat qui a reçu le plus grand nombre de voix (84 121), Eddie Chu, portait les couleurs du Demosisto, créé après le « Mouvement des parapluies » qui a secoué le territoire deux ans auparavant. Le plus jeune élu, Nathan Law (23 ans, 50 000 voix) appartient au même parti, constitué avec Joshua Wong (19 ans). Parmi les autres élus, Baggio Leung (30 ans) et Yau Wai-ching (25 ans) représentent Youngspiration, un courant « loyaliste » qui réclame l’autodétermination.
Plusieurs personnalités du courant prodémocratique traditionnel ont été battues, au profit de jeunes plus radicaux. La participation électorale a été élevée : 2,2 millions de votants (58 % du corps électoral). Bien entendu, les formations pro-Pékin contrôlent toujours une majorité écrasante de sièges. Le Legco comprend 70 membres, pour moitié élus par circonscriptions électorales et pour moitiés par corps professionnels « fonctionnels » (l’un d’entre eux comprenant… 127 électeurs !).
Génération(s)
La vie politique et sociale à Hong-Kong a toujours été profondément marquée par la succession des générations. Une première rupture s’est produite après la révolution de 1949 entre les « anciens » venus de Chine continentale et les jeunes nés sur place, dans la colonie britannique – où, soit dit en passant, il n’y avait pas une once de système de représentation démocratique. Ce n’est qu’une fois que Londres a décidé de rétrocéder le territoire à Pékin que des élections locales ont été instituées. Les générations post-1997 sont donc nées dans une « région » sous statut spécial : « Un pays, deux systèmes » garantissant en principe les libertés civiques jusqu’en 2047.
Cependant, le cours très répressif du régime chinois se fait ressentir. Le rôle du territoire est beaucoup moins important qu’après 1997. Hong-Kong fut une précieuse porte ouverte sur le marché mondial. Les affaires se font maintenant directement sur le continent, comme à Shanghai. Enfin, la collaboration entre la nouvelle bourgeoisie bureaucratique chinoise et les transnationales nippo-occidentales est éprouvée. Pékin a de moins en moins de raisons de mettre des gants. Les changements s’opèrent sans attendre 2047. Ainsi, des éditeurs ont été secrètement enlevés et incarcérés sur le continent pour faire taire les médias trop dissidents.
Les élections à peine passées et déjà des membres contestataires du Legco se voient très sérieusement menacés. Eddie Chu – le mieux élu des législateurs ! – a reçu des menaces de mort. Obligé de quitter son habitation avec sa famille, il est allé porter plainte à la police. Précédemment, Ken Chow, alors candidat, avait dû interrompre sa campagne, après avoir appris que des proches risquaient de payer le prix de son audace.
La situation est d’autant plus tendue qu’un courant nationaliste et indépendantiste de droite se développe aussi à Hong-Kong (les candidats prônant ouvertement l’indépendance n’ont pas eu le droit se se présenter).5
La rue se soulève contre un amendement sur l’extradition
Quelques jours après avoir vu leur justice condamner les leaders du mouvement démocrate de 2014 à des peines de prison ferme, 130 000 Hongkongais ont protesté contre une nouvelle loi permettant d’extrader vers la Chine des personnes arrêtées à Hong Kong.
Quelque 130 000 Hongkongais ont battu le pavé le 28 avril 2019, au cours de la plus grande manifestation qu’ait connue la région administrative spéciale (RAS) depuis le mouvement des parapluies de 2014. Cette forte mobilisation protestait contre un amendement à la législation hongkongaise sur l’extradition. Si ce dernier était approuvé par le Conseil législatif, il devait permettre d’extrader des individus recherchés par des pays n’ayant pas d’accord d’extradition avec Hong Kong – y compris la Chine et Taïwan. Les objections à cette réforme montaient en puissance depuis le mois de février, dans les milieux politiques démocrates et libéraux comme dans ceux des affaires, tous s’inquiétant de l’implacabilité des juridictions chinoises.
Le nombre de manifestants du 28 avril est contesté – ils n’étaient que 22 800 selon les autorités – mais il semble que le mouvement d’opposition a connu un renfort significatif des Hongkongais révoltés de la condamnation à des peines de prison ferme, infligée le 24 avril à plusieurs leaders du mouvement des parapluies. Selon le fondateur du Parti démocrate et ancien député Martin Lee, cité par le quotidien Shunpo (Hong Kong Economic Journal), “l’affluence a dépassé les prévisions, peu ou prou du fait de la condamnation des neuf du mouvement Occupy Central [le mouvement des parapluies]”. La dernière manifestation n’avait rassemblé que 12 000 personnes, 5 000 selon la police.
Des peines de prison qui renforcent les clivages
Quelques jours après cette condamnation, l’émotion est resté vive dans la RAS, où beaucoup restaient sidérés de l’attitude des juges. “Présenter le mouvement des parapluies comme une conspiration contredit les faits”, commentait ainsi le 28 avril le chroniqueur Philip Bowring dans le South China Morning Post. “Parti d’un petit groupe, le mouvement avait évolué vers des manifestations de masse qui ont largement évincé les initiateurs du début. La clarté des intentions de Benny Tai [l’un des condamnés à seize mois de prison] et de ses compagnons contrastait avec le secret d’un Parti communiste qui n’existe pas officiellement ici, mais qui conspire activement pour affaiblir ceux qui cherchent à renforcer la formule ‘un pays, deux systèmes’”, écrivait-il en faisant référence aux garanties données à la RAS pour le maintien de l’État de droit lors du retour de Hong Kong à la Chine en 1997.
Dans le camp des partisans de Pékin à Hong Kong, les deux grands journaux que sont le Wenweipo et le Ta Kung Pao vilipendaient la manifestation du 29 avril et leurs initiateurs. Le Wenweipo affirmait ainsi dans un court article que le camp de l’opposition à l’amendement “répand des rumeurs et des mensonges politiques, pour fabriquer et exacerber les craintes”. Le Ta Kung Pao estimait de son côté que “la production de fausses nouvelles par l’opposition s’accentue, ce qui souligne l’urgence de cet amendement : plus le séparatisme s’étend, plus l’amendement est nécessaire”.6
Un nouveau Tian'anmen ?
Si la contestation portait sur des droits démocratiques, ces inégalités sociales, exacerbées par la crise économique mondiale, en constituaient la toile de fond. La crainte d’une contagion, non seulement aux classes populaires de Hongkong mais surtout à l’ensemble des travailleurs chinois, confrontés à des fermetures d’usines et à un recul économique, était le cauchemar de Xi Jinping et des dirigeants chinois. Ces derniers ont tenté d’intimider les manifestants par divers moyens. Après avoir fait donner les gros bras des gangs des Triades, les lacrymogènes de la police, organisé des contre-manifestations bien peu spontanées, ils ont massé des troupes et des chars à Shenzhen, ville frontalière de Hongkong, laissant entendre qu’ils pourraient réprimer cette révolte comme celle de la place Tian'amnen en 1989.
Si cette menace était bien réelle, les dirigeants chinois préféraient ne pas avoir à la mettre à exécution. Ils tiennent à maintenir un régime spécial pour Hongkong, avec son droit des affaires hérité de la période britannique, sa monnaie locale adossée au dollar américain, et son régime fiscal particulier. De leur côté, les dirigeants américains ou britanniques ont fait mine d’afficher de la sympathie pour les contestataires ; ceux de l’Union européenne ont réclamé « un dialogue large et inclusif (…) pour désamorcer la crise ». Mais les crises politiques, qui alimentent l’incertitude, ne sont pas bonnes pour les affaires. Les actions de la banque britannique HSBC, dont le siège était à Hongkong jusqu’en 1993, ont perdu 13 % en un mois, les ventes d’assurances ont chuté de 10 à 20 % depuis le début du mouvement. Comme l’écrivait le journal Les Échos à propos des banquiers français installés à Hongkong : « Soutenir leur cause prodémocratie de manière trop visible risquerait de les mettre en porte-à-faux vis-à-vis de Pékin ; interdire à leurs employés de manifester risquerait (...) de s’aliéner une partie de leur personnel local. »
Qu’ils soient chinois ou occidentaux, les capitalistes et leurs représentants politiques voulaient que cette mobilisation s’arrête au plus vite. Outre la défense de leurs affaires ordinaires, ils craignaient que l’étincelle de la contestation ne mette le feu aux barils de poudre qui se sont accumulés à travers l’exploitation de millions de travailleurs dans cette région du monde, et en particulier en Chine.7
Trois grandes étapes
1) En juin, un million puis deux millions de personnes sont descendues dans la rue. Ce dernier chiffre représente plus de la moitié des habitantEs en âge de manifester. Face au mépris des gouvernements de Hong Kong et de Pékin, des actes violents ont alors commencé à se produire.
2) Début juillet, des jeunes radicaux ont bloqué des bâtiments officiels, puis pénétré de force dans le bâtiment du Conseil législatif. Le pouvoir espérait que l’opinion se retournerait contre eux. Mais c’est c’est le contraire qui s’est produit.
Le pouvoir a alors tenté une nouvelle tactique en collaboration avec la mafia. Celle-ci a sauvagement agressé les personnes présentes dans une gare de banlieue à l’heure de retour d’une grande manifestation en ville. Résultat, même les plus modéréEs se sont mis en colère. Le mouvement s’est à la fois élargi et encore davantage radicalisé.
La manifestation du 27 juillet a été encore plus significative. Pour la première fois, la police avait refusé de l’autoriser. En temps ordinaire, la population aurait accepté cette interdiction. Au lieu de cela, des centaines de milliers de personnes se sont rebellées et sont descendues dans la rue. C’était la première fois qu’un tel niveau de désobéissance civile avait lieu.
3) La centrale syndicale HKCTU a alors lancé un appel à la grève générale pour le 5 août. On estime que 300 000 ou 400 000 personnes y ont participé. Le transport aérien a été particulièrement touché. Simultanément, des manifestantEs ont bloqué une grande partie des réseaux ferrés. Dans la foulée, des manifestations ont eu lieu tous les 2 ou 3 jours, et les occupations de l’aéroport se sont multipliées. Le 17 août, 1,7 million de personnes sont à nouveau descendues dans la rue.
En août, les violences policières se sont amplifiées. Dans le transport aérien au moins 20 salariéEs ont été licenciés depuis juin, dont la présidente d’un des syndicats. Dans les derniers jours d’août, plusieurs responsables politiques ont été arrêtés.
Les composantes du mouvement
1) Les partis politiques sont très faibles. Mais ils ont assuré la cohérence du Civil Human Rights Front qui regroupe des syndicats, des ONG, et des partis. Ce front a servi de structure référente des manifestations. Le Front n’a pas joué de rôle réellement dirigeant : il a toujours attendu que la jeunesse radicale impulse le passage à un niveau supérieur. Mais sans ce front, les jeunes radicaux se seraient retrouvéEs très isoléEs.
2) La jeunesse constitue la majorité des manifestantEs. Parmi elles et eux, une dizaine de milliers veulent en découdre avec la police et mettent en place des modes d’organisation innovants. Des milliers d’autres jeunes ne sont pas prêts à en faire personnellement autant, mais fournissent les visières, les casques, l’eau…
Les jeunes mobilisés croient sincèrement en la démocratie. Il est rare qu’ils et elles soient membres d’organisations politiques. Leurs orientations politiques sont diverses, une minorité est par exemple xénophobe à l’égard des ChinoisEs du continent.
3) Extrêmement peu de grèves ont habituellement lieu, et ce uniquement sur des revendications économiques. En un peu plus d’un mois, HKCTU a appelé deux fois à la grève générale politique.
Face à la répression, la solidarité internationale était plus que jamais nécessaire.8
La contestation ne faiblit pas
La chef de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, a annoncé le 4 septembre 2019 que le projet de loi sur les extraditions de suspects vers la Chine allait être retiré. Ce texte était à l’origine de la mobilisation qui durait depuis plusieurs mois mais il n’était pas dit que ce retrait suffisait à mettre fin au mouvement dont les revendications se sont élargies au fil des manifestations.
Celles-ci avaient pris un tour particulièrement violent le week-end du 31 août et 1er septembre, avec des affrontements entre jeunes manifestants et policiers. La veille, Carrie Lam avait fait arrêter trois députés et des anciens dirigeants du mouvement dit des parapluies, une contestation débutée le 31 août 2014, pour obtenir l’élection du Parlement local au suffrage universel. À l’occasion de cet anniversaire, elle a interdit toute manifestation politique. Équipés de casques, masques à gaz, cagoules mais aussi de barres de fer et de cocktails Molotov, dressant des barricades dans les rues huppées de la ville, des milliers de jeunes hongkongais se sont affrontés à la police. Celle-ci a usé de canons à eau additionnée d’un marqueur indélébile. Des images de policiers frappant à terre des usagers du métro envahi par les manifestants ont choqué. Plus de 900 manifestants ont été arrêtés depuis le 15 juin.
Lundi 2 septembre, jour de rentrée scolaire et universitaire, un appel au boycott des cours était lancé tandis que des chaînes humaines se formaient devant des établissements scolaires. Les jeunes manifestants interviewés expriment leur détermination. Outre le rejet de la tutelle chinoise, ils évoquent leur avenir bouché faute d’emplois, l’impossibilité de se loger décemment.
Si la contestation semblait toujours être populaire, les représailles contre les travailleurs qui ont fait grève, dans les transports publics, au sein de la compagnie aérienne Cathay Pacific ou encore parmi les 250 000 employés des banques ou des assurances, ont pesé lourd. Le PDG de Cathay Pacific a dû démissionner pour avoir laissé les employés faire grève. Le gouvernement chinois a exigé la liste de tous les grévistes, désormais interdits de vol en Chine.
Jusque-là plutôt silencieux, les patrons des grandes sociétés hongkongaises, britanniques ou chinoises, qui dirigent réellement Hongkong, ont multiplié les menaces contre leurs salariés qui participeraient aux manifestations ou feraient grève. De leur côté, les dirigeants occidentaux, y compris Trump qui ne ratait pourtant jamais une occasion de critiquer Xi Jiping, se contentaient d’appels à « éviter les violences » ou à réprimer mais « avec humanité »… Le Medef a reçu l’ambassadeur de Chine à son université d’été mais sans parler de Hongkong.
Car cette crise qui durait depuis trois mois, en pleine guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, a fait chuter le tourisme de luxe. Elle a eu des effets visibles sur les transactions de la place financière mondiale qu’est Hongkong.
La jeunesse de Hongkong ne trouvait aucun soutien du côté de Trump, Johnson ou Macron, qui étaiet tout à fait prêts à faire des discours sur la démocratie, mais se préoccupaient surtout de préserver les affaires et les profits des grandes entreprises dans la région.9
Sources