La Macédoine

 

 

La Macédoine avant les Slaves

L'âge du fer macédonien commence vers 1200 av. J.-C. et s'achève en 400 av. J.-C. Il est caractérisé par de grandes nécropoles princières, qui montrent l'existence de monarchies organisées et influencées par la Grèce antique, comme le royaume de Péonie. C'est à cette époque que le royaume de Macédoine émerge dans le nord de la Grèce. Ses limites septentrionales correspondent à l'actuelle frontière sud de la République de Macédoine.

À partir du VIe siècle av. J.-C., l'influence grecque se fait de plus en plus importante et le territoire se couvre de villes fortifiées qui doivent faire face à l'invasion perse de 490 av. J.-C. Le royaume de Péonie, dont le territoire correspond à la majeure partie de l'actuelle République de Macédoine, est finalement envahi par Philippe II de Macédoine en 358 av. J.-C. Après la mort de son fils Alexandre le Grand, la Macédoine antique périclite rapidement et doit faire face à de nombreuses guerres contre la République romaine, qui se succèdent de 214 à 148 av. J.-C. Les Romains annexent définitivement le royaume de Macédoine en 168 av. J.-C. et la province romaine de Macédoine lui succède. Les Romains construisent des voies, fondent des villes, comme Scupi (actuelle Skopje) et réorganisent les cités de fondation plus ancienne, comme Heraclea Lyncestis (actuelle Bitola) ou Stobi, qui devient au IIIe siècle la deuxième plus grande ville macédonienne après Thessalonique. Le christianisme s'implante surtout à partir des IIIe et IVe siècles et environ 130 basiliques de cette époque ont été découvertes sur le sol de la république. Le territoire reste sous l'influence culturelle grecque.

 

La Macédoine byzantine

L'Empire romain est divisé en 395 entre un État occidental et un État oriental, avec respectivement Rome et Constantinople pour capitale. La Macédoine est incluse dans le nouvel Empire d'Orient, connu en Occident sous le nom d'Empire byzantin. À partir de 500, des Slaves venus de l'Est de l'Allemagne traversent le Danube et s'installent dans la péninsule balkanique. Ils atteignent la Macédoine au VIIe siècle et des tribus s'y installent définitivement. Ils s'assimilent aux populations déjà présentes et imposent leur langue. Les Slaves sont rejoints par les Huns, dont la présence est éphémère, puis par les Bulgares, venus d'Asie centrale, qui traversent le Danube en 679. Ces derniers s'installent durablement entre le fleuve et le massif du Grand Balkan puis forment un État qui s'étend vers la Thrace au sud et la Macédoine à l'ouest. Deux siècles plus tard, les Bulgares et leurs sujets slaves, beaucoup plus nombreux, ne forment plus qu'un seul peuple. Ce peuple unifié est de culture slave et adopte officiellement la religion orthodoxe en 893.

Au IXe siècle, Siméon Ier de Bulgarie mène une guerre qui agrandit considérablement son royaume, en l'augmentant notamment de la Macédoine et de l'Albanie. Au cours du même siècle, les frères Cyrille et Méthode de Thessalonique créent le premier alphabet slave, le glagolitique. Cet alphabet permet la naissance d'une première littérature slave et la traduction d'écrits religieux en vieux-slave. Les deux Saints évangélisent d'abord les Slaves du Sud des Balkans puis poursuivent leur mission jusqu'en Moravie. Leurs disciples, Clément et Naum, fondent à Ohrid la première université slave et deux monastères. Leur œuvre est considérable, puisqu'ils sont souvent associés à la création de l'alphabet cyrillique, et surtout à sa propagation, et font du vieux-slave la langue liturgique des Slaves. Clément est par ailleurs fait premier évêque d'Ohrid. Sous Clément et Naum, l'université d'Ohrid forme 3 500 prêtres et professeurs ; après leur mort, elle décline mais continue d'exister jusqu'en 1767.

En 896, Siméon Ier fait la paix avec les Byzantins et proclame le Patriarcat de Bulgarie. Il meurt en 927 et son empire tombe rapidement en décadence. Les régions orientales de l'empire retrouvent alors l'autorité de Constantinople et les tsars de Bulgarie abandonnent leur capitale, Preslav, pour d'autres villes situées plus à l'ouest, avant de se fixer à Ohrid.

En 976, Samuel Ier de Bulgarie, désireux de reconstruire l'empire de Siméon Ier, reprend le contrôle de la Macédoine et envahit la Bulgarie, l'Albanie, ainsi que des régions de Serbie, de Grèce et de Croatie. Il fait de l'évêché d'Ohrid un patriarcat. Son armée est cependant détruite par les Byzantins en 1014, et en 1018, sa capitale, Ohrid, est prise par l'empereur byzantin Basile II. Celui-ci, soucieux d'intégrer pacifiquement les Slaves à l'empire, leur accorde une certaine autonomie et n'augmente jamais les impôts. Il supprime le Patriarcat d'Ohrid mais fait de la ville le siège d'un archevêché autocéphale. Ses successeurs se montrent bien plus anti-slaves et remplacent les dignitaires slaves par des Grecs. En réponse, la Macédoine connaît deux soulèvements slaves, en 1040 et en 1072. Chaque fois, les insurgés s'emparent de territoires importants avant d'être écrasés.

De 1081 à 1083, les Normands de Robert Guiscard traversent et dévastent la Macédoine ; ils sont suivis par les soldats de la Première Croisade dans les années 1090, et les premiers recommencent en 1107 et en 1108. Les souverains byzantins perdent peu à peu le contrôle de la Macédoine et des seigneurs serbes et bulgares créent leurs propres royaumes. Annexée par la Bulgarie en 1203, la Macédoine devient serbe en 1282, et Stefan Uroš IV Dušan fait de Skopje la capitale de son Empire serbe. Peu après sa mort, son royaume disparaît et la Macédoine sombre dans des luttes interminables entre seigneurs. Ceux-ci ne peuvent faire face aux envahisseurs turcs lors de la bataille de la Maritsa en 1371. La Macédoine devient alors une région de l'Empire ottoman.

 

La Macédoine ottomane

Les Ottomans organisent rapidement la région selon leurs lois. Si les Albanais de Macédoine et les Roms se convertissent massivement et volontairement à l'Islam, les Slaves conservent le christianisme, puisque les Turcs ne les obligent pas à se convertir. Toutefois, seuls les musulmans peuvent accéder aux postes importants et jouir de divers droits et les chrétiens sont largement discriminés dans la vie courante. Ils doivent par exemple payer plus d'impôts. Le système des millets leur permet cependant de garder une certaine cohésion sociale puisque l'Église possède quelques droits administratifs.

La Macédoine connaît un certain essor au cours des XVe et XVIe siècles, qui correspondent à l'âge d'or de l'Empire ottoman. Cet essor reste toutefois confiné aux villes, transformées en centres de commerce turcs, où se concentre la population musulmane. En raison de conditions de vie difficiles, les Slaves se révoltent pour la première fois contre le régime ottoman en 1564, et nombre de paysans chrétiens fuient les terres agricoles des vallées pour rejoindre les haïdouks, bandes de hors-la-loi qui sèment le trouble sur les axes commerciaux. Au cours de la guerre austro-turque, les haïdouks profitent du chaos pour déclencher un nouveau soulèvement en 1689. Ils offrent leur soutien à l'armée autrichienne, arrivée dans le sud de la Serbie, et ils s'emparent ensemble de Skopje. Les haïdouks prennent peu à peu le contrôle total de la Macédoine mais les Ottomans reprennent vite du terrain et défont les haïdouks à Koumanovo ; les Autrichiens sont repoussés au nord du Danube.

Au XVIIIe siècle, l'Empire ottoman est en déclin et les seigneurs musulmans locaux profitent des désordres politiques pour accroître leur pouvoir. Certains constituent même de petites armées de mercenaires formées de Turcs et d'Albanais et terrorisent la population slave tout en neutralisant les haïdouks. Afin de fuir l'insécurité croissante dans les campagnes, de nombreux Slaves quittent leurs villages et s'installent dans les villes où ils travaillent comme domestiques, artisans ou marchands. Ils amorcent une re-christianisation et une re-slavisation des centres urbains et certains s'enrichissent au point de former une nouvelle classe moyenne. Mais à cause de l'hégémonie de l'Église grecque, l'émergence d'une petite élite slave n'entraîne pas immédiatement de renouveau culturel slave macédonien. Sous la pression des Grecs phanariotes, au pouvoir à Istanbul, le Patriarcat de Peć est aboli en 1766 et l'archevêché d'Ohrid disparaît en 1767. Le Patriarcat de Constantinople contrôle alors tous les Orthodoxes des Balkans.

À la fin du XVIIIe siècle, une littérature macédonienne primitive apparaît, et, en 1792, Marko Todorovitch publie à Vienne le premier livre en macédonien ; il s'agit d'un manuel de lecture. Les premiers écrivains macédoniens écrivent dans leur dialecte, puisque le macédonien n'est pas encore standardisé et il est considéré comme une variante du bulgare. La naissance d'une véritable identité nationale macédonienne est cependant empêchée par l'emprise culturelle grecque et par des politiques d'assimilation culturelle serbes et surtout bulgares à partir des années 1850. La Grèce, la Bulgarie et la Serbie sont elles-mêmes d'anciens territoires ottomans nouvellement indépendants et elles désirent chacune annexer la Macédoine. Pour appuyer leurs revendications, les Grecs, les Bulgares et les Serbes cherchent à faire naître ou à renforcer un sentiment d'appartenance à leur nation respective, en établissant des écoles, des églises et des clubs culturels ; la rivalité bulgaro-grecque s'exprime notamment dans le domaine religieux, les Bulgares ayant obtenu des Ottomans la création d'une église nationale et du millet correspondant en 1870. En dépit des efforts de ces trois pays, beaucoup de Macédoniens ne s'identifient à aucun de ces peuples, même au début du XXe siècle. Un courant nationaliste local existe, mais contrairement aux autres mouvements balkaniques, il se répand sans aucune aide ou soutien extérieur et sans infrastructures. Au contraire, il est non seulement menacé par le régime ottoman, mais aussi par les gouvernements des pays voisins.

Cette carence identitaire est également due à une situation économique et politique difficile. Ainsi, la fin du XIXe siècle, 80 % de la population vit de l'agriculture, 70 % des paysans ne possèdent pas de terres mais travaillent sur les domaines de propriétaires ottomans, et les rares manufactures de la région sont obsolètes, peu productives et ne peuvent faire face à la concurrence étrangère. La région connaît l'instabilité, l'insécurité chronique et la corruption. Les puissances occidentales tentent pourtant de s'impliquer dans le développement et la sécurisation de la région, en construisant par exemple des lignes téléphoniques et une voie ferrée, mais ces actions sont insuffisantes.

 

Insurrections, guerres et partage

Les nationalistes macédoniens deviennent de plus en plus puissants à la fin du XIXe siècle, et ils conduisent un premier soulèvement en 1876, puis un deuxième en 1878. Soldés par des échecs, ils ont surtout pour but d'alarmer les pays occidentaux sur la situation catastrophique de la région.

En 1893, des nationalistes macédoniens fondent à Thessalonique l'Organisation révolutionnaire macédonienne, qui est rebaptisée plus tard Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, plus connue sous son sigle macédonien VMRO. En 1901, le mouvement reçoit le soutien du gouvernement bulgare, qui y voit un instrument de la création d'une Grande Bulgarie, incluant la Macédoine. L'organisation soutient avant tout les droits du peuple slavo-macédonien mais envisage aussi la libération de tous les autres peuples qui vivent dans la région vis-à-vis des Ottomans.

Le VMRO organise en 1903 le dernier et le plus grand soulèvement populaire de l'histoire macédonienne. Ce soulèvement crucial commence le 2 août, jour de la Saint-Élie (Sveti Eliya en macédonien), ce qui lui vaut son nom d'Insurrection d'Ilinden. Au bout d'un mois, les forces rebelles contrôlent une région de près de 10 000 kilomètres carrés. En septembre, l'armée ottomane lance une contre-offensive générale et l'insurrection est neutralisée à la mi-novembre.

La Bulgarie, la Grèce et la Serbie, décidées à expulser définitivement les Turcs des Balkans, déclarent la guerre à l'Empire ottoman en 1912. Les Turcs sont rapidement défaits et la Macédoine est partagée entre les vainqueurs. La Bulgarie conteste toutefois ce partage qui lui laisse de trop petits territoires et déclare la guerre à la Grèce et à la Serbie en 1913. Ces dernières gagnent une seconde fois et font reconnaître définitivement les frontières issues de la première guerre. La Macédoine se trouve divisée en quatre : la Grèce reçoit le Sud, la Serbie le territoire qui forme la république actuelle, la Bulgarie une région aux confins orientaux et l'Albanie de petits territoires situés à l'ouest. Chaque État s'emploie à assimiler les populations locales, parfois par la force, et bien souvent en interdisant l'usage public des dialectes macédoniens.

La Première Guerre mondiale prolonge les Guerres balkaniques de 1912-1913 puisque la Bulgarie envahit à nouveau les parties de la Macédoine grecque et serbe. Tandis que les Bulgares sont aidés par l'Autriche-Hongrie, la Serbie et la Grèce reçoivent l'aide des Alliés ; le front de Salonique se forme et d'importants combats ont lieu dans la région. Les Alliés finissent par percer le front en septembre 1918 et libèrent ainsi la Macédoine serbe.

 

La Macédoine yougoslave

En 1918, la Macédoine serbe rejoint le nouveau Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, rebaptisé Royaume de Yougoslavie en 1929. Les Serbes poursuivent l'assimilation des Macédoniens et colonisent la région, même si le VMRO reste actif et commet plusieurs actions terroristes, dont l'assassinat du roi Alexandre Ier en 1934. L'organisation devient par ailleurs de plus en plus proche des communistes, qui reconnaissent eux aussi l'existence du peuple macédonien. La région ne connaît pas de réel développement économique pendant l'entre-deux-guerres et demeure extrêmement pauvre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, après l'invasion et le démembrement du royaume de Yougoslavie, la Macédoine serbe est divisée en 1941 entre la Bulgarie et le protectorat fasciste d'Albanie. Elle est libérée en 1944 par les résistants communistes. Ces derniers proclament la République socialiste de Macédoine qui devient l'une des six républiques fédérées de la Yougoslavie de Tito. L'existence du peuple macédonien est alors reconnue internationalement et la langue macédonienne est codifiée.

Sous le régime communiste, la Macédoine connaît un développement socio-économique rapide. La population agricole diminue, tout comme l'illettrisme, et l'industrie est largement encouragée. Dans les années 1980 naissent des tensions entre les Macédoniens et la minorité albanaise,qui représente environ 20 % de la population du pays. La Yougoslavie est alors touchée dans son ensemble par une crise socio-économique et des premières élections multipartites sont organisées en 1990. En Macédoine, comme en Slovénie ou en Croatie, ce sont les nationalistes qui remportent le plus de sièges au Parlement.

 

La Macédoine indépendante

Après les déclarations d'indépendance slovène et croate, la Macédoine décide à son tour de conduire un référendum en 1991. Les partisans de l'indépendance remportent 95 % des suffrages et la Macédoine déclare son indépendance le 8 septembre 1991. Le nouvel État doit faire face à de nombreux problèmes. D'abord, la minorité albanaise revendique rapidement plus d'autonomie ; ensuite, la Grèce s'oppose à sa reconnaissance internationale car elle considère que le nouvel État, par son nom et ses symboles, s'approprie l'héritage culturel grec. La Macédoine refuse de changer de nom et ce n'est qu'après un blocus économique qu'elle accepte de changer de drapeau en 1995. Ce blocus ainsi que les Guerres yougoslaves qui se déroulent dans les pays voisins entravent le passage à l'économie de marché.

En 2001, les tensions entre Albanais et Macédoniens atteignent des proportions dangereuses et des anciens combattants de la guerre du Kosovo lancent une guérilla dans le nord-ouest du pays. Ils forment l'Armée de libération nationale (UÇK-M), une organisation qui souhaite annexer les régions albanaises de Macédoine au Kosovo. Les rebelles attaquent l'armée et la police le long de la frontière kosovare et reçoivent le soutien de la population albanaise locale. Ils bénéficient par ailleurs d'importants moyens financiers. Au début de l'été, la situation est tendue, mais le conflit est finalement désamorcé en juillet grâce à une médiation internationale. Les accords d'Ohrid, signés par les deux parties en août, octroient de nouveaux droits aux Albanais, notamment dans le système éducatif.

Le conflit de 2001 a des répercussions sur l'économie, mais les accords d'Ohrid ont permis une certaine stabilisation politique.

 

Situation des minorités après 2001

Le recensement de 2002 comptabilise 2 022 547 habitants vivant en Macédoine. 1 297 981 d'entre-eux, soit 64 %, sont Macédoniens et 509 083, soit 25,2 %, sont Albanais. Les deux autres minorités notoires, les Turcs et les Roms, forment respectivement 3,9 % et 2,7 % de la population du pays. Après 2001, les relations politiques entre les Albanais et les Macédoniens se sont améliorées, mais les relations sociales restent souvent difficiles, notamment à cause des préjugés entretenus par chaque communauté. Ainsi, les Macédoniens sont souvent hostiles à l'Islam, religion majoritaire chez les Albanais, et expliquent la forte croissance démographique de ces derniers comme une volonté de les surpasser en nombre. En retour, les Albanais ont souvent l'impression que les Macédoniens les considèrent comme une population immigrée et ne cherchent pas à les comprendre ou à reconnaître leur culture. Enfin, alors que les Macédoniens adhèrent fortement à l'État, la seule patrie qu'ils ont réussi à obtenir au cours de l'histoire, les Albanais sont plutôt attachés à la région où ils vivent et aux deux États albanais indépendants, l'Albanie et le Kosovo.

Les Turcs, bien moins nombreux que les Albanais, possèdent eux-aussi leurs écoles et leurs médias. Ils sont plutôt discrets et quasiment absents de la scène politique ; la Macédoine entretient en outre des relations diplomatiques chaleureuses avec la Turquie. Les Roms, quant à eux, vivent généralement dans des conditions difficiles. Ainsi, sur les 54 000 Roms de Macédoine, 17 000 sont au chômage et 14 000 n'ont pas accès aux produits de première nécessité. La plupart d'entre-eux vit du petit commerce, de la récupération des ordures et de la mendicité. La Macédoine fait toutefois figure d'exemple dans les Balkans, car l'État montre une certaine volonté pour intégrer les Roms à la société et pour améliorer leurs conditions de vie, notamment en favorisant leur accès à l'éducation et en créant un ministère des Roms. C'est aussi en Macédoine que se trouve la seule municipalité au monde à avoir adopté le romani comme langue officielle, il s'agit de Chouto Orizari, située dans la banlieue de Skopje. Le pays compte enfin un grand nombre d'ONG dédiées à l'amélioration du sort des Roms.

 

Situation politique et économique

Lors des élections législatives de 2002, le VMRO-DPMNE est battu par le SDSM et Branko Crvenkovski redevient premier ministre. Il forme un gouvernement avec des membres de son parti ainsi que des personnalités de l'Union démocratique pour l'intégration, un nouveau parti albanais fondé par Ali Ahmeti, ancien chef des rebelles albanais. Le Président de la République, Boris Trajkovski, meurt dans un accident d'avion en 2004 et c'est Branko Crvenkovski qui est élu à son poste. Radmila Šekerinska, du SDSM, occupe les fonctions de premier ministre par intérim jusqu'à la nomination de Vlado Bučkovski, issu du même parti. Radmila Šekerinska est la première femme à occuper le poste de premier ministre en Macédoine et elle devient, en 2006, à seulement 34 ans, la première femme à diriger un grand parti, après avoir été élue présidente du SDSM. Le VMRO-DPMNE retourne au pouvoir à partir de 2006 après avoir remporté les élections législatives, et son leader, Nikola Gruevski, devient premier ministre. Branko Crvenkovski décide de ne pas briguer un second mandat présidentiel et, en 2009, c'est Gjorge Ivanov, politicien sans étiquette proche du VMRO-DPMNE, qui devient Président de la République.

La Macédoine a déposé une demande d'adhésion à l'Union européenne en 2004 et sa candidature a été reconnue par le Conseil européen l'année suivante. La Macédoine souhaite également joindre l'OTAN, néanmoins, son adhésion aux deux organisations est toujours bloquée par la Grèce, qui n'accepte pas le nom donné au pays. La Macédoine a d'ailleurs saisi la Cour internationale de justice de La Haye contre la Grèce en 2008 car elle estime que celle-ci ne respecte pas les accords de 1995 lorsqu'elle bloque l'adhésion macédonienne à des instances internationales. Le jugement a été rendu en décembre 2011 et donne tort à la Grèce lorsqu'elle empêche la Macédoine d'adhérer à des organismes internationaux à cause de son nom. Néanmoins, la Cour n'a pas demandé directement à la Grèce d'arrêter de bloquer la Macédoine, et le pays n'a pas reçu de réponse positive de la part de l'OTAN lors du Somment de Chicago en 2012.

La petite taille de la Macédoine rend son économie vulnérable. La république, qui ne fournissait que 5 % des revenus de la Yougoslavie dans les années 1980, est l'un des pays les plus pauvres d'Europe. Elle possède un taux d'inflation faible, mais un taux de chômage avoisinant les 30 % et elle peine encore à recevoir des investissements étrangers et à créer des emplois. Le pays connaît un important marché noir, estimé à plus de 20 % du PIB et encouragé par la position du pays, situé sur les routes des trafiquants de drogue et de personnes. La crise financière mondiale de 2007 s'est surtout ressentie par la diminution des investissements extérieurs et par un grand déficit commercial. La croissance économique a lentement repris en 2010, avec un chiffre estimé à 1,3 %.1

Après être retombée en récession en 2012, la Macédoine a connu un taux de croissance de l’ordre de 3 % en 2013. Ce sont les investissements – dans l’agriculture, mais surtout la construction – qui soutiennent cette croissance, alors que la demande de consommation est très faible. Le déficit commercial est stable, aux environs de 23 % du PIB en 2013, et l’Union européenne en est le principal fournisseur (environ 62 % des importations). Mais l’Allemagne est devenue le premier client du pays (plus de 35 % des exportations de 2013) et la Chine fait son apparition avec 2,5 % du total, au détriment de la Grèce et des Balkans occidentaux. Les exportations de produits chimiques ont augmenté, notamment grâce à l’activité de la firme britannique Johnson Mattez qui, depuis 2007, produit des catalyseurs. Mais cela a également provoqué une hausse des importations britanniques de platine et d’autres produits utilisés par cette firme dans sa production. Toutefois les exportations vers la Russie pourraient être en partie annulées : Moscou estime que la Macédoine a servi de relais à des pays membres de l’UE pour contourner ses sanctions contre leurs produits alimentaires.

Face à la récession de 2012, le déficit public du pays s’est creusé, passant de 2,6 % du PIB en 2011 à 4 % en 2012. Après la reprise de la croissance, le déficit s’est maintenu, et il se confirme aux alentours de 4% pour 2014, contrairement aux promesses de baisse, alors que la coalition au pouvoir poursuit une politique de soutien de la croissance et d’affirmation identitaire par la prolifération de monuments. L’alliance entre le VMRO-DPMNE (droite conservatrice) et le plus important parti albanophone se maintient depuis 2008. À la mi-avril 2014, le président sortant a été réélu et, à la fin du mois d’avril, la coalition a remporté la majorité absolue aux législatives anticipées. Elle a tiré avantage de la croissance améliorant les salaires et l’emploi : le chômage a baissé de trois points entre 2009 et 2013 tout en restant très élevé (de l’ordre de 28 %, en 2014). Mais elle a aussi fait campagne en promettant l’annulation des dettes des catégories les plus pauvres.

Cette promesse a commencé à s’appliquer le 18 août : les bénéficiaires de l’aide sociale ont pu faire annuler (en une seule fois) les dettes contractées avant le 31 décembre 2013 et impayées depuis au moins douze mois. Le gouvernement a également promis une augmentation de l’aide sociale, des salaires des fonctionnaires de 4 à 5 % et des retraites de 5 %. Il est loin d’être sûr que la croissance permettra d’assurer les rentrées fiscales suffisantes pour que le déficit public reste de l’ordre des 2 % annoncés. Cette campagne, évidemment populaire – et qui pourrait inspirer des pays voisins – prépare sans doute de nouvelles élections anticipées, visant à répondre aux contestations des élections du printemps 2014 par l’Alliance sociale-démocrate de Macédoine (SDSM), suivie un temps par le Parti démocratique des Albanais (PdSh) dans une politique de boycott du Parlement. L’annulation des dettes des catégories les plus démunies reflète surtout une situation sociale explosive. Mais les causes de la dégradation sociale ne sont pas explicitées et combattues pour autant.2

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_R%C3%A9publique_de_Mac%C3%A9doine
(2) http://www.anti-k.org/2014/12/20/albanie-bosnie-herzegovine-kosovo-macedoine-montenegro-serbie/