Le Montenegro

 

 

Antiquité

Des colonies grecques s'établirent sur la côte du Monténégro au cours du VIe siècle et VIIe siècle av. J.-C. Puis au IVe siècle av. J.-C. les Celtes s'y installent. Le Monténégro est peuplé par des tribus illyriennes dès le IIIe siècle av. J.-C. et un royaume illyrien y naquit avec pour capitale Skadar.

Les Romains montèrent plusieurs expéditions punitives contre les pirates de la côte monténégrine puis la conquirent vers 168 après J.-C. Plus tard, en 297, le Monténégro fut rattaché à la province de Dalmatie supérieure. En 395, il fut rattaché à l'Empire romain d'Orient. Aux Ve et VIe siècles le Monténégro fut ravagé par les invasions avars et goths.

Des tribus slaves (qui se mélangèrent par ailleurs aux tribus précédentes) commencèrent à affluer, tout en s'organisant politiquement, dans la région dès la fin du VIIe siècle.

 

Moyen Âge

Bien que les Monténégrins soient issus, sur le plan anthropologique, de peuplements serbes, ils se distinguent tôt dans l'histoire des Serbes actuels, tant sur le plan politique que culturel.

Après que des populations serbes, sous la tutelle byzantine, se furent installées dans les Balkans, une confédération se créa à la faveur du déclin temporaire de Byzance et sous la menace de l'Empire bulgare. Ce fut la première principauté serbe, connue sous le nom de Rascie et qui comprenait le territoire diocléen. Cette principauté autonome déclina et Byzance reprit ces territoires temporairement émancipés.

Vers 1040, suite à des soulèvements, la Dioclée obtint son indépendance vis-à-vis de Byzance. En 1077, le pape Grégoire VII la reconnut comme un État indépendant et son roi serbe Mihailo Vojislavljević comme rex Diocleae (roi de Dioclée). Le royaume paya néanmoins un tribut à l'Empire byzantin et plus tard à l’Empire bulgare. La puissance de la Dioclée diminua et devint sujet des grands princes de la Rascie au XIIe siècle, cette dernière venait de s'émanciper formellement de la tutelle byzantine.

La Zeta - l'appellation Crna Gora (montagne noire) apparaissant sous Stefan Uroš II Milutin pour désigner un territoire plus petit que l'actuel Monténégro -, ne retrouva son indépendance qu'à la suite de la division de l'Empire serbe en 1356 sous la dynastie Nemanjić. Le Zeta fut alors gouverné à partir de 1360 par la Balšić. Il sera ensuite sous la tutelle du despotat de Serbie (un des États serbes issu de la dislocation de l'empire) de 1421 à 1456. Une autre famille noble de la Zeta, les Crnojević, redonnera temporairement l'indépendance au pays avant que le territoire ne tombe sous la tutelle ottomane en 1479.

En 1499 le Monténégro est officiellement sous l'autorité du Sultan de la Sublime Porte.

 

Période ottomane

À partir de 1496 les Ottomans s’emparèrent formellement de la région et le Monténégro devint un territoire de l'Empire. Toutefois ils ne réussirent pas à rester maître de ce territoire au relief difficile de manière continue.

En 1516 le dernier prince séculier du Monténégro, Đurađ V Crnojević (en) abdiqua et transféra l’autorité civile au métropolite de Cetinje créant ainsi la fonction de prince-évêque. D’abord sujet à l'élection, cette fonction devint héréditaire et se transmit d’oncle à neveu à partir de 1697 sous la dynastie des Petrović.

En 1702, Danilo I Šćepčev Petrović-Njegoš déclara l'extermination de toutes les populations musulmanes du Monténégro, principalement des Musulmans, des Albanais et des Turcs ; cet événement restera dans l'Histoire sous le nom de Vêpres monténégrines. Après ce massacre, le tsar de Russie, Pierre le Grand conclut en 1711 une alliance avec le Monténégro pour lutter contre les Turcs, à qui il venait de déclarer la guerre lors de la campagne du Prout. Après lui, Sava II Petrović-Njegoš (1735-1781) mais surtout Pierre Ier (1782-1830) et Pierre II (1830-1851) consolidèrent les institutions de la principauté.

En 1852 Danilo II (1851-1860) décida de la séparation entre l’Église et l’État abolissant ainsi la fonction de prince-évêque et devint monarque séculier. Grâce à l’aide de l’Autriche, il repoussa les attaques ottomanes et en 1859 une commission internationale délimita les frontières du Monténégro.

Son successeur, Nicolas Ier (1860-1918), fut également confronté aux attaques des troupes ottomanes et en 1862 le Monténégro fut de nouveau soumis à la suzeraineté ottomane. Nicolas Ier réussit néanmoins à reconstituer son armée. À partir de 1876 les Turcs furent battus à plusieurs reprises et finirent par reconnaître l’indépendance et les frontières du Monténégro au congrès de Berlin en 1878.

 

Le royaume de Monténégro (1878-1922)

En 1905 Nicolas Ier décréta la fin du gouvernement autocratique et octroya une constitution libérale. Il mit sur place un régime parlementaire. Après l'indépendance reconnue internationalement de la Principauté du Monténégro par le Congrès de Berlin, il fut proclamé en 1910 l'établissement du Royaume du Monténégro. Nicolas Ier prit le titre de roi.

En 1912, le Royaume du Monténégro s’allia à la Grèce, à la Bulgarie et à la Serbie contre l'Empire ottoman. En octobre, symboliquement, le nouveau royaume donne son congé au chargé d'affaires ottoman à Cettigné, ce qui provoque une panique financière chez les grandes puissances, car la guerre devient probable.

À la fin de la seconde guerre des Balkans, le pays a presque doublé de superficie. Le traité de Bucarest de 1913 lui octroya la moitié du sandjak de Novi Pazar ainsi que la région de Peć.

Le Royaume du Monténégro combattit au côté des Alliés durant la Première Guerre mondiale. Le Monténégro fut occupé du 15 janvier 1916 à octobre 1918 par les troupes austro-hongroises. Après la guerre, alors que les troupes serbes stationnaient au Monténégro, une nouvelle assemblée se constitua. Le roi, toujours en exil en France, fut démis de ses fonctions, interdit de retour et l'assemblée, lors d'un vote très contesté, décida d'unifier le Monténégro à la Serbie le 13 novembre 1918. Le Monténégro devint un territoire du Royaume de Serbie le 28 novembre 1918.

 

Le Monténégro dans l'ensemble des Slaves du sud

Au lendemain du conflit mondial, le 1er décembre 1918, le Monténégro, alors au sein du royaume serbe, rejoignit le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, devenu en 1929 le Royaume de Yougoslavie. Lors du vote sur l'union avec la Serbie en 1918, le nom de ceux qui étaient en faveur de ce rattachement figurait sur des listes de papier blanc ; celui de leurs adversaires sur des listes de papier vert, d'où leur nom de « Blancs » et de « Verts ». Après le rattachement, les Verts se soulevèrent et le 4 janvier 1919, ils occupèrent la ville de Cetinje. L'insurrection fut écrasée par les troupes alliées présentes dans la région, sous le commandement du général français Venel. Les Verts recoururent alors à une guérilla, impitoyablement réprimée par les Blancs. La lutte dura jusqu'en 1924. Ceux des Verts qui avaient renoncé à la lutte armée formèrent alors un parti fédéraliste monténégrin.

 

 

Le Monténégro durant la Seconde Guerre mondiale

Après l'invasion de la Yougoslavie, l'Italie occupe le Monténégro et tente de créer un nouveau "Royaume". Confrontés à l'insurrection, ils doivent cependant y renoncer et font du territoire un gouvernorat. En septembre 1943, l'Allemagne nazie occupe le pays après la capitulation italienne. En décembre 1944, les Allemands se retirent du Monténégro, dont les Partisans communistes prennent alors le contrôle.

 

 

La république yougoslave du Monténégro (1945–2002)

La République socialiste du Monténégro constitua une des républiques fédérées de la République fédérale populaire de Yougoslavie à l’époque communiste, puis en 1963 sous Tito, de la République fédérale socialiste de Yougoslavie. Sous le régime de Milošević et suite à l'effondrement de l'ex-Yougoslavie, le Monténégro fut l'une des deux républiques constitutives de la troisième Yougoslavie.1

 

La Communauté d'États de Serbie-et-Monténégro

Tout en formant une fédération moins étroite voire une confédération, elle succède en 2003 à l'ancienne « République fédérale de Yougoslavie » déjà constituée par Slobodan Milošević, le 27 avril 1992, à partir de la Serbie et du Monténégro, alors anciennes républiques fédérées de feue la « République fédérative socialiste de Yougoslavie » qui avait éclaté en 1990-1991. Milošević avait appelé « Yougoslavie » cette première union de la Serbie et du Monténégro, pour capter l'image de cette ancienne Yougoslavie dans le monde et entretenir la thèse selon laquelle il avait essayé de la sauver, mais il échoua à la faire reconnaître comme son seul État successeur.

Le gouvernement monténégrin, qui s'était opposé à Milošević de 1997 à sa chute en septembre 2000, soutenait ouvertement l'indépendance de son pays. L'Union européenne et notamment le commissaire européen Javier Solana l'a convaincu de former une fédération moins étroite avec la Serbie, tout en assurant son caractère provisoire ; d'où le sobriquet de « Solanaland » ou « Solanastan » qu'on lui a parfois donné à l'époque. L'accord prévoit donc de ne coopérer que dans certains domaines politiques (comme la Défense). Les deux républiques constitutives auront le droit de demander leur pleine indépendance trois ans après l'adoption de la nouvelle Constitution, qui eut lieu le 4 février 2003, sans d'ailleurs respecter les formes prévues par la Constitution antérieure, tant le scepticisme était grand d'un côté comme de l'autre.

Cependant, après cette période probatoire, le 21 mai 2006, un référendum sur l'indépendance du Monténégro est organisé dans cette république, où le camp indépendantiste l'emporte avec 55,5 % des voix.

Un vif débat a concerné la majorité qualifiée de 55 % qui était nécessaire à l'adoption du référendum qui prévoyait l'indépendance.

Conformément aux résultats de ce référendum, le Parlement du Monténégro adopte le 3 juin 2006 une déclaration d'indépendance qui marque de fait la dissolution de la fédération.

De son côté, le Parlement serbe a adopté le 5 juin 2006 une déclaration faisant officiellement de l'État serbe le successeur de l'ancien État commun, ce qui équivaut de facto à proclamer l'indépendance de la Serbie et à reconnaître celle du Monténégro.

Comme le précise la Constitution de l'ex-État commun, le Monténégro qui quitte la fédération, doit céder les sièges que celle-ci détenait auprès des instances internationales (notamment à l'ONU et au Conseil de l'Europe) à la seule Serbie, avant de récupérer de nouveaux sièges en son propre nom au sein des organisations internationales auxquelles elle formulera une demande d'adhésion.

Les ex-ministères fédéraux de la Défense et des Affaires étrangères sont passés sous la tutelle exclusive de l'État serbe.2

Le 17 mars 2007, le Monténégro signe un accord de stabilisation et d'association avec l’Union européenne : les signataires sont Olli Rehn, commissaire européen à l'élargissement, et Zeljko Sturanovic, le Premier ministre monténégrin. Le 15 décembre 2008 le Monténégro dépose officiellement sa demande de candidature à l'Union européenne.3

 

 

Comment on devient une base étasunienne

 

Carte du Monténégro

 

« Cet accord sur le statut des forces, que le président Vujanovic et moi signons, instaure une base afin que le personnel militaire des États-Unis opère au Monténégro pour des activités déterminées de façon réciproque » : c’est par ces mots que la secrétaire d’état Rice a annoncé le 1er mai 2007 à Washington, la signature du traité militaire qui permet aux États-Unis de « déployer des forces militaires au Monténégro », défini par Rice comme un « ami et partenaire ». Sûr de lui, le président monténégrin Pilip Vujanovic déclare : « Maintenant le Monténégro se sent sûr ». Un accord vraiment « bilatéral », entre l’unique superpuissance restée sur terre et le tout petit état Balkan de 14 mille kms carrés (moins que les Pouilles), indépendant à tout prix depuis seulement quelques mois – et on comprend aussi pourquoi maintenant- avec ses 650 mille habitants (un sixième des Pouilles), et qui n’a pas encore la moindre loi de défense qui institue une armée ni, donc, le moindre soldat.

L’accord – explique le communiqué du Pentagone- « définit le statut légal des militaires étasuniens et de leurs propriétés » dans le territoire du Monténégro, en délimitant « les droits et les responsabilités entre les USA et le gouvernement hôte en ce qui concerne la juridiction criminelle et civile ». Avant de déployer les forces militaires au Monténégro, Washington s’est donc assuré l’impunité pour tout acte accompli par ses militaires sur le territoire monténégrin.

On n’a donc pas perdu de temps à Washington : moins d’un an après que le Monténégro ait fait sécession de la Serbie, en déclarant son indépendance le 3 juin 2006, il devient une base militaire étasunienne. Les USA ont contribué de cette manière à démolir ce qu’il restait de la Fédération yougoslave et à en tirer immédiatement parti, de façon « bipartisane ».

L’indépendance a été fortement voulue d’abord par l’Administration Clinton, à travers la secrétaire de l’époque, Madeleine Albright, puis en août 2006, grâce à l’établissement des relations diplomatiques ; en septembre, le Secrétaire à la Défense en poste Ronald Rumsfeld a effectué une visite au Monténégro en préparant le terrain pour l’accord militaire de ces jours ci.

Il suffit de regarder la carte. Le Monténégro est une position décisive pour projeter des forces militaires à la fois vers l’est et vers le sud, avec les aéroports internationaux de Podgorica et Tivt. Le port de Bar, auparavant en partie siège de la Marine yougoslave, peut maintenant être transformé en base des forces navales nucléaires étasuniennes, ainsi qu’en escale pour les sous-marins nucléaires étasuniens, quand ceux-ci auront quitté la base italienne de La Maddalena (Sardaigne, en cours de démantèlement grâce aussi à une mobilisation des mouvements anti-guerre et anti-nucléaires et de la région sarde, NDT).

 

Un immense porte-avions US en Méditerranée

Dans l’Adriatique de surcroît. Car, si quelqu’un se demandait encore ce qu’il en est advenu des Balkans et du statut non résolu du Kosovo, suspendu après l’échec au siège de l’ONU du plan dit Ahtisaari – qui concède l’indépendance ethnique à la province-, il en trouvera ici une explication. Après les bases en Bosnie et l’immense complexe militaire de Camp Bondsteel au Kosovo, les Etats-Unis, avec ce nouvel accord, s’apprêtent à contrôler tout le sud-est européen. Un regard sur le système de « bouclier » anti-missiles Usa en Europe, après la République tchèque et la Pologne : le Monténégro, par sa position géographique, est particulièrement adapté aussi bien pour l’installation de radars que de missiles intercepteurs tournés vers le Moyen-Orient et l’Afrique du nord.

Une seule question. Nos institutions, gouvernement en tête, mais aussi la Région des Pouilles (qui est en face du Monténégro, NDT), engagés à légitimer la crédibilité démocratique et la vocation pacifique du nouvel état monténégrin indépendant – dont le Premier Ministre Milo Djukanovic est toujours sous enquête de la magistrature italienne pour faits de mafia et contrebande – n’ont vraiment rien à dire ? 4

 

 

Corruption, fric et fraudes au Monténégro indépendant

Article posté le 20 janvier 2007.

La première impression des étrangers qui arrivent à Podgorica est celle de croissance économique. De nouveaux immeubles luxueux en construction, des rues en chantier, des places publiques réaménagées... Pourtant, 10 % des Monténégrins vivent dans la pauvreté, et les enseignants ne gagnent que 250 euros par mois. Seuls s’enrichissent les amis du pouvoir.

Le Monténégro présente des images comparables à celles que l’on pouvait voir dans les années 1990, lorsque la population faisait la queue pour acheter du pain, du lait, de l’huile, de l’essence... Les habitants de Podgorica font la queue pendant des jours au centre ville pour acheter de nouveaux téléphones portables ! Ça fait longtemps que le Monténégro est classé au sommet de la liste européenne du nombre de portables par habitant, mais la soif de nouveaux modèles de marques prestigieuses ne semble pas encore assouvie. Il en est de même avec les conversations téléphoniques qui se prolongent à l’infini. Les citoyens monténégrins ont dépensé en 2006 environ dix millions d’euros pour les conversations téléphoniques et les SMS, indiquent les données d’un opérateur mobile. Combien d’appartements et de nourriture auraient-ils pu acheter... ?
La première impression des étrangers qui arrivent à Podgorica est celle de croissance économique. Les derniers modèles des marques automobiles sont garés sur les trottoirs. Un habitant sur deux de la capitale monténégrine en possède une, ce qui représente plus de 100.000 voitures au total à Podgorica. Le nombre de familles qui possèdent plus d’une voiture augmente rapidement. On achète des voitures d’occasion, mais aussi les modèles les plus chers. Les vendeurs des voitures d’occasion à la périphérie de Podgorica et ceux de la route Podgorica-Cetinje-Budva offrent tout ce que l’on peut imaginer en industrie automobile. Les Monténégrins sont des passionnés d’automobiles, mais aussi de conduite. En dépit du nombre impressionnant de voitures, qui provoque des embouteillages fréquents en ville, en 2007, Podgorica possède treize compagnies de taxis. Il semble que ce nombre de taxis par rapport au nombre d’habitants soit unique au monde.

 

Deux avions, s’il vous plaît !

Il ne serait pas étonnant de voir se créer des associations privées de transport aérien. En effet, il est possible d’obtenir gratuitement des avions de combat sur trois ans. Deux avions, même. C’est ce qui est arrivé à « Nasa krila », le club aérien privé de Podgorica. Milo Djukanovic, ancien Premier ministre et Ministre de la Défense, lui a accordé l’utilisation triennale gratuite de deux avions de combat type « supergaleb ». Le fait que le club en question ait été fondé par ses amis (son ancien garde du corps et plusieurs agents de police) est bien sûr une pure coïncidence.
Les partis d’opposition ont dénoncé ce cadeau surprenant, et ont posé des questions ennuyeuses sur les lois qui permettent au Ministre de la Défense de donner du matériel militaire en cadeau. Le successeur de Milo Djukanovic, Boro Vucinic, a justifié ce cadeau par le fait que ces avions n’étaient plus utilisables par l’armée et que le don avait permis à l’État de « décharger le budget militaire, et de contribuer en même temps à l’affirmation du sport au Monténégro ».
Les députés de l’opposition ont vraiment titillé les partis au pouvoir : ils ont voulu savoir l’origine des moyens financiers qui permettent à d’anciens policiers - les fondateurs du club aérien, d’entretenir et de réparer ces avions. Ranko Kadic, président du parti démocrate serbe a même osé demander : « Cela nous ferait très plaisir, à nous, de faire de la plongée et de la conduite. Pouvez-vous nous offrir un sous-marin et un char de combat ? »
On accuse le gouvernement de dissiper la fortune de l’État, mais en réalité, le gouvernement se comporte en bon maître de maison. Un exemple est celui de la privatisation de l’Institut technique marin « Sava Kovacevic » de Tivat, vendu au milliardaire canadien Peter Monk. Le gouvernement affirme que c’est une des affaires les plus réussies dans l'histoire du Monténégro.
En plus d’environ 280.000 m² de terrains équipés d’une infrastructure excellente et situés sur la plus belle partie de la baie de Tivat, en complément de 90.000 m² de bâtiments, l’homme d’affaires canadien a obtenu un équipement technique d’une valeur de 5.476.975 euros, pour un prix total de 3,26 millions d’euros, indique le journal Vijesti de Podgorica. Le syndicat de l’Institut a demandé au gouvernement de ne pas accepter une offre inférieure à 80 millions d’euros, et cette demande a été unanimement soutenue par l’assemblée municipale de Tivat. Cependant, le gouvernement a décidé de céder le terrain, les bâtiments et des équipements d’une valeur de 5,5 millions euros à M. Monk pour la somme totale de 3,26 millions d’euros. De plus, le milliardaire canadien a obtenu une concession de 30 ans renouvelable deux fois sur les terrains appartenant à l’Institut, bien que cette décision soit illégale car le complexe en question est située sur une zone côtière.

 

Qui pourrait dire que le Monténégro n’est pas riche ?

Ce sont toujours les étrangers qui se croient beaucoup plus avancés dans tous les domaines que les habitants des Balkans. Un sondage du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a démontré qu’environ 70.000 habitants du Monténégro étaient pauvres. 12 % des citoyens vivent sous le seuil de pauvreté, au fond de la misère. Les experts étrangers n’ont pas réussi non plus à calculer le nombre de riches, mais ils affirment que la différence entre les pauvres et les riches au Monténégro est aujourd’hui la plus impressionnante de la région. Les riches dépensent sept fois plus que les pauvres. Il y a une chose qui n’a pas été démontrée par le sondage mais qui est évidente : les pauvres ont honte de leur pauvreté tandis que les riches n’ont pas honte de leur fortune, même si elle est acquise en peu de temps et de façon plus que douteuse.
Les statistiques nationales présentent une situation sociale idéalisée : le salaire moyen en novembre 2006 serait de 250,34 euros, et le panier du consommateur contenant les produits alimentaires et les boissons pour une famille avec deux enfants serait de 273,01 euros.
Les enseignants et les médecins ont les salaires les plus bas. C’est pourquoi le Syndicat des enseignants a longtemps lutté contre le gouvernement, mais aussi contre la Confédération des syndicats, pour augmenter le salaire minimum. De nombreux économistes proposent d’abolir les prix fixés au niveau national et de laisser le marché se réguler. Le gouvernement a proposé en novembre une augmentation du salaire minimum de deux euros. Le syndicat des enseignants a organisé des protestations devant le Parlement. En même temps, les enseignants se sont fait accuser par la Confédération des syndicats de vouloir compromettre sa réputation de protecteur des droits des travailleurs.
Le niveau des salaires des enseignants est un exemple de ce souci constant des syndicats et de l’État de veiller aux droits des travailleurs. Les indemnités pour les transports et les repas sont toujours en retard et certains enseignants attendant deux ans pour obtenir l’assistance financière obligatoire en cas de décès d’un membre de leur famille...
Les partis d’opposition et ceux au pouvoir ont débattu sur une proposition de budget. Devinez qui l’a emporté ! Le budget total pour 2007 sera de 616,86 millions d’euros. La recherche scientifique se verra décerner 0,5% du budget, tandis que l’armée et la police, considérées comme des appareils de répression dans d’autres pays, obtiendront la modeste enveloppe de 110 millions d’euros.
Les critiques de l’opposition n’ont pas fait renoncer le gouvernement à l’idée de se construire un nouveau bâtiment au centre de Podgorica, financé par les impôts des citoyens. Il coûtera un peu plus de six millions d’euros. En effet, le gouvernement est actuellement locataire, puisque son bâtiment est par magie devenu la propriété du Parti démocrate des socialistes (DPS).
Le Monténégro entame son huitième mois d’indépendance, mais de nombreux indépendantistes sont plus préoccupés par leur propre enrichissement et la construction de villas que par la construction d’un État de droit. Les médias monténégrins ont publié les noms des personnalités qui construisent des maisons de manière illégale : Mladen Vukcevic, président de la Cour suprême du Monténégro, Miomir Mugosa, maire de Podgorica, Rajko Kuljaca, maire de Budva.
Les hommes politiques n’aiment pas exposer leurs richesses en public, même s’ils y sont obligés par la loi. La Commission de contrôle des conflits d’intérêts a décidé d’entamer des procédures contre 38 députés nationaux et élus des assemblées locales pour avoir caché leurs revenus et leurs propriétés, dont le vice-Ministre du travail, le maire-adjoint de Podgorica, le directeur exécutif de l’Agence de construction de Podgorica...
Ces personnes appartiennent probablement à la même catégorie sociale que ces gens qui ont réservé toutes les chambres d’hôtel à Zabljak en janvier, qui ont payé si cher pour passer les fêtes de fin d’année sur la côte ou à étranger, et dont les enfants font leurs études dans le monde entier... 5

 

 

C’est le pouvoir qui tient les rênes du crime organisé

« Crime organisé : un défi pour le développement démocratique du Monténégro ». Voilà l’intitulé de la table ronde organisée début mars 2010 par plusieurs ONG monténégrines. Il s’agissait de proposer des solutions pour lutter contre la criminalité qui gangrène les pouvoirs publics et politiques locaux. Invités à débattre, aucun représentant officiel n’est venu. Preuve s’il en fallait que ce fléau est loin d’être réglé dans un État où règne la loi des clans…

Au Monténégro, il n’y a ni volonté politique des autorités ni suffisamment de conscience civique pour lutter contre le crime organisé. Voilà ce qui a été constaté lors de la table ronde organisée vendredi 5 mars par le Forum 2010. Le thème était : « Crime organisé : un défi pour le développement démocratique du Monténégro ».

La condition requise pour combattre ce fléau est de bâtir un système juridique efficace affirment les experts, mais sans volonté politique, cela ne donnera aucun résultat. « Il est inadmissible de sous-estimer le danger du crime organisé et de relativiser ce problème. Il est si grave qu’il peut déstabiliser même des systèmes bien plus puissants que ceux du Monténégro » a déclaré le coordinateur du Forum, Žarko Rakčević.

 

« Il faut confisquer les biens acquis illégalement »

Žarko Rakčević a proposé le retrait des biens acquis grâce aux méfaits du crime organisé, présentant cette mesure comme l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre ce fléau comme pour affaiblir les clans. « Ainsi, un message clair sera lancé pour rappeler que le crime ne paie pas ».

L’avocate Azra Jasavić a estimé que l’obligation d’un pays qui désire faire régner l’état de droit sur son sol est de mener une politique de lutte active contre le crime organisé. Pour cela, il doit confisquer les biens acquis illégalement, et ce dans un large sens. Il ne s’agit pas de procéder selon la pratique actuelle, qui tend uniquement à prouver la culpabilité et à infliger des peines d’emprisonnement.

« Le transit et le commerce des stupéfiants dans la région a contribué au développement d’un traitement extrêmement libéral de l’afflux de capitaux. Pour l’État, l’origine de l’argent n’a pas d’importance car la politique officielle est de ne pas ‘regarder les dents’ de l’argent » a souligné Žarko Rakčević. Il a ajouté que l’impunité du blanchiment d’argent et sa légalisation dans les affaires courantes, ont en outre contribué à l’accroissement du crime organisé au Monténégro.

« L’expérience du 5 octobre 2000, et l’assassinat de feu le Premier ministre serbe Djindjić, sont une version balkanique d’accointance avec le crime organisé. C’est pourquoi ceux qui pensent tenir les ficelles et pouvoir contrôler les ‘groupes identifiés’, devraient savoir qu’un problème dangereux survient dès lors qu’on désire annuler le deal » peste Branislav Radulović, vice-président de l’Association des juristes.

 

Au Monténégro, le problème c’est que le pouvoir lui-même dirige le crime organisé

Le Général Blagoje Grahovac classe le Monténégro parmi les pays actuellement les plus menacés par le crime organisé et la corruption : « dans les petits pays, le crime organisé ne dure qu’une seconde, jusqu’à ce que le sommet du pouvoir dise qu’il faut le stopper ».

Les participants à la table ronde ont été nombreux à partager cette constatation. L’avocat Budislav Minić a souligné le fait qu’au Monténégro, l’inefficacité se justifie par le fait que la procédure est en cours et qu’elle prend du temps. On appliquera la même tactique pour lutter contre le crime organisé de sorte que le combat durera plus qu’une seconde…

Le président de l’Union des juristes, Stanko Marić, a expliqué que l’État faisait semblant de lutter contre le crime organisé en adoptant divers plans d’action tandis que Ljupka Kovacević, de l’ONG Anima, a mis l’accent sur le fait « que le citoyens lambda se retrouvait de fait dans une situation sans issue et que son existence était menacée ». Le professeur Milan Popović pense qu’un grand nombre d’indices sérieux amènent à penser qu’au Monténégro le crime organisé ne se contente pas de quelques liens avec le pouvoir, mais que « le crime organisé est au pouvoir » et que le Premier ministre est doublement chef. Il dirige le gouvernement et le crime organisé. Pour sortir de la crise, il juge qu’il faudrait un gouvernement transitoire avant d’organiser des élections anticipées.

« Des indices laissent à croire que le sommet de l’État est impliqué dans le crime organisé qui, lui, a avalé la juridiction monténégrine. Aujourd’hui, le plus grand danger, c’est la puissance économique, financière et politique en lien avec le crime organisé » a constaté Milka Tadić-Mijović, directrice de l’hebdomadaire Monitor.

Les organisateurs avaient invité à cette table ronde les représentants du ministère de la Justice, le procureur général du Monténégro et les cadres de la Direction contre le blanchiment d’argent. Aucun d’entre eux n’a répondu à l’invitation. Hormis les représentants des organisations non gouvernementales, certains représentants du corps diplomatique ont assisté à la réunion parmi lesquels l’ambassadeur d’Allemagne, Peter Plate. 6

 

 

Situation économique (2014)

Le rapport d’automne 2014 du WIIP a réévalué les chiffres fournis en 2013 : après la récession de 2012 (-2,5 %) du PIB, la reprise de 2013 a été plus forte qu’annoncé (3,5 % et non pas 2 %). Le taux de croissance de 2014, évalué à 2,5 % demandera sans doute à être ajusté en fonction, d’une part, des retombées au Monténégro des dégâts produits par les inondations en Serbie – son principal partenaire – mais aussi des effets de la restructuration et mise en faillite du grand combinat d’aluminium KAP. Privatisé en 2006 au bénéfice de l’oligarque russe Oleg Deripaska, il a été en partie renationalisé après la chute des prix de l’aluminium et une combinaison sans fin de scandales financiers et de dettes abyssales. Or l’essentiel des activités industrielles de ce petit pays d’à peine plus de 600 000 habitants, sont – en dehors de l’électricité – liées à l’aluminium et il s’agissait du premier poste des exportations de produits. Le Monténégro va donc accentuer son profil de fournisseur et exportateur de services de tourisme.

Le déficit budgétaire, évalué à environ 3 % pour 2014 et la dette publique de 60 % du PIB risquent d’être alourdis par le règlement des dettes du KAP et sa restructuration à finaliser. Mais c’est le déficit courant avec l’extérieur (estimé à plus de 15 % du PIB pour 2014) qui représente le plus fort déséquilibre– bien qu’il se soit réduit depuis 2009 où il approchait 28 % du PIB. La croissance restera bien plus faible que dans les années euphoriques écoulées entre l’indépendance (2006) et la crise de 2009. Elle est principalement fondée sur les investissements et les exportations nettes de services qui compensent en partie le déficit commercial. La demande de consommation, devrait rester très faible en 2014 comme en 2013, reflétant la baisse considérable, d’année en année, des salaires réels nets depuis la crise, quand ils sont payés, les revendications les plus élémentaires des salariés étant ignorées.

Sous la pression de l’Union européenne, le Parlement a adopté une réforme constitutionnelle établissant l’indépendance de la justice. Mais les réformes de la loi électorale prônées par l’UE n’ont pas été votées, et le dernier rapport de la Commission européenne épingle l’éventuel caractère frauduleux de l’acquisition de certaines propriétés par des hauts-fonctionnaires du pays. Il y aurait quelque vingt multimillionnaires au Monténégro et le Premier ministre Milo Đukanović gérerait une fortune d’au moins 14,7 millions de dollars. En octobre 2014, il a menacé d’interrompre les négociations, sans doute par crainte d’investigations tatillonnes. L’ampleur des réseaux mafieux, éventuellement instrumentalisés par des intérêts russes, les ralentit en tout état de cause, comme elle est certainement aussi en partie la cause du rejet en septembre 2014 de l’intégration du pays à l’OTAN que le régime espérait.7

 

 

Le Monténégro victime de l’appétit insatiable de l’OTAN

L’OTAN a invité le Monténégro à entamer des négociations d’adhésion à son organisation. Ainsi, probablement en 2018, après achèvement de ces pourparlers et ratification de l’accord conclu par les parlements nationaux, l’appartenance de ce petit pays balkanique à la plus grande alliance militaire de la planète sera effective.

 

Si le Monténégro possède un port important sur l’Adriatique, il ne risque pas, en raison de sa taille et de sa population (650.000 habitants), de devenir un poids-lourd de l’organisation atlantiste. Mais ce nouvel élargissement, à un 29ème membre, appelle diverses remarques et questions.

Cependant, en avalant le Monténégro, l’OTAN contrôlera directement tout le nord et le nord-est de la Méditerranée, du détroit de Gibraltar à la frontière syrienne, tandis qu’Israël et la plupart des pays arabes du pourtour méditerranéen entretiennent déjà divers types de partenariats avec cette organisation.

D’autre part, bien que son Secrétaire général, Jens Stoltenberg, ait loué son « engagement inébranlable à nos valeurs communes », le Monténégro a bien du mal à ressembler à une démocratie dans le sens habituel du terme. Le pays est dirigé, depuis plus d’un quart de siècle, par le même homme, Milo Djukanovic, qui alterne les postes de premier ministre et de président afin de donner l’illusion d’un respect de la constitution. Devenu tour à tour allié puis ennemi du dirigeant serbe, Slobodan Milosevic, renversé en 2000, il a ensuite eu des relations difficiles avec les gouvernements pro-européens qui se sont succédé à Belgrade. En 2006, il a enfoncé le dernier clou du cercueil de la fédération yougoslave en proclamant l’indépendance de sa république. Une indépendance plutôt formelle puisque la monnaie officielle y était, depuis 1999, le deutsche mark puis l’euro.

Pendant des années, Djukanovic a été un des animateurs principaux de la contrebande européenne de cigarettes, de cheville avec la Sacra Corona Unita, une des mafias italiennes. Sa longévité au pouvoir et son immunité en tant que chef d’État lui ont permis d’échapper à un mandat d’arrêt de la justice italienne. Mais il n’est dès lors pas étonnant que le Monténégro demeure un havre de la corruption et du crime organisé et le centre de nombreux trafics, de la drogue à la prostitution. Paradis des mafieux, le pays ne l’est pas pour la liberté de la presse, les journalistes les plus gênants connaissant souvent une fin tragique.

 

Protestations massives

Mais il semble que le règne de Djukanovic et de son Parti démocratique socialiste touche à leur fin : en octobre 2015, des manifestations massives et parfois violentes se sont tenues dans la capitale du pays, Podgorica. Si nombre de manifestants sont révoltés par la pauvreté et la stagnation de leur économie, l’opposition à l’OTAN a été aussi un des moteurs des mobilisations. En décembre 2015, plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre cette adhésion et en faveur d’un référendum sur la question, certaines d’entre elles déclarant que, dans le cas contraire, l’adhésion à l’OTAN serait considérée comme une « occupation étrangère » et le signal d’une « insurrection armée ».

Pourtant, il est à craindre que ces avertissements ne suffiront pas à imposer un référendum : tous les sondages ont montré qu’une majorité de citoyens dirait « non à l’OTAN », notamment parce qu’ils n’ont pas oublié qu’en 1999 le pays a subi les frappes atlantistes. Même si les bombardements y ont été plus légers qu’en Serbie, ils ont quand même occasionné leur lot de victimes civiles. D’autre part, une grande partie de la population monténégrine se dit « ethniquement » serbe et partage, avec une écrasante majorité de leurs « frères » de Serbie, une même aversion pour l’OTAN.

Par ailleurs, même si les autorités vendent l’appartenance à l’OTAN comme un pas vers l’Union européenne et donc une illusoire amélioration de leur qualité de vie, les Monténégrins n’ont pas grand-chose à attendre de cette adhésion. Jusqu’à présent, ce que cela leur a apporté est surtout une brouille historique avec la Russie, peu contente de voir un allié de longue date (plus de trois siècles de relations étroites !) tomber dans l’escarcelle otanienne. Moscou – qui a qualifié l’invitation de l’OTAN de « conflictuelle » – a annoncé des mesures de rétorsion, qui pourraient prendre la forme d’un désinvestissement massif, alors que des milliers de touristes russes viennent chaque année passer leurs vacances sur la côte monténégrine, dont de vastes portions ont été achetées par des spéculateurs et autres mafieux, également russes.8

 

 

Djukanovic et les chaises musicales du pouvoir

Après une victoire étriquée aux législatives du 16 octobre 2017, Milo Djukanovic, leader de fait du Monténégro depuis son indépendance, va devoir trouver des alliés pour assurer le maintien de son parti au pouvoir. À cette fin, il a promis de laisser la place à l’un de ses bras droit, Dusko Markovic, après pas moins de 25 ans à la tête de la jeune république balkanique.

Le Parti démocratique des socialistes (DPS), est donc arrivé en tête des législatives avec 36 sièges sur les 81 du parlement, mais, n’ayant pas obtenu la majorité absolue, il cherche ainsi à ouvrir la voie à une coalition afin de pouvoir former un gouvernement.

Les neuvièmes élections législatives depuis l’indépendance du pays, ont en effet assuré au parti un peu plus de 40 % des voix – ce qui le place en tête, sans lui permettre de diriger le pays seul. Cette difficulté s’ajoute aux nombreuses allégations d’irrégularités qui ont entaché le scrutin. En effet, pas moins de 114 plaintes pour « violation de la liberté de choix du vote » ont été déposées au bureau du procureur monténégrin. Fraude, achat de voix, pression sur les électeurs, l’opposition semble avoir, dans son unanimité, beaucoup à reprocher à celui qui est à la tête du pays depuis 1991.

C’est dans cet objectif que le dirigeant du Monténégro a concédé de ne pas diriger le prochain gouvernement national. Les principaux partis d'opposition refusaient d'entamer des discussions avec Milo Djukanovic, qu'ils accusent de corruption et d'autoritarisme. Après s’être autoproclamé vainqueur en grandes pompes devant les télévisions internationales, il souhaite désormais montrer patte blanche afin d’inciter l’une des formations de l’opposition à venir joindre les forces avec le DPS. Ainsi, c’est à Dusko Markovic, 58 ans, ancien patron des services de renseignements monténégrins (2005-2010) et vice-Premier ministre sortant, qu’il revient de former une nouvelle coalition.

Une tâche délicate dans le climat de suspicion actuel, et ce d’autant plus qu’il « n’est pas entouré de figures politiques puissantes », d’après l’analyste politique spécialiste de la région, Boris Raonic. Dans son collimateur, le Front Démocratique, la principale formation d’opposition du pays (18 sièges, avec 20,6 % des suffrages) les Démocrates et la Coalition Clé (Koalicija Ključ), avec chacun neuf sièges.

Seulement, la défiance de l’opposition est au plus haut après une étrange affaire aux airs de coup d’état. La nuit précédant les élections législatives, un groupe d’hommes a été arrêté. Il menait, d’après le gouvernement, une mission visant à abattre le Premier ministre Milo Djukanovic et s’emparer du pouvoir. La police a avancé que la vingtaine de personnes arrêtées avait « l'intention de prendre des armes » pour « des attaques contre les institutions, la police et les représentants des organes de l'Etat », voire contre « de hauts responsables ».

Il s’agirait d’un commando de « serbes » et de « nationalistes russes », dont le motif serait de mettre un terme au processus de rapprochement avec l’Union européenne et avec l’OTAN engagé par le Premier ministre – une dynamique qui n’est pas du tout du goût de la Russie et de la Serbie, voisine. Toutefois, cette théorie a ensuite été écartée par Milivoje Katnic, procureur spécial pour les affaires de crime organisé et la corruption. Pour lui, il n’existe « pas de la moindre preuve démontrant que la Russie serait impliquée d'une manière ou d'une autre ».

De plus, d’après Milivoje Katnic, les armes et le matériel des « terroristes », sous les ordres de Bratislav Dikic, ancien commandant de la police serbe spécialisée dans les actions antiterroristes, auraient été saisis et détruits lors de l’opération qui a permis leur interpellation – un non-sens juridique, étant donné qu’elle a été menée en territoire étranger.

Tout semble donc indiquer qu’il s’agisse d’un coup monté afin de donner un argument au DPS pour rester au pouvoir alors qu’il se trouve dans une position électorale délicate – position confirmée par sa très relative victoire lors du vote tenu le lendemain. L’opposition crie au putsch raté et réfute le résultat du vote : « L’opposition a unanimement décidé de ne pas reconnaître le résultat de l’élection à cause d’une tentative de coup d’Etat et de la mauvaise utilisation des institutions nationales, ainsi que la création d’une atmosphère de peur, qui a directement influencé le résultat de l’élection », d’après Nebojsa Medojevic, leader du Front démocratique.

De fait, la fiabilité de Djukanovic est loin d’être irréprochable. Le dirigeant européen ayant la plus grande longévité au pouvoir, à l’exception d’Alexandre Loukachenko, le dictateur de Biélorussie, a déjà fait le coup du retrait par le passé. Ce dernier a quitté ses fonctions de Premier ministre au lendemain des élections législatives de 2006 – et après le référendum sur l’indépendance de cette ex-république yougoslave – puis une seconde fois en 2010. L’homme prétend ne « pas être marié à la politique », mais son bilan dit tout le contraire.

« Je n’aime pas me faire prier. Mais les besoins de l’Etat ont nécessité mon retour », justifie-t-il. De même, ça n’est pas la première fois qu’il agite le spectre du Kremlin. Quelques semaines avant les législatives, Djukanovic avait accusé Moscou de financer les partis d'opposition du Kosovo, afin d'empêcher son adhésion à l'OTAN. De grosses cordes d’après l’opposition, pour un homme qui aime à jouer aux chaises musicales pour donner l’illusion d’un changement dans un pays qu’il dirige depuis un quart de siècle.9

 

 

Sources :

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mont%C3%A9n%C3%A9gro
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Serbie-et-Mont%C3%A9n%C3%A9gro
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Mont%C3%A9n%C3%A9gro
(4) Tommaso Di Francesco http://www.mondialisation.ca/mont-n-gro-comment-on-devient-une-base-tasunienne/5612 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio.
(5) Veseljko Koprivica https://www.investigaction.net/fr/Corruption-fric-et-fraudes-au/
(6) Mi. Bosković http://www.mondialisation.ca/mont-n-gro-c-est-le-pouvoir-qui-tient-les-r-nes-du-crime-organis/18411 Traduit par Persa Aligrudic, Le Courrier des Balkans
(7) Catherine Samary http://www.anti-k.org/2014/12/20/albanie-bosnie-herzegovine-kosovo-macedoine-montenegro-serbie/
(8) Georges Berghezan http://www.investigaction.net/le-montenegro-victime-de-lappetit-insatiable-de-lotan/
(9) Julien Degueldre https://blogs.mediapart.fr/julien-degueldre/blog/151116/montenegro-djukanovic-et-les-chaises-musicales-du-pouvoir