Les civilisations précolombiennes
Les plus anciennes traces de cultures précolombiennes au Panama datent de 12 000 ans environ. À cette époque, les peuples autochtones vivaient de la cueillette et de la chasse. Puis, vers 3 000 avant notre ère, les hommes se tournèrent progressivement vers l'agriculture. Les chasseurs et cueilleurs se sédentarisèrent vers 1 500 ans avant notre ère, grâce à la culture du maïs.
À l'arrivée des Espagnols, entre six cent mille et un million de personnes vivaient peut-être dans la région. Différentes tribus coexistaient, elles étaient hiérarchisées (« clergé », élite de l'armée, noblesse).
L'époque coloniale
Le premier des colonisateurs espagnols à parcourir des terres panaméenne est Rodrigo de Bastidas. Accompagné du pilote basque Juan de la Cosa qui a participé aux trois premiers voyages de Christophe Colomb ainsi qu'à celui d'Alonso de Ojeda qui a reconnu les côtes de ce qui est actuellement le Venezuela et la Colombie, il quitte le port de Cadix en octobre 1501 avec deux navires, le "San Antón" et la "Santa María de Gracia", et débarque en mai 1502. Parti à la recherche des îles antillaises, il parvient ainsi à parcourir les côtes qui vont du Cap Gracias a Dios (Grâce à Dieu) (Honduras) jusqu'à Cariari (Puerto Limón au Costa Rica).
Christophe Colomb touche les côtes panaméennes pendant son quatrième voyage, au cours duquel il longe les côtes du Honduras jusqu'à l'isthme de Panama.
Le 24 février 1503, Colomb fonde l'un des premiers établissements espagnols en territoire continental, Santa María de Belen, laissant la charge de cette dernière à son frère Bartolomé tandis qu'il repart pour l'Espagne demander du renfort pour poursuivre la colonisation. Les envahisseurs espagnols entrent par la suite en conflit avec les indiens, Bartolomé ayant ordonné l'arrestation du cacique Quibián et de toute sa famille. Après plusieurs attaques victorieuses des indiens, Santa María de Belen est abandonnée par ses habitants qui s'embarquent pour l'Espagne.
En 1510, sur la côte occidentale du golfe d'Urabá, Vasco Núñez de Balboa fonde Santa María la Antigua del Darién, première véritable ville du continent, avec une administration, une église et un couvent, qui durera une quinzaine d'années (jusqu'à ce qu'elle soit éclipsée par Panama, fondée en 1519). Parvenant à coexister plus ou moins pacifiquement avec les indiens locaux, Vasco Núñez de Balboa apprend l'existence d'une autre mer au sud de la région où ils se trouvent. Le 25 septembre 1513, après trois ans d'exploration pénible, Balboa découvre l'océan Pacifique, longtemps appelé « Mer du Sud ».
La fondation de la ville, toutefois, est illégale, Balboa n'ayant pas d'autorisation de la Couronne. Aussi celle-ci envoie une puissante flotte de deux mille hommes commandés par Pedro Arias Dávila. Balboa est arrêté et est exécuté pour rébellion en 1519. La même année, Dávila fonde une nouvelle ville sur la côte Pacifique, Panama, à l'endroit où l'isthme est le plus étroit, ce qui entraîne l'abandon progressif de Santa María, acté en 1524. Rapidement, la ville de Panama devient un passage obligé pour les conquistadors souhaitant explorer les côtes de l'océan Pacifique.
Sur la côte Pacifique, l'exploration est lente. Elle se fait d'abord vers l'ouest et les terres déjà connues du Mexique et de l'Amérique centrale. En 1522, le basque Pascual de Andagoya entend parler pour la première fois d'une riche contrée appelée « Birú » (Pérou), au sud. Blessé, Andagoya laisse l'exploration de la région à Diego de Almagro et Francisco Pizarro. Entre 1528 et 1532, ce dernier monte trois expéditions qui aboutiront à la découverte et à la conquête de l'Empire Inca.
En 1526, Pedro Arias Dávila est remplacé à la tête de la province par Pedro de los Ríos et devient gouverneur de la nouvelle province du Nicaragua, sans que soit définie la frontière entre les deux entités, ce qui provoque des disputes entre les deux hommes. Comme un peu partout dans le nouvel empire colonial espagnol, la situation politique est confuse et la Couronne peine à imposer pleinement son autorité. La plupart des problèmes sont liés à l'éloignement de cette autorité. Le seul relai entre les territoires américains et le Conseil des Indes, à Madrid, est la Real Audiencia de Saint-Domingue, créée en 1511, aux pouvoirs flous et au domaine de compétence beaucoup trop vaste (la totalité des Indes occidentales espagnoles).
Le 26 février 1538 est donc créée une nouvelle audiencia, la Real audiencia de Panama, avec une juridiction qui s'étend à toute la terre ferme d'Amérique, mais qui ne dure que jusqu'à la fondation de la Real audiencia de los Confines (Guatemala), en 1543. Elle est recréée le 8 septembre 1563, lorsque la real audiencia du Guatemala est intégrée à celle de Mexico.
Le 19 juillet 1614, une real cedula du roi Philippe III place l’audiencia de Panama sous l'autorité du vice-roi du Pérou.
Le régime colonial
Panama a fait partie de l'empire espagnol entre 1538 et 1821. Dans les colonies hispaniques on appliquait en général deux types de lois : les péninsulaires (appliquées à l'Espagne, îles adjacentes et l'Afrique) et les lois d'outre-mer ou coloniales. On appliqua premièrement les lois de Castille et de Léon, qui ont été les premiers États protecteurs des voyages de découverte.
Il n'existait alors pas encore d'unité péninsulaire. Les Lois coloniales (aussi appelées Lois des Indes, selon Laurentino Díaz López, dans son ouvrage le Droit en Amérique durant la période hispanique) consistaient en « L'ensemble des normes juridiques ou dispositions légales qui apparaissent par volonté des monarques espagnols ou par les autorités légitimement constituées en Amérique, comme délégation des rois, et qui ont eu pour but de fixer et de régler les relations politiques, administratives, pénales, civiles, économiques et sociales entre les habitants des Indes Occidentales ».
On appliqua d'abord les lois appelées Lois de Burgos, approuvées le 27 décembre 1512. Ces lois avaient pour origine la préoccupation de la Couronne suscitée par les rapports des pères dominicains sur le mauvais traitement des indiens. Ferdinand d'Aragon le Catholique ordonna la création d'une assemblée de théologiens et juristes, afin de trouver une solution au problème. Bien que les membres de l'assemblée plaidassent pour la liberté et le traitement humain des Indiens, ils jugèrent aussi que ceux-ci devaient être soumis au règlement espagnol, afin d'accélérer le processus d'évangélisation. Après la controverse lancée par Bartolomé de Las Casas, de nouvelles lois furent promulguées à Barcelone le 20 novembre 1542, à la demande de l'Empereur Carlos V.
L’audience royale de Panama
Elle incluait la province de Tierra Firme, c'est-à-dire l'actuel isthme de Panama.
Son installation a eu lieu au début de 1539, dans la ville de Panama, à l'arrivée des auditeurs Francisco Pérez de Robles, Lorenzo Pérez de la Serna, Pedro de Villalobos et du licencié Alonso de Montenegro. Son président fut Francisco Pérez de Robles, qui remplaça le gouverneur Pedro Vásquez d'Acuña. Il l'a administrée jusqu'en 1543, quand on a créé l'Audiencia des Confins (Guatemala) et ordonné la dissolution de l'Audiencia de Panama. Pendant son existence, diverses expéditions furent menées, à des fins exploratoires et de découverte de nouveaux territoires. Toutefois, l'administration de Pérez de Robles fut caractérisée par sa corruption, ce qui provoqua des situations désastreuses qui entraînèrent son jugement et sa destitution.
Pedro Ramirez de Quiñones, qui fut juge résident dans le procès de Pérez de Robles, prit sa succession. Il reçut le titre de corregidor de Panama et de Nombre de Dios, sous l'autorité de l'Audience des Confins. En 1563, la Couronne d'Espagne ordonne le transfert de l'Audiencia à Panama, fermant celle du Guatemala. Les tâches de transfert ont été à la charge de Lope García de Castro. L'Audiencia a été réinstallée le 15 mai 1565. Manuel Barrios de San Millán fut nommé président provisoire, jusqu'à l'arrivée du titulaire, Alonso Aryennes de Maldonado. La juridiction de l'Audiencia de Panama s'étendait du port de Buenaventura (Colombie) jusqu'au golfe de Fonseca (Nicaragua). Elle sera de nouveau dissoute en 1718, à cause de la mauvaise conduite de ses membres.
L'isthme resta sous l'autorité de la vice-royauté du Pérou, ce qui provoqua des problèmes internes et une situation d'anarchie, puis conduit à une nouvelle Cédule Royale (21 juillet 1722), qui rétablit l'Audiencia. Finalement, par Cédule Royale du 20 juin 1751, étant donné les problèmes économiques de la province de Tierra Firme. La dissolution définitive de l'Audience Royale de Panama est ordonnée. On crée un gouvernement militaire dépendant de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade (Colombie) et de l'Audiencia de Santa Fé de Bogota. À cet effet, on crée à Panama le Commandement Général de Tierra Firme.
L’encomienda
Pour récompenser les services rendus par les colons, la Couronne a établi le système des repartimientos et de l'encomienda, dont le nom représente à lui seul un système global. Il s'agissait de l'octroi par la Couronne des indiens vivants sur les terres conquises au colon qui les avait « libérées ». En fait, c'était une réactivation du système du fief et du servage qui avait disparu en Europe.
Cette distribution était viagère et transmissible sur une génération ; l'encomendero avait l'obligation de veiller sur les indigènes, de les évangéliser et de veiller à leur bien-être. De même, il devait défendre le territoire qu'on lui confiait. C'est Vasco Núñez de Balboa qui introduisit le système de l'encomienda au Panama. Le Gouverneur Pedrarias Dávila a distribué à lui seul 27 chefferies parmi ses proches. Au Panama, le bilan de l'encomienda est de 9.964 indigènes répartis en 83 octrois.
L'Empereur Charles Quint ordonna l'abolition de ce système en raison des abus et vexations auxquelles ils exposaient les indigènes grâce à l'intervention de Bartolomé de Las Casas. Le Gouverneur de Panama, Sancho de Clavijo, émit une provision dans laquelle il réitérait les dispositions prises dans une Cédule royale de 1549, où on ordonnait mettre en pratique les Lois nouvelles, supprimant ainsi le système de l'encomienda au Panama. Cette abolition engendra par la suite de graves problèmes dans les colonies, principalement au Pérou.
À l'arrivée du vice-roi Blasco Núñez, qui devait établir l'Audience de Lima et exécuter la Cédule royale d'abolition, Gonzalo Pizarro, le frère de Francisco, dirigea le soulèvement des encomenderos contre la Couronne. Il s'agissait visiblement de soustraire le territoire du Pérou à l'autorité royale. Capturé par les rebelles, le vice roi parvint à s'échapper et à se réfugier dans l'isthme, d'où il organisa la répression. Dans la guerre qui s'ensuivit, le contrôle de l'isthme fut le principal enjeu stratégique dans la mesure où il représentait la base logistique des royalistes, d'où ils recevaient leurs renforts.
Les esclaves africains
Les premiers esclaves noirs sont arrivés à l'Isthme de Panama dans l'expédition du Gouverneur Diego de Nicuesa, ceux qui ont travaillé à édifier la colonie Nombre de Dios sur la côte Caraïbe.
De même, quand Pedrarias Dávila a fondé la Ville de Panama le 15 août de 1519, il a utilisé des esclaves noirs pour édifier les premiers bâtiments de cette dernière. Quand la Couronne a sanctionné comme illégal le traitement des indigènes comme esclaves, on a autorisé le commerce d'esclaves noirs pour les remplacer dans les travaux, dans les propriétés et les mines. Panama devint un centre de distribution de la Traite.
Toutefois, par les caractéristiques commerciales de l'Isthme, les esclaves noirs ont été utilisés principalement pour le transport des marchandises qui passaient par le Camino Real ou le Chemin de Croisements.
Il est difficile d'indiquer et d'identifier les lieux d'origine des esclaves noirs à Panama pendant l'époque coloniale. Certains historiens pensent qu’ils venaient de Guinée, d'autres du nord de l'Angola et du sud du Sénégal. À cause de la cruauté avec laquelle ils étaient traités, les esclaves s’enfuyaient et se cachaient dans les forêts, ils recevaient le nom de Cimarrons. Ces derniers menèrent plusieurs attaques contre les autorités coloniales. Ils attaquaient les routes du Panama, ce qui mit en grave danger le transport et la communication entre les deux océans. En 1548, se produit une fuite massive d'esclaves noirs qui s’organisent en royaume avec, à leur tête, Bayano Ier.
Un autre royaume fut créé en 1549, lequel était dirigé par Felipillo Ier, dans le Golfe de San Miguel. Les autorités coloniales engagent alors le Capitaine Francisco Carreño, pour combattre les cimarrones.
On a chargé le Capitaine Gil Sánchez du commandement d'un contingent visant le village de Chepo, où on trouvait Bayano. Les cimarrones ont activement collaboré comme guides des pirates et corsaires qui sont arrivés à Panama pendant l'époque coloniale.
Au Panama, on a officiellement maintenu l'esclavage des noirs jusqu'à la période dite Départementale, c'est-à-dire, pendant l'époque où Panama a été uni à la Grande Colombie. Le Général José Hilario López Valdés, Président de la République de la Nouvelle-Grenade (Colombie) a fait voter, le 21 mars 1851, la loi qui a aboli l'esclavage.
Les guerres d'indépendance
Au début du XIXe siècle, les guerres napoléoniennes font rage en Europe. En 1805, l'Espagne, alliée de l'Empire français, subit la rude défaite de Trafalgar et, privée de flotte, perd tout contact avec ses colonies. En 1807, le Portugal refusant d'appliquer le blocus continental, Napoléon décide d'envoyer ses troupes dans la péninsule, officiellement pour envahir le Portugal qui représente une faille notable dans son dispositif destiné à asphyxier l'Angleterre. L'invasion française déstabilise la Couronne espagnole, provoquant une guerre de succession entre Charles IV et son fils Ferdinand en 1808. L'empereur français en profite pour nommer son frère Joseph Bonaparte sur le trône. Ces manœuvres politiques et la guerre qui s'ensuit font vaciller l'autorité de la puissance coloniale, ce qui laisse la possibilité aux colonies d'Amérique de s'émanciper.
L'isthme de Panama est alors constitué de deux provinces, celle de Panama et celle de Veragua. Bien qu'invitées à participer aux juntes de Quito, Santa Fe ou Carthagène afin d'adhérer au mouvement indépendantiste qui se forme à partir de 1810, elles refusent et restent loyales à l'Espagne.
Le 15 février 1819 a lieu le Congrès d'Angostura, à Angostura (aujourd'hui Ciudad Bolívar, dans l'est du Venezuela), inauguré par Simón Bolívar. Vingt-six délégués sont présents représentant le Venezuela et la Nouvelle-Grenade (aujourd'hui la Colombie). Selon le souhait de Bolívar exprimé dans sa Lettre de Jamaïque, ceux-ci sont amenés à se regrouper au sein d'un vaste État, la République de Colombie, dont les frontières reposeraient sur le principe de l'Uti possidetis juris.
En 1819, la Nouvelle-Grenade est libérée par l'armée du Libertador Simón Bolívar. À partir du 30 août 1821 et jusqu'au 3 octobre de la même année se réunit le Congrès de Cúcuta, assemblée constituante destinée à donner vie à ce projet. Initié par Antonio Nariño, le Congrès de Cúcuta voit la participation de Simón Bolívar, de Francisco de Paula Santander et d'autres personnages importants de l'indépendance. C'est dans le temple historique de Cúcuta qu'est adoptée la constitution de Cúcuta, acte de naissance de la Grande Colombie (alors simplement appelée « République de Colombie ») constituée de la Nouvelle-Grenade et du Venezuela. Bolívar en est désigné président et Santander vice-président.
Le 10 novembre 1821, la ville de La Villa de Los Santos se déclare indépendante de l'Espagne (es). Cette première déclaration d'indépendance précipite l'indépendance de la totalité de l'isthme. Le 28 novembre 1821 la province de Panama proclame son indépendance vis-à-vis de l'Espagne et décide de rejoindre la Grande Colombie. Elle est imitée le 1er décembre de la même année par la province de Veragua, qui correspond alors à la moitié occidentale de l'actuel Panama. L'isthme est alors intégré au département de Cundinamarca, la partie centrale de la Grande Colombie.1
Sous la tutelle colombienne
« Après les guerres d'indépendance menées par Simon Bolívar, la région de Panamá est rattachée, en 1819, à la province colombienne de Cundinamarca. Mais les Panaméens acceptent mal la tutelle colombienne : Bogotá, éloignée et séparée par une épaisse bande forestière quasi infranchissable, néglige trop souvent leurs intérêts. Des tentatives de sécession se succèdent, en vain. En 1846, le traité de Clayton-Bulwer établit la souveraineté de la Colombie sur le territoire panaméen et la neutralité internationale de ce dernier, prévenant ainsi les éventuelles convoitises américaines ou anglaises.
C'est la découverte de l'or californien qui rend à la région son importance internationale. Une ligne de chemin de fer est construite entre Panamá et Colón (1850-1855) pour permettre l'acheminement des mineurs sur la côte ouest. Mais, vite insuffisante – les voyageurs doivent manœuvrer eux-mêmes pour arrêter les convois –, la ligne tombe peu à peu en désuétude, au profit du chemin de fer nord-américain. Les projets de construction d'un canal interocéanique sont alors lancés. »2
La République de Nouvelle-Grenade
Le 27 février 1855, l'État fédéral de Panama est créé, fédéré à la Nouvelle Grenade. Les autres provinces néo-grenadines sont également regroupées en États fédéraux, donnant naissance à une toute nouvelle forme d'organisation à tendance fédérale. Celle-ci est actée lors de l'adoption d'un changement constitutionnel en 1858 qui crée la Confédération grenadine.
La Guerre des Mille Jours et l'indépendance du Panama
Le 1er janvier 1880, le Français Ferdinand de Lesseps, commence les travaux du Canal de Panama, mais abandonne à la suite de pertes humaines dues à de très nombreuses fièvres tropicales et à des pertes financières gigantesques. Les travaux seront repris par les États-Unis.3
Cette construction donna lieu, en France, à un scandale politico-financier, le Scandale de Panama, une affaire de corruption liée au percement du canal de Panama, qui éclaboussa plusieurs hommes politiques et industriels français durant la Troisième République et ruina des centaines de milliers d'épargnants, en pleine expansion internationale de la Bourse de Paris.
Le scandale était lié aux difficultés de financement de la Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama, la société crée par Ferdinand de Lesseps pour réunir les fonds nécessaires et mener à bien le projet. Alors que le chantier se révéla plus onéreux que prévu, Lesseps dut lancer une souscription publique. Une partie de ces fonds fut utilisée par le financier Jacques de Reinach pour soudoyer des journalistes et obtenir illégalement le soutien de personnalités politiques. Après la mise en liquidation judiciaire de la compagnie, qui ruina les souscripteurs, le baron de Reinach fut retrouvé mort tandis que plusieurs hommes politiques étaient accusés de corruption. Le scandale éclata alors au grand jour. Un scandale financier du même type, l'affaire Arthur Raffalovitch sur les emprunts russes, est révélé un peu plus tard.4
La République de Panama
Après plus de 3 ans de guerre, Panama est séparé de la Colombie en 1903, cédant à perpétuité la zone où sera construit le canal aux États-Unis contre 10 millions de dollars et une location annuelle de 250 000 dollars à partir de 1912, à la suite d'une rébellion par le groupe indépendantiste Amador Guerrero appuyé par des navires de guerre des États-Unis.
Le traité Victoria-Vélez signé le 20 août 1924 délimite la frontière terrestre entre la Colombie et le Panama.
Le traité Liévano-Boyd 20 novembre 1976 délimite la frontière maritime entre la Colombie et le Panama.5
Omar Torrijos (1969-1981)
Torrijos participa en 1968 avec d'autres militaires à un coup d'État contre le président élu Arnulfo Arias Madrid (en). José María Pinilla Fábrega (en) se proclama président, mais postérieurement, il y eut des changements internes au sein du commandement militaire qui amenèrent Torrijos à être à la tête de l'armée (Martínez fut exilé en 1969) et devint général de brigade, assumant la conduite de la vie politique en mars 1969.
Torrijos consolida son pouvoir prenant la direction de l'autorité gouvernementale et dissout les partis politiques existants. En 1970, après trente ans d'occupation, il reçoit des mains des américains la base militaire de Río Hato, située dans la province de Coclé, et y installa le Centre d'instruction militaire, la 6e Compagnie expéditionnaire d'infanterie et de blindées, la Brigade spéciale Macho de Monte, la Compagnie de matériel lourd et en 1974, l'Institut militaire Général Tomás Herrera, organe dépendant de la Garde nationale, qui se consacrait à la formation de bacheliers militaires de niveau secondaire (future carrière, Cantera, d'officiers de la Garde nationale).
Dans ce cadre, le régime de Torrijos appela à des élections pour créer une Assemblée Constituante qui rédigerait une nouvelle Constitution, qui dans son article 277 spécifiait que Torrijos était reconnu leader suprême (líder máximo) de la révolution panaméenne et lui accordait les pouvoirs absolus en 1972.
Torrijos instaura officiellement une politique populiste, avec l'inauguration d'écoles et la création d'emplois, la redistribution des terres agricoles (qui fut la mesure la plus populaire de son gouvernement). Les réformes furent accompagnées d'un important programme de travaux publics. Durant son administration, une politique économique libérale fut instaurée, faisant du Panama un centre bancaire international.
Torrijos mena une politique de répression vis-à-vis de l'opposition, fit emprisonner, exiler ou assassiner les dirigeants hostiles à son gouvernement. Les cas les plus connus eurent lieu en 1971, avec l'enlèvement et la disparition de Héctor Gallego (en), prêtre catholique. Les estimations concernant les disparus et assassinés durant la dictature militaire d'Omar Torrijos vont jusqu'à 200 personnes.
Torrijos encouragea les traités pour le Canal de Panama avec les États-Unis, connus sous le nom de Traités de Torrijos-Carter, selon lesquels les bases militaires sont légalisées et la neutralité du Canal de Panama est établie à perpétuité, est prévue aussi une date pour la fin de la présence militaire nord-américaine ainsi que pour la dévolution du canal de Panama. Ainsi, le 31 décembre 1999, les États-Unis restituèrent le Canal de Panama aux mains des panaméens.
Omar Torrijos meurt dans un accident d'avion le 31 juillet 1981.
Selon l'économiste John Perkins, qui était employé en qualité d'« economic hit man » (ou « assassin financier ») pour endetter les pays du tiers monde afin de les rendre dépendants des intérêts financiers américains, et qui avait rencontré Omar Torrijos dans cette fonction, il a été assassiné pour avoir refusé de s'y soumettre, en particulier, pour avoir tenté de construire un nouveau canal avec le Japon. Cette théorie est développée dans son livre Les Confessions d'un assassin financier publié en 2004.6
Manuel Antonio Noriega
Originaire d'un quartier pauvre de Panama, Noriega y reste jusqu'à ses années universitaires avant de partir dans une école militaire située au Pérou. Il a également reçu une formation de renseignement et de contre-espionnage à l'École militaire des Amériques à la base militaire américaine de Fort Gulick au Panama, en 1967, ainsi qu'un cours spécialisé dans les opérations psychologiques (psyops) à Fort Bragg (Caroline du Nord). Il est recruté par la CIA en 1967 pour laquelle il travaillera jusque dans les années 1980. Il accède au grade de sous-lieutenant de la garde nationale panaméenne à son retour.
De 1968 à 1988 : homme de la CIA et force de plus en plus incontournable
Noriega devient le bras droit de Torrijos, et s'installe à la tête du G-2, le service de renseignements, qui sème la terreur parmi les opposants à Torrijos. Noriega est l'homme le plus craint du pays à la fin des années 1970.
Torrijos meurt dans un accident d'avion en 1981, et Noriega tire vite profit des luttes de pouvoir qui en résultent. Nommé à la tête de l'armée en 1983, il représente de 1983 à 1989 une force incontournable pour tous les présidents panaméens successivement au pouvoir.
De 1987 à 1990 : une opposition aux États-Unis fatale au dictateur
Agent double de la CIA et des services cubains, il est fait commandeur de la Légion d'honneur par François Mitterrand le 22 janvier 1987, tout en relayant le trafic de la cocaïne colombienne.
Il est lâché par les États-Unis en 1987 et une cour américaine l'accuse de trafic de drogue et de racket en 1988. Le Sous-Comité du Sénat américain sur le terrorisme, les stupéfiants et les opérations internationales conclut alors que « la saga au Panama du général Manuel Antonio Noriega représente l'un des échecs les plus graves de la politique étrangère des États-Unis... Il est clair que chaque agence gouvernementale américaine qui avait une relation avec Noriega a fermé les yeux à sa corruption et au trafic de drogue, alors même qu'il était en train de devenir un acteur clé au nom du cartel de Medellin (dont un des membres était le notoire Pablo Escobar). « Noriega a été autorisé à établir la première narcocleptocracie de l'hémisphère » .
À cela s'ajoute de manière moins officielle son rôle d'agent double, Noriega étant jugé coupable d'avoir transmis des informations hautement confidentielles à Cuba, d'avoir facilité le transfert de technologies sensibles à des pays du bloc de l'Est et d'avoir vendu des armes aux guerilleros pro-communistes d'Amérique latine et au gouvernement sandiniste dès la fin des années 1970, les services de renseignement militaires américains tentant de l'espionner à partir de 1981, ignorant les activités de la CIA et vice-versa tandis que Noriega lui tentait d'infiltrer les unités de renseignement américains au Panama.
Les relations avec Washington se détériorent encore plus suite à l'annulation de l'élection présidentielle de mai 1989 et à l'auto-désignation de Noriega en tant que président. Celui-ci déclara alors « l'état de guerre » envers les États-Unis.
Le président américain George H. W. Bush prit alors pour prétexte l'exécution d'un soldat américain par des soldats panaméens pour ordonner l'invasion de Panama le 20 décembre 1989, dans le cadre de l'Opération Just Cause.7
Pour les USA, même un petit geste de défi est un geste de trop, quand il vient d’un de ses protégés
À priori, l’intervention américaine à Panama semble sans précédent... par sa totale absurdité. C’est la plus importante expédition américaine depuis près de vingt ans, depuis la guerre du Vietnam. Les soldats américains ont tué des milliers de personnes, détruit des quartiers entiers et fait pour des milliards de dollars de dégâts matériels. Ils ont complètement liquidé l’armée et la police panaméennes, le PDF, que les États-Unis eux-mêmes avaient mis des décennies à mettre sur pied pour défendre leurs intérêts dans cette région très instable du monde. D’habitude, une invasion de cette envergure n’est pas entreprise dans le seul but d’arrêter un homme, fût-il général. Alors pour quelle raison l’arrestation de Noriega était-elle devenue si importante pour le gouvernement américain ?
Le « problème » Noriega était un héritage laissé par l’administration Reagan à l’administration Bush. Depuis près de trois ans, il ne faisait que s’aggraver. En 1986, l’administration Reagan cherchait le moyen de continuer la guerre des Contras au Nicaragua contre le gouvernement sandiniste malgré l’opposition du Congrès. L’amiral John Poindexter, alors chef du Conseil National de sécurité, ayant contacté Noriega, celui-ci refusa d’autoriser les Contras à s’entraîner et à établir des bases à Panama. Précédemment, il avait accédé à toutes sortes de demandes de la part des États-Unis sur le plan politique, économique, militaire - y compris des demandes d’aide aux Contras. Son refus de 1986 n’était qu’une rebuffade d’importance relativement minime : elle n’en fut pas moins considérée comme un geste de défi.
La politique américaine en Amérique centrale ne pouvait admettre une quelconque velléité d’indépendance dans une partie du monde qui constituait depuis des années un véritable casse-tête. Les États-Unis tentaient d’utiliser les Contras pour effacer la défaite de Somoza, l’ex-dictateur qu’ils avaient soutenu à la tête du Nicaragua. D’autres régimes soutenus par les USA, au Salvador et au Guatemala, étaient engagés dans la lutte contre la guérilla. Le refus de Noriega signifiait-il qu’il s’apprêtait pour sa part à reprendre sa mise ? Était-il admissible qu’un dictateur, au pouvoir grâce à une armée en grande partie financée par les États-Unis, leur lance un défi au cœur d’une région où les intérêts américains se trouvaient menacés ? Si tel était le cas, cela ne pouvait être qu’un encouragement à agir de la même manière pour d’autres dirigeants soutenus par les États-Unis. D’un certain point de vue, Noriega représentait alors un danger encore plus grand que les Sandinistes.
L’administration Reagan fut ainsi amenée à revoir sa politique vis-à-vis de Noriega. Cette réévaluation politique fut encore accélérée après l’éclatement du scandale de l’Irangate fin 1986. Étant donné les liens existant entre Noriega et la CIA, la DEA (le bureau de lutte anti-drogue) et les Contras d’un côté ; le trafic d’armes, le blanchiment de l’argent et le trafic de drogue de l’autre, Noriega risquait de devenir un véritable handicap pour l’administration Reagan. C’est alors que les États-Unis décidèrent de s’en débarrasser.
Le défi de Manuel Noriega
Pendant l’année qui a suivi, le problème Noriega ne fit que croître. Noriega commença par refuser de se retirer, comme le lui demandait l’administration Reagan. C’est alors que le gouvernement américain décida de porter la chose sur la place publique et Noriega, l’homme dont l’ascension avait été orchestrée par les États-Unis eux-mêmes, est soudain devenu un vulgaire criminel. Il fut mis en accusation devant les grands jurys fédéraux de Miami et de Tampa en Floride pour trafic de drogue. L’administration Reagan avait rompu officiellement avec lui. Une campagne anti-Noriega fut organisée par les États-Unis et des sanctions économiques et commerciales furent prises contre Panama. La CIA se mit à entretenir une agitation politique à l’intérieur du pays et fut à l’origine d’une tentative de coup d’État à l’intérieur même du PDF. Mais à la consternation des stratèges américains, Noriega résistait à tout.
Après le départ de Reagan, l’administration Bush poursuivit les efforts entrepris pour essayer de se débarrasser de Noriega. Les sanctions économiques draconiennes furent maintenues. Les Américains apportèrent leur soutien aux candidats de « l’opposition » lors des élections présidentielles et tentèrent d’isoler Noriega en demandant à l’Organisation des États Américains (OEA) de le condamner. Et, le 3 octobre, une nouvelle tentative de coup d’État avait lieu, avec l’aide militaire directe des États-Unis.
Mais sans plus de succès. Et cette fois, les officiers impliqués dans la tentative étaient exécutés par Noriega. Il apparaissait donc que les États-Unis ne pouvaient plus compter sur le PDF pour se débarrasser de Noriega. C’est alors que les chefs d’état-major décidèrent de faire entrer les préparatifs d’invasion (qui avaient été ajournés en attendant l’issue de la tentative de coup d’État) dans leur phase finale.
Évidemment, Noriega ne représentait pas en lui-même une menace réelle pour les États-Unis. Il n’avait nullement l’intention d’entraîner Panama sur la voie d’une quelconque indépendance. Il ne remettait pas en cause les prérogatives du gouvernement et des milieux d’affaires américains à Panama, y compris sur la zone du canal. Et après tout, il avait fait ce que les États-Unis attendaient de lui, c’est-à-dire maintenir l’ordre dans le pays. En fait Noriega ne voulait qu’une chose : rester au pouvoir.
Il était pourtant devenu une sorte de symbole. Il montrait qu’un dictateur de quatre sous, à la tête d’un pays qui n’était finalement qu’une colonie américaine, pouvait défier les États-Unis... et s’en tirer.
Les risques de l’invasion
L’invasion américaine fut une énorme expédition destinée à contrer les revers de fortune des États-Unis en Amérique centrale. Des forces considérables furent déployées pour bien montrer que les États-Unis étaient décidés à imposer leur autorité et leur loi dans cette région troublée du globe.
Le fait même que tous ces tanks, ces bombardiers et ces troupes furent lancés à l’assaut d’un seul homme, le fait aussi que les États-Unis déclarèrent être prêts à frapper encore plus fort si nécessaire, montraient bien quelle était la vraie raison de ce déploiement disproportionné de forces.
Pourtant, malgré les moyens déployés par les États-Unis lors de l’invasion de décembre, les choses étaient loin d’être gagnées d’avance. C’est sans doute une des raisons qui expliquent le moment choisi pour l’invasion et la relative discrétion des médias américains, en tout cas dans les premiers jours. Les médias étaient alors principalement occupés par les événements de Roumanie et le renversement de Ceausescu et beaucoup moins par l’invasion de Panama.
Une fois l’opération lancée, les 28 000 hommes de troupe américains eurent bien du mal à atteindre leur objectif numéro un : l’arrestation de Noriega. Ce dernier avait évidemment eu le temps de se préparer à l’invasion. Pendant une semaine au moins avant l’invasion, le ciel de Panama avait été sillonné par des transports de troupes américains amenant des renforts en hommes et en matériel dans la zone du canal sous contrôle américain. De nombreux témoignages indiquent aussi que Noriega avait été prévenu du moment exact de l’invasion par certains de ses amis à l’intérieur du gouvernement américain. Ainsi, quand les troupes américaines lancèrent l’assaut, Noriega était en fuite depuis longtemps.
D’autre part, les troupes américaines eurent à faire face à une certaine résistance de la part du PDF. Un général devait par la suite se plaindre du fait que les troupes du PDF semblaient attendre les Américains et leur avaient abattu plusieurs parachutistes. Une fois le PDF vaincu, ce furent les Bataillons de la Dignité de Noriega ainsi que des soldats en civil qui continuèrent la résistance en se mêlant à la population.
Les troupes américaines eurent aussi fort à faire du côté de la population panaméenne. Avec l’invasion, la police avait disparu. Rien n’empêchait plus la population qui avait beaucoup souffert des ravages infligés à l’économie de leur pays par les pressions des États-Unis de se servir eux-mêmes dans les magasins. Le pillage qui s’ensuivit fut comparé par le général Maxwell Thurman, chef des armées américaines en Amérique centrale, aux émeutes des villes américaines des années soixante. Les États-Unis ne savaient pas si l’armée réussirait à calmer les choses et si le pillage ne se transformerait pas en quelque chose de plus dangereux. C’est sans doute pour prévenir cette résistance que les États-Unis firent bombarder dès le début de l’invasion deux importants quartiers ouvriers.
Cependant Noriega, malgré ses fanfaronnades, montra qu’il n’avait nulle intention de se mettre à la tête de la résistance ou de lutter jusqu’à la mort. Dès le début de l’invasion, Noriega devint un homme traqué, sans nulle part où aller. Et c’est pour pouvoir négocier les termes de sa reddition qu’il s’est finalement tourné vers le nonce apostolique. La réaction de la CIA à cette manœuvre de Noriega fut à la mesure de sa légendaire finesse dans la mise en scène. Des hauts-parleurs furent mis en batterie autour de l’ambassade du Vatican l’arrosant nuit et jour et, dans les jours de négociation tendus qui suivirent, Noriega et les envoyés du Vatican durent parlementer avec en arrière-fond sonore un enregistrement des discours de George Bush entrecoupés de morceaux de rock and roll à pleine puissance.
Lorsque Noriega finit par se rendre, le gros de la résistance s’effondra rapidement. L’essentiel de l’attention se concentra alors sur les efforts déployés par Noriega pour sauver sa peau. La bataille acharnée du début s’achevait en victoire facile pour les États-Unis.
On peut dire que l’administration Bush a eu de la chance que la population ne continue pas la lutte. Les affrontements et le pillage des premiers jours ont bien montré à quoi les troupes américaines auraient pu se trouver confrontées à Panama. La première semaine de combats pouvait laisser croire que les troupes américaines devraient livrer de sanglants combats, maison après maison, pour reprendre la ville de Panama. Et l’administration Bush se serait alors trouvée embarquée dans une guerre larvée qui aurait pu durer des mois, avec toutes les conséquences nationales et internationales que cela implique. Mais grâce à la reddition relativement rapide de Noriega, les États-Unis ont pu éviter cette situation.
Les implications de l’invasion de panama
Une fois prise sa décision d’envahir Panama, le gouvernement américain a essayé d’en tirer le maximum. À l’intérieur, l’administration Bush a présenté l’invasion comme une des opérations de sa nouvelle guerre contre la drogue. Le rapprochement entre les États-Unis et l’Union Soviétique a rendu le spectre du « communisme » moins crédible comme justification des énormes dépenses militaires américaines. La bourgeoisie américaine envisageait peut-être d’utiliser la « guerre contre la drogue » comme nouvelle excuse pour continuer à soutenir les dépenses d’armement. De toute façon, étant donné le passé de Noriega et les liens attestés entre le trafic de drogue et l’économie tout entière du Panama, il n’était pas trop incongru d’affirmer que les États-Unis envahissaient le pays pour mettre fin au trafic de drogue.
En fait, ceux qui ont remplacé Noriega à la tête du pays, et qui ont été intronisés dans les casernes américaines de la zone du canal, sont évidemment tous liés au trafic de drogue ! Le président Endara lui-même est l’un des principaux propriétaires d’une grande banque panaméenne accusée par le gouvernement américain de blanchir l’argent de la drogue. L’un des principaux soutiens d’Endara, Carlos Elata, a été arrêté en 1989 en Georgie (États-Unis) pour y avoir fait passer des millions de dollars de cocaïne. Son arrestation a été montrée à la télévision panaméenne, qui appartient à Elata lui-même, mais pas à la télévision américaine, de toute évidence parce que ces trafiquants-là ont le soutien du gouvernement américain.
En utilisant le thème de la lutte contre la drogue, le gouvernement américain a réussi à faire accepter l’intervention militaire par la population américaine. L’administration Bush n’a eu à faire face à aucune protestation au moment même où toute sa propagande visait à expliquer qu’on entrait dans une nouvelle ère de paix, maintenant que la principale menace à la paix dans le monde, l’Union Soviétique, n’était plus d’humeur « belliqueuse ». Ainsi l’invasion de Panama a montré, au peuple américain comme aux peuples latino-américains, que la nouvelle ère de paix ne signifiait pas que les États-Unis ne se réservaient pas le droit d’intervenir militairement dans leur chasse gardée quand ils le jugeraient nécessaire. Elle signifiait simplement qu’ils le feraient désormais avec l’approbation de l’Union Soviétique.8
Manuel Noriega, quand à lui, fut condamné en 1992 à 40 ans de prison ferme. Sa peine a ensuite été ramenée à 30 ans, puis réduite à 17 ans pour bonne conduite. Il vivait jusqu'en avril 2010 (avant son extradition en France) dans une prison de Floride.9
Martín Torrijos (2004-2009)
Le 2 mai 2004, le nouveau président Martín Torrijos (coalition centriste « Parti nouvelle »), fils de l'ex-chef d'État Omar Torrijos est élu avec près de 20 points d'avance sur l'ex-président (1989-1994) Guillermo Endara (Parti Solidarité, droite), avec 80 % de participation aux élections.10
Ricardo Martinelli (2009-2014)
En mai 2009, le milliardaire Ricardo Matinelli, à la tête de la plus grande chaîne de supermarchés du pays, Super 99, est élu président de la République avec 61% des voix.11
Un gouvernement corrompu et inefficace
Communiqué du FRENADESO (Front National pour la Défense des droits économique et sociaux su Panama.) Le 12 février 2011.
L’image internationale de Panama
En janvier 2011, le Panama a montré au monde les images suivantes : un pont qui s’écroule presque sur le canal, un barrage qui déborde et provoque de grandes inondations. L’absence d’eau dans la ville et quand elle arrive elle n’est pas apte à la consommation humaine. Des milliers de Panaméen déambulant dans la citée avec des réservoirs et des récipients à la recherche du vital liquide. Des camions citerne retenu par des communautés angoissées. Le désespoir de la population pour obtenir des bouteille d’eau potable que distribuent les autorités de manière politicienne, acquis au moyen de la peu transparente méthode de l’achat direct. La crise de l’enlèvement des ordures (il y a plein d’ordures traînant à Panama City). Un climat d’insécurité citoyenne. Des foyers d’épidémie, l’augmentation des cas de nausées et de diarrhées.
Ajoutez à ceci les scènes d’horreur quand la police nationale a laissé brûler vif 7 jeunes dans la prison pour mineur de Tocumen. Il n’y a eu aucune arrestation et le directeur de la police et le ministre de la sécurité sont maintenu tranquillement à leurs postes.
Comme si c’était tout, la révélation du câble de Wikileaks avec les rapports de l’ex ambassadrice des États-Unis, Barbara Stephenson, met sur la table des suspicions que rien de moins que le ministre du tourisme, Salomón Shamah est impliqué dans des opérations de narcotrafic et de trafic d’armes.
Sur internet a circulé une photo de Shamah qui appartient aux archives du DAS (service secret de Colombie) où on l’identifie comme un trafiquant d’armes.
Salomon Shamah est un des hommes les plus proche du président Martinelli, qui lui fait beaucoup confiance, une sorte d’"utility" dans le gouvernement, il sort dans les médias avec une grande fréquence pour tenter d’étouffer le feu, alors que tout va mal ; impliqué dans de nombreux scandales comme la bagarre à l’hôtel boutique de la Rue Uruguay avec le coordinateur de Corregidores del Distrito Capital ; c’est un cas de plus du groupe de la dénommé ligne dure du gouvernement, avec Tosé Raúl Mulino, Alma Cortés et Jimmy Paradimitriu : c’est aussi un des responsable des campagnes de diffamation et de persécution du gouvernement contre ses ennemis politiques.
Shamah, est une pièce clé de la connexion israélienne, qui a donné lieu à la croissante présence au Panama d’agents du ténébreux Mossad et d’entreprise de sécurité formée par des mercenaires qui agissent à leurs aises ; il occupe ce poste en infraction à la constitution nationale car il n’est pas née à Panama mais à Barranquilla, Colombie d’ascendance israélienne. C’est-à-dire si un "côtier de Colombie", parodiant l’ignorant consul du Panama à Miami, Tomás Guerra (une sorte de Jean Sarkozy panaméen), qui catalogue ainsi les panaméens lors d’une pitoyable interview télévisé donné à une chaîne de télévision de cette ville.
Rappelons que la même ambassadrice affirme que devant ses refus de répondre aux sollicitudes de Martinelli pour aider à écouter les téléphones des syndicalistes et ennemis politiques le président a menacé de recourir à Israël.
Martinelli, au sujet duquel les câbles de Wikileaks disent qu’il possède une "inclinaison pour l’intimidation et le chantage" répondit en proposant une loi qui termine le travail de la DEA avec les unités de la police panaméenne. (New York Times)
Selon l’un des câbles quand les États-Unis ne se plièrent pas aux pressions, Martinelli menaça d’expulser l’agence antidrogue du pays, disant que d’autres pays, comme Israël, remplirait mieux ses exigences.
Selon les câbles, les diplomates étasuniens commencèrent à se poser des questions sur les motivations de Martinelli. Veut il vraiment que la DEA découvre les complots de ses adversaires ou veut il empêcher que l’agence sache la corruption des ses parents et amis ?
Un blanchiment d’argent international à Tocumen ?
L’ambassadrice étasunienne informa que l’aéroport de Tocumen est une machine à blanchir l’argent, une plate forme pour le narcotrafic, la contrebande et le trafic de migrants. Disant que le cousin du président, Ramón Martinelli, ex trésorier de Cambio Democrático (parti politique propriété du propriétaire des Super 99, Ricardo Martinelli), faisait transiter par l’aéroport jusqu’à 30 millions de dollars par mois lors d’une période où les autorités informèrent qu’on a seulement confisqué 4,5 millions de dollars non déclarés. (Ramón Martinelli a été arrêté au Mexique où il est en prison).
On ne connaît encore aucune enquête dans notre pays au sujet des établissement commerciaux, négoces, fondations et banques où se faisait le blanchiment d’argent au Panama ni les personnes qui l’aidèrent lui et sa bande de blanchisseurs d’argent dans notre pays, formé par des membres du parti et de la famille de Martinelli et d’un cousin de la nouvelle Direction de l’Autorité Nationale de l’Environnement (ANAM) Lucàa Chandeck Cuminngs qui désire occuper rien de moins que le poste de Procureur Général de la Nation.
Stephenson ajoute "... la zone franche de Tocumen est un bon exemple du type d’attitude de vivre et laisser vivre qui imprègne l’aéroport. La zone hors taxe a peu de règles et peu de surveillance, elle est contrôlée par les familles Waked et Motta qui payèrent 173 millions de dollars pour une concession de dix ans. De la même manière les trafiquants de migrants exploitent l’aire de transit, il est possible que les passagers entrent dans cette zone libre d’impôts sans inspection, amenant virtuellement n’importe quelle quantité d’argent. Cet argent peu être blanchi à travers des magasins hors taxe qui ne sont sujet à surveillance. Anecdotiquement le voyageur de Tocumen cherchant de la nourriture ou quelque chose pour lire se rendra compte que le choix se limite à un Dunkin Donuts, une cafeteria et aucune libraire alors qu’il est impossible de manquer les magasins de vêtements, bijouteries, électronique et de parfum disponible à tout moment."
Bárbara Stephenson en identifiant l’aéroport de Tocumen comme une blanchisseuse d’argent provenant du narcotrafic et d’activité annexes, d’être une source de contrebande, de trafic de migrants, considèrent la présence de Shamah dans la Junte Directive de l’Aéroport de Tocumen, avec d’autres figures comme Frank de Lima (vice ministre des finances) et Maràa Fábrega (vice ministre de la présidence) "dont les chefs sont des membres très puissants du gouvernement de Martinelli". Les chefs sont Alberto Vallarino (ex vice président de Banco del Istmo et gendre de Samuel Lewis Galido, ex président de cette banque, condamné pour le vol de nombreux millions à un de ses clients de nationalité mexicaine) et Jimmy Papadimitriu.
"... la junte inclus aussi le ministre du tourisme, Salomón Shamah, soupçonné d’avoir des liens avec le narcotrafic" ajoute Stepheson.
L’ex ambassadrice signale également la zone franche de Colón comme autre blanchisseuse.
De scandale en scandale
Ceci est l’image donné à l’étranger par Panama. Ajouter à ceci les scandales de corruption et de pénétration du narcotrafic dans le ministère Publique, les bagarres et affrontements constants entres ministres, députés et magistrats à la cour suprême de justice avec des suspicions qu’ils sont aussi impliqué dans des cas de narcotrafic ; de blanchiment d’argent (Murcia Guzmán) et autre délits ; violation de la liberté syndicale, morts d’ouvriers par manque de sécurité lors des travaux, de nouveaux impôts, des projets de réformes constitutionnelles arbitraires et de réélection présidentielles ; de pollution de l’environnement ; de modification du code miniers et remise au plus offrant de la colline de Colorado ; Projet de Ley Mordaza (critiquer le président ou un membre du gouvernement sera passible de 2 à 4 ans de prison), Ley Carcelazo (criminalise les manifestations) Ley Pinchazo, la répression et la violation constante des droits humains et des garanties fondamentale des panaméens, les voyages d’agréments à l’étranger du président et de son cortège (il en fait plus de 20 lors de sa première année de mandat) ; des actes honteux et du népotisme au ministère des affaires étrangères, des transfuges et autres achats vulgaires de députés, représentants et maires de la part du gouvernement qui prétend absorber dans Cambio Democrático le reste des partis de la mauvaise Alliance de Changement tout en utilisant la pression, le chantage, et l’extorsion ; la multimillionnaire campagne de propagande mensongère du gouvernement ; négociation avec les fonds des assurés et dédain des revendications des travailleurs ; tentative de faillite de la caisse de sécurité sociale (CSS) pour justifier la privatisation ; augmentation de la cotisation ouvrière ; coût élevé de la vie ; bas salaire ; retraités manifestant pour obtenir l’augmentation de leur pension promise ; augmentation du prix du carburant ; du tarif électrique ; féminicides ; discrimination contre la population indigène, les pauvres et les afrodescendants ; expulsion de communautés indigènes, paysannes et d’autres habitants ; augmentation des abus et agression des policiers ; impunité absolue pour les policiers assassins, bénéficiant beaucoup des grâce présidentielles ; show à la frontière colombienne et participation directe dans le conflit armé du pays frère ; aliénation avec les secteurs les plus rétrogrades et arriérés au niveau international ; démarrage de l’année scolaire dans un climat tendue par l’imposition des autorités de la branche état déplorable des écoles publiques ; corruption, achat direct pour bénéficier à la famille des autorités et proches du gouvernement, échec du démarrage du Métro Bus, scandale au Comité Olympique International ; augmentation exorbitante de la dette publique ; absence de réponse à la soif de justice des empoisonnés au dietilenglycol, des brûlés du bus de la Cresta, des victimes du Massacre de Bocas del Toro ; autorisations douteuses dans le projet d’élargissement du canal et autre travaux nationaux ; conflit avec les pêcheurs et possible suspension du carnaval à cause de la difficile situation sanitaire due au manque d’eau potable.
Mais même ainsi, Leopoldo Nero, qui a de juteux contrat avec le gouvernement, a le cynisme de diffuser un supposé sondage qui donne un appui de 70 % de la population pour Martinelli et son gouvernement. Pour Dichter and Neira ceci est le "Pays des Merveilles" ou c’est un peuple de masochistes.
À l’inverse, c’est un peuple combatif qui sortira défendre ses droits et conquêtes. Qui sait vaincre les politiques répressives et autoritaires des gouvernants. Qui construira lui même l’instrument politique électoral pour en finir une fois pour toutes avec partidocratie et la domination du scénario politico électoral que jusqu’à présent ont exercé les politiques corrompus, mafieux, voleurs, incapables et menteurs.12
Élections présidentielles de 2014
Le Conseil national électoral du Panama a proclamé, le 7 mai 2014, Juan Carlos Varela comme le nouveau président de la République lors d’une cérémonie officielle à laquelle n’a pas participé le président sortant Ricardo Martinelli.
Les électeurs panaméens ont élu, au suffrage universel direct à un tour, le candidat de l’opposition Juan Carlos Varela avec 39 % des suffrages, devant les candidats José Domingo Arias et Juan Carlos Navarro qui ont obtenu respectivement 32 % et 27 % des voix.
Le nouveau président de la République du Panama, producteur de rhum prospère âgé de 50 ans et fervent catholique, est entré officiellement en fonction le 1er juillet 2014.13
Économie
Le Panama possède la plus puissante économie d'Amérique centrale. Le pays doit principalement son essor économique au Canal de Panama. La ville de Panama est le plus important centre financier d'Amérique centrale. D'autre part, la taxation y étant faible, le Panama est classé comme un paradis fiscal par d'autres pays. Le PIB par habitant, de 13 000 dollars (estimation 2010), est également le plus élevé de la région. Le pourcentage du PIB consacré à l'investissement était de 26,8 % du PIB en 2010. Celui consacré à l'éducation était de 3,8 % en 2008 et le pourcentage du PIB consacré à la défense était de 1 % du PIB dans les dépenses militaires en 2008.
La monnaie est le balboa. Seules les pièces circulent, la monnaie papier est le dollar des États-Unis.14
Panama, aux pieds du "Dubaï des Amériques", la pauvreté
Par Juan José Rodríguez. AFP.
Tous les jours depuis 25 ans, Jaime vend revues, bonbons et échantillons de parfums pour nourrir sa famille dans un quartier pauvre de la ville de Panama, où poussent également les gratte-ciels les plus hauts d'Amérique latine.
Parmi les meubles branlants et les tapis usés, Jaime Jimenez, 54 ans, partage un local humide avec d'autres colporteurs sur une passerelle reliant son quartier de Viejo Veranillo à l'université du Panama et un hôpital, où transitent chaque jour des milliers de personnes.
"Au Panama il y a de la richesse, mais elle est mal répartie car les plus riches veulent tout garder et ne rien donner aux pauvres, et les politiques ne pensent qu'à leurs propres intérêts", assure-t-il à l'AFP, à quelques jours des élections présidentielle, législatives et municipales (du 4 mai 2014).
Avec un boom immobilier sans précédent, des chantiers pharaoniques comme l'élargissement du canal entre océans Atlantique et Pacifique, la construction du premier métro d'Amérique centrale, l'aménagement du front de mer ou la multiplication des casinos, le Panama a été qualifié par le président sortant Ricardo Martinelli, un milliardaire de droite, de "Dubaï des Amériques".
Le gouvernement assure que règne le plein emploi et que ses politiques sociales ont permis de réduire la pauvreté de 33 % à 26 % des 3,5 millions d'habitants en cinq ans.
Mais plus d'un tiers des emplois proviennent du secteur informel et des milliers d'habitants ne disposent ni d'eau potable ni de logement digne, et encore moins d'accès à la santé, à l'éducation ou aux transports.
Face au point de vente de Jaime, un autre propose films et disques pirates. La super production américaine "L'Arche de Noé" est en vente pour deux dollars. "C'est illégal, mais ça ne nuit à personne, je préfère faire ça que de voler", se défend le vendeur.
« L'immobilier ne se mange pas »
Le gouvernement de M. Martinelli a destiné plus de 15 milliards de dollars aux investissements publics, soutenant une croissance économique annuelle de plus de 8 % en moyenne sous son mandat.
"C'est vrai que Martinelli a réalisé beaucoup de projets, mais ça ne se mange pas. S'il veut nous aider, qu'il baisse le prix de la nourriture et augmente les salaires", déclare à l'AFP Roberto Bowen, un agent de sécurité résidant dans le quartier pauvre de Chorrillo.
Pourtant, dans ce pays de contrastes, derrière les bidonvilles, brillent les lumières des gratte-ciel. Et dans le dos de Roberto, se distinguent l'entrée du canal, le stade Maracana, la nouvelle promenade en front de mer et le futur musée maritime, dessiné par l'architecte canadien Frank Gehry.
"Ces chantiers ne me servent à rien, il en faut plus pour que le peuple soit satisfait. Les gens qui m'aident sont ceux-là, parce que ceux qui ont de l'argent ne s'intéressent pas à nous", résume Luis Valdes, désignant les automobilistes qui l'apostrophent pour qu'il nettoie leur pare-brise en échange de quelques pièces.
Bien que disposant notamment des revenus liés à l'exploitation de la voie navigable par où transite 5% du commerce maritime mondial, et d'un Produit intérieur brut de 36 milliards de dollars en 2012 selon la Banque mondiale, le Panama se classe au 6e rang sur 18 en ce qui concerne les inégalités dans le sous-continent, d'après la Commission économique des Nation unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal).
"Il y a un sérieux problème de distribution des richesses et d'accès aux infrastructures de bases. C'est encore trop difficile pour beaucoup de gens pour pouvoir dire que nous sommes le "Dubaï des Amériques"", estime l'analyste politique Jaime Porcell.
"La croissance économique n'a profité qu'à l'élite. Les millionnaires sont toujours plus millionnaires mais au détriment de ceux d'en bas", poursuit-il.
Toujours suspecté aussi d'être un paradis fiscal, et une terre d'accueil pour toutes sortes de capitaux à l'origine douteuse, le Panama attire également des milliers d'étrangers en quête d'emplois et de bonnes affaires.
Mais Salomon, un pêcheur de 65 ans de Boca La Caja, labyrinthe de ruelles peu à peu dévoré par les projets immobiliers, fustige "les requins" qui cherchent à acheter à bas prix les maisons de ce quartier misérable érigé face au Pacifique.
"Le riche a toujours été un voleur. Plus on en a, et plus on veut", affirme-t-il.15
Panama Papers
Les Panama Papers désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore ainsi que les noms des actionnaires de ces sociétés. Parmi eux se trouvent des hommes politiques, des milliardaires, des sportifs de haut niveau ou des célébrités. Les chefs d’État ou de gouvernement de six pays — l'Arabie saoudite, l'Argentine, les Émirats arabes unis, l'Islande, le Royaume-Uni et l'Ukraine — sont directement incriminés par ces révélations, tout comme des membres de leurs gouvernements, et des proches et des associés de chefs de gouvernements de plus de 40 autres pays, tels que l'Afrique du Sud, la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, la France, l'Inde, la Malaisie, le Mexique, le Pakistan, la Russie et la Syrie.
Le nom de Panama Papers est une référence aux Pentagon Papers de la guerre au Vietnam, nom donné au dossier secret de 7 000 pages révélé au public en 1971 par le New York Times et une quinzaine d'autres journaux américains.
Les documents fournis par un lanceur d'alerte anonyme et non rémunéré (connu seulement sous le pseudonyme de John Doe) remontent aux années 1970 et vont jusqu'à fin 2015, représentant un total de 2,6 téraoctets de données. Initialement envoyées au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung en 2015, les données ont rapidement été partagées avec les rédactions de media dans plus de 80 pays par l'intermédiaire de l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) basé à Washington. Les premiers articles sont publiés le 3 avril 2016, accompagnés de 149 documents. D'autres révélations suivront les publications initiales, l'intégralité des sociétés mentionnées par les documents devant être dévoilée d'ici mai 2016.
Ces documents concernent des sociétés extraterritoriales — dites offshore — que la firme Mossack Fonseca a aidé à créer, ou avec qui ses clients ont été en contact. Si dans la législation de la plupart des pays, les sociétés offshore ne sont pas illégales en elles-mêmes, c'est leur usage comme sociétés-écran dans l'évasion fiscale ou le blanchiment d'argent qui l'est.16
Un pays au service de l’opacité financière
Le Panama reste l’un des derniers pays à refuser de participer aux efforts réclamés par le G20 aux paradis fiscaux.
Ainsi que le résument bien les experts du Tax Justice Network, avec ses 350 000 sociétés écrans, le Panama arrive en troisième position dans ce business, derrière Hong Kong et les îles Vierges britanniques. On y trouve également des fondations et autres trusts offrant des services d’opacité fiscale. Sans oublier son activité de pavillon de complaisance qui le place en tête dans ce secteur avec 20 % de part de marché de la flotte marchande mondiale.
Le Panama, anciennement une province de la Colombie, est devenu indépendant en 1904 après que les États-Unis aient poussé dans ce sens afin de contrôler le territoire permettant de gérer le futur canal. Celui-ci sera opérationnel, sous contrôle de l’Oncle Sam, en 1914.
Dès 1919, le Panama permet à la Standard Oil d’échapper aux impôts et aux régulations états-uniennes en offrant un statut de pavillon de complaisance. À partir de 1927, le pays développe toutes les caractéristiques habituelles des paradis fiscaux : faibles impôts, sociétés fictives, secret. Dans son livre sur les paradis fiscaux publiés en 1968, le journaliste Alain Vernay indique clairement que « Panama porte une aura douteuse. Ses sociétés sont douteuses, en bloc et en détail »… Il explique surtout la mansuétude des États-Unis envers les pratiques douteuses du pays par le fait que ses dirigeants servent de relais au Pentagone en dissimulant des armes atomiques. Ce qui lui fait dire que le Panama est un paradis fiscal « à l’ombre des épées ».
Mais la place financière se développe surtout à partir des années 1970 et 1980 en se spécialisant notamment dans le blanchiment d’argent sale. La piste de la fortune de nombreux dictateurs (Pinochet, Duvalier…) passe par le Panama comme celle des sociétés écrans facilitant l’organisation de réseaux internationaux de fraude et d’évasion fiscale. Dans son livre The Sink, le spécialiste de l’argent sale Jeffrey Robinson écrit : « Le pays est rempli d’avocats malhonnêtes, de banquiers malhonnêtes, de spécialistes de la création de sociétés écrans malhonnêtes, d’entreprises malhonnêtes enregistrées ici par ces avocats malhonnêtes afin qu’elles puissent y déposer leur argent sale dans des banques malhonnêtes ».
Un petit paradis fiscal
Aujourd’hui, la place financière panaméenne reste, selon les données officielles, un acteur mineur de la mondialisation bancaire, avec des dépôts étrangers limités à une cinquantaine de milliards de dollars et des sorties plus proches des 55 milliards, équivalent à une place comme l’île de Man. À titre de comparaison, on est à plus de 2 200 milliards de dollars pour la Suisse.
Côté blanchiment, le Gafi, en charge de surveiller les pays en ce domaine, a donné un blanc-seing au Panama en février 2016, soulignant la qualité de ses efforts… Côté coopération fiscale, le Panama fait partie de la liste des paradis fiscaux établie en 2015 par la Commission européenne. Le pays n’est pas sur la liste française des « territoires non coopératifs » mais Bercy a indiqué à la fin 2015 qu’il mettait le Panama sous surveillance pour cette année. Gageons que le ministère des Finances a peut être déjà bénéficié depuis quelques mois, avec d’autres administrations fiscales, des fuites du PanamaLeaks…
Une affaire qui justifie les demandes internationales visant à réclamer à chaque pays la mise à disposition de registres publics des sociétés créées est importante. Et qui souligne combien l’efficacité de la lutte contre les paradis fiscaux passe par la remise en cause des intermédiaires, professionnels du droit et du chiffre, qui offrent leur service d’opacité financière.17
Sources