Madagascar

 

 

Premiers peuplements

« L'histoire du peuplement de Madagascar est celle de la synthèse entre les Vazimba, autochtones des terres centrales sur qui nous savons très peu de chose, et les flux indo-mélanésien et bantou, secondairement indien et arabe, qui se sont installés dans l'île à partir du Ier millénaire et jusqu'au XVe ou XVIe siècle. La population est restée jusque-là clairsemée en petits établissements. Ces origines multiples se lisent encore dans des traits culturels complexes d'un ensemble malgache qui présente une grande unité linguistique et culturelle. »1

Ainsi, dès le milieu du premier millénaire jusqu'à 1500 environ, les Vazimba de l'intérieur autant que les Vezo des côtes accueillirent de nouveaux clans immigrants, connus en malgache par les noms d'origine austronésienne Vahiny ou Vazaha (*va-hiny "les visiteurs", *va-zaha-"ceux qui visitent/cherchent") : moyen-orientaux (Perses Shirazi, Arabes Omanites, Juifs originaux), est-africains (Bantus) et orientaux (Indiens Gujarati, Malais, Javanais, Bugis) qui s'intégrèrent et s'acculturèrent à la société Vezo et Vazimba.

 

Le commerce des esclaves par les Malayo-javanais, les Perses Shirazi et les Arabes Omani à la fin du premier millénaire fut sans doute une des causes de ces nouvelles immigrations. On trouve en effet, d’une part, mention de la présence d’esclaves africains (zenj ou zandj) offerts par des Javanais à la cour de Chine au début du IXe siècle, et de l’autre, Madagascar même commença à connaître une africanisation de sa population. Cette présence africaine dans l’île ne semble cependant devenir massive qu’à partir du IXe siècle, sous l’impulsion du commerce musulman arabo-perse.

Avec l’arrivée de l'islam, en effet, les commerçants perses et arabes supplantent rapidement les Indonésiens des côtes africaines et étendent par la suite leur contrôle sur les îles Comores et certaines parties des côtes de Madagascar. Parallèlement, sous la concurrence conjointe des nouvelles puissances maritimes chinoises (Song) et sud-indiennes (Chola), les thalassocraties indonésiennes connaissent un déclin rapide, même si les Portugais trouvent encore des marins javanais à Madagascar lorsqu'ils y abordent au XVIe siècle.

 

Les royaumes de Madagascar (1500-1895)

Sur les côtes, l'intégration des nouveaux immigrés orientaux, moyen orientaux, est-africains (Bantus) et européens (Portugais) donnèrent naissance aux grands royaumes Antakarana, Boina, Menabe et Vezo (Côte Ouest), Mahafaly et Antandroy (Sud), Antesaka, Antambahoaka, Antemoro, Antanala, Betsimisaraka (Côte Est).

À l'intérieur des terres, les luttes pour l'hégémonie entre les différents clans néo-Vazimba des hauts plateaux centraux (que les autres clans néo-Vezo des côtes appelaient les Hova) aboutirent à la naissance des grands royaumes Merina, Betsileo, Bezanozano, Sihanaka, Tsimihety et Bara.

La naissance de ces clans, ethnies et royaumes ''néo-Vezo" et néo-Vazimba modifièrent essentiellement la structure politique de l'ancien monde des Ntaolo, mais la grande majorité des autres catégories demeurèrent intactes au sein de ces nouveaux royaumes : la langue commune, les coutumes, les traditions, le sacré, l'économie, l'art des anciens demeurèrent préservées dans leur grande majorité, avec des variations de formes selon les régions.

Parmi les royaumes centraux, les plus importants étaient, au sud, le royaume Betsileo et, au nord, le royaume Merina. Ces derniers sont définitivement unifiés au début du XIXe siècle par Andrianampoinimerina. Radama Ier (régnant de 1810-1828), son fils et successeur ouvre son pays à l’influence européenne exercée principalement par les britanniques. Grâce à leur soutien, il étend son autorité sur la majeure partie de l’île. C’est ainsi qu’à partir de 1817, les royaumes centraux merina, betsileo, bezanozano et sihanaka unifiés par Radama I deviennent pour le monde extérieur, le royaume de Madagascar.

 

Première découverte de l'île par des Européens (1500)

Les premiers Européens qui découvrent l’île en 1500 sont les Portugais, sous la conduite de Diogo Dias. Mais c’est surtout à partir du XVIIe siècle que la présence européenne affecte de manière décisive le destin de l’île par l’introduction massive des armes à feu et le développement de la traite des esclaves. En 1643, les Français y installent la Colonie de Fort-Dauphin. En 1665, Louis XIV tient à faire de Madagascar la base avancée de la Compagnie française des Indes orientales. Il en résulte une augmentation des troubles et la mise en place de royaumes guerriers, fortement liés aux Européens, en particulier des pirates qui s’établissent dans de nombreuses régions. C’est notamment le cas du royaume sakalava, s’étendant sur la majeure partie du littoral occidental de l’île, sous l’égide des rois maroseraña, « aux nombreux ports ». Il en fut également de même sur la côte est de la confédération des Betsimisaraka, fondée au début du XVIIIe siècle par Ratsimilaho dont le père était un pirate anglais.

 

Le royaume de Madagascar reconnu à l'extérieur (1817-1895)

En dépit d'un repli d’une vingtaine d’années sous le règne de Ranavalona Ier (1828-1861), l'impulsion donnée par Radama Ier au royaume de Madagascar poursuit sa transformation tout au long du XIXe siècle.

Un embryon d’industrialisation se met également en place à partir de 1835 sous la direction du français Jean Laborde (un ex-mousse rescapé d'un naufrage au large de la côte Est), produisant du savon, de la porcelaine, des outils en métaux, ainsi que des armes à feu (fusils, canons, etc.). En 1864 s’ouvre à Tananarive le premier hôpital moderne et une école de médecine. Deux ans plus tard apparaissent les premiers journaux. Une revue scientifique en anglais (Antananarivo Annual) est même publiée à partir de 1875. En 1894, à la veille de l’établissement du pouvoir colonial, les écoles du royaume, dirigées par les missions majoritairement protestantes, sont fréquentées par plus de 200 000 élèves.

À cette époque de partage du monde entre les impérialismes européens, la France envisage d'exercer davantage son influence sur Madagascar et un traité d'alliance franco-malgache est signé le 17 décembre 1885 par la reine Ranavalona III.

Des désaccords sur l'application de ce traité, servent de prétextes à l’invasion française de 1895, qui ne rencontre d'abord que peu de résistance. L’autorité du Premier ministre Rainilaiarivony, au pouvoir depuis 1864, est en effet devenue très impopulaire auprès de la population.

L'intention des Français est d'abord d'établir un simple régime de protectorat, affectant surtout le contrôle de l’économie et les relations extérieures de l’île. Mais par la suite, l’éclatement de la résistance populaire des Menalamba et l’arrivée du général Gallieni chargé de « pacifier » le pays en 1896 conduisent à l'annexion et à l'exil de la reine à Alger.

 

La colonisation française et le mouvement nationaliste (1895-1960)

La mission de "pacification" du général Gallieni (1896-1905) s'exerce avec brutalité. Au total, les conséquences de la répression se traduisent par la disparition d’environ 100 000 personnes, sur une population totale de moins de 3 millions d’habitants. Le calme revenu, Galliéni s'applique à réaliser sa "politique des races", mettant en place dans les provinces des administrateurs locaux, en lieu et place de l'administration Mérina. L'esclavage est supprimé. Les autochtones, soumis au régime de l'indigénat, perdent tout droit et toute représentation spécifique. Les écoles subissent une francisation forcée et perdent une bonne partie de leurs effectifs.

Par la suite, à partir surtout de 1901, le pouvoir colonial entame la « mise en valeur » de la nouvelle colonie pour le profit des colons et de la métropole en accordant de très vastes concessions à des grandes sociétés et des particuliers. Sur emprunt public, une voie ferrée est démarrée : la ligne Tananarive-Tamatave sera ouverte en 1913 et deviendra l'axe essentiel du développement de l'économie malgache. Gallieni porte une attention particulière au domaine de la santé : ouverture d'une École de Médecine en 1897 pour la formation de médecins auxiliaires, fondation d'un Institut Pasteur en 1899 pour la prophylaxie de la variole et de la peste, création de l'A.M.I. en 1902 pour des soins gratuits aux populations.

Durant la Première Guerre mondiale, les autorités françaises enrôlent 41 000 Malgaches dans des unités combattantes et 2400 devaient périr au combat. Parmi les survivants, certains étaient porteurs de la grippe espagnole qu'ils vont ensuite propager à Madagascar provoquant la disparition de plusieurs dizaines de milliers de personnes, en particulier sur les hautes terres dont une multitude de villages allaient être désertés.

Entre temps apparut, en 1915, un premier mouvement de résistance, celui des VVS (Vy Vato Sakelika) qui subit aussitôt une violente répression. Ce mouvement nationaliste se développa ensuite vers la fin des années vingt sous l’impulsion de Ralaimongo et de Ravoahangy (Ligue malgache pour l'accession des indigènes de Madagascar à la citoyenneté française). Ses méthodes restèrent toutefois légalistes, malgré la constance de la répression.

À partir de 1920, le plan Albert Sarraut permettra de réaliser des équipements d'infrastructure : 14 500 km de réseau routier, aménagement des ports de Tamatave détruit en 1927 et de Diego-Suarez, ajout de voies ferrées vers Antsirabé et Lac Alaotra (1923) et ligne Fianarantsoa-Manakara (1936). Les investissements privés suivront dans le domaine agricole (café, riz, vanille, girofle), minier (graphite, mica) et industriel (rizeries, sucreries, conserveries, travail du bois). Ces transformations entraîneront l'insertion de la Grande Île dans les circuits économiques internationaux et des mutations importantes de la société malgache.

Durant la Seconde Guerre mondiale, en mai 1942, Madagascar est envahi par les troupes britanniques, ce qui achève de miner le prestige de la France aux yeux des indigènes, même si le pouvoir est remis aux représentants de la France libre. Les hostilités entre Britanniques et Français vichystes ne cessent qu'en novembre 1942 : ce n'est que trois mois plus tard, en janvier 1943, que le pouvoir est ensuite remis au général Paul Legentilhomme, représentant de la France libre. Les Malgaches contribuèrent ensuite à l'effort de guerre en maintenant la production du riz et en augmentant celle du café.2

 

L'insurrection contre l'ordre colonial

Dans la nuit du 29 mars 1947, éclate l'insurrection de Madagascar contre l'oppression coloniale française. Après la guerre, la bourgeoisie française tentait de maintenir envers et contre tout, malgré l'aspiration générale des peuples à l'indépendance, sa domination sur son empire colonial sous l'étiquette " Union française ", opposant la politique de la canonnière à ceux qui exigeaient leurs droits. À Sétif, en Algérie, la manifestation du 8 mai 1945 où apparurent des drapeaux algériens avait été violemment réprimée. En Indochine, le 23 novembre 1946, la marine française avait bombardé Haïphong, faisant plusieurs milliers de victimes. À Madagascar, la guerre s'était traduite d'une part par l'enrôlement de 15 000 Malgaches dans les troupes françaises, constituées en 1944 de trois cinquièmes de soldats coloniaux, d'autre part par une aggravation considérable de la misère de l'île et de l'oppression de ses quatre millions d'habitants autochtones.

Depuis la " conquête " de 1896, ces derniers subissaient le régime de l'indigénat, qui permettait, outre l'exploitation des richesses de l'île - le riz, le café, le sucre, les épices, le caoutchouc... sont exportés vers la métropole -, celle du travail des paysans, à la base de l'enrichissement des colons.

 

 

Une exploitation insupportable

Dans la période de la guerre, la réquisition pour l'armée de la quasi-totalité des produits de base et un système de travail forcé gratuit (trente jours par an) vinrent aggraver l'exaspération et la misère des habitants, renforcée par la terrible famine de 1943-1944.

Comme la plupart des populations de l'Empire colonial français, les Malgaches disposaient d'un droit de vote très restreint, mais dès 1945 ils élirent deux puis trois députés qui fondèrent en 1946 le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM), parti indépendantiste qui attira des centaines de milliers d'adhérents.

L'insurrection du 29 mars 1947 fut immédiatement attribuée au MDRM, pourtant ses dirigeants n'en revendiquèrent jamais la responsabilité. C'est une flambée de colère qui parcourut cette nuit-là toute la partie est de l'île, soulevant la population et affolant les 4 000 Européens. Plusieurs gros colons furent tués. Des partis nationalistes disposant de réseaux clandestins participèrent à l'organisation de l'insurrection, parfois encadrée par les anciens tirailleurs malgaches récemment démobilisés. Le 31 mars, à Tananarive, un camp militaire français était attaqué par plusieurs centaines d'hommes, armés seulement de sagaies et de coupe-coupe. Les quelques fusils récupérés furent les seules armes à feu dont disposèrent les Malgaches, avec celles prises dans les mois qui suivirent aux militaires français.

Après les premiers jours de stupeur, la répression s'organisa. L'état de siège fut proclamé le 4 avril, les autorités coloniales s'employant cependant, dans le communiqué, à minimiser les événements pour rassurer l'opinion métropolitaine. Mais la révolte déferlait, s'attaquant aux fermes des gros colons, aux camps militaires, à tout ce qui incarnait l'exploitation coloniale. La répression s'abattit avec férocité. Des renforts militaires furent expédiés, procédant à des arrestations massives, par des rafles dans les quartiers populaires des villes et dans les villages. L'armée, assistée par les milices de colons, incendiait les maisons avec leurs habitants, exécutait des " suspects ", massacrait les prisonniers.

 

 

Répression féroce

Cela ne suffisant pas, le gouvernement envoya encore, contre ces hommes armés de machettes et de lances, l'infanterie, les parachutistes, puis l'aviation. Des bombes furent larguées par soixante avions sur des campements d'insurgés et des villages suspects d'abriter des " mutins ". Au sol, toutes les formes de torture furent utilisées contre les insurgés de Madagascar, des procédés qui allaient être repris par la suite en Indochine et en Algérie. Tout était bon pour terroriser la population : mutilation d'otages, mitraillages de trains, largages par avion ou hélicoptère d'hommes vivants au-dessus des villages, des " bombes démonstratives " comme les nommait la presse française aux ordres.

Ce feu nourri ne parvint pas à briser, avant de longs mois, la résistance de la population. Les insurgés cherchèrent refuge dans la montagne où ils menèrent une guérilla défensive. Beaucoup y moururent de faim et de maladie plutôt que de se rendre aux autorités. Ce n'est qu'en décembre 1948 que le représentant de la puissance coloniale put déclarer : " Nous commençons à reprendre l'offensive. "

C'est un président du Conseil socialiste, Paul Ramadier qui, s'abritant derrière la fumeuse appellation " d'Union française " qui avait remplacé celle un peu trop transparente " d'Empire colonial français ", s'opposait à toute idée d'indépendance et dirigea la répression contre les insurgés. Il demanda la levée de l'immunité parlementaire des députés et sénateurs malgaches. Le PCF, participant au gouvernement jusqu'en mai 1947, se contenta au moment des bombardements de protester mollement contre l'arrestation " anticonstitutionnelle " des députés malgaches. Dès le début du mouvement, deux députés, Ravoahangy et Rabemananjara, avaient été emprisonnés à Tananarive et soumis à la torture. Le MDRM avait été dissous, puis le troisième député, Raseta, était arrêté à la sortie du Palais-Bourbon.

De procès en procès, les tribunaux civils et militaires prononcèrent des centaines de condamnations, dont 190 à mort, parmi lesquels deux des députés malgaches. Si la plupart - dont les deux députés - furent graciés, vingt-sept furent exécutés, parmi lesquels des dirigeants de l'insurrection. De nombreux accusés furent condamnés aux travaux forcés.3

L'évaluation officielle des victimes de la "pacification" continue à faire débat. Une mission d'information de l'Assemblée de l'Union française fin 1948 établit un premier bilan à 89 000 morts (soit plus de 2 % de la population malgache de l'époque). Nombre fourni par l’état-major français, et repris plus tard par Jacques Tronchon dans L’insurrection malgache. Ce bilan sera ensuite révisé à la baisse et fixé officiellement par le pouvoir colonial en 1950 à 11 342 morts. Mais personne ne remet en question la violence de la répression.

Certains analystes malgaches et étrangers avancent même le chiffre de 100 000 à 200 000 morts. Le nombre de victimes comprend une grande majorité de Malgaches, tués lors des affrontements, fusillés avec ou sans procès, morts dans les camps d'internement, d'épuisement ou de faim. Mais le gros des pertes eut lieu dans les zones tenues par les insurgés. La plupart des 20 à 30 000 victimes de malnutrition et de maladie sont des familles paysannes prises entre les forces coloniales et les insurgés et chassées par la guerre, sans ressources, dans les forêts. Parmi les morts malgaches, quelques milliers ont été tués par les insurgés, car ils faisaient partie des forces de l'ordre ou de l'administration coloniale… ou en étaient accusés sur une simple rumeur. Plusieurs centaines de tirailleurs sénégalais périrent aussi, ainsi que les colons français massacrés dans des conditions atroces.4

 

L'indépendance

En 1958, De Gaulle finit par « octroyer » par referendum et consentement mutuel l’autonomie à Madagascar, comme il l’attribuait à ses autres colonies. L’homme qui prit la tête de l’État malgache, Philibert Tsiranana - qui se réclamait de la social-démocratie - fut directement installé par l’État français qui prit en charge l’entretien de son administration, de son armée et de sa police en échange de conditions favorables aux sociétés françaises. La situation était alors mûre pour que Paris reconnaisse l’indépendance de Madagascar sans que soient menacés les intérêts français.

 

Après l’indépendance, la dépendance économique reste totale

Pendant les 14 années de règne sans partage de Tsiranana, les sociétés françaises continuèrent de faire main basse sur l’essentiel de la production de café, de sucre, de girofle et de vin, etc. Un code des investissements établi en 1961 était destiné à séduire le capitalisme étranger. Tsiranana, animé par un anti-communisme viscéral, se disait chaud partisan d’un resserrement des liens avec les puissances occidentales en même temps qu’il cherchait à établir des relations avec l’Afrique du Sud ; à une époque où le pays de l’apartheid connaissait officiellement un certain isolement, Madagascar servit plus d’une fois d’intermédiaire aux sociétés - françaises entre autres - qui désiraient maintenir des relations discrètes avec les dirigeants sud-africains.

C’est en 1968 que se développa un mécontentement parmi les couches populaires ainsi que dans la petite bourgeoisie qui aspirait à une malgachisation de l’administration et de l’économie. L’un des épisodes les plus marquants de cette crise sociale et politique fut, en mars 1971, une jacquerie paysanne animée par un parti nationaliste radical.

La violence de la répression ne suffit pas à rétablir le calme dans l’île. L’agitation gagna toutes les couches de la société, en particulier la petite bourgeoisie d’Antananarivo (Tananarive). En mai 1972, une vague de grèves étudiantes et lycéennes déboucha sur une émeute qui aboutit le 16 mai au renversement de Tsiranana.

Ce n’était encore que le dénouement du premier acte d’une période troublée où la lutte pour la succession se régla par les coups de force, les règlements de compte et les assassinats tandis que les hommes qui se succédaient au pouvoir procédaient en toute hâte à ce qu’ils appelaient une malgachisation de l’administration et de l’économie, une économie d’ailleurs totalement en ruines.

 

Ratsiraka : du verbiage socialisant...

C’est en 1975 que Ratsiraka sortit vainqueur de cette âpre compétition pour le pouvoir. Le calme était revenu dans l’île. Et cet officier de la marine, formé en France et qui avait été pendant de longues années attaché militaire à l’ambassade de Madagascar à Paris, devint le chef de la révolution de palais qui mit un terme à la crise.

C’était l’époque où dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie des mouvements nationalistes se développaient et où se multipliaient des régimes qui cherchèrent un appui du côté de l’URSS, de la Chine, de Cuba ou de la Corée du Nord. Ils puisaient dans l’arsenal du stalinisme des formules, des éléments de programme, des recettes qui pouvaient leur donner une allure marxisante. Ils cherchaient surtout à développer avec les pays de l’Est, avec la Chine ou d’ex-pays coloniaux des relations économiques moins défavorables que celles que leur offrait le marché impérialiste. Ils espéraient sans doute qu’en recourant à un mode de gestion étatisé de l’économie ils parviendraient à donner à leur pays l’infrastructure économique que les anciennes puissances coloniales n’avaient jamais construites et à concentrer suffisamment de capital pour jeter les bases d’une économie rentable. C’était aussi sans doute le projet de Ratsiraka. Un rêve qui, faute de moyens suffisants, sombra bien vite dans l’engrenage du gaspillage, de la corruption et de l’endettement dont les classes pauvres furent les premières à payer le prix.

Le nouveau dirigeant malgache qui avait trouvé les caisses de l’État vides à son arrivée au pouvoir ne trouva ni du côté de l’URSS, ni du côté des pays dits socialistes les moyens d’échapper à la pression du marché impérialiste et à la soif de profits de cette sorte d’investisseurs qui firent fortune sans scrupule en dotant les pays du Tiers monde d’équipements inadéquats.

L’État malgache se ruina d’autant plus en investissements industriels disproportionnés avec les besoins de l’île que les banques françaises, dont l’État malgache avait encore besoin pour faire face à ces investissements, visaient un profit à court terme et que, avides de financer n’importe quoi qui rapporte - à elles comme aux groupes capitalistes chargés de l’exécution - , celles-ci prodiguaient des conseils qui s’avérèrent bien souvent ruineux et stériles. C’est ainsi qu’un rapport officiel de 1985 cite l’exemple de l’implantation d’unités de transformation du soja qui auraient coûté deux milliards de francs sur deux ans à l’État malgache alors qu’elles ne serviront jamais à produire pour cause de pénurie de soja.

Par ailleurs, l’accroissement de la population entraîna une augmentation des besoins en riz qu’il fallut importer. Et ce besoin en importations était d’autant plus grave que le déficit de la balance commerciale s’aggravait constamment sous le double effet du renchérissement de l’énergie et de la dégringolade des cours mondiaux. Alors qu’avant 1975 la seule vente du café suffisait à payer la facture pétrolière, celle-ci n’en couvrait plus que le tiers en 1982.

Les devises faisaient défaut et le régime ne parvint pas à lever la mainmise française sur l’économie malgache.

 

... à la soumission au FMI

L’endettement de Madagascar conduisit bientôt ses dirigeants à recourir aux bons offices du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale. Madagascar qui avait pris langue avec le Fonds Monétaire International dès 1980 dut accepter dès juin 1982 les conditions que cet organisme lui imposait. Limitation des dépenses publiques et des avances du Trésor, réduction des subventions alimentaires, hausse des prix, dévaluation du franc malgache furent la contrepartie des financements périodiquement accordés pour remettre à flot les caisses de l’État, un temps du moins, jusqu’à la crise suivante. En 1984 le seul service de la dette correspondait à 80 % de la production intérieure en biens et services. Un chiffre d’autant plus conséquent que la valeur totale de la production locale incluait de 50 à 60 % d’importations. Et pendant que les sociétés françaises, les banques françaises et leurs homologues de divers pays tiraient profit de l’échange inégal et de cette situation de dépendance économique, le gouvernement de Paris faisait périodiquement le généreux en annulant une partie de la dette ou en concédant des avances et des prêts.

Tout cela n’avait décidément rien à voir avec les palabres socialisantes de Ratsiraka que ce dernier remit d’ailleurs officiellement en cause en 1984-1985, quand il annonça qu’il fallait faire prendre à l’économie un tournant libéral et s’ouvrir davantage à l’Occident. On s’orienta vers la privatisation des sociétés nationalisées en 1975, et sur le plan politique on s’orienta vers le recours à des élections générales et une pratique respectant la multiplicité des partis et des candidatures.

La France chercha à profiter de ce tournant pour renforcer encore ses positions dans l’île, d’autant plus que, pour Paris, Madagascar n’est pas seulement une source de profits mais qu’elle permettait aussi à l’impérialisme français de mettre un pied dans cette région du monde où l’île de la Réunion qui a le statut de Département d’Outre—Mer et l’île Maurice depuis longtemps indépendante mais liée à Madagascar, sont ses seuls points d’appui.

Pendant que les compagnies pétrolières américaines s’assuraient la mainmise sur la prospection pétrolière, Paris multipliait rapprochements, accords, contrats. En 1987 le régime parut vaciller sous la pression de vagues de manifestations et de grèves. Mais lors des élections de 1989 Ratsiraka remporta encore 67,7 % des suffrages dans des élections qui sans être bien sûr honnêtes offraient néanmoins une multiplicité de candidatures. Un relatif retour au calme pouvait laisser espérer aux possédants malgaches et aux représentants de l’impérialisme que le dictateur en place restait peut-être encore capable d’assurer une certaine stabilité politique. Et l’on vit se multiplier des signes d’entente entre le gouvernement français et celui de l’île, d’autant plus que les relations semblaient reprendre entre Madagascar et l’Afrique du Sud dont la France craignait la concurrence. En juin 1990, le baromètre pouvait paraître au beau fixe ; on vit le chef d’État malgache promettre en contrepartie d’une annulation de 4 milliards de la dette, une indemnisation « juste et équitable » des sociétés françaises nationalisées en 1975, en même temps qu’il autorisait les forces navales françaises à réutiliser la base malgache de Diego Suarez. Toujours est-il que la France a jusqu’alors défendu sa place et reste le premier bailleurs de fonds de Madagascar en même temps que son premier fournisseur puisqu’elle couvre le tiers des importations de ce pays.5

 

 

Troubles et démocratisation

La résistance au régime ne devient véritablement efficace qu’au début des années 1990, sous l’impulsion du mouvement Hery Velona (Forces Vives) qui réussit en février 1993 à faire tomber Ratsiraka. Le nouveau président, Albert Zafy, procède aussitôt à une libéralisation forcenée de toutes les institutions dans le cadre d’une Troisième République6. Instauration d'un régime parlementaire. L'Assemblée nationale élit Me Francisque Ravony, au poste de Premier ministre. Début d'un libéralisme économique et politique sans précédent. La démocratie est devenue le leitmotiv du régime de Zafy, soucieux de se distinguer de son prédécesseur. Il instaure aussi un nouveau style de gouvernement voulant selon lui se rapprocher et être au contact du « peuple ». Il multiplie les tournées en province et dans les campagnes les plus reculées (le fameux « Mada Raid »), délaissant ainsi la capitale où se joue un jeu politique des plus mouvementés. Il s'ensuit une certaine instabilité politique caractérisée par les multiples motions de censure et changements de gouvernement, situation que le Président Zafy n'a de toute façon pas le pouvoir de maîtriser. Par ailleurs, l'ajustement structurel de l'économie est au point mort, la croissance tant attendue et promise n'est pas au rendez-vous, les dirigeants malgaches s'étant de plus aventurés et égarés dans les « financements parallèles ». Le torchon a fini par brûler entre Albert Zafy et son Premier ministre soutenu par les députés de la majorité. Le président a dû faire appel à un référendum constitutionnel donnant le pouvoir au président de la République de nommer le Premier ministre afin de destituer Me Ravony, remplacé par le Dr Emmanuel Rakotovahiny.

Cet amendement de la Constitution sonna quelque peu le glas du parlementarisme, ce qui provoqua une guerre ouverte entre le président et les députés, laquelle se soldera d'abord par une nouvelle motion de censure du gouvernement et surtout par le vote en juin 1996 de la motion d'empêchement définitif du président par 93 députés sur 135. Le Premier ministre Norbert Ratsirahonana devient chef de l'État par intérim en attendant les nouvelles élections. L'amiral Didier Ratsiraka, rentré quelques mois plus tôt de son exil en France, est réélu au 2e tour de l’élection présidentielle (contre Zafy). Madagascar connaît une période de stabilité économique jusqu'en 2001 avec 4,3 % de croissance annuelle moyenne.

 

 

Crise politique (2001-2002)

Le maire de la capitale, Marc Ravalomanana, arrive en tête de l'élection présidentielle de décembre 2001. Un second tour est prévu mais celui-ci revendique la victoire dès le premier tour sur la base des résultats publiés par son propre quartier général à Ankorondrano (quartier de Tananarive). Ravalomanana dénonce une fraude électorale massive et décide d'acculer ainsi le régime Ratsiraka. Le président Didier Ratsiraka tente de reprendre la main en modifiant les membres de la Haute Cour Constitutionnelle, chargée de proclamer les résultats électoraux à Madagascar. Le candidat Ravalomanana réclame la confrontation des procès-verbaux en sa possession et les procès-verbaux officiels. Le régime refuse une telle méthode jugée « illégale » mais exhorte les opposants à participer au second tour.

Marc Ravalomanana est élu président de la République et nomme plus tard Me Jacques Sylla, « Premier ministre ». La capitale étant acquise à la cause de l'ancien maire, Didier Ratsiraka décide de délocaliser le siège du gouvernement à Toamasina, son fief et principal port de l'île situé dans l'est. Le régime érige des barrages routiers pour paralyser et asphyxier la capitale, ce qui finit par paralyser tout le pays.

À l'invitation de l'Union Africaine et du président du Sénégal Abdoulaye Wade, les deux parties protagonistes se réunissent à Dakar et signent des accords en avril 2002 qui prévoit notamment un nouveau décompte des voix, l'organisation d'un référendum (à la place d'un second tour) si la majorité absolue n'était pas obtenue et l'instauration d'un gouvernement d'union nationale dirigé par M. Ravalomanana. Ces accords ne seront pas respectés par les deux parties qui camperont sur leur position, une fois rentrés au pays. Ravalomanana ne relâche pas la pression et finit par obtenir l'annulation de la nomination de la nouvelle Haute Cour constitutionnelle en raison d'un vice de forme, la Cour précédente, reconduite dans ses fonctions, se charge de procéder à la publication des résultats des élections.

En mai 2002, Marc Ravalomanana est déclaré vainqueur dès le premier tour avec plus de 51 % des voix. Il est investi dans ses fonctions de président de la République une semaine plus tard. Il confirme Jacques Sylla au poste de Premier ministre. Il décide de faire appel aux réservistes de l'armée pour lancer des expéditions contre les troupes fidèles à Didier Ratsiraka et pour « libérer » les provinces des barrages. Les deux camps s'affrontent désormais militairement. En juillet 2002, Toamasina, la dernière province où le camp Ratsiraka s'est retranché est tombé entre les mains de Ravalomanana. Didier Ratsiraka prend la fuite avec ses fidèles à bord d'un avion à destination de la France. Les pays occidentaux, les États-Unis en tête, et la France en dernier, reconnaissent la victoire de Ravalomanana. Cependant, l'Union africaine, l'ONU et les bailleurs de fonds ne reconnaissent le régime de Marc Ravalomanana qu'en janvier 2003, à la suite des élections législatives remportées par son parti.

À la fin de son premier mandat, le président Marc Ravalomanana élabore sa vision « Madagascar Naturellement » et met en œuvre le Madagascar Action Plan (MAP), un nouveau programme de développement pour 5 ans.7

 

Gouvernance

Marc Ravalomanana a adopté un nouveau style très chef d'entreprise, il veut aller vite tout en restant pragmatique, souvent au détriment de l'orthodoxie de la gestion des finances publiques ou/et en outrepassant les procédures réglementaires (remblai sans autorisation dans une zone de bassin tampon protégeant la capitale des inondations, attribution du marché et vente de ce terrain à une entreprise de son groupe à un prix de très loin inférieur à ce qu'il en a coûté à l’État pour l'aménager). Il encourage les Malgaches à travailler dur, vite et bien. Les concepts en anglais font leur apparition : rapid result initiatives, private public partnership, task force, ownership, leadership. Il privilégie le partenariat multilatéral au bilatéralisme issu du colonialisme. Des services administratifs ont été créés dans le but d'instaurer une bonne gouvernance : le Bianco pour lutter contre la corruption, le SAMIFIN contre le blanchiment d'argent, le Central Intelligency Service, le Conseil supérieur de la défense nationale...8

 

Au fil des années, les partis d'opposition accusent le régime de paralyser les entreprises locales comme la Savonnerie tropicale, la société le Quartz. Le gouvernement ne serait pas neutre vis-à-vis des diverses concurrences entre entreprises, qui devraient ne compter que sur elles-mêmes pour assurer leur gestion. Marc Ravalomanana est également pointé du doigt par l'opposition pour avoir « éliminé » les entrepreneurs malgaches performants, accaparé leurs affaires pour se placer lui-même dans tous les secteurs économiques bénéficiaires.

Le problème principal est que des luttes intestines incessantes conjuguées à l'âge de la majorité des élites négligeant leur succession a creusé un vide politique et amené un cruel défaut d'émulation.

Le processus électoral est également fortement décrié par les opposants, qui voudraient lui apporter de fortes améliorations afin d'éviter les troubles lors de chaque élection présidentielle.9

 

Relations internationales

Marc Ravalomanana n'a jamais remis en cause les principaux choix stratégiques des précédents dirigeants, à savoir : la francophonie, la totale coopération avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), un système financier dominé par les banques françaises. Par contre il a confié au cabinet allemand Lahmeyer la gestion de la société d'État de distribution d'eau et d'électricité JIRAMA et à Lufthansa Consulting la direction de la compagnie nationale Air Madagascar. Des tentatives de reforme du secteur des transports comme le retrait de l'organisation francophone ASECNA pour une gestion directe de l'espace aérien national ont échoué.10

 

Crise politique de 2009

Une série de manifestations, d'émeutes et de confrontations politiques secouent Madagascar à partir de la deuxième moitié du mois de janvier 2009. Elle oppose les partisans du maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, aux partisans du président Marc Ravalomanana.

Les manifestants reprochent à ce dernier la hausse des prix, sa mainmise sur l'économie malgache notamment l'achat d'un Boeing présidentiel avec l'argent public en partie et la location en bail longue durée de la moitié de la surface cultivable à Madagascar à l'entreprise coréenne Daewoo, ainsi que le recours aux unités anti-émeute (EMMO-REG, EMMO-FAR...) pour arrêter leur mouvement.

Environ 135 personnes sont mortes depuis le début des violences. La majorité sont des pilleurs piégés dans des bâtiments en flammes durant le 26 janvier 2009, le "Lundi Noir". D'autres meurent le 7 février 2009 quand la garde présidentielle tire sur la foule qui avance vers le Palais Présidentiel d'Ambohitsorohitra.11

Le meneur de cette contestation, le maire de la capitale Andry Rajoelina las du blocage des comptes de sa municipalité par le gouvernement, critique Marc Ravalomanana en l'accusant de pratiques autocratiques et de mainmise sur la sphère économique. Le 17 mars 2009, Ravalomanana passe son plein pouvoir (interprété comme démission par certains et passation de pouvoir pour d'autres) sous la pression des militaires. Le gouvernement du général Charles Rabemananjara est dissous par décret du chef de l'État. Les fonctions de président de la République et de Premier ministre sont confiées à un directoire militaire à qui le président Ravalomanana remet le pouvoir. Il est prévu que le directoire soit présidé par le vice-amiral Hippolyte Rarison Ramaroson, « le plus ancien dans le grade le plus élevé, toutes armes confondues ». Quelques heures plus tard, l'amiral Ramaroson, sous la menace d'un groupe de militaires mutins du CAPSAT, transmet le pouvoir à Andry Rajoelina qui prend ses fonctions de président de la Haute Autorité de transition, ce qui conduit Madagascar à une crise de plusieurs années.12

Cet imbroglio ne doit pas cacher la réalité. Rajoelina a pris le pouvoir par un coup d’État. La France voit ce coup d’État d’un bon œil. Au plus fort de la crise, elle a hébergé Rajoelina à son ambassade. Même si la France proclame son impartialité, cela n’empêche pas son ambassadeur, nouvellement nommé, de faire « une visite de courtoisie » à Rajoelina avant sa cérémonie d’installation au pouvoir en lui assurant que la coopération économique serait maintenue. Soutien de taille quand on sait que la France est le premier bailleur du pays. Cela tranche avec les condamnations unanimes du coup d’État de l’Union africaine, de la SADC groupement des pays d’Afrique australe, de l’Union européenne.

Les États-Unis et la Norvège ont suspendu leur aide économique. Du coup, Sarkozy a dû assouplir sa position et parler de coup d’État sans pour autant remettre en cause l’aide économique.

La grande force de Rajoelina, c’est d’avoir catalysé toutes les oppositions au pouvoir en place. L’incapacité de Ravalomanana à améliorer les conditions de vie des populations, sa corruption, ses dérives autoritaires et sa politique ultralibérale étaient devenues insupportables.13

 

 

Imposer une autre logique à Madagascar

La crise malgache vient de loin. Elle est tout d’abord alimentée par la déception engendrée par la politique du président Marc Ravalomanana, qui avait accédé au pouvoir en 2002 à la suite d’une mobilisation populaire mettant fin à 24 ans de dictature. L’espoir était immense, à l’époque, d’éradiquer la pauvreté, l’arbitraire et la corruption. Mais la politique ultralibérale de Ravalomanana n’a rien réglé ; la croissance économique du pays s’est faite à coup de créations de zones franches, où la surexploitation des travailleurs est la règle. Elle a aussi aggravé les inégalités sociales, les trois-quarts de la population vivant avec l’équivalent d’un dollar par jour.

La dérive autoritaire du pouvoir s’est accélérée avec l’adoption d’une nouvelle Constitution, en 2007, qui a accentué le pouvoir présidentiel. Parallèlement, la répression des luttes paysannes, passée quasiment inaperçue en Occident, a été extrêmement dure. C’est ainsi que, pour avoir refusé de céder leurs terres à un industriel qui voulait étendre son parc d’attraction, treize paysans ont été condamnés à mort tandis que d’autres se voyaient infliger douze années de travaux forcés. L’exaspération de la population est arrivée à son comble lorsqu’elle a vu le président de la République mélanger allègrement la caisse de son entreprise, le consortium agro-alimentaire Tico, et celle de l’État. Même le FMI s’est senti obligé de demander des comptes sur l’achat de l’avion présidentiel, baptisé « Force one », pour 60 millions de dollars, dans un pays qui demeure l’un des plus pauvres de la planète (143e rang sur 177).

La répression sanglante de la manifestation du samedi 7 février 2009, qui a fait des dizaines de morts, restera une date tragique dans l’histoire du pays. Elle soulignait le vrai visage d’un pouvoir qui n’hésita pas à faire tirer sur une manifestation pacifique, mais elle révélait également l’irresponsabilité du maire déchu de la capitale, Andry Rajoelina, qui envoyait la foule prendre possession de la présidence, comme s’il y avait vacance du pouvoir.14

 

 

 

Référendum du 17 novembre 2010

Le 17 novembre 2010 les électeur-trice-s malgaches ont été appelé-e-s aux urnes pour se prononcer sur un projet de constitution pour la 4e république concocté par le régime putschiste de la Haute autorité de la Transition (HAT) du tycoon Andry Rajoelina qui, le 17 mars 2009, a chassé de la présidence l’autre tycoon Marc Ravalomanana. Référendum controversé dans son initiative et sa conception autant que dans son organisation. En prime, le 20 décembre se tiendront les communales.
Le référendum se veut être un « gage de démocratie » (découlant de la Conférence nationale pro-Rajoelina de septembre) pour la reconnaissance internationale tant recherchée de la transition actuelle dont pourtant la caractéristique principale est son unilatéralisme. Il s’agit d’un référendum-plébiscite pour Rajoelina : le 46e des 168 articles du projet constitutionnel (qui, pour le reste, est quasi identique à la constitution présidentialiste de 1997 amendée sur des points mineurs en 2003) rabaisse de 40 à 35 ans l’âge à partir duquel il est possible de candidater à la présidentielle : l’ex-disc-jockey a 36 ans…

Les pires méthodes de manipulation ont été convoquées pour faire gagner le « Oui » : une Commission électorale nationale « indépendante » (CENI) aux ordres ; une liste électorale prétendument refondue (réduite de 300 000 inscrits) mais probablement juste révisée ; des bulletins de vote pré-cochés « Oui » largement distribués par des fonctionnaires dans certains districts moyennant rétribution ; une opération « Tsena mora » (vente bon marché et à grande échelle de ppn (produits de première nécessité) comme le riz, l’huile et le sucre ; des projets « sociaux » lancés à grand renfort de publicité, en dépit des critiques portant sur l’opportunité de ces initiatives en pleine campagne.

Le processus électoral mené au forcing par la HAT s’est déroulé dans un contexte général, politique, économique et social plus que critique. L’Union européenne comme les USA ont suspendu leur aide (ce qui donne l’occasion aux putschistes de fanfaronner qu’ils tiennent tête à l’Occident et comptent sur leurs partenaires chinois, turcs, iraniens, pakistanais et israéliens !). Rajoelina lui-même et ses acolytes sont sur la sellette pour bradage de ressources nationales (dont le bois de rose). Mais l’opposition politicienne tergiverse sur les perspectives : les fractions des anciens présidents (Ratsiraka, Zafy, Ravalomanana) restent plombées par le discrédit marquant leur mandat, les principaux dissidents de la HAT sont, quant à eux, décrédibilisés du fait de leurs incohérences. Le bras de fer politicien se cantonne en surenchères clientélistes.15

 

 

 

Élections présidentielle de 2014

Sans parti mais ouvertement soutenu par Andry Rajoelina auteur du coup d'État de 2009 dont la candidature a été refusée par la communauté internationale, Hery Rajaonarimampianina est officiellement proclamé président de la République par la Cour électorale spéciale, avec 53,49 % des suffrages devant son adversaire, Jean-Louis Robinson, crédité de 46,51 %. Le camp de ce dernier accuse cependant de fraude électorale celui du nouveau président. Dès son élection, Rajaonarimampianina devient le chef d'État ayant le plus long nom avec 44 lettres dans son nom complet, et 19 dans son nom de famille.

Il est investi le 25 janvier 2014 à Mahamasina en présence de son adversaire qui a reconnu sa défaite quelques jours plus tôt.

 

Tentative de destitution

Le 26 mai 2015, les députés se prononcent sur la déchéance de Rajaonarimampianina, arguant l'article 131 de la Constitution de la Quatrième République : 121 voix pour, 4 voix contre, la majorité requise étant celle des deux-tiers, soit 101 voix. Il est reproché au président d'être incompétent et de ne pas respecter la Constitution, notamment quant à la séparation des pouvoirs.

Ce vote sévère est en grande partie dû à l'absence de membres du parti présidentiel, le HVM, élus à l'assemblée. Par ailleurs, les quatre-vingt membres de l'opposition prononcée au régime (alliance Ambodivona) ont voté pour la déchéance. Cependant, cette destitution ne prend pas effet immédiatement, car la Haute Cour constitutionnelle doit encore statuer sur sa légitimité.

Le 13 juin 2015, la Haute Cour constitutionnelle rejette la demande de destitution du président.16

 

 

Madagascar, nouveau commerce triangulaire

En 2013, 75% de la population vit avec moins de 160 dollars par an, soit moins de 33 centimes d’euro par jour et 50% des enfants sont en carence alimentaire selon Olivier de Schutter, représentant de la FAO. Le PIB de Madagascar, 8 Mds$, est extrêmement faible. Il représente la moitié du bénéfice de la société Total en 2011, et le 30e du chiffre d’affaires de cette compagnie qui emploie seulement 100.000 personnes et a de grands projets d’extraction pétroliers sur l’île. Plus grand que la France, peuplé de 22 millions d’habitants, ce pays recèle encore 2% de la biodiversité mondiale malgré la déforestation catastrophique, les incendies volontaires continuels, les extractions minières aux impacts environnementaux dramatiques et les accaparements de terres qui se multiplient.

Le remboursement des intérêts de la dette extérieure publique, soit 60 millions de dollars par an, est relativement faible. Le stock de la dette est évalué à 20 % du PIB en 2011. Dans l’état de manque de la population, ces intérêts payés sont encore beaucoup trop importants. Le budget de l’État n’atteint pas un milliard de dollars. En comparaison, celui de la France, hors sécurité sociale est 300 fois plus élevé. Si on le rajoute, il l’est 700 fois plus.

Madagascar est un des premiers exportateurs de saphir, de rubis et de vanille. Il existe à Ambatovy, à l’est d’Antananarivo, un gisement de nickel et de cobalt colossal. C’est un des plus grands projets d’extraction de l’Afrique subsaharienne. Il est soutenu par la BEI (banque européenne d’investissement) pour le compte de l’entreprise canadienne Sherrit qui a le feu vert pour démarrer l’exploitation. Selon les Amis de la Terre, cette mine rapporterait au cours des 27 ans à venir, à Madagascar seulement 2.5 milliards de dollars au titre des divers impôts et redevances. Par contre elle offrirait aux banques du nord, 1.5 milliards de dollars au titre des intérêts de leurs prêts et aux actionnaires privés un pactole de 10 milliards de dollars en dividendes, plus que le PIB d’une année de ce pays. Imaginez la découverte d’une nappe de pétrole ou d’un autre minerai en France. Aux même conditions cette découverte rapporterait sur 27 ans, près de 3.000 milliards d’euros aux actionnaires privés, presque le double de la dette publique et seulement 400 milliards au gouvernement de notre pays ! D’autres pays plus démocratiques et beaucoup moins corrompus ont su faire autrement. « Pauvre et sous-développée jusqu’à la fin du XIXe siècle, la Norvège a su gérer sans gaspillage inutile les richesses accumulées grâce au pétrole et au gaz naturel découverts, depuis trois décennies, sur la plate-forme norvégienne de la Mer du Nord. » « Grâce à des mesures qui permettent à l’État de récupérer plus de 75 % des revenus pétroliers et à l’investissement de ceux-ci dans des placements à long terme, les hydrocarbures continueront de soutenir encore longtemps les généreux programmes sociaux qui profitent à tous les Norvégiens. »

Les investissements miniers se multiplient. Au nord l’exploitation des terres rares sur la presqu’île d’Ampasindava, proche de l’île de Nossy be, est un projet avancé. Au sud, jouxtant l’ancien comptoir français de Fort Dauphin, QMM-Rio Tinto extrait l’ilménite depuis près de trois ans avec comme à Ambatovy des désastres environnementaux irréparables, des pertes de territoire pour les populations et des pollutions graves. Les projets sur les pétroles conventionnels off shore en eaux profondes ou les huiles lourdes de schistes, on shore, foisonnent tout le long du canal du Mozambique avec des permis accordés qui couvrent toute la côte ouest. Français, australiens canadiens, chinois, etc. se pressent pour se partager ce fabuleux butin. Madagascar est une illustration dramatiquement saisissante du nouveau livre canadien : Paradis sous terre.

Par ailleurs, si le projet d’accaparement de 1,3 million d’hectares de terres cultivables par Daewoo a échoué, il y a quelques années, en accélérant la chute de l'ancien président Marc Ravalomanana en mars 2009, l’indien Varun et bien d’autres intérêts financiers internationaux continuent les accaparements de terres sur la grande île.

Alors que 70 % de la population vit dans les campagnes, privés des moyens de base pour cultiver avec une certaine efficacité. Ainsi en est-il de l’absence de formation et des connaissances en agroécologie qui évitent l’achat d’engrais, de pesticides et de semences brevetés tout en offrant de très bons rendements, bien supérieurs à ceux actuels. Le SRI (système de riziculture intensif), inventé à Madagascar il y a 30 ans, fait partie de cette nouvelle agriculture. Il est pourtant peu utilisé sur place et très répandu en Asie. Il manque à ces hommes, et surtout à ces femmes courageuses, des petits outils essentiels comme des brouettes, des râteaux, des sarcloirs, etc, des animaux de traits et des charrettes, mais aussi, des maisons de semences citoyennes, des prêts bancaires à bas taux, des infrastructures telles que routes et stockages publics et bien sûr de la formation scolaire. Alors dans un pays, ou les ruraux sont extrêmement pauvres, de nombreux éleveurs nomadisent leurs troupeaux à travers la brousse malgache à la recherche de nourriture. Dans ce pays ou le Zébu-viande est une des grandes richesses négociables, les bêtes sont de plus en plus nombreuses. Les bergers brûlent fréquemment les broussailles et les arbres sur les surfaces immenses des parcours, pour que leurs bêtes trouvent de nouveaux espaces et, après la saison des pluies, de l’herbe tendre. Double catastrophe environnementale. D’une part l’humus fertile, sans racines pour le retenir ni couvert végétal, est lavé par les pluies torrentielles de l’été austral et vient rougir la mer et, de l’autre, les accapareurs des pays riches en profitent pour prétendre que ces terres ne sont pas ou mal exploitées, et n’appartiennent à personne. Alors qu’évidemment, il y a partout des communautés villageoises qui vivent sur ces terres, bien sûr sans certificat de propriété officiel, car très difficile à obtenir.

Comment en est-on arrivé à ce qu’un pays si riche, par ses sols et ses sous-sols, ses mers poissonneuses dont les ressources halieutiques sont bradées aux étrangers et sa biodiversité exceptionnelle, ait une des populations les plus pauvres de la planète dont une partie dans le sud meurt de faim ? Seul un petit retour en arrière historique peut aider à comprendre ce paradoxe que certains appellent la « malédiction des matières premières ». Si le passé colonial n’est pas exactement le même que celui du Congo RDC ou de la Zambie voisine, leurs sous-sols richissimes en métaux convoités par tous les extractivistes de la planète, et leurs peuples très pauvres et maltraités, montrent beaucoup de ressemblances.

Depuis le milieu du 17e sous Louis XIV, Madagascar subit l’influence française et la traite des esclaves. Ce pays est alors la base avancée de la compagnie des Indes. Deux siècles plus tard, la colonisation totale de l’île sera faite en 1895 par l’armée de Gallieni. Après l’indépendance en 1959, et malgré le massacre de plus 80.000 malgaches demandant leur autonomie en 1947, la France conservera une influence très importante sur la grande île. Ce qui lui permettra de continuer à en extraire les richesses naturelles sans les payer réellement. Une instabilité politique, presque chronique, en résultera jusqu’à aujourd’hui. Même si la France n’est plus la seule puissance aux manettes de ce pays, Rajoelina, l'ancien président de la HAT (haute autorité de transition) était un très bon ami de notre pays. Il n’aurait pu se maintenir au pouvoir en l’absence d’élections, pendant presque 5 ans, sans le soutien de son protecteur du nord, premier partenaire de l’île encore aujourd’hui.

Dette et corruption organisées de l’extérieur depuis plus de 20 ans ont participé à l’affaiblissement de ce pays et de son peuple magnifique. Les remboursements de la dette illégitime ou odieuse ont atteint certaines années 50 % du budget. Les plans d’ajustement structurels imposés par le FMI et la Banque mondiale, au nom des remboursements (impossibles) depuis des décennies, ont abouti à une libéralisation forcée de l’économie, aujourd’hui totalement livrée aux prédateurs des pays industrialisés. Cela s’est traduit par : la mise en concurrence faussée des petits paysans avec l’agriculture du nord productiviste et subventionnée, l’instauration de la TVA tellement injuste pour les plus pauvres, la liberté de mouvements de capitaux - libre investissement et rapatriement des bénéfices - la privatisation à marche forcée de toutes les entreprises publiques pour des sommes dérisoires, l’établissement d’un code minier très favorable aux investisseurs étrangers. Tout cela s’est fait par les conditionnalités des nouveaux prêts de secours, avec l’ingérence de la Banque mondiale et du FMI dans les affaires de ce pays. La redevance minière est de 2 % de la production vendue, ou de 1 % seulement, dans le cas où une partie de la transformation est faite sur place. Mais n’oublions pas que les prix de transfert, grâce aux paradis fiscaux, permettent aux transnationales extractivistes de minimiser les prix des produits vendus et donc les sommes versées au gouvernement malgache.

En novembre 2012, les Amis de la terre dans une étude titrée, « Madagascar : nouvel eldorado des compagnies minières et pétrolières » se demandent pourquoi les experts de la Banque mondiale qui prônent la bonne gouvernance publique pour les ressources issues des mines « …n’évoquent-t-ils jamais la transparence sur les profits réalisés par les sociétés transnationales (…) que la très ‘libérale’ législation malgache permet aux multinationales de rapatrier hors de Madagascar. » Plus loin ils écrivent « … comme dans les autres pays du Sud, l’activité extractiviste est finalement entièrement tournée vers les pays du Nord. »

La dette publique illégitime et la corruption sont les deux leviers de l’extractivisme postcolonial. Ils ont permis d’assurer la continuité du pillage des ressources approvisionnant les industries du nord en matières premières depuis l’indépendance. Il semble que la dette ne soit plus le pilier du néocolonialisme en 2012 à Madagascar. Comment le serait-elle dans un pays si pauvre ? Par contre, l’autre levier de l’asservissement, la corruption, atteint des niveaux extrêmes selon la Banque mondiale.

Les accaparements de terre, cet autre extractivisme, là de la fertilité des sols et de l’eau virtuelle, ne peuvent exister, contre la volonté des peuples, que grâce à la corruption, la pauvreté et le faible niveau d’éducation. Madagascar, avec ses 36 hab. par km2, reste donc un espace très recherché par les spéculateurs étrangers voire autochtones, pour toutes ces raisons. L’ONG Grain, une des plus fiables, avance le chiffre des accaparements pour le monde autour de 200 millions d’hectares, soit 6 fois la SAU de la France, dont plus de la moitié se font en Afrique.

S’ils sont si pauvres c’est bien parce que ceux du nord qui les asservissent et les volent depuis des siècles, sont si riches. Le système de vase communiquant entre ces deux mondes ne fonctionne-t-il pas comme un nouveau commerce triangulaire. Les transnationales aux comptabilités opaques ne payent qu’un prix dérisoire à Madagascar pour les matières premières extraites, ce que l’on peut assimiler au pillage des pays d’Amérique du sud dans le passé. Ne peut-on comparer la dette illégitime, les plans d’ajustement structurel, la corruption et les paradis fiscaux aux fers des esclaves, au fouet du maître et aux armées coloniales munis d’armures, de chevaux et de fusils à poudre au 16-17e siècles, face aux indigènes munis d’arcs et de javelots inefficaces. Si la comparaison ne semble pas évidente au premier abord, les résultats en sont bien les mêmes. Les bourgeoisies de ce pays ne se comportent-elles pas avec leur peuple comme les colons blancs du temps de l’esclavage et des colonies, et les transnationales extractivistes ne se comportent-elles pas comme des armées d’occupation. N’en va-t-il pas de même pour les terres accaparées par la finance internationale. Les prix de location officiel ne dépassent souvent pas 1 euro par ha. et par an alors que les productions sont exportées vers les pays riches sans offrir de travail aux populations locales ou si peu. Car elles sont remplacées par de la mécanisation agricole venue du nord.

La majorité des matières premières minérales ou fossiles sorties de Madagascar ou d’Afrique par des transnationales extractivistes traverseront les océans sur des vraquiers pour rejoindre les pays d’Asie, la Chine surtout. Ensuite, cette dernière, les transformera en biens de consommation puis les réexportera. Ces matières premières transformées retraverseront les océans sur des porte-conteneurs vers les pays les plus riches : Europe, EU d’Amérique, Japon où elles seront définitivement consumées (consommées). Pour finir, ou plutôt pour recommencer, les profits que les transnationales auront tirés de cette « chaîne » pourront alors traverser librement les océans en tous sens, à la vitesse de la lumière des ordinateurs, des paradis fiscaux situées le plus souvent sur des îles à ceux des bourses de New York, Toronto ou Londres. Ils pourront alors, à la différence des matières premières non renouvelables, être ensuite recyclés dans de nouveaux accaparements et de nouvelles aventures extractivistes. Quant aux peuples du sud, ils géreront les déchets et toutes les autres externalités telles que le réchauffement dont les effets seront beaucoup plus dramatiques non seulement à long terme mais dès aujourd’hui sous les tropiques. Des choses que les actionnaires ne veulent pas reconnaître ni surtout prendre en charge, malgré les énormes bénéfices qu’ils retirent de ces extractions.

Ce continent a déjà perdu ses forces vives pendant plusieurs siècles. Des dizaines de millions d’hommes et de femmes jeunes, transformés en esclaves ont été expédiés et vendus aux Amériques dans des conditions abominables pour devenir la force de travail du pillage occidental. Ces pays et ces peuples n’ont jamais reçu la moindre compensation ou la moindre excuse, bien au contraire. Ce que l’on appelle la « malédiction des matières premières » n’est-elle pas simplement la continuité modernisé de l’asservissement du passé, avec son abominable commerce triangulaire ? L’histoire risque de bégayer encore longtemps avec cet extractivisme des ressources naturelles et des terres qui, d’un côté, privent ces peuples d’Afrique, de l’accès à l’égalité, à la justice et au bonheur et, de l’autre, transforment notre planète en bouilloire-poubelle ? Si nous ne voyons pas ce que nous pouvons faire individuellement pour changer cette exploitation, nous pouvons au moins la dénoncer en étant actif au sein d’associations comme Survie, le Cadtm, les Amis de la Terre et bien d’autres encore.17

 

 

Sommet de la francophonie : cachez cette misère...

Le sommet de la francophonie se déroulait les 26 et 27 novembre 2016 à Antananarivo, la capitale de Madagascar. Le régime avait fait place nette de tout ce qui pouvait évoquer la misère régnant dans la capitale malgache, afin qu’aucune image de cette triste réalité ne soit visible.

Plusieurs jours avant le sommet, des camions-bennes, dans lesquels sont habituellement chargés les détritus, faisaient la navette entre le centre de la ville et les quartiers périphériques. Ils évacuaient les familles qui dorment habituellement dans la rue, là où elles trouvent un abri, vers des centres prévus pour les accueillir. C’est ce que le ministère de la Population et la mairie d’Antananarivo appellent une opération d’assainissement et de sécurisation de la ville.

Plus de mille familles vivent actuellement dans les rues de la capitale, s’abritant et se procurant leur subsistance comme elles peuvent. Dans les quartiers situés en contrebas de la ville, où règne la pauvreté, les baraques en bois sont régulièrement dévastées lorsque survient la saison des pluies. Les canalisations à ciel ouvert charrient des eaux polluées, vecteurs de toutes les maladies. En 2014, la peste avait même fait son apparition, transmise par les rats qui pullulent. De longues queues se forment devant les bornes-fontaines existantes pour avoir un peu d’eau à boire, faire cuire la nourriture, ou se laver. L’électricité est coupée plusieurs heures par jour, tandis que les beaux quartiers, eux, sont épargnés par les délestages sélectifs.

C’est cette réalité sordide qui se cache derrière la belle vitrine de la francophonie, dans un pays où l’apprentissage du français est d’ailleurs réservé aux plus riches. Les classes dirigeantes peuvent se réjouir de l’opération, ainsi que les capitalistes de l’hôtellerie, qui ont fait pression pour que soient effectués de nombreux travaux bien inutiles à la population pauvre. Quant à Hollande, il est le représentant de tous ces capitalistes qui bâtissent leur fortune sur l’exploitation des travailleurs des pays pauvres, comme les ouvriers de la confection des vêtements destinés à l’exportation dans les zones franches d’Antananarivo.18

 

 

Imposture électorale

Gagner dès le premier tour. L’objectif a été atteint pour Andry Rajoelina. Le 16 novembre 2023, il l’a emporté avec 59 % des votes. Le taux de participation annoncé est de 46 %, contesté par une opposition dont la plupart des candidats avaient appelé au boycott.

 

Stratégie de l’opposition

La campagne a été dominée par plusieurs affaires. Le remplacement de Rajoelina, lors de la période électorale, par un général à la retraite à la suite de la démission forcée du président du Sénat en raison de menaces reçues. Cette entorse à la Constitution génère des doutes sur la sincérité du scrutin. Autre affaire, celle de la nationalité de Rajoelina. En obtenant sa naturalisation française, il perdait automatiquement sa citoyenneté malgache.

À l’exception de deux candidats dont Randrianasoloniaiko, considéré comme un allié de Poutine, qui a obtenu plus de 14 %, l’ensemble des candidats de l’opposition regroupés dans le Collectif des dix a, dans ces conditions, refusé de faire campagne et a appelé les Malgaches au boycott du scrutin.

 

Victoire biaisée

Une telle stratégie a laissé un boulevard à Rajoelina. Il s’est abstenu de rendre compte de son bilan catastrophique. L’ONG Ivorary considère que Rajoelina n’a tenu que 13 % de ses promesses électorales faites en 2018 dans le cadre de son Plan émergence Madagascar.

Dans le même temps, les deux principaux candidats de l’opposition qui ont été au pouvoir Ravalomanana et Rajaonarimampianina partagaient avec le président sortant la corruption et l’accaparement des ressources du pays au profit de leur clan.

Rajoelina, au-delà des promesses électorales, s’est surtout attaché à l’achat des consciences en utilisant le programme Tosika Fameno financé par la Banque mondiale pour attribuer une vingtaine d’euros aux populations les plus pauvres.

Dès le lendemain des élections, des queues se sont formées devant les locaux du parti présidentiel pour demander l’argent promis pour le vote.

 

Les libertés mises à mal

Pendant la campagne électorale, les rassemblements de l’opposition ont été interdits, les manifestations férocement réprimées. Cette répression a perduré. Le Collectif des dix n’a pas appellé à des manifestations, de peur d’une riposte sanglante du pouvoir. L’Observatoire de la vie politique Safidy qui a déployé des milliers d’observateurs dans les bureaux de vote s'est refusé à tout recours auprès de la Haute Cour constitutionnelle, de crainte de représailles pour ses militants. Des menaces se sont fait jour aussi dans le propre camp présidentiel. Ainsi, la demeure de Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale, a été attaquée après sa déclaration critique sur le bilan de Rajoelina.

L’émergence d’une force politique capable de représenter les aspirations des populations n’est pas encore à l’ordre du jour en dépit de la multitude de structures défendant les revendications sociales et environnementales.19

 

 

Sources

(1) http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Madagascar%C2%A0_histoire/187014
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_Madagascar
(3) Roger Périer http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2017/divers/article/2007/03/29/15094-1947-madagascar-linsurrection-contre-lordre-colonial.html
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection_malgache_de_1947
(5) http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1986-1993-trilingue/article/madagascar-une-dictature-et-une
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_Madagascar
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Madagascar
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Ravalomanana
(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/Madagascar
(10) https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Ravalomanana
(11) https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_politique_de_2009_%C3%A0_Madagascar
(12) https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Ravalomanana
(13) http://www.npa2009.org/content/madagascar-coup-d%C3%A9tat-et-corruption
(14) http://www.npa2009.org/content/imposer-une-autre-logique-%C3%A0-madagascar
(15) Pierre Sidy http://www.npa2009.org/content/madagascar-vers-un-apr%C3%A8s-r%C3%A9f%C3%A9rendum-troubl%C3%A9
(16) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hery_Rajaonarimampianina
(17) Nicolas Sersiron http://cadtm.org/Madagascar-2012-nouveau-commerce
(18) Daniel Mescla http://journal.lutte-ouvriere.org/2016/11/30/sommet-de-la-francophonie-cachez-cette-misere_72939.html
(19) Paul Martial https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/madagascar-imposture-electorale