La République du Congo

 

La République du Congo actuelle est un pays d'Afrique centrale, situé de part et d'autre de l'équateur. Ses voisins sont le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo — de laquelle il est séparé, en partie, par le fleuve Congo puis l'Oubangui — et le Cabinda (Angola). Le pays s’étend sur 1 300 km du nord au sud, de l’océan Atlantique à la frontière centrafricaine. La République du Congo est fréquemment appelée Congo-Brazzaville pour la distinguer de l’autre Congo, officiellement appelée République démocratique du Congo, aussi appelée Congo-Kinshasa. Elle a également porté le nom de République populaire du Congo de 1969 à 1992.

 

Histoire ancienne

Les Pygmées Mbuti sont les premiers habitants du Congo. Le pays a ensuite été touché par la grande migration des Bantous, venus du nord en longeant la côte et les cours d'eau. Plusieurs royaumes se succèdent, dont on ne connaît pas encore bien les origines : le royaume Téké au sud dans les terres ; plusieurs royaumes Kongo, sur la côte et dans le massif du Mayombe. Les Bantous introduisent le travail du fer et construisent un réseau commercial dans le bassin du Congo.

Schématiquement, les structures géopolitiques précoloniales congolaises peuvent se simplifier en deux catégories : les sociétés sans État, fondées sur des chefferies qui sont autant de micro-nations que des conditions géographiques et démographiques difficiles ont maintenu dans un relatif isolement, ceci dans la moitié Nord du pays, terres Mboshi, Makaa, etc ; les sociétés à État organisé, dans la moitié Sud, autour de trois pôles essentiels : l'État Teke, fondé peut-être dès le XIIIe siècle, la province nord de l'ancien empire Kongo, ou province de Nsundi, et sur la côte, le très vieux royaume de Loango des Vili, centré sur sa capitale, Bwali, près des gorges de Diosso.

Des vestiges, ténus certes, mais assez nombreux, attestent de cultures assez avancées sur l'actuel territoire congolais, bien avant ces États que nous connaissons : poteries, vestiges de fours à métaux, de grands travaux (tunnel sous le mont Albert près de Mouyondzi…) remontent à une période antérieure au XIIIe siècle, parfois avant l'an Mil.

 

Colonisation

Les premiers contacts avec les Européens ont lieu au XVe siècle, et des échanges commerciaux sont rapidement établis avec les royaumes locaux. La région côtière est une source majeure durant la traite d'esclaves transatlantique. Lorsque celle-ci prend fin au XIXe siècle, les pouvoirs bantous s'érodent pour laisser place au colonialisme. En 1482, après les premières reconnaissances effectuées par des navigateurs portugais, l'explorateur Don Diego Cao atteint l'embouchure du Congo. Les contacts avec le royaume du Kongo suscitent des tensions. La traite opère une grande ponction démographique et déstabilise considérablement les entités politiques et les sociétés d'Afrique centrale en général.

La pénétration française débute vers 1875 avec Pierre Savorgnan de Brazza ; il atteint le Congo en 1879 en remontant le cours de l'Ogoué, jusqu'à l'embouchure de l'actuelle Île Mbamou. En 1880, il fait signer un traité de souveraineté au Makoko, le roi, des Tékés à Mbé (100 km au Nord de Brazzaville), et fonde le poste de Mfoa, en référence à une rivière qui dessert la ville, et qui deviendra plus tard Brazzaville. Dans le même temps, le lieutenant de vaisseau Cordier explore la région du Kouilou et du Niari, et fait signer au Maloango, chef principal des Vilis appartenant à la mouvance Kongo, un traité qui reconnaît la souveraineté de la France sur le royaume de Loango, et fonde à son tour en 1883 Pointe-Noire, dont la gare ferroviaire CFCO est inspirée de celle de Deauville en France. En 1885, le Congo devient l'un des quatre États de l'Afrique équatoriale française, et Brazzaville, la capitale de l'AEF. La colonie du Congo français est créée en 1891, l’actuel territoire gabonais en fait partie jusqu’en 1904.

Dès 1899, le territoire est cédé à des compagnies concessionnaires, qui versent un impôt à l’administration française. Ces compagnies exploitent majoritairement le caoutchouc. Elles reçoivent pour trente ans, d’immenses domaines variant entre 200 000 et 14 millions d’hectares. Les dites compagnies doivent verser 15 % de leurs bénéfices comme impôts à l’administration française. Elles exploitent les ressources naturelles de la colonie comme le sucre, le caoutchouc, l’ivoire ou le bois précieux. Le principal défenseur de ce système économique est Eugène Étienne, alors sous-secrétaire d’État aux colonies. Un autre sous-secrétaire d’État aux colonies, Théophile Delcassé, accorde discrètement, sans publication officielle du contrat, une concession de 11 millions d’hectares (soit 1/5 de la France), située dans le Haut-Ogooué. Puis, de mars à juillet 1899, le ministre des Colonies Guillain accorde, par décret, quarante concessions au Congo français. De nombreuses compagnies concessionnaires sont aux mains de nombreux actionnaires, dont Léopold II de Belgique qui achète des actions sous un faux nom. Ce fait, découvert après la mort du souverain belge, choque beaucoup les autorités françaises de l’époque, qui doivent constater que leur colonie est exploitée par un pays étranger.1

En 1903, le Congo Français devient territoire du Moyen-Congo.

 

Le territoire du Moyen-Congo

En 1910, le Moyen-Congo fait partie de l'ensemble de colonies du gouvernement général de l'Afrique-Équatoriale française (AEF), avec l'Oubangui-Chari, actuel Centrafrique et Tchad ; son chef-lieu est Brazzaville. À partir de ces années, le territoire du Moyen-Congo est livré aux compagnies concessionnaires, exploitant notamment le caoutchouc, le bois et d'autres produits tropicaux. Le travail forcé et les mauvais traitements infligés aux habitants de la région suscitent à plusieurs reprises d'importantes polémiques en métropole. Une commission d'enquête est mise en place, mais elle ne publie jamais ses conclusions. Les compagnies concessionnaires qui sont à l'origine de cette exploitation sont, pour les plus importantes : la SCKN, Société concessionnaire du Kouilou-Niari, la C.C.S.O. Compagnie Concessionnaire de la Sangha-Oubangui, la CFAO, Comptoirs Français de l'Afrique Occidentale, la SHO-Congo, Société de Haut-Ogoué et du Congo...

En 1910, Pointe-Noire devient capitale du Moyen-Congo, tandis que Brazzaville est capitale de l'Afrique équatoriale française. En 1911 une première mission hydrographique à partir du Gabon, dirigée par le lieutenant de vaisseau Audoin, est lancée, pour le tracé d'un chemin de fer en Afrique centrale, de Brazzaville, et qui arriverait à Libreville.

Ce chemin doit permettre l'évacuation des matières premières des territoires de l'AEF sans trop de difficultés. Une autre possibilité de tracé est évoquée par le détracteur de l'arrivée à Libreville, deux arguments à leur avantage, tracé long, et manque d'eaux profondes à Libreville. Le tracé au sud offre la possibilité de deux baies en eaux profondes et d'être le plus court possible. Il ne reste qu'à choisir entre Punta Negra - aujourd'hui Pointe-Noire et pointe indienne. Le 13 juillet 1914, est signé le décret autorisant la construction du chemin de fer et de ses deux ports Brazzaville sur le fleuve et Punta Negra sur la mer. Le site de Punta Negra est choisi pour le port en mer.

En 1921, est donné le premier coup de pioche des travaux de la construction du chemin de fer et de ses ports par le gouverneur général Victor Augagneur.

Le bureau régional pour l'Afrique de l'Organisation mondiale de la santé s'installe à Brazzaville en 1952.

 

Vers l'indépendance

Les premières élections municipales ont lieu en 1956 ; l'abbé Fulbert Youlou est élu maire de Brazzaville, et Stéphane Tchitchelle maire de Pointe-Noire. L'idée de l'indépendance fait son chemin, notamment grâce à l'influence du matsouanisme sur les milieux politiques laris du Pool (l'abbé Youlou revendique l'héritage d'André Matsoua), même si, comme dans le reste de l'Afrique équatoriale française, elle est moins avancée qu'en Afrique occidentale. En novembre 1958, à la suite de la loi-cadre de Gaston Defferre de 1956, le territoire du Moyen-Congo devient la république du Congo ; elle est dotée de l'autonomie, mais non de l'indépendance. Le Congo se prononce pour l'entrée dans la Communauté, et l'Assemblée nouvellement élue transfère la capitale à Brazzaville.

 

Les premières années du Congo indépendant

Le 15 août 1960, le Congo accède à l'indépendance, comme la plupart des pays colonisés de l'Afrique noire sous domination française en Afrique, d’abord sous le nom officiel de « République congolaise » jusqu’en 1965 (pour la distinguer de la première « République du Congo », ex-Congo belge devenu indépendant peu avant la même année). Depuis cette période de confusion, les deux pays seront informellement mais couramment désignés avec le nom de leurs capitales respectives (Congo-Brazzaville pour l’ancien Congo français au nord-ouest du fleuve, et Congo-Kinshasa pour l’ancien Congo belge), d’autant que le nom des deux pays a changé plusieurs fois.

En 1960, l'abbé Fulbert Youlou, alors premier ministre, devient le premier Président de la République du Congo. Il reste à ce poste jusqu'en 1963. Au cours des événements des 13, 14 et 15 août 1963 - ces journées sont appelées les « Trois Glorieuses » - l'abbé Youlou, est contraint à la démission sous la pression des syndicalistes. Le général de Gaulle ne le soutient pas à cette occasion - alors que l'armée française intervient six mois plus tard pour rétablir Léon Mba à la tête du Gabon.

De 1963 à 1968, Alphonse Massamba-Débat remplace l'abbé Youlou à la tête de l'État ; celui-ci, avec son équipe gouvernementale formée en grande partie dans les écoles occidentales, se rapproche de la Chine communiste en matière de politique internationale, et se prononce en faveur du socialisme. Le président utilise l'expression de « socialisme bantou », instaure un parti unique, et abandonne le pluralisme politique. Pascal Lissouba puis Ambroise Noumazalaye sont Premiers ministres. Beaucoup des cadres politiques de l'époque sont fascinés par le socialisme scientifique ; mots d'ordre et articles de presse s'inspirent du style alors en usage en URSS, en Chine et dans les démocraties populaires. En témoigne ce mot d'ordre publié en une de l'hebdomadaire Etumba en juin-juillet 1968 :

« Que ceux qui se sont infiltrés dans les rangs des comités révolutionnaires pour se servir et non pour servir le peuple tremblent. Car le châtiment de ce même peuple les attend au tournant. Que ceux qui ont été portés aux comités révolutionnaires par la confiance des militants continuent comme par le passé à travailler sans relâche pour la cause de tous avec abnégation et désintéressement et le peuple lui-même saura reconnaître leurs mérites ».

La politique économique privilégie les sociétés d'État en matières d'équipement (logement, etc.) et les sociétés mixtes. Le secteur privé reste toujours très puissant par le biais des sociétés étrangères, notamment la CPC (Compagnie des Potasses du Congo), ELF-Congo dans le secteur du pétrole, et plusieurs sociétés d'exploitation du bois, qui représente la première ressource budgétaire.

En 1965, des Brazzavillois expulsés de Kinshasa par le gouvernement de Moïse Tshombe reviennent au Congo. À cette date, la voisine « République du Congo » (à Kinshasa) devient la première « République démocratique du Congo » par décision présidentielle (dans une quête de légitimité et « d’authenticité »), et la « République congolaise » (ex-Congo français au nord-ouest du fleuve Congo) gardera pour elle le nom de « République du Congo » ce qui ajoutera à la confusion entre les deux pays, et entérinera pour longtemps la désignation informelle de « Congo-Brazzaville »

Le 2 août 1968, à la suite du soulèvement de certains éléments de l'armée, Massamba-Débat est contraint de se retirer à Boko (région du Pool), son village natal, puis de donner sa démission le 4 septembre 1968. L'élément déclencheur du putsch a été l'arrestation du capitaine Marien Ngouabi, officier de l'armée congolaise connu pour ses convictions socialistes. Libéré le 31 juillet par un groupe de parachutistes, celui-ci crée le 2 août le CNR (Conseil national de la Révolution), dont il prend la tête. Le capitaine Alfred Raoul, proche de ce dernier, fait fonction de chef de l'État jusqu'à ce que le CNR s'autoproclame « organe suprême de l'État » le 31 décembre 1968. À partir de cette date, Marien Ngouabi, qui s'est entre-temps promu au grade de commandant, est chef de l'État congolais

 

La République populaire du Congo

Le 31 décembre 1968, le capitaine Marien Ngouabi devient président du Congo, celui-ci réaffirmant l'option socialiste du pays. Le Congo connaît sa deuxième république, cette fois une république populaire. L'administration est centralisée à Brazzaville, les principaux postes sont occupés par les cadres du Parti congolais du travail (PCT), qui a tenu son congrès constitutif du 29 au 31 décembre 1969 à Brazzaville. La République du Congo devient « République populaire du Congo », elle adopte le drapeau rouge et un nouvel hymne national, Les Trois Glorieuses, qui fait référence aux trois journées de soulèvement qui avaient entraîné la chute de Fulbert Youlou en août 1963.

Le régime est instable et doit faire face à de nombreuses tentatives de coup d'État : à la tête d'un commando, le lieutenant Kinganga s'empare des bâtiments de la radiodiffusion et télévision congolais le 23 mars 1970, avant d'être abattu ; le 22 février 1972, le lieutenant Ange Diawara tente de prendre le contrôle de Brazzaville, avant de prendre le maquis dans la région du Pool, où il résiste au pouvoir jusqu'au printemps 1973. De nombreuses vagues d'arrestations touchent les personnalités soupçonnées d'être impliquées dans ces tentatives, notamment l'ancien Premier ministre Pascal Lissouba, arrêté à plusieurs reprises, notamment à l'occasion des grèves de 1976 à Brazzaville et de l'assassinat de Marien Ngouabi en 1977.

Au cours de cette période, le Congo reste dépendant de l'extérieur, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires et manufacturés ; son économie repose sur les exportations de matières premières brutes (bois, potasse, pétrole, fer, etc.). Les ressources pétrolières restent modestes, et le pays est loin d'atteindre la prospérité relative du Gabon voisin.

Le 18 mars 1977, le président Marien Ngouabi est assassiné dans sa résidence. Dans les jours qui suivent, le cardinal Émile Biayenda, archevêque de Brazzaville (le 22 mars) et l'ancien président de la République Alphonse Massamba-Débat sont également assassinés. Le 5 avril 1977, le colonel Joachim Yhombi-Opango, devient président de la République, et ce jusqu'en février 1979.

Le 5 février 1979, le colonel Denis Sassou Nguesso, prend le pouvoir ; il qualifie par la suite son coup d'État de « riposte résolue de l'ensemble des forces de gauche de notre pays contre le courant droitier », visant à rompre avec « la politique d'irresponsabilité, de démission nationale, d'obscurantisme et d'aplatissement devant l'impérialisme des éléments de la bourgeoisie bureaucratique ».

Il reste au pouvoir jusqu'en août 1992. D'une manière générale, les successeurs de Ngouabi ne modifient guère la gestion des affaires de l'État, qui reste fondée sur le monopartisme et la centralisation de l'activité politique et administrative (système dit « Obumitri » pour « oligarchie, bureaucratie, militarisme et tribalisme »). Denis Sassou-Nguesso se pose en seul héritier légitime de Marien Ngouabi, la presse gouvernementale (notamment le journal Etumba) le présentant comme le mokitani ya Marien Ngouabi (« digne successeur de Marien Ngouabi » en lingala).

Les tensions s'accentuent à la fin de la première présidence de Sassou-Nguesso, en particulier après l'adoption d'un plan d'ajustement structurel en juin 1985, la dette extérieure du Congo étant devenue impossible à maîtriser. Des émeutes lycéennes se produisent les 9 et 11 novembre 1985. Mais le régime ne commence réellement à perdre le contrôle de la situation qu'au milieu de l'année 1990. La Confédération syndicale congolaise (CSC) présidée par Jean-Michel Bokamba-Yangouma, s'oppose à un projet d'abaissement de l'âge de la retraite des fonctionnaires de 60 à 55 ans, et se détache peu à peu du parti unique. Elle prend son indépendance le 16 septembre 1990. La fin de l'année est marquée par de nombreuses grèves.

 

La Conférence nationale souveraine

La Conférence nationale s'ouvre en février 1991, et se proclame immédiatement souveraine. Elle est présidée par l'évêque d'Owando, Mgr Ernest Kombo. Y siègent des représentants de l'État, de partis politiques et d'associations de la société civile. Le président Sassou-Nguesso se voit retirer la plupart de ses prérogatives, mais n'est pas destitué. La restauration des symboles de la 1ère République, la Congolaise, l'hymne national et le drapeau tricolore proposé par Mbiki De Nanitélamio le président du RPR : est approuvée. Un Conseil supérieur de la République (CSR) remplace l'Assemblée nationale populaire.

Une nouvelle constitution est approuvée par référendum le 15 mars 1992, avec 96,3 % de oui. La République populaire du Congo redevient « République du Congo », la question de distinction avec le Zaïre voisin n’étant plus pertinente non plus. La désignation informelle du pays « Congo-Brazzaville » est cependant réapparue en 1997 lorsque le Zaïre voisin a repris aussi officiellement son ancien nom de « République démocratique du Congo » à la fin du régime de Mobutu, causant des disputes diplomatiques entre les deux pays au sujet de l’appropriation du nom (pourtant légitime historiquement et géographiquement) repris par l’ex-Zaïre (qui a voulu même aussi reprendre le nom Congo sans qualificatif, une requête maintenant abandonnée).

Dans la foulée de l'adoption de la nouvelle constitution se tiennent les différents scrutins : municipal et régional en mai 1992, législatif en juin-juillet. Lors des législatives, l'UPADS (Union panafricaine pour la démocratie sociale) de Pascal Lissouba arrive en tête devant le MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral) de Bernard Kolélas et le PCT. Lors de l'élection présidentielle, en août, Pascal Lissouba et Bernard Kolélas passent le premier tour avec respectivement 35,9 et 20,3 % des voix. Denis Sassou-Nguesso arrive en troisième position avec 16,9 % des voix ; au deuxième tour, il apporte son soutien à Pascal Lissouba, qui est élu avec 61,3 % des suffrages contre 38,7 % à Bernard Kolélas.

 

Les années Lissouba

Lors des pourparlers en vue de la constitution du gouvernement, Lissouba propose à son allié Sassou trois ministères contre sept qu'exigeait le PCT, dont l'Agriculture et les Sports. Contre l'avis de son parti, Sassou accepte et transmet à Lissouba la liste de ses trois poulains, Grégoire Lefouoba, Isidore Mvouba et François Ibovi.

Malgré cette interdiction, Grégoire Lefouoba fait défection et accepte le poste de ministre de l'agriculture. Maurice-Stéphane Bongho Nouarra (UPADS) est Premier ministre. Sassou change alors de camp et s'allie à Bernard Kolélas, l'infortuné du 2e tour de l'élection présidentielle. C'est le début d'un bras de fer entre d'un côté le président Lissouba et de l'autre la nouvelle alliance de l'opposition sous le label URD-PCT et apparentés. Cette nouvelle coalition majoritaire à l'Assemblée vote une motion de censure contre le gouvernement en place qui tombe. Lissouba doit dissoudre l'Assemblée.

Des manifestations ont lieu : trois personnes succombent à des tirs de police (fusillade dite « du Centre culturel français ». Les 2 et 3 décembre, l'Armée sous la direction de son chef d'État major, le général Jean Marie Michel Mokoko tente un coup de force avec la formule de gouvernement 60/40 basée sur la signature d'un protocole d'accord par tous les partis. Le 24 décembre, Claude Antoine Da Costa (UPADS) est nommé premier ministre et forme un nouveau gouvernement majoritaire de l'opposition.

L'opposition URD-PCT conteste le résultat du premier tour des élections législatives de mai-juin 1993 et perturbe le deuxième tour, qui ne peut se tenir dans toutes les circonscriptions. C'est le début d'affrontements armés. Sassou fournit une aide logistique conséquente à Kolelas qui crée une milice de Ninjas (ces miliciens pour la plupart sont issus du Pool, un département du sud ; on parlera de "Ninjas de Kolélas"). Sassou de son côté continue à s'aider de la milice des Cobras du PCT. Lissouba, qui constate que l'armée refuse d'affronter les Ninjas, crée la milice des Cocoyes. Jacques Yhombi-Opango est nommé Premier ministre en juin.

En juillet 1993, les Cocoyes et les Ninjas s'affrontent dans les quartiers sud de Brazzaville (Bacongo, quartier d'origine de plusieurs habitants du Pool). C'est le premier des affrontements civils.

Après plusieurs mois de combats, le 30 janvier 1994, les députés du MCDDI de la région du Pool et les députés UPADS des pays du Niari (Niari, Bouenza Lekoumou) constituent un Comité interrégional de paix et décident d’un cessez-le-feu immédiat. Les uns et les autres s’engagent à désarmer leurs partisans et mettre en place une force d’interposition, pour sortir de la logique de guerre civile à fort caractère ethnique qui les oppose. Cette initiative des élus apaise le climat politique.

Le 31 janvier, le collège arbitral international rend ses conclusions, annulant le vote dans 6 circonscriptions remportées par l’URD-PCT et dans 3 gagnées par la Mouvance Présidentielle. La victoire du camp présidentiel aux élections législatives anticipées est définitivement entérinée. L’opposition s’incline devant l’arbitrage international, dans l’intérêt de la paix et de l’unité nationale, tout en déplorant un « verdict politique et économique ».

 

La difficile gestion de l’État (février 1994 – août 1996)

Dix sept mois après l'entrée en fonction de Lissouba, les estimations du nombre de tués varient entre 1 000 et 3 000 personnes. 13 000 maisons et édifices publics ont été détruits, privant de toit des milliers de gens à Brazzaville et dans les 3 régions de la vallée du Niari. 300 000 personnes ont été déplacées par les combats. Du point de vue politique, le conflit a détruit la cohésion nationale, notamment entre les originaires du Pool et ceux des pays du Niari. Des milliers d’armes de guerre sont aux mains de jeunes incontrôlés. En outre, chacun des 3 principaux partis s’est dotée d’une milice (Cocoyes et Zoulous pour l’UPADS, Ninjas pour le MCDDI et Cobras pour le PCT), qu’ils ne désarment pas en dépit des engagements. L’esprit de corps des Forces armées est sérieusement entamé. L’administration publique et les services sociaux de base (écoles et hôpitaux) sont désorganisés, notamment dans les zones de confrontation.

Après la fin des convulsions politiques, l’action du président s’articulent autour de trois principaux objectifs : prévenir le retour des violences ; isoler Sassou N’Guesso qu’il tient pour son principal rival ; et satisfaire aux exigences des institutions de Bretton Woods afin de bénéficier des facilités qu'elles pourraient accorder.

Lissouba signe un contrat de sécurité d’un montant de 50 millions de dollars (environ 25 milliards de francs CFA) avec la société israélienne Ledvan pour la formation et l’encadrement des troupes de la Sécurité présidentielle. Les installations de l’ancienne station fruitière de Loudima sont converties en centre d’entraînement militaire, où ne sont admis que des éléments originaires des pays du Niari. Le 18 février 1994, le Groupement spécial d’interposition (GSIP), composé de 400 militaires originaires exclusivement du Pool ou des pays du Niari et dirigé par le colonel Bikinkita, qui est secondé par le colonel N’Guembo, se déploie dans les zones qui avaient été touchés par la crise. L’une de ses principales missions est de permettre le retour des 300 000 personnes déplacées du fait des conflits.

Sur le plan économique, l'un des grands défis qui se posent à Lissouba en ce début d'année 1994, est constitué par la dévaluation de 50 % du franc CFA par rapport au franc français, annoncée le 11 janvier 1994 à Dakar, par les quatorze chefs des quatorze États africains appartenant à la zone franc (Bénin, Burkina, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo) sous la pression du FMI et du gouvernement français, que dirige Édouard Balladur. Le taux fixe de change du franc français passe de 50 à 100 FCFA. Cette mesure double les recettes d’exportation, mais également les coûts d’importation pour les pays concernés. Pour le Congo, très dépendant de l’étranger pour ses besoins alimentaires et en produits manufacturés, la dévaluation de la monnaie est pénalisante pour les ménages.2

De son coté, Sassou met à profit cette période pour préparer un coup d'État : de 1995 à 1997, il voyage beaucoup entre sa région d'origine (Oyo, dans la région de la Cuvette), le Gabon et la France. Il rencontre dans le nord de nombreux réfugiés, civils et militaires, d'origine rwandaise (dont les miliciens "Hutu Power"). Ceux-ci, arrivés avec le HCR, ont même créé leurs propres villages dans divers endroits. Sassou en intègre certains au sein de sa milice Cobra, en tant qu'instructeurs. Des réfugiés civils rwandais sont formés aux combats. En parallèle, Sassou continue à recevoir des armes depuis plusieurs pays voisins (Gabon, Angola).

En 1997, Sassou veut entrer dans une ville du nord, Owando, sur une chaise à porteur traditionnelle réservée aux dignitaires locaux. Les villageois s'y opposent. Les Cobras, présents, ouvrent le feu et font plusieurs morts. Sur la route de Brazzaville, Sassou s'arrête à Oyo où il continue à faire massacrer les fuyants d'Owando.

Le 5 juin 1997, des militaires gouvernementaux entourent la résidence de Sassou à Brazzaville, sur mandat d'amener du procureur d'Owando contre deux officiers impliqués dans les violences des semaines précédentes. Sassou déploie alors un impressionnant armement (chars légers, canons) et ses troupes combattent l'armée congolaise.

Le 15 octobre 1997 la guerre civile du Congo voit la victoire de Denis Sassou-Nguesso, aidé par des troupes angolaises. Il abroge la constitution de 1992.3

 

La victoire de Sassou Nguesso et d’Elf-Aquitaine

C’est donc le poulain du dictateur gabonais et en fait, par la même occasion, du pétrolier français Elf- Aquitaine, qui l’a emporté. Après la récente et spectaculaire série de revers de l’impérialisme français en particulier au Rwanda et au Zaïre, cela apparaît alors à certains égards comme un succès pour lui.

Les affrontements au Congo ne se limitent pas à la lutte pour le pouvoir de deux hommes et de leurs clans respectifs. Derrière les bandes armées locales, il y a une sourde lutte entre trusts, soutenus, clairement ou discrètement, par leurs États impérialistes respectifs.

Le Congo fait partie de ces « chasses » que l’impérialisme français essaie de garder sous son contrôle, malgré la vague de décolonisation des années soixante, chasses gardées de plus en plus contestées par les puissances impérialistes rivales, notamment les États-Unis qui exercent depuis plusieurs années des pressions pour affaiblir et, là où l’occasion se présente, éliminer tous les liens, toutes les protections particulières, dont bénéficient les capitalistes français par rapport à leurs rivaux. Et les événements du Congo illustrent le fait que la sourde rivalité peut à l’occasion se transformer en guerre ouverte, par chefs de clans africains interposés, comme l’ont illustré avec une issue différente les événements du Zaïre et du Rwanda même si les chefs de clans africains ont leurs propres raisons de s’affronter, et même si parfois les liens avec telle puissance impérialiste ou tel trust sont discrets.

Ce qui n’est pas le cas pour Nguesso au Congo, dont les liens avec Elf-Aquitaine sont patents.

 

Un interlocuteur privilégié des milieux dirigeants d’Elf-Aquitaine

Au prix de quelque 4 000 morts chiffre officiel, Sassou Nguesso a reconquis un pouvoir dont il s’était emparé en 1979 et qu’il avait conservé jusqu’en 1992. C’est Lissouba, le gagnant en 1992 d’élections jugées démocratiques par l’Occident, qui se trouve évincé par la force des armes, avec le feu vert, sinon l’appui des milieux pétroliers français. S’il y a un succès dans cette affaire, outre celui de Sassou Nguesso, c’est, selon toute apparence, celui d’Elf-Aquitaine.

C’est avec une certaine amertume que Lissouba, en tant que dirigeant en place dans un pays du pré carré français traditionnel, qui plus est arrivé là par un processus électoral, s’est vu lâché par ceux qui auraient dû classiquement être ses protecteurs. Pour sa radio officielle, « la France est un parasite moderne dont le Congo doit se débarrasser », Bongo et Sassou Nguesso ont « cédé aux pressions de la France et d’Elf-Aquitaine ». Lissouba lui-même ne s’était pas fait faute de rechercher les bonnes grâces de ces dernières mais, hélas pour lui, entre Sassou Nguesso et Elf, c’est une vieille histoire. Et Elf a choisi Sassou Nguesso.

Sassou Nguesso fait partie de cette génération de dirigeants africains qui a été formée dans le moule de l’impérialisme français en vue de fournir des instruments au service de la perpétuation de ses intérêts.

Engagé, au lendemain de l’indépendance du Congo en 1960, dans l’armée du nouvel État « indépendant », il est sorti en 1964 lieutenant de l’école d’infanterie française de Saint-Maixent. Par rapport à ses homologues, il eut un itinéraire un tantinet original, bien que ne changeant rien sur le fond.

Après le renversement en 1963 de l’homme imposé par la France à l’indépendance, l’abbé Fulbert Youlou, le Congo ex-français est passé aux mains d’un régime militaire qui, ayant établi des relations avec les pays de l’Est et la Chine, se déclara engagé dans « la grande révolution prolétarienne mondiale » et prit le nom de République populaire du Congo en 1970, avec pour emblème le drapeau rouge. Ce régime eut à sa tête, après Marien Ngouabi, mystérieusement assassiné en 1977, Denis Sassou Nguesso, de 1979 jusqu’en 1992.

Dans ces années soixante-dix, la découverte et l’exploitation du pétrole congolais bouleversaient l’économie du pays. Le pétrole devint le premier produit d’exportation. Les dirigeants congolais cherchaient à négocier une aussi grosse part que possible de ces ressources en redevances, mais inutile de dire que la manne engraissa Elf avant tout... laquelle s’accommoda fort bien du label de bastion du « camp progressiste » décerné à la « République populaire du Congo », avec son « socialiste pur et dur » Denis Sassou Nguesso... Ce fut un protégé personnel de l’ancien patron d’Elf-Aquitaine Albin Chalandon, un interlocuteur privilégié des milieux pétroliers.

En 1992, lorsque Pascal Lissouba remporta les élections, Elf ne cacha pas sa mauvaise humeur devant l’éviction de son poulain. Lissouba se tourna vers la compagnie américaine Oxy, qui paya les arriérés de salaires des fonctionnaires, en échange d’une renégociation d’un contrat pétrolier. Cela n’eut évidemment pas l’air de plaire aux dirigeants d’Elf, qui alimentèrent alors en sous-main une guerre civile à Brazzaville d’où sont sorties les milices « cobras », « zoulous », « ninjas »... , laquelle fit quelque 2 000 morts !

Les trusts pétroliers « s’emploient » de la sorte à travers le monde, ils ne sont pas à quelques milliers de morts près.

Écarté du pouvoir par les élections, Nguesso n’en demeurait pas moins une carte de rechange possible, sans doute pour Paris, mais en tout cas pour Elf-Aquitaine. Il venait encore, récemment, de passer un an en France avant d’entreprendre sa présente reconquête du pouvoir. Ce n’était sûrement pas pour visiter les musées.

L’impérialisme français a beau être un impérialisme de seconde zone, sur la défensive dans ses chasses gardées africaines, une société comme Elf est un trust qui joue dans la cour des grands. Elle a son fief au Gabon d’abord, au Cameroun et au Congo, mais elle est aussi engagée sur l’arène internationale. Au-delà de son bastion, elle s’intéresse notamment depuis longtemps au Nigeria ex-britannique, plus récemment à l’Angola ex-portugaise, par exemple. Elle a de puissants moyens. En faisant des incursions dans les chasses gardées de ses concurrents, elle est bien obligée d’assouplir le jeu de sa domination, contestée sur son propre terrain par des compagnies américaines comme Chevron, Exxon ou Oxy, ou par la Shell anglo-hollandaise. Mais il lui importe toujours on le voit dans cette affaire du Congo d’avoir des États bien en mains sur ses arrières pour contrer la concurrence à domicile.

L’affaire entre Oxy et Elf illustrait, entre bien d’autres, non seulement la volonté d’Elf de conserver un contrôle étroit sur « ses » États africains, congolais en l’occurrence, mais aussi les moyens dont elle dispose. En fait, un peu comme les compagnies pétrolières américaines dans les États du Golfe et d’autres, Elf en Afrique, c’est un État dans l’État avec son service secret, ses réseaux de renseignement, ses « sociétés de sécurité », internes mais non sans liens de fait avec les services officiels de même nature.

C’est ainsi que c’est, par exemple, un ancien chef retraité du service « Action » de la DGSE, le général Patrick de Loustal, ancien légionnaire-parachutiste, qui a été nommé à la tête du service dit de sécurité d’Elf-Aquitaine. Il a remplacé un autre ancien des services secrets de l’État...

Dès l’origine en somme, le premier président d’Elf, Pierre Guillaumat, avait été pendant la guerre l’un des fondateurs des services spéciaux, avant de devenir en 1958 ministre de la Défense de De Gaulle... Et cela fait plus de 30 ans qu’existe le système des vases communicants, privatisation d’Elf ou pas, enquêtes judiciaires en cours ou pas... Sans parler des multiples liens entre Elf, ses dirigeants et les milieux politiques, de financements occultes. Plusieurs scandales ont donné un petit éclairage sur la façon dont des partis politiques bénéficient des miettes des profits gigantesques réalisés par Elf-Aquitaine par le pillage du Gabon ou du Congo.

Pas étonnant par conséquent que les affaires d’Elf soient en partie publiques mais aussi largement faites de « coups tordus » plus ou moins secrets.

Et pas étonnant, par ailleurs, que, dans cette région riche en pétrole « off shore », où les gisements en mer ne respectent évidemment pas les frontières, les intérêts soient imbriqués et rivaux à la fois. Au large du territoire angolais du Cabinda enclavé dans le Congo (qui fournit les deux tiers de la production pétrolière angolaise), des gisements pétroliers en eaux très profondes excitent les convoitises concurrentes d’Elf et de l’américaine Chevron. Dans ces conditions, pour Elf, avoir un « ami » bien en main au pouvoir à Brazzaville est un atout d’importance.

Il est certes difficile de faire la part des volontés du pouvoir français et celle des volontés d’un groupe puissant comme Elf, qui bien souvent est en mesure de jouer son jeu propre et de mettre y compris les gouvernements de Paris devant le fait accompli. Leurs intérêts de toute façon s’interpénètrent, y compris avec ceux des chefs d’État-clients en Afrique.

Elf, en tout cas, a tout l’air d’être parvenu à garder la main au Congo, dans la lutte avec ses concurrents, une lutte feutrée mais permanente. L’affaire montre que, même si l’impérialisme français est globalement contraint de reculer en « ses » terres africaines, reculer ne signifie pas abdiquer.4

 

Le retour de Denis Sassou-Nguesso au pouvoir

Après une période de relatif apaisement, le président Sassou met en place des instances provisoires de gouvernement, notamment le Conseil national de transition (CNT). Le conflit reprend à la fin de l'été 1998. La population des quartiers sud de Brazzaville doit fuir en décembre 1998 ; l'armée y mène ensuite une opération de « nettoyage » qui fait de nombreuses victimes.

Le pouvoir ne reprend le contrôle de la quasi-totalité du territoire qu'à l'automne 1999 ; une partie du Pool reste aux mains de la rébellion. À la fin de l'année, Sassou-Nguesso tente de relancer une politique dite de réconciliation nationale. Il signe des accords avec la République démocratique du Congo et le HCR pour le retour des réfugiés qui avaient fui la guerre civile en se réfugiant à Kinshasa. Au cours de ces retours, plusieurs centaines de disparitions ont été constatées par les familles et les observateurs internationaux. De nombreux réfugiés ont été exécutés par les forces de sécurité congolaises : c'est « l'affaire des disparus du Beach ». Le chiffre de 353 disparus est évoqué.

En 2002 est adopté une nouvelle constitution supprimant le poste de premier ministre, renforçant les pouvoirs du président de la république. Le président est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois. La même année a lieu l'élection du président de la république ; Denis Sassou-Nguesso est reconduit à son poste.

Le septennat de Denis Sassou-Nguesso de 2002 à 2009 est marqué par le retour à la paix civile, même si des troubles subsistent dans l'Ouest du Pool. La flambée des cours du pétrole enrichit considérablement l'État, dont le budget annuel dépasse pour la première fois les 100 000 milliards de francs CFA. De nombreux projets de construction d'infrastructures sont entrepris (port de Pointe-Noire, autoroute Pointe-Noire - Brazzaville...) en coopération avec des États et entreprises étrangers (France, Chine...).5

En 2007, l'âge de la retraite est porté de 55 à 60 ans et le salaire minimum est rehaussé de 35 000 à 40 000 FCFA (environ 7 euros de plus). Cependant, la portée sociale de ces mesures est limitée. En dépit des slogans, le Congo recule en termes d'indice de développement humain. L'appauvrissement des populations, débutée à la fin des années 1980, continue de s'accentuer. 70 % des Congolais vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 1 dollar par jour). Dans le même temps, une petite catégorie de gens, principalement des membres de l'élite au pouvoir, s'enrichit ostensiblement. La corruption dans la fonction publique s'aggrave, profitant notamment aux agents des douanes et des autres régies financières, ainsi qu'aux agents de la police qui en viennent à arrêter des véhicules sans motifs valables, uniquement pour demander de l'argent.

Sur le plan de la politique intérieure, alors qu'une information judiciaire est ouverte en France pour l'affaire des disparus du Beach, la cour criminelle de Brazzaville ouvre en 2005, le procès de plusieurs officiers de haut rang sur les mêmes chefs d'accusation. Au terme des débats, tous les accusés sont acquittés. Sassou-Nguesso fait amnistier ses adversaires politiques en exil, condamnés quelques années auparavant. Les uns après les autres, ceux-ci regagnent le Congo.

En juillet 2008, lors de l'enterrement de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya à Pointe-Noire, des émeutes éclatent et les manifestants s'en prennent ouvertement à Sassou.

 

Élection présidentielle de 2009

En juillet 2009, fort du soutien de Ganao, Kolélas, Yhombi-Opango, etc, Nguesso se présente de nouveau à l'élection présidentielle. En dépit des réclamations de l'opposition, ce sont les listes électorales de 2002 qui sont de nouveau utilisées. Des 13 candidats en présence, il est le seul réellement actif durant la campagne. Le scrutin se tient le 12 juillet dans un climat de grande indifférence de la part des citoyens. Il est élu dès le premier tour avec 78 % de voix. Cependant, le taux de participation officiel (66 %) laisse sceptiques de nombreux observateurs.6

 

 

« En Françafrique, il n’y a pas d’élection »

Les élections au Congo Brazzaville sont passées relativement inaperçues. Pourtant, elles illustrent les agressions de l’impérialisme français, qui, après avoir soutenu les deux camps d’une guerre des plus meurtrières à la fin des années 90, entérine une mascarade électorale qui permet à Sassou Nguesso de continuer à livrer les richesses du pays aux multinationales françaises comme Total ou Bolloré. Le collectif « Afriques en lutte » revient sur ces élections avec Olivier Bidounga, délégué aux relations extérieures de la Fédérations des Congolais de la Diaspora (FCD).

 

Interview de Olivier Bidounga par « Afriques en lutte ».

 

« Afriques en lutte »: dites nous deux mots sur la campagne électorale

Olivier Bidounga : En Françafrique il n’y a pas d’élection, c’est un leurre pour faire croire qu’il y a une démocratie. Mais en fait, la venue au pouvoir de Sassou Nguesso s’est toujours faite par coups d’État entérinés par une pseudo élection a posteriori. C’est la suprématie de la force car on muselle les populations en instillant la peur, créant un électorat captif, ou la résignation par des crimes extrajudiciaires : assassinats en masse, viols, vols et spoliations. Une campagne électorale respecte des règles internationales et nationales. Or, dans ce cas d’espèce au Congo, l’opposition est accompagnatrice reconnaissant son coup d’État et recevant des subsides de Sassou. La campagne avait été biaisée sans débats et projets politiques si ce n’est d’accréditer le coup d’État et négocier sa place à la mangeoire.

 

Sassou Nguesso a été élu avec 78% des voix. Quelles ont été les réactions au Congo ?

Mme Sassou Nguesso appelait les populations qui fuyaient la capitale à rester pour aller voter. Or celles-ci, fortes de leurs expériences passées, n’y sont allées qu’à 5%. Les 78% sont tout simplement faux, constat fait par les ONG de terrain sur place ainsi que les médias.

 

La guerre civile continue à peser au Congo ?

Nous, on n’appelle pas ça des guerres civiles mais plutôt des guerres contre les civils ou guerres orphelines. Elles ont été fabriquées de toutes pièces. Ce ne sont pas des populations opposées à d’autres, ni des ethnies contre d’autres, mais des jeunes organisés en « milices » qui pillent, violent et volent les populations civiles. Les problèmes de la jeunesse ne sont pas résolus. Mais elle est utilisée par les saigneurs de guerre pour instiller la peur dans les populations et les détourner de la problématique de développement et de leur avenir. Le pouvoir se désengage de ses responsabilités mais fabrique un banditisme qu’il saura exploiter pour entretenir un climat de psychose, et un enrichissement des affidés du système.

 

Peux-tu préciser le rôle de la France dans cette période électorale ?

Déjà avant les élections en mars, Sarkozy, lors de son séjour à Brazzaville, avait félicité Sassou Nguesso pour les résultats de son gouvernement. Alors que les systèmes de l’ONU font les constats de la pauvreté avec 70% de la population qui vit avec moins d’1 dollar/jour. Cette maffia-afrique a été représentée par messieurs Toubon, Gaubert et Mancel qui y sont allés à l’appel du pouvoir en place pour légitimer ses pseudo élections, alors que l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) a conclu que cette élection n’était ni juste, ni transparente, ni équitable. Pareil pour Miguel Amado, représentant de l’UE, qui n’avait pas jugé opportun d’y faire venir des observateurs pour cause de non observation des recommandations des scrutins de 2002.

 

Après que Sassou ai prêté serment, quelles sont les perspectives ?

Pour nous, il n’a pas été élu. Sa véritable élection c’est d’avoir pris les armes avec des armées étrangères pour reconquérir le pouvoir congolais. Nous nous organisons en tant que société civile pour dire non à la mascarade électorale et refuser les coups d'État, comme l’a stipulé la Conférence nationale souveraine en 1992 au Congo. Nous n’attendons pas une alternance politique, mais plutôt une transition découlant d’un soulèvement populaire. Seule une transition pourra préparer de véritables élections, remettant à plat les problèmes de ce pays :

- dégager les véritables responsabilités des uns des autres dans les crises, crimes de sang et économiques ;

- lutter contre l’impunité ;

- mettre au cœur de la société congolaise la Justice, élément essentiel pour aller de l’avant.

Sinon, tant qu’on ne saura pas qui a fait quoi et pour qui, il n’y aura pas de démocratie, mais la continuation du banditisme et du clientélisme. Ainsi le pays pourra retrouver sa mémoire et construire un avenir équitable.

 

Y a-t-il des organisations de la société civile ?

Oui il y en a des organisations qui luttent, par exemple « Publiez ce que vous payez » une coalition de plusieurs associations. Il y a aussi l’OCDH, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH), l’Association pour les Droits de l’Homme et l’Univers Carcéral (ADHUC) qui sur place, dénoncent et font des recommandations. Et nous, FCD, au niveau de la diaspora. Sans oublier des individualités noyées dans la population. Ainsi que les confessions religieuses catholiques et protestantes qui font régulièrement des recommandations sans complaisance.7

 

 

Denis Sassou Nguesso et son insatiable cour

Le Président Denis Sassou Nguesso, au Congo Brazzaville, épinglé dans le rapport sur les biens mal acquis, de l’ONG française, Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire, détiendrait, avec sa famille, la moitié de l’économie du pays. Et ses membres se livrent à des dépenses de prestige personnel ou de folie de grandeur qui dépassent toute imagination. Ainsi, à titre d’exemple Mme Antoinette Sassou-Nguesso, sa femme, aurait dépensé un million d’Euros pour fêter son 70ème à Saint-Tropez avec 150 invités, selon le quotidien Nice-Matin :

 

« Le programme des Congolais à Saint-Tropez a été clinquant : logés dans des hôtels cinq étoiles, ils ont multiplié les séances shopping dans les boutiques de luxe, les dîners dans les restaurants les plus prestigieux et les sorties en discothèque. Ce voyage est actuellement au cœur d’une polémique au Congo, un pays où la population est en proie à de graves problèmes de pauvreté. Selon des journalistes congolais opposés au pouvoir en place, le coût de ce fastueux séjour s’élèverait à un million d’euros. »

 

Jacques Henri Desmaret révèle sur le site Lynx.info que parmi les nombreux scandales de la famille du dictateur, il y a ce petit plaisir qu’un des neveux ne se nie pas :

 

« À l’instar de la famille Ben Ali en Tunisie, la famille N’Guesso au Congo a fait main-basse sur les richesses du pays et mène une vie digne de stars hollywoodiennes et de milliardaires jet-setteurs. Et pour cause, Monsieur Edgar Serge Ruffin N’Guesso loue à l’année une luxueuse suite à 11 000 euros la nuit hors frais annexes (tels que les frais de parking pour sa Ferrari et sa Mercedes classe S qui y sont stationnées en permanence), soit plus de 4 015 000 euros annuels. »

 

Les membres de l’oligarchie ne se limitent pas à piller les ressources du Congo. Ils tuent et pratiquent la torture d’une façon régulière. Le blogueur Benjamin Moutsila présente sur le site fcd-diaspora.org quelques extraits d’un rapport sur la pratique de la torture par le régime établi en 2012 par Elphege Bienfort pour l’Observatoire congolais des droits de l’Homme :

« La torture reste une triste réalité au Congo, plusieurs cas sont suivis de meurtre. Nombreux ne sont pas dénoncés pour diverses raisons telles que la peur des représailles et la méconnaissance de la loi. La majorité des sévices sont commis dans les lieux de détention officiels, notamment dans les Maisons d’Arrêt et les locaux disciplinaires à savoir : les commissariats de police, les brigades de gendarmeries, ainsi qu’’en dehors des lieux carcéraux. En général, ils sont perpétrés au moment de l’arrestation, pendant la garde à vue, la détention et lors du transfert des prévenus ou des gardés à vue vers la maison d’arrêt ou dans un autre commissariat. »

 

Pour leurs actions de mobilisation les congolais hors du pays, se sont regroupés au sein de la FCD Fédération des Congolais de la Diaspora. Ils bénéficient du soutien d’ONG françaises Groupe Afrique d’Attac, Oxfam France / Agir Ici, Réseau Foi et Justice, Secours catholique, Sherpa, Survie, Transparence International France etc.

La collaboration avec ces organisations est particulièrement utile dans la surveillance des soubresauts de la Françafrique. Un exemple, ce sont les dénonciations du financement des dictateurs africains des campagnes électorales en France. Il y a eu des visites inattendues des dirigeants de l’UMP, le parti de l’ex-Président Nicolas Sarkozy à Brazzaville, en coïncidence avec sa recherche de financements après ses débâcles électorales. En 2013, la venue chez le vieux dictateur de l’ancienne Garde des sceaux, Mme Rachida Dati, a suscité pas mal de questions sur la blogosphère militante française et congolaise.

Le site francaisdeletranger.org s’interrogeait sur les raisons de cette visite :

 

« N’est-elle pas mandatée par Sarko, lui même, pour aller chercher l’argent pour aider à renflouer les caisses de l’ « UMP » rendu à la dèche par ce dernier ? C’est ce même Sarko qui affirmait à Dakar, ''l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire'' ».

 

« Rachida Dati, celle là même sur le plateau de la journaliste Laurence Ferrari (Canal +) avait déclarée : ''que certains pays africains étaient gérés par des potentats, des dictateurs qui sentent le souffre. Peu fréquentables''. C’est la même qui effectue un séjour auprès d’un de ces potentats. Allez comprendre la logique. »

 

Un an après, c’est M. Sarkozy lui-même qui est allé le 25 juillet 2014 à Brazzaville comme invité d’honneur lors du Forum économique Forbes, organisé par le magazine Forbes Afrique, en présence de Sassou Nguesso. Voici ce que nous apprend un billet publié sur brazza-news.com :

 

« D’après un organisateur, qui s’est confié à Mediapart sous le couvert de l’anonymat, Nicolas Sarkozy a été directement rémunéré par Forbes – certains avancent la somme de 100 000 euros –, dont le président-fondateur, l’homme d’affaires Lucien Ebata, est un proche du président congolais. »

 

Avec l’arrivée des socialistes au pouvoir, la société civile africaine et progressiste française avaient espéré qu’il y aurait eu un changement dans les relations incestueuses franco-africaines. On a vite déchanté ! Pour ce qui est du dictateur de Brazzaville voici ce qu’a écrit FCD Fédération des Congolais de la Diaspora en 2013 pour dénoncer la légitimation du régime congolais par le gouvernement socialiste français :

« François Hollande recevra le 8 avril 2013 le dictateur congolais Denis Sassou Nguesso. Le temps où l’élection de François Hollande devait être une « mauvaise nouvelle pour les dictateurs » est définitivement révolu, de même que les promesses de fin de la Françafrique dont le soutien aux dictatures des anciennes colonies demeure l’essence. Un an après sa réception par Nicolas Sarkozy, cette nouvelle visite du président congolais montre la proximité de ce régime criminel avec les plus hautes autorités françaises, et ce quelle que soit leur appartenance politique. »8

 

 

Sassou Nguesso : fallait pas l'inviter !

Le président congolais a ainsi été reçu par François Hollande. Au programme : une discussion sur la sécurité du continent africain. Tout cela pourrait être normal si Denis Sassou Nguesso ne faisait pas l'objet d'une enquête pour abus de biens sociaux. Eh oui, que sont ces fameux "biens mal acquis" ? Pourquoi Hollande aurait dû s'abstenir ?

 

Dans la famille des dictateurs, celui-là présente plutôt mieux que certains, moins sanguinaire paraît-il, moins de crimes, encore qu'il est difficile d'établir une échelle des dictateurs fréquentables ou non, du plus au moins sanguinaire.

 

Une visite controversée

Toujours est-il que Sassou Nguesso, "président" de la République du Congo a été reçu à l'Élysée le 8 avril 2013 par François Hollande pour discuter de questions de sécurité sur le continent et des relations bilatérales entre nos deux pays.

Denis Sassou Nguesso pour ceux qui l'ignoreraient, c'est cet homme arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'état, au pouvoir de 1979 à 1992 soit, 13 ans, et de retour au pouvoir depuis 1997, soit 16 ans. Faites le compte.

Sassou Nguesso, ce sont les cobras, ces milices privées sanguinaires, coupables d'exactions et de crimes, qui avaient défilé sous les yeux de Nicolas Sarkozy le 14 juillet 2010, sur la plus belle avenue de Paris. Nicolas Sarkozy qui n'avait pas hésité à se rendre au Congo pour soutenir la candidature de Nguesso en 2009 en s'interrogeant (sans rire) :

"Les Congolais ont la fortune à portée de main et pourtant, ils restent pauvres ; pardonnez-moi si cela vous choque, mais comment ne pas être attristé par un tel gâchis ?"

C'est vrai, on se demande bien pourquoi...

 

En toile de fond, le scandale des biens mal acquis

Sassou Nguesso, ce sont les scandales de corruption pour l'ex beau-père de feu Omar Bongo, tous deux chantres de la Françafrique. "France à fric", crimes économiques, abus de biens sociaux... un cocktail déjà explosif.

Une liste longue comme une semaine de famine, énumération scandaleuse d'appartements, de maisons bourgeoises, d'hôtels particuliers dans les plus beaux quartiers Parisiens et de voitures de luxe. Richesses indécentes amassées tout au long d'un régime favorisant un clan, une famille, celle de Sassou Nguesso.

Enfin, Sassou Nguesso c'est le scandale des biens mal acquis pour lequel Transparency International s'est porté partie civile, avec bien des bâtons dans les roues et même quelques représailles.

Autant dire, un homme simple, honnête, travaillant au bien de son peuple, dans une République exemplaire, transparente et totalement irréprochable.

Cette enquête des biens mal acquis vise non seulement Denis Sassou Nguesso, mais également Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale), le défunt Omar Bongo (Gabon) et leur entourage. Une enquête en filigrane de la visite faite à l'Élysée par Denis Sassou Nguesso, et que lui et François Hollande auraient évoquée selon le dirigeant Congolais, pas selon le communiqué de l'Élysée qui n'en pipait mot.

Oh bien sûr, Sassou Nguesso ce n'est ni Kadhafi, ni al-Assad, enfin il paraît.

 

François Hollande, dans la lignée de Nicolas Sarkozy

Les dictateurs, c'est surtout quand ils sont partis qu'on apprend réellement ce qu'ils étaient, mais que n'a t-on entendu sur la tente berbère du dirigeant libyen, ou sur la présence du Syrien sur les Champs-Élysées malgré les promesses de Sarkozy de "ne pas sacrifier l’homme à la mondialisation".

Lors de la visite de ce si décrié dirigeant congolais en février 2012 à l'Élysée, le parti socialiste avait alors vigoureusement critiqué cette réception, il faut croire que les choses n'ont pas changé.

Realpolitik diront certains, qui mérite qu'on sacrifie sur l'autel de nos valeurs républicaines et démocratiques, un peu de notre naïveté et de notre idéal de démocratie.

Il n'empêche, en recevant à son tour Denis Sassou Nguesso, François Hollande envoie un signal une fois de plus brouillé. Il s'inscrit dans l'exacte continuité de son prédécesseur là où il nous avait promis la rupture (ah ce fameux changement). Après avoir fait défiler sa milice sur les Champs, la France reçoit Denis Sassou Nguesso, logique.

 

 

Une attitude de défiance

Recevoir cet homme corrompu, exemple parfait de ce qu'illusion démocratique et accaparement des richesses d'un pays peuvent produire de plus pourri, de plus vil, cela alors même qu'on vante au même moment le "choc de moralisation", c'est quand même extrêmement ironique.

François Hollande avait déjà refusé de se mêler des affaires de justice concernant Sassou Nguesso, à ce sujet il avait d'ailleurs déclaré que c'était l'affaire de la Justice et s'était bien gardé de s'en occuper. Mais cela aussi n'est plus tolérable, on ne peut plus continuer à accepter au nom d'intérêts économiques de laisser des dirigeants corrompus planquer les fruits de leurs pillages dans notre pays tout en détournant le regard.

Contrairement à l'avocat de Transparency International, je suis convaincue qu'accepter une telle visite n'envoie pas de signal d'indépendance de la justice à Denis Sassou Nguesso, mais plutôt celui d'une coupable indulgence de notre République face à ses exactions.

D'ailleurs, qu'a donc fait Denis Sassou Nguesso à la sortie de l'Élysée ? S'empresser de dénigrer cette même justice française en lui déniant "le droit d'enquêter" affirmant même qu'il s'agissait d'une entorse au droit de non ingérence. Merci de bien vouloir le laisser entasser ses richesses volées dans notre pays en fermant les yeux.

Venir jusqu'à l'Élysée serrer la main du président de la République française pour se payer notre tête et celle de notre justice, il fallait oser, il l'a fait et il a bien raison puisqu'on a même déroulé le tapis rouge français sur lequel venir s'essuyer ses pieds.9

 

 

Hollande aux petits soins pour les trusts français

Au Congo, plus d'une centaine d'entreprises françaises sont présentes, mais la plus importante est de loin Total et ses filiales. Elle exploite la moitié des champs pétroliers et réalise 60 % de la production de brut du pays. Total a mis en chantier en mars 2013 un nouveau site au large des côtes congolaises, ce qui, en 2015, devait augmenter encore la part qui lui revient. Ce site, Moho Nord, sera exploité à 53 % par Total, à 31,5 % par la compagnie américaine Chevron, et pour 15 % par la Société nationale des pétroles congolais (SNPC), dont un des administrateurs n'est autre que le fils du président Sassou Nguesso.

Celui-ci est chargé dans cette société de « l'aval pétrolier », c'est-à-dire de la commercialisation. Cela donne une petite idée de la manière dont l'argent passe de la poche des trusts pétroliers à celles de la famille au pouvoir. C'est le pourboire que laissent Total, Chevron et les autres à ceux qui leur permettent de détourner les richesses du pays.

Total est le vaisseau amiral des entreprises françaises, mais toute une flotte navigue dans son sillage. Technip a ainsi décroché un contrat de 500 millions d'euros pour équiper ce champ pétrolier en structures et en conduites sous-marines. Bolloré possède une grande partie du port de Pointe-Noire. Bouygues a réalisé les travaux d'électrification entre Pointe-Noire et Brazzaville.

Pendant ce temps, les trois quarts des Congolais doivent vivre avec moins de un dollar par jour. L'accès à l'eau et à l'électricité est problématique pour une grande partie de la population. Un quart des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition. Tel est le sinistre résultat auquel aboutit le pillage des ressources du Congo, et de bien d'autres pays d'Afrique, par les trusts français qui corrompent les potentats locaux. Hollande en est complice, comme tous ses prédécesseurs à l'Élysée.10

 

 

Mascarade électorale sur fond de pétrole

Le 20 mars 2016, Denis Sassou-Nguesso a été réélu dès le premier tour président de la République du Congo. Ce n’est pas une surprise. S’il avait modifié six mois auparavant la Constitution pour pouvoir briguer un mandat supplémentaire, ce n’était pas pour perdre les élections ! Tout était donc prévu pour qu’il n’y ait même pas besoin d’un second tour.

Le jour de l’élection, les télécommunications ont été totalement coupées afin que les résultats relevés dans chaque bureau de vote par des opposants ne puissent pas être diffusés. Les forces de répression ont été déployées dans tout le pays et la circulation automobile interdite. Certains porte-parole d’autres candidats ont été arrêtés. Ces actes rappellent la répression qui avait eu lieu contre les opposants lors de la modification de la Constitution, en octobre 2015, lorsque plusieurs d’entre eux avaient été assassinés.

Cela fait 37 ans que Sassou-Nguesso règne sur l’ancienne colonie française du Congo-Brazzaville. À ce titre, il a été le protégé de Valéry Giscard d’Estaing, de François Mitterrand, de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Mais surtout il fut l’ami de tous les présidents d’Elf-Aquitaine, puis de Total. Le Congo-Brazzaville dispute en effet au Gabon, autre pays sous la coupe des pétroliers français, le 4e rang pour la production pétrolière en Afrique subsaharienne. Total s’y taille la part du lion, assurant officiellement 60 % de la production. Les groupes américains et l’italien ENI se partagent les restes. Le partage des revenus du pétrole entre pays producteur et trusts pétroliers est un des plus favorables au monde pour les compagnies et, quant au pourcentage qui revient à l’État congolais, il passe directement dans les poches du clan Sassou-Nguesso et suffit à faire sa fortune. La population, elle, vit dans la misère.

Le gouvernement français s’est certes inquiété des irrégularités du scrutin. Comme dans d’autres pays africains, il aurait préféré que le vieux potentat passe la main à un nouveau président, plus apte à assurer dans le calme la continuation du pillage. Le général Mokoko, cet ancien conseiller de Sassou-Nguesso qui n’a rompu avec lui six mois auparavant, à l’annonce de la modification de la Constitution, aurait parfaitement fait l’affaire, comme du reste la plupart des autres candidats. Mais puisque Sassou-Nguesso a choisi de s’accrocher, le gouvernement français saura faire avec, pour le plus grand bien de ses trusts pétroliers.11

 

 

Élection présidentielle de 2021

Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir depuis 36 ans, a été réélu avec plus de 88 % des voix. Ce résultat était joué d’avance, dans un pays où les principaux opposants sont en prison et où personne ne peut s’exprimer librement.12

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_du_Congo
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Sassou-Nguesso
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_R%C3%A9publique_du_Congo
(4) :http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/afrique-la-victoire-de-sassou
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_R%C3%A9publique_du_Congo
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Sassou-Nguesso
(7) Interview de Olivier Bidounga par « Afriques en lutte » http://www.npa2009.org/content/%C2%AB%C2%A0en-fran%C3%A7afrique-il-n%E2%80%99y-pas-d%E2%80%99%C3%A9lection%C2%A0%C2%BB
(8) http://konakryexpress.wordpress.com/2014/08/03/congo-denis-sassou-nguesso-et-son-insatiable-cour-a-bout-de-souffle/
(9) http://www.zenga-mambu.com/fiche.php?id=3693
(10) Daniel Mescla http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2339/dans-le-monde/article/2013/05/29/30026-afrique-hollande-aux-petits-soins-pour-les-trusts-francais.html
(11) Daniel Mescla http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2016/03/30/republique-du-congo-mascarade-electorale-sur-fond-de-petrole_66878.html
(12) Daniel Mescla https://journal.lutte-ouvriere.org/2021/03/24/congo-brazzaville-sassou-nguesso-gardien-des-interets-petroliers-francais_156162.html