Royaumes et empires
Vers la fin du Moyen Âge, différentes populations, alors organisées en chefferie, s'édifient en royaumes (luba, kuba, lunda, kongo, etc.) qui, pour certains, voient leurs apogées correspondre avec les premiers contacts avec les Européens du XVe siècle. Cette période est marquée par différents royaumes marchands, commerçant avec les esclavagistes sur la côte et entre eux à l’intérieur du continent. Certains royaumes s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres et possèdent des réseaux commerciaux par delà leurs frontières. Le commerce se fait par portage ou voie fluviale.
Ces populations ne connaissaient pas la propriété privée, la terre cultivée en groupe ne se vend pas, les différents royaumes n’ont pas de frontières exactes (le territoire d'une petite ethnie comprend à peu près 5 000 km²). Beaucoup ne connaissent pas la monnaie et font du troc, les membres d'une même chefferie s'entraident gratuitement. La science non écrite se transmet d'une génération à l'autre, les enfants devant assumer le même métier que leurs parents. Les rois ou empereurs n’ont pas de véritable pouvoir. Ce sont plutôt les chefs de villages qui ont de l’autorité. Les royaumes sont plutôt le résultat d’unions temporaires de différents regroupements de villages de même langue pour se défendre contre une ethnie voisine.
La traite des noirs s’étend jusqu’à l’intérieur du continent et correspond, avec la traite de l’ivoire, à l’essor économique ou au déclin des différents royaumes. Elle a eu surtout un impact démographique sur l’est du pays et a fait pâtir la tradition orale. Les Européens se limitèrent aux régions côtières jusqu’à la moitié du XIXe siècle. À l’est du pays, aujourd’hui Ituri et Kivu, les Arabo-Swahili pratiquèrent également la traite négrière.1
Un lourd passé colonial
Les malheurs du Congo commencèrent dans les années 1880. Alors que la France, l’Angleterre et l’Allemagne se lançaient dans la colonisation de l’Afrique, le roi Léopold II de Belgique joua sur leurs rivalités pour s’emparer, à titre personnel, d’un gigantesque empire dont la superficie - 2,4 millions de km² - égalait quatre-vingts fois celle de la Belgique. Tout en parant l’opération de buts humanistes, il fit main basse sur les prodigieuses richesses naturelles du Congo. Pour collecter l’ivoire, puis le caoutchouc qui poussait à l’état sauvage dans les forêts tropicales, la population fut réduite en esclavage2. Pour les forcer à récolter le caoutchouc, les soldats et les agents des compagnies avaient toute latitude envers les populations africaines.
En cas de livraison insuffisante, les soldats tuaient les « coupables » avant de leur couper la main qu’ils rapportaient pour prouver qu’ils avaient bien puni les habitants du village rebelle. Les soldats recouraient aussi à l’enfermement d’otages, les femmes et les enfants, pour forcer les hommes à partir récolter le caoutchouc. Joseph Ki-Zerbo livre des témoignages accablants de missionnaires : « Pour éviter la fuite des indigènes, chaque village était confié à la garde d’une escouade de miliciens et le départ des hommes ou le défaut de caoutchouc entraînait des expéditions punitives qui aboutissaient à des assassinats publics des chefs ou de leurs gens par des agents européens de la Société, à des viols ou enlèvements de femmes, à des mutilations de bras, de jambes, des parties génitales, (…), à des scènes de cannibalisme. »
Des campagnes de dénonciations eurent lieu contre les méthodes coloniales au Congo. Par exemple, les écrivains Mark Twain, Arthur Conan Doyle ou encore Anatole France notamment dénoncèrent le scandale du « caoutchouc rouge ».
Il y eut des enquêtes et on est allé jusqu’à dire que Léopold II fit brûler les archives qu’il jugeait trop compromettantes ! En 1908, le Congo, de propriété personnelle du roi, devint colonie belge. Entre 1880 et 1920, le système colonial causa la mort de dix millions de personnes, soit la moitié de la population. En même temps les sociétés installées au Congo belge - et en tout premier lieu la Société Générale de Belgique - encaissèrent en bénéfice vingt fois leur capital de départ.3
La fortune du roi fut assurée en quelques années, et les capitaux belges, mais aussi anglais, français et américains, qui s’étaient engouffrés derrière lui accumulèrent d’énormes profits.
Quant au tracé des frontières des différentes colonies, il ne reflétait que les rapports de forces et les marchandages entre les puissances impérialistes rivales. De ce passé colonial, le Congo, comme tous les pays du continent africain, a hérité un sous-développement économique mais aussi des frontières tranchant au milieu des peuples et entraînant des déplacements massifs de populations. De plus, pour assurer leur domination, les colonisateurs avaient su s’appuyer sur les clivages tribaux et ethniques. Quand ils se retirèrent, ils laissèrent derrière eux bien des tensions, faisant de l’Afrique une véritable poudrière.4
L'accession à l'indépendance (1956-1960)
Vers 1920, Simon Kimbangu prêche une forme originale de christianisme ; les autorités belges jugeant son enseignement subversif le condamne à mort puis à la détention perpétuelle. Cependant, la prise de conscience politique des Congolais se manifeste tardivement. En 1956, sont publiés trois manifestes, Conscience Africaine, la Déclaration de l'épiscopat du Congo Belge et le Contre-Manifeste. Dans le premier texte, les signataires notamment Joseph Malula (futur cardinal de Kinshasa), Joseph Ileo et d'autres élèves des Pères de Scheut, revendiquent "l'émancipation politique complète dans un délai de trente ans". Dans le second texte, l'Église prend ses distances avec l’État colonial en insistant sur le fait que les Congolais "ont le droit de prendre part à la conduite des affaires publiques".
Le Contre Manifeste rédigé par l'ABAKO de Joseph Kasavubu est encore plus radicale en exigeant l'émancipation immédiate.
En 1957, la Belgique accepte l'organisation d'élections locales. Les Congolais votent pour la première fois. L'annulation d'un meeting de l'ABAKO provoque le 4 janvier 1959 des émeutes à Léopoldville que la répression militaire noie dans le sang (quelques centaines de morts, tous Congolais).
Au début de l'année 1960, au cours d'une table ronde réunissant à Bruxelles des indépendantistes congolais et des délégués du Parlement et du gouvernement belges, l'indépendance du Congo est fixée au 30 juin de la même année. La Belgique précipite l'événement car elle craint une rébellion du Congo (les Algériens se battent alors pour leur indépendance) et un isolement international dans un contexte où les grandes puissances (Royaume-Uni et France principalement) se séparent une à une leurs colonies en Afrique Noire. Enfin, la métropole sait qu'elle conservera finalement la mainmise sur son ex-colonie : les grandes entreprises et les officiers de l'armée congolais resteront belges tandis que les futurs dirigeants solliciteront l'aide de conseillers belges.
La Belgique organise des élections législatives pour élire les membres du parlement à qui elle signerait et remettrait les documents signifiant l'indépendance de la république démocratique du Congo. Patrice Lumumba joue un rôle crucial, mettant en avant une vision nationale du Congo et non fédérale comme le voulaient les Belges et des Congolais opportunistes. Le MNC de Lumumba et ses alliés remportent les élections nationales avec 65 % de sièges au Parlement. L'État indépendant sera sous régime parlementaire, le Premier Ministre étant le chef du gouvernement, le président n'ayant qu'un rôle symbolique. À l'occasion de la nomination du président, Lumumba convainc ses amis et alliés d'offrir ce poste à son adversaire Joseph Kasavubu car estime-t-il la victoire contre les colons est d'abord celle de tous les Congolais.
La Première République (1960-1965)
Joseph Kasavubu est président de la République du Congo tandis que Patrice Lumumba occupe les postes de Premier ministre et ministre de la Défense. Très rapidement, les relations avec la Belgique se tendent. Quelques jours après l'indépendance, les soldats de la Force Publique, foyer de la ségrégation raciale, se mutinent suite à la provocation de son commandant en chef, le général belge Emile Janssens. Les mutins pillent les propriétés des Européens, s'en prennent aux officiers et aux civils européens. Le gouvernement belge envoie des troupes pour protéger ses ressortissants. La révolte militaire s'éteint après le limogeage de Janssens par Lumumba et la promotion immédiate de Congolais comme officiers de la Force Publique. L'ami de Lumumba, Joseph Mobutu, est nommé chef d'Etat major avec le grade de colonel.5
Dans le même temps, sous l'instigation de l'Union minière belge, propriétaire des mines du Haut-Katanga, véritable État dans l'État, Moïse Tschombé, l'un des hommes liges de la puissance coloniale belge, proclama la sécession du Katanga, la région la plus riche en mines (70% des devises), et demanda l'aide de la Belgique. Le 8 août 1960 c'était au tour du Kasaï, riche en diamants, de faire sécession. Lumumba fit appel à l'ONU. Mais les casques bleus de l'ONU firent, comme toujours, la politique de l'impérialisme. Au lieu de s'attaquer au Katanga sécessionniste, ils entreprirent de renforcer l'armée congolaise et son chef, Mobutu, et d'éliminer les chefs nationalistes les plus en vue. Ainsi, quand Kasavubu et Lumumba se brouillèrent le 5 septembre, les casques bleus empêchèrent Lumumba de rejoindre les troupes qui lui étaient fidèles.6
Lumumba demande alors l’aide de l’URSS qui répond favorablement en lui envoyant notamment des techniciens, des avions et véhicules militaires. Pour le président des États-Unis, Dwight Eisenhower, il est évident que Lumumba est un communiste. Craignant qu'un bastion communiste se crée au centre de l’Afrique, le président américain donne l'ordre à la CIA d'éliminer Lumumba mais la tentative d’empoisonnement échoue. Voyant que son premier ministre n'arrête pas de se faire des ennemis, le président Kasavubu le démet de ses fonctions. Soutenu par le parlement, Lumumba, à son tour, démet le président de ses fonctions.
Partagée entre les deux hommes, l'ONU vote finalement la confiance à Kasavubu. Celui-ci nomme Joseph Mobutu premier ministre pendant que Lumumba est placé en résidence surveillée à Kinshasa le 10 octobre 1960. Ce dernier s’enfuit et tente de rejoindre ses partisans à Stanleyville mais des soldats de Mobutu le capturent. Kasavubu et son nouveau premier ministre l'envoie par avion à son ennemi, Moise Tshombe, leader du Katanga indépendant. Le 17 juin 1961, il est exécuté par un peloton sous les yeux de ministres katangais et d'officiers belges. La radio préfère annoncer que Lumumba a été victime de villageois.7
L'assassinat de Lumumba indiquait ainsi clairement que les hommes politiques congolais aussi bien que les dirigeants impérialistes feraient tout pour que se poursuive la mise à sac industrielle et minière du pays et de ses richesses par les trusts des grandes puissances.8
Les premiers ministres se succèdent alors jusqu'à ce que Mobutu mène le 24 novembre 1965 un deuxième coup d’État militaire qui, cette fois, renverse le président Kasavubu.
La Seconde République de Mobutu : le Zaïre (1965-1997)
La mise en place de la dictature
Immédiatement après le coup d'État, Mobutu s'autoproclame président. En quelques années, Il vide de son contenu la constitution républicaine et crée une véritable dictature. Il se fait accorder ou s'octroie des pouvoirs exceptionnels : il cumule les fonctions de premier ministre, de chef de l'armée et de législateur. Il nomme les ministres. Le MPR (Mouvement populaire de la Révolution) est le parti-État auquel toute la population doit adhérer. Le régime de Mobutu est fondé sur l’autorité et le nationalisme, qui sont les secrets de sa longévité. D’entrée, Mobutu se présente comme le libérateur des Noirs, en nationalisant les mines (1966) et déboulonnant les statues coloniales dans la capitale Léopoldville rebaptisée Kinshasa la même année. Les Congolais qui viennent de sortir de l’époque coloniale sont alors très sensibles à cette propagande.
La police politique recherche, intimide ou torturent les opposants politiques. Suite à des voyages en Chine et en Corée du Nord, Mobutu met en place le culte de sa personnalité. Son portrait apparaît à la télévision juste avant le journal du soir. Des panneaux dans les rues vantent sa politique ; des chants célèbrent ses vertus.
« Zaïrianisation » et recours à l'authenticité
Dès 1971, Mobutu prend une série de mesures pour se détacher de tout ce qui peut rappeler l'Occident. Le pays est renommé « République du Zaïre ». Les Congolais doivent adopter des noms africains (suppression des prénoms occidentaux, et rajout d'un « postnom ») à l'image de Mobutu qui se fait appeler Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga. La tenue vestimentaire abacost est imposée aux hommes en lieu et place du costume-cravate. Une nouvelle monnaie - le zaïre divisé en 100 makuta (singulier likuta) - remplace le franc congolais. De nombreuses villes sont rebaptisées : Stanleyville devient Kisangani, Elisabethville Lubumbashi.
Lors du sixième anniversaire de l’indépendance, un défilé résume l’histoire du pays, montrant notamment le Belge infligeant la chicotte. En arrière-plan, les relations entre la Belgique et le président sont bonnes : en 1968, en voyage à Bruxelles, Mobutu reçoit le Grand Cordon de l'ordre de Léopold. Le roi Baudouin est à son tour reçu au Zaïre en 1970 et 1985.
Réalisée dans le courant de l'année 1974, la « zaïrianisation » a constitué l'un des événements des plus importants de la politique menée par le régime mobutiste, à savoir la nationalisation progressive des biens commerciaux et des propriétés foncières qui appartenaient à des ressortissants ou groupes financiers étrangers. En réalité, si cette mesure s'inscrivait officiellement dans un effort visant à la réappropriation nationale de l'économie ainsi qu'à la redistribution des richesses acquises pendant la colonisation, elle constitue surtout un échec.
Économie
Après la première guerre du Congo, Mobutu, nouveau chef d’État s’est engagé à regagner la confiance des milieux d’affaires étrangers. En 1966, les puissantes industries minières du Kasaï et du Katanga ont été nationalisées. C'est alors l’âge d’or du Congo, maintenant indépendant : en 1967 1 franc congolais vaut alors 2 dollars américains, les écoles publiques se développent et l’exode rural s’accélère ; les prix du café, du cuivre ou d’autres minerais sont florissants. La réalisation de grands travaux (le barrage hydroélectrique d’Inga sur le Congo), le financement d'un programme spatial donnent l'impression que le Zaïre, à l'image de certains pays asiatiques émergents, est un dragon africain. Cependant l’économie du pays est encore, comme à l’époque coloniale, trop tournée vers l’exportation et donc fragile.
À partir de 1973, le pays est touché par une crise économique aiguë, causée par la baisse des prix du cuivre et à l’augmentation de ceux du pétrole. La corruption se généralise et l'inflation devient galopante tandis que Mobutu privatise de nombreuses entreprises à son nom ou aux noms de ses proches (« Zaïrianisation »). Le pays produit d’importantes quantités de café pour l’exportation mais ne couvre pas ses besoins alimentaires, Mobutu fait importer des céréales et de la viande d’Afrique du Sud et de Rhodésie au lieu de moderniser l’agriculture du pays qui, vu son climat, pourrait facilement subvenir à ses besoins. Dans les années 1980, l'économie congolais tourne au marasme : le PIB croît faiblement alors que la croissance démographique explose.
De manière générale, les nouveaux propriétaires de biens économiques et financiers ne sont pas suffisamment préparés pour assurer une gestion de moyen et de long terme de l'outil de production. Ceux qui n’ont pas fait faillite ont placé d’immenses investissements en Occident. Mobutu détourne les devises d’État de telle façon qu'en 1984, il est un des hommes les plus riches de la planète avec 4 milliards de dollars, l’équivalent de la dette extérieure du pays. La dette s’accroît encore plus avec la construction pharaonique du barrage hydroélectrique d’Inga, chantier légué par la Belgique coloniale et dont le Zaïre n’avait pas besoin. Si le barrage d’Inga a rapporté de l’argent aux entreprises françaises (EDF) ou italiennes, celui-ci, tout comme l'aciérie de Maluku fonctionnent à capacité réduite, faute de maintenance et de personnel compétent.
La dictature, les persécutions et la paupérisation font fuir les cerveaux en Occident (Belgique et France en tête).
Structures politiques
La mise à disposition de fonds commerciaux et de patrimoines économiques a également constitué un relais du clientélisme entretenu par le pouvoir. Le clan entourant le chef de l'État a ainsi pu bénéficier des fruits de la politique de nationalisation, tout comme ceux qui dans les différentes régions du pays, faisaient allégeance au régime en échange d'un commerce ou d'une propriété foncière. De nombreux pays occidentaux ont signé des conventions avec le Zaïre afin de procéder à l'indemnisation des parties spoliées, mais dans la très grande majorité des cas, ces accords n'ont jamais été appliqués. La corruption devient l'une des caractéristiques du régime.
Diplomatie
Bien que le régime mobutiste se soit inscrit dès le départ dans le sillage de la guerre froide, en privilégiant des liens étroits avec l'ancienne puissance coloniale belge, les États-Unis et la France, on peut néanmoins parler de manière générale de schéma politique particulier.
- 24 novembre 1965 : Le coup d'État orchestré à Kinshasa n'aurait pas pu avoir lieu sans appuis occidentaux, qui craignent un basculement du géant africain dans la sphère de l'Union soviétique. Le colonel Mobutu représente à leurs yeux la seule alternative face à la politique prônée jadis par le panafricaniste Lumumba et à l'incapacité du président Kasa-Vubu de stabiliser son gouvernement.
- De 1970 à 1980, le Zaïre constitue une forme de rempart anti-communiste en Afrique, une situation d'autant plus attrayante pour les pays occidentaux que l'endiguement de la sphère soviétique (ex. Congo-Brazzaville), s'accompagne d'un accès au très important sous-sol minier (cuivre, uranium, cobalt, etc.).
Ainsi, en parallèle de la coopération militaire avec des pays comme la Belgique et la France, le Zaïre a également servi de principale base arrière d'approvisionnement en armes de la rébellion du Front national de libération de l'Angola FNLA de Holden Roberto et l’UNITA de Jonas Savimbi, soutenue par les États-Unis et l'Afrique du Sud, contre le régime marxiste angolais. Un élément clé du conflit dans le Sud-Ouest africain transite ainsi par le canal du régime zaïrois et ce, en échange d'un soutien politique externe mais aussi interne.
- 1977 : des rebelles « katangais » venus d’Angola envahissent le Shaba, les troupes de Mobutu sont impuissantes, les rebelles sont repoussés par des troupes marocaines acheminées par l’aviation française.
- mai 1978 : à nouveau, 4 000 rebelles venus d’Angola, « les gendarmes katangais », attaquent la ville minière de Kolwezi, comme on les accuse d’avoir massacré des Européens, la Légion étrangère françaises et des soldats belges interviennent pour mater la rébellion.
Dans ces deux opérations, certains ont pu voir une tentative des marxistes angolais d’affaiblir Mobutu qui soutient l’UNITA et le FNLA. Les rebelles en tout cas en noyant les mines de Kolwezi, font aussi fuir pour de bon les ingénieurs, ce qui affaiblit l’économie zaïroise à long terme. Cette guerre interposée entre Luanda et Kinshasa montre aussi l’importance du Zaïre aux yeux des Occidentaux. Pour autant, en dépit des liens étroits entretenus avec les capitales occidentales, le président Mobutu ne ferme à aucun moment véritablement la porte aux pays situés dans l'orbite soviétique et à la Chine. En réalité, il s'agissait plus d'affinités du régime zaïrois pour les oripeaux des différents systèmes communistes que pour l'idéologie de base. Ainsi, le modèle de la révolution culturelle de Mao inspire le dirigeant zaïrois, qui l'adapte à son pays :
- naissance de l'abacost (« à bas le costume ») surmonté d'un col mao,
- publication du petit livre vert (1968), recueil des citations de Mobutu, équivalent du petit livre rouge de Mao,
- retour à l'« authenticité » des patronymes individuels.
Bien que largement inférieurs à l'aide occidentale, les appuis issus des pays du bloc de l'Est n'en sont pas moins existants à l'instar de la mise à disposition de coopérants dans l'enseignement ou le financement de micro-projets de développement.
La chute de Mobutu
La démocratisation du régime
Avec la fin de la Guerre froide, symbolisée par la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, le régime de Mobutu perd la plupart de ses soutiens occidentaux. L'arrestation puis l'exécution de son ami Nicolae Ceaușescu en Roumanie semble avoir ébranlé le dictateur. Des manifestations, des grèves, des marches de protestation agitent Kinshasa et d'autres centres urbains. Le 24 avril 1990, dans le "Discours de la démocratisation", Mobutu annonce une série de réformes politiques pour son pays : abandon de la présidence du MPR, multipartisme, des élections d'ici deux ans. Un premier ministre est nommé fin avril.
Porté par ce revirement, l'épiscopat zaïrois propose l'organisation d'une Conférence Nationale pour soutenir la transition démocratique. Mobutu accepte. Pendant environ un an et demi (août 1991-décembre 1992), la Conférence, réunie à Kinshasa, discute d'une nouvelle constitution pour remplacer celle de Luluabourg (1964) mais ne débouche sur rien. Une "marche de l'espoir" organisée par les chrétiens de Kinshasa est réprimée dans le sang le 16 février 1992. Contrairement au vœu de la rue, Mobutu ne compte pas abandonner le pouvoir. L'élection d’Étienne Tshisekedi, principal leader de l'opposition, comme premier ministre par les Conférenciers n'apporte pas de changement. Mobutu le démet de son poste le 5 février 1993.
La tentatives de libéralisation du régime ne résolvent pas la crise économique. Dans les années 90, le PIB diminue. Le pays n'arrive plus à assumer le service de la dette. Les services publics s'effondrent, l'inflation galopante ruine le pouvoir d'achat (+ 9769 % en 1994). Le 21 septembre 1991, des soldats, impayés, pillent les magasins de Kinshasa et d'autres villes. Nouvelles scènes de pillage, du 28 au 30 janvier 1993, dans la capitale, beaucoup plus violent : on compte environ un millier de morts dont l'ambassadeur de France.
Arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila
Le génocide au Rwanda redonne une crédibilité internationale au maréchal Mobutu. Il accepte d'accueillir en Ituri les réfugiés rwandais fuyant la zone de l’opération Turquoise. Le Zaïre accueille 1,5 million de personnes. Au Rwanda, les Tutsis ont pris le pouvoir mais s’inquiète de la présence à la frontière zaïroise de ces camps de réfugiés principalement hutus : ils craignent qu’ils ne reprennent les armes et entre au Rwanda. Déjà, ces réfugiés Hutus sont accusés de persécuter les Tutsis du Zaïre. En 1996, le président rwandais Paul Kagame excite les tensions.
Physiquement, Mobutu est malade : il souffre d’un cancer de la prostate. Son premier ministre Kengo Wa Dondo exerce de plus en plus de pouvoir. L’armée du Zaïre est déliquescente. Seule la Division spéciale présidentielle maintient le régime.9
Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, la dictature militaire de Mobutu avait pu compter sur un soutien sans faille et sur l’armement fourni par les États-Unis, la France et la Belgique, en contrepartie de sa complicité dans l’exploitation des richesses du pays. Mais les excès et surtout l’usure du régime commençaient à poser le problème de sa succession. L’occasion de son remplacement se présenta en octobre 1996 avec le soulèvement des Banyamulenge, ethnie apparentée aux Tutsis du Rwanda, dans l’est du pays. Opposant de longue date, Laurent-Désiré Kabila avait profité de la faiblesse du pouvoir central congolais pour se tailler un fief dans le riche Kivu. En se portant à la tête du soulèvement au nom de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), il put disposer de l’appareil militaire qui jusque-là lui avait fait défaut pour asseoir ses ambitions. D’autant que les rebelles bénéficiaient du soutien actif de l’impérialisme américain. Via les armées ougandaise et rwandaise engagées aux côtés de l’AFDL, les États-Unis approvisionnaient les troupes de Kabila en armes et munitions.
En sept mois, L-D. Kabila, qui se gardait alors d’opposer les « patriotes congolais » aux « envahisseurs rwandais » et à « la vermine tutsie », comme il allait le faire une fois le pouvoir conquis, balaya les derniers vestiges du régime de Mobutu. Accompagné de soldats ougandais et rwandais, il fit son entrée dans Kinshasa, la capitale du Congo, en mai 1997.
Les groupes miniers américains, canadiens, britanniques et sud-africains, qui convoitaient les ressources du Congo, n’avaient pas attendu la chute de Mobutu pour faire valoir leurs intérêts. Pour financer leur guerre, les armées de l’AFDL et leurs alliés avaient besoin d’argent. Les trusts profitèrent de la situation pour signer aux meilleures conditions des contrats pour l’exploitation de l’or, du diamant, du cuivre, de l’étain et des minerais précieux comme le cobalt, l’uranium, le niobium, la cassitérite et bien d’autres. Ainsi, une composante du groupe canadien Lundin revendiqua l’exploitation du cuivre et du cobalt de Tenke Funguruma au Katanga. Quant à la société canadienne Barrick Gold, deuxième producteur d’or au monde, après la sud-africaine Anglo-American, elle manifesta son intérêt pour les gisements de Kilo-Moto, passés depuis sous le contrôle du groupe anglo-ghanéen Ashanti Goldfield. Une autre société canadienne, Banro Resources, se porta acquéreur de la Sominki (Société minière du Kivu) aux gisements riches en étain, en or mais aussi en colombo-tantalite (par contraction, le coltan, composant entrant notamment dans la fabrication des téléphones mobiles). Quant à l’American Mineral Fields, elle signa en avril 1997, un mois avant l’entrée des troupes de Kabila dans Kinshasa, trois accords miniers portant sur l’extraction du cuivre et du cobalt à Kolwesi et la construction d’une usine de traitement du zinc à Kiputshi, en échange de quoi elle avança 50 millions de dollars aux rebelles.
Les trusts français, présents depuis longtemps dans la région, lorgnaient également sur le sous-sol congolais, mais la France, après avoir été rejetée du Rwanda pour son engagement aux côtés du régime déchu d’Habyarimana, avait choisi de soutenir Mobutu jusqu’au bout. Dans la course pour s’approprier les richesses du Congo, ce choix mit les trusts français provisoirement hors jeu face à leurs concurrents du clan anglo-américain qui, eux, avaient opté pour L-D. Kabila.10
La République démocratique du Congo (RDC)
Bien que le Zaïre soit rebaptisé République démocratique du Congo, le régime de Kabila s'avère aussi autoritaire que du temps de Mobutu. Le multipartisme est supprimé, une nouvelle constitution met le président à la tête des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaire. Il est aussi le chef du seul parti autorisé (l'AFLD), de l'armée, de l'administration et de la diplomatie et choisit les ministres.
La guerre interafricaine
Le 26 juillet 1998, volte-face de Kabila qui rompt avec ces anciens alliés extérieurs : le Rwanda et l'Ouganda. Les deux pays déclarent la guerre à la RDC puis l'envahissent. C'est le début de la deuxième guerre du Congo, parfois appelée la Grande Guerre africaine, en raison du nombre de pays belligérants et de morts. Ce conflit a engendré de nombreux viols et massacres et entraîné la mort selon des démographes européens de 4 à 4,5 millions de personnes principalement de famine et de maladies selon un rapport de l'International Rescue Committee. Des millions d'autres ont été déplacées de leurs terres ou ont trouvé asile dans les pays voisins
C'est le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde guerre mondiale. Il est pourtant peu couvert par les médias.11
Aujourd’hui encore, il est difficile de savoir qui prit l’initiative de la guerre qui éclata quinze mois après l’entrée en fonctions de L-D. Kabila. Le fait est qu’en décidant de renvoyer chez eux les milliers de soldats rwandais et ougandais qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir et qui restaient sur le sol congolais, Kabila précipita les choses. Fruit de ce retournement d’alliance, une nouvelle rébellion, téléguidée par les dirigeants rwandais et ougandais, éclata dans le Kivu en août 1998.
Appuyés par les armées rwandaise, ougandaise et burundaise, les rebelles du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et du Rassemblement Démocratique du Congo (RDC) gagnèrent rapidement du terrain, annexant les unes après les autres les régions les plus riches du pays. En quelques jours, les combattants atteignirent les portes de Kinshasa. Invoquant les accords de défense des États de l’Afrique australe auxquels le Congo venait d’adhérer, L-D. Kabila en appela à l’aide extérieure contre les envahisseurs étrangers. L’Angola, le Zimbabwe et la Namibie répondirent présents. Leur intervention militaire stoppa l’avancée des rebelles et de leurs alliés étrangers.
Cependant, aucun des camps ne put remporter une bataille décisive. Dès lors, le Congo s’installa dans la guerre et dans une partition de fait. L’Ouest et le Sud étaient tenus par le gouvernement et ses alliés, tandis que le Nord et l’Est, aux mains de la rébellion et de ses parrains, étaient partagés en trois zones contrôlées par le MLC, allié de l’Ouganda, et par deux fractions rivales du RDC, l’une pro-ougandaise, l’autre sous l’influence du Rwanda. Le seul point d’entente de ces mouvements étant le pillage des ressources du pays avec l’aide intéressée de leurs soutiens étrangers.
Le Congo livré à la rapacité des bandes armées
Dans ce conflit, chacun des États protagonistes poursuivait ses propres objectifs. Au Rwanda et au Burundi, les régimes à dominante tutsie, régulièrement menacés par les milices hutues et les ex-FAR repliées au Kivu depuis 1994, pouvaient légitimement invoquer la sécurité de leurs frontières ainsi que la protection des minorités tutsies congolaises. En réalité, les arguments humanitaires et sécuritaires visaient à masquer d’autres appétits. En occupant militairement et durablement un vaste territoire s’étendant au nord, à l’est et au sud du Congo, l’Ouganda, le Rwanda et dans une moindre mesure le Burundi se créaient des voies d’accès à d’importantes ressources (bois précieux, productions agricoles, ivoire, or, diamants) et surtout à des gisements de matières premières stratégiques comme le coltan et la cassitérite. Ainsi au Kivu, les forces rwandaises ne firent pas seulement régner la terreur pour faire la chasse aux milices hutues, elles firent également main basse sur les énormes stocks de coltan de la Sominki (Société minière du Kivu) ; plus d’un mois fut nécessaire pour assurer leur transport vers Kigali, la capitale du Rwanda.
L’Ouganda se trouvait dans la même situation que ses alliés rwandais. Depuis longtemps, le régime de Museveni était aux prises avec une rébellion opérant depuis le nord-est du Congo. Mais la sécurisation de ses frontières ne fut pas la seule motivation de son intervention dans cette région. Pour le gouvernement ougandais, l’accès aux richesses du nord-est congolais constituait également un moyen de relancer à bon compte une économie défaillante et d’alléger sa dette. Tout en assurant l’enrichissement personnel de ses membres, l’état-major ougandais y contribua en exportant de grandes quantités d’or et de diamants et en percevant de lourdes taxes sur les biens pénétrant dans le nord-est du Congo. Devenu tout-puissant dans cette région, le général Kazini créa même une nouvelle province, le Kibali-Ituri, dont le tracé recouvrait assez précisément la carte des gisements aurifères de Kilo-Moto. De même, le groupe Victoria, créé pour la circonstance par des proches de Museveni, devint un intermédiaire privilégié des trusts occidentaux pour le commerce des diamants, du café et de l’or. Pour avoir refusé de partager le lucratif marché du diamant avec les Rwandais, ce groupe fut d’ailleurs à l’origine, en juin 2000, d’affrontements sanglants entre les forces rwandaises et les forces ougandaises pour le contrôle de la ville de Kisangani, plaque tournante pour les diamants de contrebande.
L’Angola, pour sa part, devait faire face à la rébellion de l’Unita, installée dans la zone frontalière avec le Congo. En décidant d’intervenir militairement dans l’ouest du Congo, le régime de Dos Santos ne voulait pas seulement priver les maquis de l’Unita de leurs sources d’approvisionnement, en particulier des diamants qui leur permettaient de se fournir en armement, mais également protéger son enclave pétrolière du Cabinda, fragilisée par les activités du Front de Libération du Cabinda et la présence d’anciens militaires mobutistes.
Quant à l’intervention du Zimbabwe, présentée par Mugabe comme un devoir de solidarité panafricaine, elle avait d’autres ambitions. En effet, l’éclatement du Congo posait le problème de sa succession dans le rôle de gendarme à l’échelle du continent africain et suscitait des rivalités entre quelques États. Dotés d’une armée expérimentée et bien équipée, l’Angola et le Rwanda pouvaient prétendre au titre. L’Afrique du Sud était également sur les rangs. Le Zimbabwe, en concurrence avec cette dernière en politique comme en affaires, ne voulait pas être en reste. Cela n’empêchait pas le régime de Mugabe de poursuivre également des objectifs économiques. L’immense Congo offrait de nouveaux débouchés aux industries zimbabwéennes. De même, les ressources minières du Congo, celles du Katanga notamment, assuraient une complémentarité avec les propres ressources du Zimbabwe. D’ailleurs, en dehors de la défense de Kinshasa, l’intervention militaire du Zimbabwe porta principalement sur les régions minières de Lubumbashi et du Sud-Katanga, empêchant également les rebelles du RDC de s’emparer de Mbuji-Mayi, la capitale du Kasaï Oriental, région riche en diamants.
Outre de nombreux contrats conclus entre le gouvernement de Kabila et des entreprises zimbabwéennes, toutes dirigées par des militaires ou des proches de Mugabe, le Zimbabwe fit passer sous son contrôle la Gécamines, la plus importante société minière d’État congolaise. Mais en mettant la main sur de riches gisements, le Zimbabwe se plaçait en concurrent des intérêts occidentaux et sud-africains dans le secteur minier, et la réaction ne se fit pas attendre. Au lendemain de son intervention, la Banque mondiale bloqua la quasi-totalité des crédits promis pour financer la réforme agraire et le FMI durcit ses conditions à l’égard du Zimbabwe.
Un rapport accablant sur les prédateurs et leurs complices
Le pillage des ressources du Congo était devenu un fait tellement patent qu’en 2000, l’ONU mit sur pied un groupe d’experts chargé d’enquêter sur les filières et les bénéficiaires de ces trafics. Le constat est à ce point explosif que, dans le rapport final de cette commission d’enquête, la partie la plus sensible a été classée « confidentiel » et ne pourra être communiquée qu’aux membres du Conseil de sécurité. Cela n’empêche pas le rapport de contenir quelques informations instructives sur les filières de la contrebande qui finance les seigneurs de guerre opérant au Congo.
En ce qui concerne les « diamants de sang », le document de l’ONU dénonce les multinationales comme le géant sud-africain De Beers qui, tout en prétendant s’interdire de commercialiser des « pierres de conflit », ferment les yeux quant à la provenance de leurs approvisionnements. Deux sociétés belges, Sierra Gem Diamonds et Triple A Diamonds, sont également citées. Ces sociétés, qui ont pignon sur rue à Anvers, centre mondial pour le négoce des diamants bruts, appartiennent à de riches familles libanaises qui se fournissent en rachetant des pierres directement au Congo, sans trop poser de questions quant à leur origine. Des diamantaires israéliens sont également sur la sellette, notamment le neveu du fondateur de la Bourse de Tel-Aviv, un certain Dan Gertier. En 2000, sa société, IDI Diamonds, avait obtenu de L-D. Kabila l’exclusivité de la vente et des exportations de diamants congolais. En compagnie de son associé Chaim Leibowitz, un bailleur de fonds du Parti Républicain aux États-Unis, il détient le monopole de la commercialisation de la production de la Miba (Minière de Bakwanga), société nationale congolaise.
Un précédent rapport dénonçait également la contrebande de minerais rares, relevant que ces trafics ne pouvaient exister sans la complicité de certaines sociétés ou multinationales. Ce rapport estimait notamment qu’entre novembre 1998 et avril 1999, 2 000 à 3 000 tonnes de cassitérite et 1 000 à 1 500 tonnes de coltan furent prélevées dans la région du Kivu par les Rwandais et transportées avec « la complicité passive » de la Sabena, compagnie aérienne belge aujourd’hui disparue, et d’une filiale du groupe français Bolloré, spécialisée dans le transport.
Ces faits n’ont en réalité rien d’étonnant. Les capitalistes savent s’adapter à toutes les situations pour perpétuer leurs pillages. Ils peuvent même trouver leur compte dans les guerres et les conflits qui ensanglantent l’Afrique comme le reste de la planète. Ils savent manipuler les petits roitelets locaux comme les seigneurs de guerre, quand ils n’embauchent pas directement des mercenaires pour faire le sale travail, afin de s’assurer aux meilleures conditions un accès aux matières premières, et qu’en dépit des massacres, leurs affaires continuent à prospérer.
Les accords de paix n’empêchent pas les massacres
Au Congo, la situation politique a pris un nouveau tournant durant l’année 2000. Ne se révélant pas un agent aussi docile que le souhaitait l’impérialisme américain pour succéder à Mobutu, L-D Kabila était devenu la cible à abattre. Le 16 janvier 2001, il fut assassiné par un membre de sa garde rapprochée. Sollicité par les alliés de son défunt père, Joseph Kabila rentra précipitamment au Congo pour lui succéder à la tête du gouvernement.
Par le nombre d’États africains impliqués, cette guerre menaçait l’équilibre de l’Afrique, ce qui n’était pas pour plaire aux grandes puissances. Pressé par les États-Unis et leur relais sud-africain, Joseph Kabila s’engagea dans un « dialogue inter-congolais » qui devait non sans mal aboutir en 2002 aux accords de Sun City, puis de Pretoria, en Afrique du Sud. Aux termes de ces accords, Joseph Kabila acceptait de partager le pouvoir avec les différentes composantes de la rébellion et l’opposition ; il s’engageait en outre à préparer des élections dans un délai de deux ans.
Sur la base de ces accords, les troupes étrangères quittèrent le pays durant l’année 2002, mais la paix ne fut pas rétablie pour autant. Le gouvernement de Joseph Kabila se trouvait toujours confronté aux exactions des bandes armées installées dans l’est du pays et plus ou moins manipulées par les États voisins. De même, et contrairement aux engagements qu’il avait pris en contrepartie du retrait des armées rwandaises, il était bien incapable de désarmer les milices hutues agissant au Kivu. Enfin, il ne pouvait mettre fin aux conflits ethniques ; pas plus d’ailleurs que les milliers de soldats de l’ONU déployés, suite aux accords, dans l’est du Congo avec pour mission de désarmer les miliciens de tous bords.
En fait, dans la province d’Ituri, les affrontements continuent entre milices lendues et milices hemas, manipulées par l’Ouganda et le Rwanda, qui ont déjà fait plus de 50 000 morts entre 1998 et 2003. De même, au Sud-Kivu, ce sont plusieurs milliers de villageois qui ont dû fuir devant les milices hutues, laissant derrière eux des villages incendiés et des villes fantômes.
De plus, bien des régions continuent à échapper à l’autorité du gouvernement car si les dirigeants des mouvements rebelles ont accepté de négocier, ils n’entendent sûrement pas abandonner leurs fiefs et les profits qu’ils en tirent.
L’exemple de Jean-Pierre Bemba, homme d’affaires et dirigeant du MLC, est sur ce point édifiant. Fils du chef de file du patronat de Kinshasa sous Mobutu, il tomba en disgrâce après la prise du pouvoir par L-D. Kabila. Débarqué à Kisangani en 1998, sous la protection des militaires ougandais, il fonda le MLC. Par la force des armes, il s’appropria dans le nord du Congo un territoire plus grand que l’Allemagne, englobant la riche province agricole de l’Équateur. Il mit rapidement son fief en coupe réglée, avec la complicité du général ougandais Kazini. Après avoir vidé les coffres des banques de toutes les villes conquises par ses troupes, il organisa le pillage des ressources agricoles (notamment des stocks de café, dont la province assure 60 % de la production congolaise) et des ressources forestières de la région, ainsi que des gisements d’or et de diamants de la région de Kisangani. Se substituant à l’État, il prélève impôts et taxes pour son propre compte. De même, pour commercialiser leur production, il impose aux paysans des prix bien inférieurs à ceux pratiqués. Enfin, non content de s’enrichir personnellement, Bemba a encouragé ses troupes à en faire autant en se payant sur les populations « libérées », provoquant dans le « Bembaland » un appauvrissement sans précédent.
Cette régression du niveau de vie des populations n’est d’ailleurs pas réservée au « Bembaland ». C’est tout le pays que les exactions des bandes armées, alliées ou rivales du gouvernement, d’origine congolaise ou étrangères, ont rejeté des décennies en arrière. Et il n’y a pas que les balles et les machettes qui tuent : la faim, l’absence de soins, les maladies font également des ravages. Selon un rapport de Médecins Sans Frontières, dans certains districts de l’Est, en 2003, la mortalité infantile décime 60 % des enfants de moins de cinq ans ! De même, alors qu’en 1990 le pays connaissait un taux de scolarisation de 90 %, à la fin de la décennie, 80 % des enfants du Kasaï Oriental (région pourtant riche en diamants) étaient privés de scolarité. Pour illustrer ce drame, dans son ouvrage intitulé Les nouveaux prédateurs, la journaliste belge Colette Braeckman cite notamment le témoignage d’un prêtre auquel ses paroissiens ont demandé de faire des cérémonies la nuit car la plupart n’ont même plus de quoi se vêtir !
À bien des égards, le Congo résume l’évolution de l’ensemble de l’Afrique noire au cours des dernières années.
Les États mis en place par les ex-puissances coloniales étaient destinés à préserver fondamentalement la mainmise de l’ancienne puissance coloniale sur l’économie de ces pays, moyennant un pourboire jeté au personnel autochtone de ces États. Mais, dictatures ou régimes autoritaires, minés par la corruption depuis toujours, plusieurs de ces États sont en train de se décomposer malgré le soutien des ex-métropoles coloniales.
L’impérialisme belge, bien moins puissant que les impérialismes anglais ou français, a échoué dès le départ et la transition de la domination coloniale à l’indépendance s’est faite dans la violence et dans la décomposition étatique avant que, avec l’aide de l’impérialisme français, mais aussi américain, l’unité de l’État, devenu Zaïre, se soit réalisée sous la forme de la dictature de Mobutu.
Mais, en 2003, ce n'était pas seulement au Congo que l'appareil d'État se fissurait, voire se décomposait, c'était aussi le cas au Liberia, en Sierra Leone, au Rwanda, au Burundi. Sans même parler de la Somalie où il n'y a même plus un semblant d'État central.
Si ces guerres internes, aussi stériles qu’interminables, sont une véritable catastrophe pour la population déjà pauvre, si cette dernière doit verser un tribut considérable aux bandes armées rivales, les groupes impérialistes, eux, ont trouvé les moyens de continuer le pillage de ces pays, voire de le porter à une échelle plus grande qu’auparavant.
La décomposition des appareils d’État n’a pas que des inconvénients pour le bon déroulement de ce pillage. À certains égards, au contraire : les trusts n’ont même plus besoin de composer avec le pouvoir central ni de corrompre ses différents échelons ! Il leur suffit d’acheter le chef de la bande armée qui contrôle la région pour la transformer en milice privée qui peut se permettre toutes les exactions qu’elle veut vis-à-vis de la population locale, à condition que la matière première convoitée - diamant, métaux précieux, essences rares, minerais - continue, via des intermédiaires et des sociétés écrans, d’affluer vers les grands trusts qui ont pignon sur rue dans les grandes démocraties occidentales. C’est une forme particulièrement barbare de la domination impérialiste sur la planète, mais elle en est partie intégrante.
La barbarie qui envahit toute une partie de l’Afrique, avec ses aspects les plus abjects au Congo, n’est pas une survivance des guerres tribales d’antan ni des mœurs héritées d’un passé lointain. Cette barbarie-là est celle du capitalisme et de l’économie du profit. Et son cœur, ses centres nerveux ne se trouvent pas au fin fond des forêts d’Ituri, mais dans les conseils d’administration des grands trusts à New York, à Paris ou à Londres.12
La normalisation
En 2003, Kabila démarre une transition démocratique. Une nouvelle constitution est adoptée par referendum en 2005. L'année suivante, les premières élections libres depuis 1966 confirment Kabila à la tête du pays. Il remporte son deuxième mandat en décembre 2011, les observateurs nationaux et internationaux des élections jugeant toutefois les élections comme manquant de crédibilité et de transparence.13
Officiellement, la guerre en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) est terminée. Pourtant, en dehors de la capitale et des régions avoisinantes, le Congo est toujours la proie des chefs de bandes armées qui, par-delà leurs alliances ou leurs rivalités du moment, ont en commun de vivre du pillage des fiefs qu’ils contrôlent avec la complicité des groupes industriels. De plus, certaines régions sont encore confrontées à l’anarchie sanglante des conflits ethniques que les protagonistes ont propagés et exacerbés pour servir leurs intérêts politiques et leurs trafics.
Le fait que les massacres touchent des régions dont le sous-sol regorge de richesses (or, diamant, minerais précieux comme le coltan, pétrole...) n’est évidemment pas un hasard. Depuis sa colonisation à la fin du XIXe siècle, le Congo et ses immenses ressources suscitent toutes les convoitises.14
Un désastre social
La RDC dispose de ressources humaines, agricoles, culturelles et hydro-minières extraordinaires. Mais pour diverses raisons historiques, politiques et de gestion économique, il se trouve être actuellement un pays misérable. Joseph Kabila a mis évidemment en avant ses « réussites » dans sa campagne en 2011 : un taux de croissance économique entre 5 et 10 % depuis 2008, une dette extérieure presque effacée après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE, un taux d’inflation relativement faible (moins de 15% par an depuis 2008) ; son bilan social est désastreux : un taux de chômage record de plus de 90%, un taux de scolarisation de moins de 50% pour les enfants en âge d’étudier avec une forte apparition du phénomène « enfants de rue », une absence totale de système de santé pour la population, une absence criante d’un système efficace de transport public dans toutes les agglomérations etc.
Pendant le premier mandat électif de Kabila, la liberté d’expression a été mise à mal à plusieurs occasions. Particulièrement, dans la présente campagne, des journalistes ont reçu par courriel des menaces de mort après avoir été accusés par le pouvoir de prendre parti pour l’opposition. Quatre journalistes de la radio onusienne Okapi ont été pris à partie par la police et passé à tabac en marge d’une manifestation de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), à Kinshasa. Un cameraman à la Radio télévision du Groupe L’Avenir, a été agressé lors d’un meeting du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), parti au pouvoir, au Stade des Martyrs à Kinshasa : il lui avait été reproché d’avoir filmé des gradins vides !
Dans beaucoup de maltraitance à journalistes, les agresseurs ne se cachent pas d’être membres du PPRD. Un député, étoile montante de la Majorité présidentielle, a violemment menacé et insulté une journaliste qu’il a soupçonnée à tort de lui avoir raccroché au nez. N’oublions pas que, en cinq ans, neuf journalistes ont été tués en RDC. L’ensemble des représentants de la société civile et des organisations internationales s’inquiètent de ce climat ou la liberté de la presse n’est pas respectée.
Kabila n’a pas beaucoup avancé dans la sécurisation des populations. Dans les villes, l’insécurité bat son plein sur fond de misère mais, souvent, aussi par le fait de gang mafieux. Dans les campagnes, des pans de la population sont rackettés dans leurs activités productives (agriculture, pêche, navigation fluviale etc.). Dans le Nord Kivu, des villages entiers se vident de leurs habitants suite à des préavis d’attaque par les rebelles ougandais de l’ADF-NALU. Dans bien d’endroits des coupeurs de routes se livrent à toutes sortes d’exactions.
Enlisement dans l’Est
En fait, des groupes armés sont responsables de terribles atrocités dans l’Est du Congo, notamment de violences généralisées et systématiques. Certains sont assimilés aux FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, une milice formée d’extrémistes hutus qui ont fui le Rwanda après le génocide de 1994, ainsi que de membres hutus de l’ancienne armée rwandaise et d’autres Hutus rwandais déplacés), mais sous ce label opèrent aussi des éléments de l’armée régulière – très mal payés - et des jeunes désœuvrés locaux en quête des moyens de subsistance. Des zones entières au Kivu, et en province Orientale notamment, se trouvent sous la coupe des rebelles étrangers et échappent pratiquement à tout contrôle gouvernemental. En fait, les factions armées continuent de déstabiliser le pays et le conflit qui a déplacé des centaines de milliers de civils n’en finit pas…
Rappelons que, en janvier 2008, 22 groupes armés des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont signé un accord de paix à Goma : celui-ci comprenait un cessez-le-feu immédiat, l’intégration des groupes armés dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et l’arrêt du soutien gouvernemental aux milices militaires. Cet accord faisait suite à un accord de 2007 entre le Rwanda et la RDC, destiné à démobiliser les milices hutues qui terrorisaient la population civile. Mais, actuellement, le nombre de citoyens déplacés dans les deux Kivu reste très inquiétant. Selon le Bureau de la Coordination Humanitaire des Nations Unies (OCHA), plus de 1,7 million de civils avaient été déplacés à la date du 31 mars 2011, suite aux attaques et aux affrontements armés. Le Fonds des Nations Unies pour la population estime que, chaque semaine, 60 femmes sont victimes de violences sexuelles. D’autres incidents au cours desquels les groupes armés congolais et étrangers collectent des taxes illégales, mettent à sac, brûlent des villages et commettent toutes sortes d’atrocités, ne sont même pas comptés. Pourtant, depuis le 1er juillet 2010, la nouvelle Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation de la République démocratique du Congo (la MONUSCO) a deux priorités, qui sont énoncées dans la résolution 1925 du Conseil de sécurité : la « protection des civils » et la « stabilisation et le renforcement de la paix » en RDC.
L’intégration dans l’armée congolaise de groupes rebelles armés comme le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) n’est pas sans poser de problèmes au pouvoir congolais : certains chefs « intégrés » dans les FARDC voire dans le gouvernement sont impliqués pour crimes de guerre par la CPI, d’autres poursuivent sans vergogne leur commerce de minéraux dans l’Est du pays. En dépit des Opérations Amani ya Kweli (« Paix durable ») I et II contre elles, les FDLR poursuivent leurs exactions dans la province du Sud-Kivu. Sur le terrain, les alliances complexes entre les FDLR (dont des franges résiduelles refusent résolument de retourner au Rwanda par crainte de représailles liées au génocide), divers groupes Maï-Maï et les Tutsis au Burundi sont un vrai casse-tête pour la campagne électorale de Kabila dans l’Est de la RDC.
Le désastre social et l‘insécurité accrue devraient sanctionner Joseph Kabila et son régime mais son opposition reste très loin des préoccupations des populations congolaises et n’arrivera visiblement pas à s’unir.15
Pas de troisième mandat pour Kabila
Il est clair que Joseph Kabila souhaite rester au pouvoir en dépit de l’article 220 de la Constitution qui interdit de briguer un troisième mandat en 2016. L’absence d’un démenti formel de sa part l’illustre. La seule solution est donc de tripatouiller la Constitution comme certains dirigeants le font ou tentent de le faire à l’instar de Pierre Nkurunziza au Burundi, de Denis Sassou N'Guesso en république du Congo ou de Paul Kagame au Rwanda, pour ne prendre que des pays d’Afrique Centrale. Mais selon l’histoire et la situation politique des pays, ces tentatives sont plus ou moins aisées.
En RDC, Kabila est dans une posture un peu compliquée et n’a pas la force ni l’assise nécessaires pour réformer la loi fondamentale du pays. Dès lors, comment faire pour continuer à rester au pouvoir sans changer la Constitution ? Le clan de Kabila a trouvé la solution. Elle est simple. Ajouter des étapes incontournables pour retarder l’élection présidentielle prévue en novembre 2016. D’abord rendre obligatoire le recensement de l’ensemble de la population avant l’élection. C’est cette mesure qui a provoqué les manifestations du 21 janvier 2015 qui ont été sauvagement réprimées, provoquant la mort de 42 personnes. Le Conseil Constitutionnel ayant retoqué la manœuvre, l’idée fut alors d’instaurer un ordre dans les différents processus électoraux : d’abord les élections locales et provinciales et ensuite seulement la présidentielle et les législatives. Pour être sûr de retarder le tout, le pouvoir initie une politique de décentralisation et un redécoupage administratif, les deux réformes étant menées sans concertation et en dépit du bon sens. Tout ce qui complexifie le processus électoral est bon à prendre. Profitant de la faible présence des institutions de l’État sur l’ensemble du pays, le retard du processus des élections locales permettra de reporter d’autant la présidentielle dans l’espoir d’une meilleure opportunité pour imposer un changement constitutionnel par la suite.
La désunion de l’opposition semble être le seul atout de Kabila
L’élection de Joseph Kabila lors de son second mandat a été fortement contestée. Elle ne satisfaisait nullement aux critères d’une élection sincère, transparente et démocratique. Kabila par cette farce électorale a réussi à conserver le pouvoir. Mais aujourd’hui et au vu de son bilan, la coalition des partis politiques qui le soutenaient semble s’effriter au fil des jours. Si le départ de sept partis de sa majorité n’inverse pas les rapports de force à l’Assemblée nationale, la charge symbolique est forte. D’autant que Moïse Katumbi, gouverneur de la province du Katanga, un des fiefs de Kabila, vient lui aussi de démissionner de son poste et de la majorité présidentielle. Certes les arrière-pensées électorales ne sont pas absentes, mais l’appel à une union nationale qui regrouperait majorité et opposition contre le troisième mandat de Kabila pourrait être entendu. D’autant que les voix les plus virulentes de l’opposition comme celle de Jean-Claude Muyambo ou de Vital Kamerhe, dirigeant de l’UNC, viennent de la majorité.
La désunion de l’opposition, son absence d’alternative et de politique de rechange semble être le seul atout de Kabila. L'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qui est un des plus anciens partis de l’opposition, déjà actif à l’époque de Mobutu, est entrée en crise. L’inamovible Étienne Tshisekedi, qui est à sa tête depuis des décennies, est désormais incapable de diriger cette organisation vu son état de santé. Les errements de la direction dans laquelle son fils semble jouer un rôle important et les luttes incessantes pour la succession affaiblissent sa crédibilité.
Un espace démocratique qui se rétrécit
Sur la défensive, le gouvernement Kabila semble s’enfermer dans un bunker et dérive de plus en plus vers l’autoritarisme. Les droits humains sont sans cesse bafoués, comme en témoigne la répression qui s’abat sur les jeunes Frédéric Bauma et Yves Makwambala des organisations citoyennes Filimbi et Lucha qui se battent pour la démocratie dans leur pays, à l’image de l’organisation sénégalaise Y en a marre ou du balai-citoyen au Burkina Faso. Ils continuent à croupir en prison sous les accusations grotesques de haute trahison.
L’agence nationale de renseignement (ANR), véritable police politique du pouvoir, traque, emprisonne, torture et assassine les militants de l’opposition. L’exemple de la détention au secret du militant des droits de l’homme, Christopher Ngoy Mutamba, accusé d’être responsable des violences lors des manifestations du 21 janvier à Kinshasa montre la volonté du gouvernement de museler toutes voix discordantes pour assurer sa survie. L’espace démocratique se rétrécit aussi au niveau social et culturel avec la mesure d’interdiction du film l'Homme qui répare les femmes. La colère d'Hippocrate consacré au combat du Dr Mukwege en faveur des femmes victimes des violences sexuelles. Une censure qui s’explique sûrement par les piètres résultats de ce gouvernement concernant la lutte des milices qui sévissent notamment dans l’Est du pays.
L’éradication des milices n’est pas qu’une question militaire
Si la mise hors d’état de nuire du groupe armé M23, soutenu officieusement par les autorités rwandaises, par l’action conjuguée des forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et de la brigade d’intervention de la Monusco est une bonne chose, d’autres milices continuent à sévir. La plus ancienne, les Forces démocratiques de libération du Rwanda, est à l’origine formée par les extrémistes hutu, responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 réfugiés en RDC après l’arrivée du FPR, grâce à l’opération Turquoise menée par l’armée française.
Quant aux FDLR, pourtant coupables de multiples exactions relevant de la Cour Pénale Internationale, elles continuent à bénéficier d’une complicité sur le terrain avec l’armée qui se traduit par la fourniture d’armes, de munitions, de nourriture et d’une grande mansuétude au plus haut niveau de l’État
Les FDLR n’ont pas le monopole des pillages, des viols et de l’enrôlement de force d’enfants soldats. Des groupes comme l’ADF-Nalu d’origine ougandaise ou les différentes milices maï-maï ont les mêmes pratiques. La plupart exploitent les mines de coltan ou d’or en recourant au travail forcé, font le commerce de bois ou de charbon de bois et rackettent les populations sur les axes routiers.
Leur éradication n’est pas qu’une question militaire, elle est aussi politique ce qui implique de rompre tout arrangement avec ces milices quelles qu’elles soient, et de sanctionner les exactions contre les populations civiles y compris quand leurs auteurs sont des soldats ou des officiers des FARDC.
Les mobilisations pour une véritable démocratie, le respect de la Constitution, l’alternance politique et des élections libres et démocratiques s’inscrivent dans une mobilisation plus large au niveau du continent. Les potentats peuvent réprimer, calomnier les activistes qui portent ce combat, ils ne pourront pas arrêter cette lame de fond.16
Économie
La production minière, qui a commencé voilà plus d'un siècle, a joué un rôle important de la gestion économique de la République démocratique du Congo durant l’époque coloniale et après l'indépendance jusqu’à la fin des années 1980. En effet, le sous-sol de la RDC compte parmi les plus riches au monde au regard de la géologie et de la minéralogie. Étant donné cet avantage naturel, la défaillance de l'économie de la RDC est généralement attribuée à la « malédiction des ressources naturelles ».
La RDC possède des gisements contenant une cinquantaine de minerais recensés, mais seulement une douzaine de ces derniers est exploitée : le cuivre, le cobalt, l'argent, l'uranium, le plomb, le zinc, le cadmium, le diamant, l’or, l’étain, le tungstène, le manganèse et quelques métaux rares comme le coltan. La République démocratique du Congo extrait également de son sous-sol des diamants. Les réserves sont très importantes, ainsi le pays possède la deuxième réserve mondiale en cuivre avec 10 % du total recensé sur la planète et surtout les plus importantes réserves de cobalt (plus de 50 %).
La RDC est le 4e producteur mondial de diamants (un quart des réserves mondiales) durant les années 1980 et cette activité constitue encore la majorité des exportations. Les principales exploitations de cuivre et de cobalt (un tiers des réserves mondiales sont régies par une entreprise publique, la Gécamines (ancienne Union minière du Haut Katanga). La production de la Gécamines a continué de baisser au cours des années 2000, en raison de la morosité du marché du cuivre.
Si la RDC possède aussi de l'or en quantité respectable, elle possède surtout les trois quarts des réserves mondiales de coltan, un composant essentiel pour les circuits des téléphones et des ordinateurs portables. La province minière du Katanga reste une des régions du pays les plus dynamiques, notamment grâce aux activités de l'industriel George Forrest. Les exploitants chinois des fonderies de cuivre du Katanga auraient quitté le pays à la baisse des prix du cuivre consécutive à la crise. L'uranium est exploité par Areva. Les espoirs de croissance reposent sur l'industrie extractrice, en particulier l'exploitation minière, mais cette dernière ne tire que partiellement profit de la grande richesse du sous-sol du pays.
La République démocratique du Congo est également un producteur de pétrole (24 000 barils par jour en 2003), les lieux d'extraction se localisant principalement sur la côte (terminal du Port de Banana).
Les mesures de restructuration et de libéralisation du secteur minier prises depuis 2004 sur l’ensemble du territoire national n'ont rien donné, d'autant plus qu'on a assisté à l’expropriation des terres des paysans au profit de nouvelles concessions minières, à la fraude généralisée et aux contrats léonins. Une commission d'experts nationaux à l'initiative du gouvernement, avec l'appui des services internationaux spécialisés a été mise en place afin d'enquêter sur les différents contrats signés avec les multinationales, et aurait conclu que l'État avait été bradé et spolié avec la complicité de plus hautes autorités. Les contrats miniers ont été révisés, Kinshasa souhaitant en particulier augmenter la participation de l'État au capital de Tenke Fungurume, une firme américaine présente au Katanga.17
Pauvreté et inégalités
La République démocratique du Congo est l’un des pays les plus pauvres du monde, avec 87,7% de sa population en dessous du seuil de pauvreté et des inégalités très marquées malgré ses multiples et diverses richesses. Cette situation s'explique surtout par les différents conflits aux effets dévastateurs qu'a connus le pays. Il reste dépendant de l'aide internationale. L'indice de développement humain de la RDC est extrêmement bas, et il a été classé au dernier rang, 186e, comme le Niger en 2013, par le Programme des Nations Unies pour le Développement.
Les violations des droits humains, – résultat des conflits armés – en particulier des enfants et des femmes, ont eu des répercussions très profondes au sein des populations. En 2002, 80 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté fixé à 2 dollars par jour, en 2013, c'est 87,7% de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté fixé à 1 25 dollars par jour. Près de 44 % des femmes et environ 22 % des hommes n’ont aucun revenu.
Les disparités régionales sont très fortes. Les populations de l’est du pays vivaient en moyenne avec 32 dollars par an et par habitant alors que celles du sud disposaient de 138 dollars et celles de la province de Kinshasa, de 323 dollars, dix fois plus qu’à l’est. La pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50 % des femmes et des enfants. Au total, 16 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. De nombreux groupes vulnérables se sont formés (réfugiés, orphelins, enfants déscolarisés ou enfants soldats) qui manquent de soins et de nourriture.
Santé
De manière générale, les indicateurs sociaux ont des niveaux préoccupants : le taux de mortalité infantile est passé de 12,4 % en 1990 à 11,2 % en 2011, le taux de mortalité maternelle de 800 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1990 à 2 000 décès pour 100 000 naissances actuellement, l’espérance de vie est passée de 45,7 ans en 2000 à 48,7 ans 2013 contre une moyenne africaine de 55 ans, l’accès aux services de santé de base est inférieur à 26 pour cent, près des 3/4 de la population vit en dessous du seuil de pauvreté multidimensionnel. Le paludisme fait des ravages en RDC.
De plus, des maladies autrefois éradiquées comme la trypanosomiase, la lèpre et la peste ont resurgi, et la pandémie du VIH/sida touche 3% de la population entre 15 et 49 ans. Le chiffre pourrait s’élever à 20-22% dans les provinces orientales où il y a encore quelques troubles. Selon les dernières estimations, environ 750 000 enfants ont perdu au moins un de leurs parents en raison de la maladie. Cette situation perdure depuis déjà des décennies.
Viols
Les guerres répétitives et incessantes, usant du viol comme arme de découragement des camps adverses, a causé d'énormes dégâts sur la population civile. Pratiqués par tous les groupes armés, hutus, maï-maïs, rwandais, congolais et M23, depuis des dizaines d'années et sur toutes les tranches d'âge (des bébés de 18 mois ont été décomptés parmi les victimes), ce phénomène cause d'importants problèmes sanitaires, et a touché au moins 500 000 victimes depuis 1996. Ces chiffres sont toutefois difficiles à vérifier et le nombre pourrait être bien supérieur.
En avril 2010, Margot Wallström, l'envoyée spéciale de l’ONU pour les violences faites aux femmes et aux enfants dans les conflits, qualifie le pays de « capitale mondiale du viol ». En 2011, selon une étude réalisée par trois chercheurs, quatre femmes seraient violées toutes les cinq minutes, soit presque une femme par minute.18
Les médias français esquivent le sujet
Pour de nombreux Français, l’événement du jeudi 21 novembre 2013, ce sont les retrouvailles de l’ancien Président Jacques Chirac avec François Hollande au Quai Branly. Les deux hommes ont été chaleureusement applaudis et les images font le tour des rédactions. L’actualité s’arrête là et il faut passer à autre chose. Mais pourquoi les deux hommes se sont-ils retrouvés là ?
En réalité, ce n’est pas le hasard qui explique le silence sur la question. La question n’est pas posée parce que la réponse ouvre la porte à un monde plutôt sordide, un monde sur lequel les « grands médias » auraient, manifestement, instruction de parler le moins possible.
Ce monde atroce se résume par l’activité d’un homme : le Docteur Denis Mukwege, le célèbre gynécologue congolais qui « répare » les organes génitaux des femmes victimes de viols de masse. C’est une véritable catastrophe qui détruit la nation congolaise à petit feu et sur laquelle la loi du silence est entretenue des plus reculés villages de l’Est du Congo aux luxueuses salles de rédaction des grands médias. Le Docteur Mukwege a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat et s’est même réfugié un temps, en Belgique, avant de retourner auprès de ses patientes. Ces femmes congolaises, oubliées des médias, s’étaient cotisées pour payer son billet de retour à Bukavu. Un an auparavant, un livre intitulé « L’homme qui répare les femmes » lui a été consacré par la journaliste belge Colette Braeckman.
C’est pour lui remettre le Prix 2013 de la Fondation Chirac que les Présidents Chirac et Hollande se sont retrouvés côte-à-côte au Quai Branly.
Mais pourquoi la presse a-t-elle « esquivé » ce sujet, pourtant central, pour s’étendre toute la journée sur l’« anecdotique » rencontre entre deux corréziens ? C’est qu’il s’agit d’un sujet « difficile » pour de nombreux journalistes occidentaux.
Cachez ce génocide que je ne saurais voir
Les victimes de viols dont s’occupe le Docteur Denis Mukwege dans son hôpital de Panzi, à Bukavu (Est du Congo) ne sont pas là par hasard. Depuis 1999, le chirurgien et son équipe ont opéré plus de 40 000 femmes et petites filles victimes de viols utilisés comme arme de guerre. Plus de 500 mille femmes ont été violées dans l’Est du Congo où, par ailleurs, le HCR estime à près de 3 millions le nombre des Congolais chassées de leurs terres.
Mais qui commet ces atrocités sur les populations congolaises et pourquoi ? La réponse se trouve dans les récits des victimes. Presque toutes racontent que leurs violeurs parlent kinyarwanda, la langue du Rwanda voisin. On les a longtemps présentés comme étant exclusivement des FDLR (les rebelles rwandais opérant dans l’Est du Congo) avant de reconnaître la responsabilité de soldats rwandais opérant, soit sous couvert d’une « rébellion congolaise », comme le M23, soit en tant que « soldats congolais » issus des groupes armés liés au régime rwandais de Paul Kagamé.
En réalité, il s’agit de personnes exécutant une même mission : celle consistant à éliminer le plus de Congolais autochtones possibles. Les viols systématiques servent à détruire pour de bon des familles entières et à vider des villages pour dégager des espaces, notamment dans les zones minières. Ces espaces sont réoccupés par des populations en provenance du Rwanda et de l’Ouganda, dans le cadre d’un plan visant à annexer, à terme, les régions de l’Est du Congo au Rwanda et à l’Ouganda.
C’est un vieux secret de polichinelle et de nombreux dirigeants occidentaux soutenant le régime rwandais de Paul Kagamé l’ont déjà approuvé, du moins sur le principe, peut-être pas sur les méthodes utilisées par les autorités rwandaises. Ainsi, en janvier 2009, le Président Sarkozy a affirmé, au cours du vœu au corps diplomatique, que « le Congo doit partager son espace et ses richesses avec le Rwanda ». Et il n’est pas le seul. L’ancien secrétaire d’État américain aux affaires africaines, Herman Cohen, a affirmé, d’un air enthousiaste, qu’au Département d’État américain « le Kivu fait partie du Rwanda. »
Les exécutants de cette campagne d’extermination des populations utilisent plusieurs stratagèmes. Les FDLR sont souvent manipulés pour commettre des atrocités sur les populations congolaises et fournir au régime de Kigali des prétextes pour envahir l’Est du Congo et y déverser ses agents présentés comme des « rebelles congolais » en lutte contre les FDLR. En réalité, ces « rebelles » envoyés par Kigali et les FDLR se livrent à la même activité consistant à terroriser les populations congolaises en recourant notamment aux viols systématiques.
Il arrive que les autorités congolaises, dos au mur, signent des accords de paix et intègrent ces combattants rwandais dans les rangs de l’armée nationale. Ils se mettent alors à violer sous l’uniforme de l’armée congolaise. Ainsi dans l’Est du Congo, officiellement, tous les groupes armés et les soldats gouvernementaux commettent des viols.
Un gros mensonge puisqu’il s’agit d’un même groupe d’individus, les combattants rwandais (hutus et tutsis confondus) qui se livrent à une même activité en changeant tout simplement d’étiquette (FDLR, « soldats congolais », M23, APR, faux Mai-Mai) dans le cadre d’une même mission.
Pourquoi les médias évitent-ils d’aborder le sujet ?
La guerre du Congo n’est pas seulement une guerre d’extension territoriale pour les Président Kagamé (Rwanda) et Museveni (Ouganda). C’est aussi, et surtout, une guerre des multinationales qui se bousculent à Kampala et Kigali devenus les comptoirs des minerais de sang pillés dans les riches gisements de l’Est du Congo.
Les dirigeants de ces multinationales entretiennent des liens étroits avec nos « respectables » dirigeants politiques occidentaux dont nombreux sont tout à fait au courant des massacres infligés aux populations congolaises mais font semblant d’ignorer. Ces multinationales sont parfois propriétaires des groupes de presse et contrôlent une grande partie de l’information livrée aux auditeurs et téléspectateurs occidentaux.
Ce n’est pas par hasard que la mort de six millions de Congolais, la moitié étant des enfants ; le viol de 500 mille femmes et le déplacement forcé de 3 millions de personnes passent inaperçus dans les médias occidentaux. Il ne s’agit pas d’informations qui n’intéressent pas le public. Il s’agit d’une information qu’il faut à tout prix dissimuler parce que la vérité derrière ce massacre et ses commanditaires pourrait soulever une vague d’indignation à travers le monde. Bien de nos dirigeants sont mouillés jusqu’au cou dans la plus grande campagne d’extermination des populations depuis la seconde guerre mondiale.
Une anecdote résume à peu près cette vaste omerta politico-médiatique. Dans le cadre du débat sur la « responsabilité de protéger », une doctrine au nom de laquelle les États-Unis envisageaient de bombarder la Syrie, après avoir justifié leur intervention en Libye, le cas des populations de l’Est du Congo a été évoqué. L’ancienne Ambassadrice américaine à l’ONU, puis Conseillère à la sécurité nationale, Susan Rice, a défini la situation du Congo comme étant « compliquée ». Elle a préconisé que, sur le cas du Congo, Washington devait « détourner le regard ». Parce que c’est compliqué. Trop d’intérêts sont en jeux.
Et si c’est si compliqué pour un haut responsable de la première puissance du monde, c’est forcément plus compliqué pour de "modestes" journalistes français. Alors, on parlera de Jacques Chirac, de François Hollande et de leurs retrouvailles.
Deux anciens élus de la Corrèze se sont rencontrés à Paris. Vous vous rendez compte ? C’est un grand événement en France et les salles de rédactions se bousculent.
Le Docteur Denis Mukwege et ses 500 000 femmes violées au Congo ? Connaît pas…
C’est quoi déjà le « congo » ? 19
Un génocide passé sous silence
Vous n’y avez certainement pas échappé, la communauté internationale se mobilise actuellement pour résoudre la crise syrienne. En France, il fut également question du Mali. Présence française obligatoire depuis l’intervention militaire en Janvier 2013, François Hollande était à Bamako pour l’investiture du nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta. Le président Français s’est essayé à un long discours félicitant la victoire de son homologue et de la France. Puis, il a énoncé cette phrase :
« c’est quand le droit est bafoué, quand des femmes et des enfants sont massacrés, c’est à ce moment-là que la communauté internationale doit se lever et assurer la solidarité pour le droit et pour la reconnaissance des peuples, voilà la leçon du Mali et le message de Bamako ».
Le président français a pris le temps de justifier à nouveau les raisons de l’intervention militaire française. Si le but était tout à la fois de sensibiliser l’opinion publique et d’adresser un message aux opposants russes, iraniens dans le cadre du dossier syrien ; il paraît regrettable que notre cher chef d’État n’est pas profité de l’aubaine pour faire une simple allusion sur ce qui se déroule en ce moment en République Démocratique du Congo.
Diamant et Coltan, le prix du silence
Depuis 1996, la communauté internationale garde sous silence son inefficacité à régler la crise que traverse la République Démocratique du Congo (RDC). En 15 ans, ce conflit a fait plus de 6 millions de morts, principalement des femmes et enfants comme le montre ce rapport de l’ONU datant d’octobre 2003. Dans l’indifférence quasi-totale, le génocide au Congo s’avère le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les populations des mines sont la proie de rebelles du Rwanda (Armée patriotique rwandaise), de l’Ouganda et du Burundi qui veulent leur départ de cette zone stratégique pour enrichir des dictateurs et des entreprises étrangères.
Les outrages, les assassinats, les épidémies sont devenus le quotidien des ces populations.
Les zones minières sont particulièrement convoitées par les multinationales étrangères, on les localise au nord et au sud-est du pays (la région du Kivu) dans une vaste cuvette sédimentaire. La République Démocratique du Congo dispose de nombreuses ressources minières comme l’or, l’étain, les diamants, le gaz, le pétrole, l’uranium et surtout le Coltan (la R.D.C détient entre 60 et 80 % des réserves mondiales). Le Coltan est un minerai qu’on utilise pour la fabrication de composants électroniques qu’on retrouve dans nos télévisions, ordinateurs, téléphones portables mais aussi missiles et armes. Depuis 1990 et l’explosion des marchés liée aux nouvelles technologies, les minerais de la R.D.C sont devenus un enjeu pour la plupart des pays du globe. En 2008, un Consortium d’entreprises chinoises ont signé un accord avec le gouvernement congolais pour développer des projets dans les mines du Kivu.
Rwanda, Burundi, Ouganda condamnés pour crime contre l’Humanité
Le rapport des experts présenté à l’ONU en 2001 dénonçait les accords entre les grands groupes multinationaux, les armées ougandaises et rwandaises et du Burundi dans l’extraction illégale des minerais dans la région du Kivu et les dérives qui en découlent. L’ONU a condamné ces pays pour crime contre l’humanité et génocide. Pourtant, les États-Unis ont continué de financer à hauteur d’un milliard de dollars le Rwanda. Le sénateur (peu connu à l’époque) à l’origine de cette loi n’est autre que Barack Obama.
Chaque année, les exportations de minerais de la R.D.C s’élèvent à plus de trois cents milliards de dollars. Ces dernières ont pour principales destinations les États-Unis, la Chine et l’Europe. Le bois est aussi devenu un enjeu et les déforestations abusives se multiplient dans le pays au profit, une nouvelle fois, de grandes entreprises internationales. Pour mémoire, la R.D.C détient la deuxième plus grande forêt tropicale au monde.
Pour conclure, je vous remémore la phrase du président François Hollande à Bamako :
« c’est quand le droit est bafoué, quand des femmes et des enfants sont massacrés, c’est à ce moment-là que la communauté internationale doit se lever et assurer la solidarité pour le droit et pour la reconnaissance des peuples, voilà la leçon du Mali et le message de Bamako ».
Bamako, se situe à seulement 5000 km de Kinshasa : la capitale de la République Démocratique du Congo soit, un peu plus que la distance qui sépare Paris de Damas (4200 km). Le sort des populations du Congo n’a t-il aucune valeur face aux intérêts économiques mondiaux ? L’avenir nous le dira.20
Kabila s’accroche au pouvoir
Le 19 décembre 2016 aurait dû être le dernier jour de Joseph Kabila à la présidence de la République démocratique du Congo, mais depuis longtemps on savait qu’il n’en serait rien. Bafouant la Constitution qu’il avait lui-même édictée, Kabila a décidé de rester au pouvoir et a envoyé son armée réprimer ceux qui s’y opposaient.
Depuis plusieurs jours, les forces de répression quadrillaient les rues de la capitale, Kinshasa, et des grandes villes. Quelques heures avant la fin de son mandat, Kabila a annoncé la formation d’un nouveau gouvernement, avec comme Premier ministre un transfuge de l’opposition. Cette proclamation confirmait qu’il allait rester au pouvoir au moins jusqu’en 2018, et peut-être bien au-delà. Des jeunes sont aussitôt descendus dans les rues de Kinshasa, érigeant des barricades et affrontant l’armée à coups de pierres. À Lubumbashi, deuxième ville du pays et capitale de la province minière du Katanga, les forces de répression ont ouvert le feu sur les manifestants venant des quartiers pauvres. La répression a fait au moins quarante morts et de nombreux blessés à travers tout le pays.
En septembre déjà, une cinquantaine de manifestants avaient été tués par l’armée et la police alors qu’ils manifestaient pour exiger le départ de Kabila. Les sièges de plusieurs partis d’opposition avaient été incendiés.
Cette crise politique préoccupe les grandes puissances car, depuis toujours, le pays est un eldorado pour leurs trusts. Son sous-sol regorge de minerais que les grandes compagnies exploitent au prix de quelques miettes laissées au clan de Kabila. Joseph Kabila, sa femme, ses deux enfants et huit de ses frères et sœurs contrôlent plus de 120 permis d’extraction d’or, de diamants, de cuivre ou de cobalt. Ils possèdent par ailleurs des participations, souvent majoritaires, dans 70 entreprises de la banque, de l’agriculture, des carburants, de la construction ou de l’hôtellerie. L’immense fortune ainsi accumulée n’est pourtant qu’une goutte d’eau par rapport aux profits que font les trusts mondiaux en récupérant pour un prix dérisoire les matériaux issus de minerais parmi les plus purs du monde, et utilisés à une étape de la production ou à une autre dans presque tous les secteurs.
La population congolaise, elle, n’a jamais profité de ce pactole enfoui sous ses pieds, mais elle a payé au prix fort les conflits qui ont vu s’affronter les États de la région pour son contrôle entre 1996 et 2003, comme elle avait payé sous Mobutu, lui aussi soutenu par les grandes puissances et en particulier la France. Aujourd’hui encore, des bandes armées, séquelles de ces guerres, sillonnent le pays. Le 25 décembre 2016, la région du Nord-Kivu a ainsi été ensanglantée par une série d’attaques de ces milices, et une soixantaine de villageois y ont perdu la vie.
Les grandes puissances voudraient que ce pillage puisse continuer sans heurt, et l’obstination de Kabila les dérange. Elles l’ont longtemps soutenu, malgré la dictature qu’il faisait régner sur la population. Les détournements de fonds dont il se rendait coupable ne gênaient pas leurs dirigeants mais, depuis plusieurs années, ceux-ci préparent la relève pour ravaler la façade avant que l’impopularité croissante de Kabila ne débouche sur une explosion. Des opposants comme Étienne Tshisekedi, qui à 84 ans fait figure d’opposant de toujours à Kabila, mais qui fut ministre de Mobutu, ou Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, sont sur les rangs pour continuer la même politique, tout en ne concentrant pas sur eux la même hostilité que Kabila.
C’est ce scénario que tentent de favoriser les grandes puissances, notamment les USA. Elles soutiennent les négociations menées sous l’égide des évêques congolais pour obtenir désormais que Kabila organise des élections avant la fin 2017. Mais les jeunes, les travailleurs congolais qui manifestent au risque de leur vie, veulent bien plus qu’un ravalement de façade : en finir avec la misère et l’oppression.21
Changer le président pour que rien ne change
Le 30 décembre 2018, la mascarade de l’élection présidentielle a pris fin avec la proclamation de Félix Tshisekedi comme nouveau président. Dans les élections législatives qui avaient lieu en même temps, le parti de Joseph Kabila, a obtenu la majorité.
Ce résultat n’a rien à voir avec la réalité sortie des urnes telle que l’annonçaient les observateurs, accordant la victoire à un autre opposant, Martin Fayulu, avec près de 60 %. Il s’agit clairement d’un arrangement entre Kabila et Tshisekedi pour se partager le pouvoir. Ses 350 députés assurent à Kabila la possibilité de choisir le Premier ministre et de mettre qui il veut à la tête des ministères. Autant dire qu’il gardera la main sur l’appareil répressif, police et armée, ainsi que sur les ministères contrôlant les mines et les accords avec les entreprises étrangères. La part du gâteau reçue en échange par le clan de Tshisekedi ne tardera pas à apparaître au grand jour. Par ce tour de passe-passe, Kabila, qui avait repoussé de deux ans les élections en réprimant sauvagement les manifestations réclamant son départ, réussit à garder le pouvoir réel, à préserver l’immense fortune de son clan et à s’assurer l’impunité pour ses crimes. Il pourra même se représenter aux prochaines présidentielles.
Kabila suscite la haine de la population pauvre et des travailleurs, qui ont à maintes reprises bravé la répression pour le voir partir. Lui-même et son clan ont détourné pendant dix-huit ans la plus grande partie des ressources de l’État congolais, laissant les habitants végéter dans la misère. Mais, dans ces élections truquées, les travailleurs n’avaient vraiment rien à attendre de ses principaux adversaires. Félix Tshisekedi a pour principal titre de gloire d’être le fils de son père Étienne, présenté comme un opposant de toujours à Mobutu puis à Kabila, à ceci près qu’il fut ministre de l’Intérieur de Mobutu et trempa dans l’assassinat du leader nationaliste Patrice Lumumba, avant d’être écarté par le dictateur. Martin Fayulu, lui, a fait sa carrière dans les hautes sphères du groupe pétrolier Exxon Mobil Afrique. À ce titre, il a participé au pillage des ressources de la RDC et des pays dans lesquels il est passé. Ses alliés n’avaient rien de reluisant non plus. Il s’agissait de l’ancien richissime gouverneur de la province minière du Katanga Moïse Katumbi et du seigneur de la guerre Jean-Pierre Bemba, dont les hommes ont perpétré en Centrafrique d’horribles massacres.
Rien de ce qui se passe en RDC ne laissant indifférentes les grandes puissances, celles-ci ont fini par entériner les résultats proclamés, après avoir émis quelques doutes. L’important pour leurs dirigeants est que le pillage des ressources minières et pétrolières du pays puisse continuer, et c’est cet objectif qu’elles camouflent sous les termes de stabilité ou transition démocratique. Les sommets de l’État congolais bradent l’accès du sous-sol aux compagnies internationales en échange d’une infime partie de leurs profits, et constituent ainsi leur fortune et celle de leur clan. Les élections se résument à une question d’accès à cette mangeoire. Rien ne va bien entendu à la population qui croupit dans les bidonvilles sans eau potable ni électricité ni soins médicaux. Pour que cela puisse continuer, les grandes puissances entendaient uniquement écarter Kabila de la présidence avant que la population ne s’en charge violement et risque ainsi d’entraver le pillage du pays. L’objectif étant atteint avec Tshisekedi, la réalité des résultats ne leur importe en rien.22
Tshisekedi ou la République démagogique du Congo
Le 20 décembre 2023, malgré un bilan désastreux, le président sortant Tshisekedi, en jouant sur la fibre patriotique contre le Rwanda, a remporté les élections contestées par une opposition divisée.
Score écrasant pour le président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi, qui recueille près de 73 % des voix, loin devant Moïse Katumbi qui en obtient 18 %. Martin Fayulu, considéré par beaucoup comme le gagnant des élections de 2018, obtient un peu plus de 5 %. Le score des autres candidats, comme Denis Mukwege, n’atteint pas les 1 %.
Victoire électorale contestable
L’opposition a protesté et parlé de simulacre d’élections. Le scrutin qui concernait aussi les élections provinciales législatives et municipales a été chaotique. Près de 8 000 incidents ont été enregistrés par l’Église catholique et protestante qui a déployé des milliers d’observateurs. Leur rapport indique qu’un candidat, qu’elle ne nomme pas, a largement dépassé la majorité des voix. Cela donnait du crédit à la victoire du président sortant même si son résultat a dû être largement gonflé par les fraudes.
La politique répressive de Tshisekedi lors des élections et l’utilisation des moyens étatiques pour mener sa campagne lui a permis d’occuper largement le terrain, relayé quotidiennement par les médias gouvernementaux.
Il a su aussi étoffer, au fil de son mandat, le camp présidentiel en nommant deux vice-Premiers ministres : Vital Kamerhe, très implanté à l’Est du pays et coupable de corruption, et Jean-Pierre Bemba, notable de la province de l’Équateur dont la milice fut impliquée dans les crimes de guerre en Centrafrique.
Félix Tshisekedi a réussi un tour de force. Utiliser son échec sur les questions sécuritaires dans l’Est du pays en focalisant les critiques sur le dirigeant rwandais Paul Kagamé, soutien de la milice armée M23 qui terrorise les populations du Kivu. En centrant sa campagne sur ce thème, il a bénéficié des sentiments patriotiques des CongolaisEs.
Les égos personnels de l’opposition
En bon politicien, le président sortant a profité du débat récurrent sur la « congolité » pour discréditer son principal challenger Moïse Katumbi au motif qu’il ne serait pas un vrai congolais du fait de la nationalité grecque de son père. Autre candidat victime des propos xénophobes, Denis Mukwege. Il est accusé d’être le candidat de l’étranger car adoubé par les Occidentaux en recevant le prix Nobel de la paix pour ses actions continues en faveur des femmes victimes des violences sexuelles des milices armées.
Avec pléthore de candidats à l’élection présidentielle aux égos bien portants, une absence de vrai programme politique, les oppositions ont été incapables de présenter une alternative à un Tshisekedi dont le bilan est pourtant peu reluisant.
Désormais, le nouveau vainqueur a les mains libres pour intensifier la répression politique, voire utiliser la question de la « congolité » pour promouvoir un changement de Constitution. Ce qui lui permettrait de briguer un troisième mandat en imitant la plupart de ses collègues potentats du continent.23
Foire d’empoigne autour du président
Cinq mois après l’élection présidentielle, de longues tractations et une piteuse tentative de coup d’État le 19 mai, le président Félix Tshisekedi, réélu en décembre, a réussi le 29 mai à mettre en place un gouvernement.
Tshisekedi avait obtenu 73 % des voix, mais la participation n’avait été que de 43 % et les fraudes avaient été massives, 27 % des bureaux de vote n’ayant pas ouvert, notamment à l’est où sévit la guerre. Au Congo, comme dans tant de pays, les élections servent surtout à redistribuer les rentes politiques qui donnent accès à des marchés lucratifs et des permis pour exploiter les minerais. Les scandales de corruption sont légion. En avril, le parti de Tshisekedi a été impliqué dans une affaire de jeeps offertes à ses députés. Le budget du Parlement congolais est de 1,1 milliard de dollars : distribuée sans contrôle, cette manne permet à un député de devenir millionnaire en deux mandats.
Les politiciens jouent leur carte personnelle, comme Moïse Katumbi au Katanga, un affairiste enrichi dans l’extraction minière et propriétaire du Tout Puissant Mazembe, célèbre club de football en RDC. Tshisekedi favorise les notables de sa région natale, le Kasaï. Les rivalités alimentent la coupure entre l’est et l’ouest du pays. À l’est, une guerre sans fin est entretenue par près de 200 bandes armées : le M23, soutenu par le Rwanda de Paul Kagamé ; les milices progouvernementales Wazalendo ; les Allied Democratic Forces, affiliées à Daesh… Les Forces armées de RDC sont totalement dépassées et leurs hommes se comportent souvent comme les autres milices, qui rançonnent, volent les récoltes de cacao ou rackettent les creuseurs des sites miniers. Au total, sept millions de personnes sont déplacées dans le pays.
Parler de la corruption comme d’un « mal congolais », comme font bien des journalistes, masque les vrais responsables. Les politiciens congolais ne font que ramasser les miettes laissées par les capitalistes occidentaux, le suisse Glencore, premier extracteur de cuivre, ou le canadien BarrickGold qui, avec une filiale de Bouygues, exploite une immense mine d’or. Si Kagamé peut envoyer ses soldats dans l’est de la RDC, c’est avec l’aval des grandes puissances qui profitent de cette plaque tournante des minerais qu’est le Rwanda de même que l’Ouganda. Les civils, mais aussi les enfants-soldats et les jeunes enrôlés comme miliciens meurent ainsi pour que les affairistes rwandais, ougandais et occidentaux puissent faire le trafic des minerais. Au passage, des officiers et des négociants congolais en tirent de bons pécules. Le coltan, l’étain et le tungstène sont ensuite raffinés en Asie du Sud-Est pour alimenter les chaînes d’approvisionnement d’Apple, Samsung, Intel, Motorola ou Thales. Au final, ce sont ces trusts qui sucent le sang des creuseurs de RDC.
À Kinshasa, la capitale, des millions de personnes vivent dans des bidonvilles, sans eau ni électricité. L’inflation galopante ronge les salaires payés en francs congolais, alors que les propriétaires de logement exigent des dollars. Tshisekedi a mené campagne avec le slogan « le peuple d’abord », vantant la gratuité de l’enseignement primaire et des soins de maternité qu’il a mis en place. Mais, sans moyens alloués par l’État central, dont le budget est de seulement 16 milliards de dollars pour 105 millions d’habitants, les maternités sont en faillite ; les écoles n’ont ni enseignants ni locaux suffisants ; les fonctionnaires doivent se mettre en grève pour être simplement payés.
Le pouvoir de Tshisekedi est ainsi un château de cartes qui ne tient que par la grâce des grandes puissances. Il a été reçu à Paris en avril 2024 par Emmanuel Macron, et Joe Biden a envoyé un représentant spécial à son investiture à Kinshasa.
Qu’importe la situation de la population, la principale préoccupation des dirigeants impérialistes est d’assurer une apparence de gouvernement de stabilité pendant que leurs capitalistes pillent les richesses du pays.24
Sources