Avant la colonisation
Des pierres taillées datant au moins du 9e millénaire avant notre ère ont été retrouvées au cours de fouilles effectuées en République centrafricaine. Toutefois, l’absence de restes humains associés empêche l’attribution de ces outils à une population précise (pygmées ou Noirs). Par la suite, la transition du paléolithique vers le néolithique dans la région fut un processus graduel sans rupture culturelle brutale.
À partir du 3e millénaire avant notre ère, l’établissement et l’expansion vigoureuse sur le sol centrafricain des populations parlant les langues du groupe Adamaoua-Oubangui s’opposent à l’expansion Bantou qui trouvera un exutoire vers le Sud et l’Est du continent. Le noyau géographique originel des populations de langues Adamaoua-Oubangui serait tout proche car situé dans le massif de l’Adamaoua aux confins des actuels Cameroun, Nigeria, Tchad et République centrafricaine. De l’autre côté des contreforts occidentaux de l'Adamaoua (qui culmine à 3400 m au Tchabal Mbabo dans les monts Gotel) était situé, sur la rivière Cross, le noyau originel des populations Bantou. Les deux groupes de populations vont connaître, au 3e millénaire, une expansion simultanée à la suite de la domestication de l’igname et du palmier à huile. L’implantation solide des populations de langues Adamaoua-Oubangiennes sur le territoire tiendrait à leur maîtrise des cultures agricoles aussi bien en zone de forêt sèche (apprises auprès des agriculteurs parlant les langues du groupe Soudan-Central) qu’en zone de forêt humide, une double compétence que n’avaient pas les Bantou à cette époque.
La présence d’une agriculture en République centrafricaine est avérée à partir du milieu du 2e millénaire avant notre ère. Les populations de langues Adamaoua-Oubanguiennes achèvent leur implantation sur l’ensemble de l’actuelle République centrafricaine vers le début du 1e millénaire avant notre ère tandis que l’extension géographique maximale de ces populations est atteinte vers le début de l’ère chrétienne. Les habitants qui les avaient précédé (pygmées et soudanais centraux) sur le territoire de la Centrafrique actuelle sont alors soit assimilés soit marginalisés.
Une civilisation mégalithique qui perdurera jusqu’au Ier siècle après J.-C. se développe dans la région de Bouar (Ouest). C’est l’apparition de la métallurgie du fer qui semble avoir mis fin à la civilisation des mégalithes (Tazunu en gbaya). La métallurgie du fer se répand d’ouest en est et s’accompagne d’une expansion de la population dont on considère qu’elle atteignit 6 millions d’habitants sur l’ensemble du territoire centrafricain au XVIIIe siècle. Les populations auraient alors vécues en relative autarcie car à l’écart des grandes voies commerciales africaines.
Entre les débuts archéologiques et la période qui précède immédiatement la colonisation, soit environ 1700 ans, les données concernant l’histoire du territoire occupé par la République centrafricaine sont rares ou peu accessibles au grand public. Il est probable qu’à l’instar de beaucoup de peuples établis dans la zone équatoriale, les populations de la région n’ont pas éprouvé le besoin de s’organiser autour de structures étatiques mais ont plutôt conservé un système de chefferies locales. Rétrospectivement, et étant donné l’expansion démographique supposée de la population (6 millions d’habitants), on peut se demander si ce système n’était peut-être pas plus performant que bien d’autres. Le défaut majeur de cette organisation politique très superficielle est toutefois de ne pas avoir pu protéger les populations de langues Adamaoua-Oubanguiennes des épreuves qui allaient survenir au cours de la période contemporaine.
Le phénomène historique le plus spectaculaire qu’ait connu la région durant cette période concerne les Zandé. Aux alentours du XVe siècle, des clans issus du Darfour ou du Kordofan émigrent vers l’Uélé et l’Oubangui. Cette aristocratie de seigneurs va peu à peu s’imposer aux populations locales tout en adoptant sa culture. Une douzaine de royaumes Zandé se formeront ainsi. L’organisation du pouvoir mis en place par les souverains Zandé fera une certaine impression sur les premiers voyageurs Européens. Sur l’ensemble du territoire centrafricain actuel, on considère que les habitants vivaient en petits villages dispersés et cultivant au nord le sorgho et au sud la banane plantain. Le niveau d’organisation politique était faible et les sociétés locales souvent troublées par des querelles. Le fait que ces sociétés soient très similaires à celles rencontrées dans le Cameroun central suggère qu’un certain niveau de communication a perduré entre les deux régions au cours des millénaires.
La traite négrière
La fin du XVIIIe siècle marque le début d’une importante régression démographique due en premier lieu à la traite des esclaves qui s’installe dans la région. L’impact de la traite frappe donc le territoire de la République centrafricaine actuelle plus tardivement que beaucoup d’autres régions du continent. À cette époque, les États musulmans situés plus au nord (Kanem-Bornou, Ouaddaï, Baguirmi, Darfour), utilisant parfois comme main d’œuvre les nomades Peuls, commencent à ravager les territoires occupés par les populations animistes gbaya et banda. Ndélé, ville située en République centrafricaine actuelle, est un important centre esclavagiste dépendant du sultan du Baguirmi. Un peu plus tard, plus au sud, les riverains de l’Oubangui deviennent piroguiers et intermédiaires pour les trafiquants d’esclaves alors qu’à l’est entre Mbomou et Uélé des petits États aristocratiques de langue Zandé (ou Nzakara au nord de l’Oubangui) combattent les trafiquants mais alimentent également pour leur propre compte les trafics d’esclaves à destination des occidentaux ou des pays arabes par le Bahr el Ghazal. Ce dernier trafic, spécialement important dans la seconde moitié du XIXe siècle sera d’autant plus dévastateur que les trafiquants jallaba financés depuis Khartoum étaient équipés d’armes à feu. D’autre part, au nord-ouest de la République centrafricaine, une alliance esclavagiste entre les Peuls et la confédération Mbum contribue aussi à la dépopulation du pays. Globalement, il semble que ce soit les razzias d’esclaves à destination des pays arabes qui soient la cause du plus grand prélèvement de populations sur le territoire appelé à devenir la République centrafricaine. Un des moyens d’échapper à l’esclavage étant la conversion à la religion musulmane ; on considère parfois qu’il est probable que si la colonisation européenne n’était pas intervenue, toutes les populations vivant au nord de la grande forêt pluviale auraient été converties à l’islam.
Simultanément au razzias des esclavagistes, les populations « centrafricaines », autrefois autarciques et donc dotées d’un faible niveau de protection contre les grandes épidémies sont exposées à des micro-organismes mortels comme les virus de la variole ou de la rougeole. En parallèle, syphilis et gonococcies provoquent l’apparition fréquente de stérilité chez les individus infectés. Il résulte du processus esclavagiste et des changements épidémiologiques drastiques un dépeuplement massif du tiers voire de la moitié orientale du territoire centrafricain actuel auquel s’ajoute des migrations intérieures de sauvegarde qui contribuent à semer un peu plus le chaos.
Au XVIIIe siècle, et à l’image de leurs voisins Zandé du Mbomou, les populations riveraines de l’Oubangui se seraient fédérées autour d’un chef, Kola Ngbandi, et adoptent le nom de ce dernier pour se désigner. Les Ngbandi développent par la suite une activité de piroguiers sur l’Oubangui, une forme simplifiée de leur langue deviendra le sango, langue vernaculaire centrafricaine développée essentiellement pour et grâce au commerce.
Le dernier événement notable de la période précoloniale est l’installation sous l’impulsion d’un soudanais, Rabah, d’un État esclavagiste à cheval sur la République centrafricaine et le Tchad. Il a pour capitale la ville de Dar el-Kouti (près de Ndélé) et est dirigé par un vassal de Rabah, Mohammed Es-Senoussi. L’influence néfaste du sultanat de Bilad el-Kouti s’étendra bien après les débuts de la colonisation française.1
Un pays ravagé par la colonisation
La région d’Afrique correspondant à la Centrafrique actuelle s’appelait du temps de la colonisation l’Oubangui-Chari. Elle constituait, avec le Gabon, le Tchad et une partie du Congo, l’Afrique équatoriale française (AEF). Et ce bout d’empire que la France s’était taillé au cœur de l’Afrique de la fin du 19e au début du 20e siècle se transforma en véritable bagne pour les populations locales, de façon analogue à ce qui se passait en Afrique occidentale française, l’AOF.
En 1899, l’État français partagea largement le territoire en concessions attribuées à une quarantaine de sociétés privées. Ces compagnies, qui trafiquaient de l’ivoire et surtout du caoutchouc, considéraient les hommes se trouvant sur leur territoire comme leur propriété, les transformant quasiment en esclaves.
À cela vint s’ajouter le système du « portage ». Prêtes à piller le pays sans vergogne, ces compagnies commerciales ne souhaitaient pas investir dans la moindre infrastructure, construction de routes ou de chemins de fer, même pour transporter leurs propres marchandises. Alors, avec l’aide de l’administration coloniale française, de 1890 à 1930, elles réquisitionnèrent les populations pour transporter leurs marchandises à dos d’homme. Le portage n’était quasiment pas rémunéré. Les porteurs, qui n’étaient ni nourris ni logés, devaient parcourir avec des charges de 30 kg parfois des centaines de kilomètres. En 1905, le temps consacré au portage était d’au moins 24 jours par an, sans compter les autres travaux forcés que l’administration imposait, comme l’entretien des pistes ou la récolte du caoutchouc. Les ravages du portage, de l’exploitation féroce sur les concessions et des maladies furent tels que la population de la région formant l’AEF, qui était estimée entre 10 et 15 millions d’individus au début du 20e siècle, s’effondra, selon les recensements de l’administration coloniale, à 3 millions au début des années 1920.
Ce qui mit fin au portage fut le besoin de main-d’œuvre pour d’autres travaux, entre autres la construction du chemin de fer Congo-Océan. Ce ne fut pas moins barbare. Entre 1921 et 1934, il fallait non seulement des bras pour construire le chemin de fer mais aussi des vivres pour nourrir les ouvriers. Les populations d’Oubangui-Chari furent mises à contribution pour les deux par le travail forcé et les réquisitions. Le journaliste Albert Londres, qui rendit compte de la férocité de l’exploitation sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan dans son livre Terre d’Ébène (1928), écrivait :
« La désolation des hommes me parut sans nom ; ils se traînent le long de la voie comme des fantômes nostalgiques. Les cris, les calottes ne les raniment plus. On croirait que, rêvant à leur lointain Oubangui, ils cherchent en tâtonnant l’entrée d’un cimetière. »
Les populations ne se laissèrent pas faire. Et l’administration coloniale eut à affronter des révoltes des tribus bayas entre 1929 et 1931.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’empire colonial prit le nom d’Union française et la loi du 11 avril 1946 supprimait officiellement le travail forcé. La réaction de la chambre de commerce de Bangui, la future capitale de la Centrafrique, illustre l’état d’esprit profondément raciste du milieu colonial français une dizaine d’années avant l’indépendance :
« Il apparaît d’abord que les mesures qui viennent d’être adoptées ne peuvent convenir qu’à des populations moins arriérées que celles de l’AEF. Il est évident que la suppression du travail forcé est interprétée, ici, comme la consécration légale du droit de ne rien faire (…) Une rapide diminution de la production cotonnière est à craindre (…) Aucun de ceux qui connaissent ces pays ne peut croire qu’un texte suffira à modifier brusquement la mentalité de l’homme noir. »
La formidable vague de luttes qui souleva les peuples coloniaux partout dans le monde à partir de la fin la Deuxième Guerre mondiale ébranla l’empire colonial français en Indochine à partir de 1945, à Madagascar en 1947, ou encore en Algérie en 1945 puis à partir de 1954. En Afrique noire, dans la partie occidentale de l’empire colonial français, c’est-à-dire l’AOF, c’est par la puissante grève de 1947, grève racontée dans le roman d’Ousmane Sembene Les Bouts de bois de Dieu (1960), que les cheminots de tout le réseau qui s’étendait de Dakar au Niger effrayèrent la puissance coloniale.
Cette pression générale obligea l’impérialisme français à mettre lui-même en place une « décolonisation contrôlée » dans les zones de son empire où il avait encore vraiment la main. Ce fut la décolonisation engagée par de Gaulle entre 1958 et 1960. Menée d’en haut, elle visait en réalité à y maintenir l’emprise de l’impérialisme français en morcelant ces vastes territoires en de nombreux États non viables. En ce qui concerne l’ancienne AEF notamment, la politique de l’État français consista à mettre tout son poids pour s’opposer à la formation d’un grand État unifié indépendant recouvrant toute l’ancienne AEF, idée que portait alors le leader nationaliste centrafricain Barthélémy Boganda, et qu’il appelait les « États-Unis de l’Afrique latine ».
Il est évident qu’une entité unique indépendante regroupant toute l’ancienne AEF aurait été infiniment plus viable et plus rationnelle que ce découpage entre petits États qui rendait leur économie au contraire très dépendante de l’ancienne métropole. Et c’était encore plus vrai pour la Centrafrique, pays sans accès à la mer, enclavé au milieu du continent. Mais c’est dans ces conditions, dans le cadre des frontières nationales que l’impérialisme français avait fixées, que la République centrafricaine (RCA) vit le jour en 1958.
Une indépendance de façade, sous le contrôle de l’armée française
Le sous-sol de la Centrafrique est riche en or et en diamant. Et de grandes entreprises françaises y ont des intérêts, comme Bolloré dans la logistique et le transport fluvial, le groupe Castel pour les boissons et le sucre, le groupe Total pour le stockage et la distribution des produits pétroliers, la CFAO (Compagnie française de l’Afrique occidentale) pour la distribution automobile, ou encore Orange, présente depuis 2007. Mais ce n’est pas ce qui était et est encore le plus important pour l’impérialisme. C’est avant tout pour des raisons diplomatiques et stratégiques que la France a toujours tenu à maintenir sa domination sur ce pays.
Comme nombre d’ex-colonies françaises, les représentants de la Centrafrique à l’Assemblée des Nations unies sont des votants sur lesquels la France peut s’appuyer pour défendre ses intérêts impérialistes. D’une certaine manière, ils font partie du personnel politique de l’impérialisme français et lui permettent d’essayer de continuer à jouer à la grande puissance.
Mais surtout, la Centrafrique a toujours été un atout stratégique militaire irremplaçable pour l’impérialisme, une base armée en plein cœur de l’Afrique. La France a eu en Centrafrique une présence militaire presque ininterrompue depuis l’indépendance. Bouar, ville à l’ouest du pays, et Bangui, la capitale, ont été parmi les bases militaires les plus importantes de la France à l’étranger.
Dans cette optique, l’État français a constamment manœuvré pour que les différentes cliques politico-militaires qui se sont succédé au pouvoir soient toujours bien disposées envers lui. À plusieurs reprises, l’armée française est même intervenue directement pour écarter un dirigeant un tout petit peu trop indépendant et mettre en place un remplaçant plus docile.
Rapidement après l’indépendance, l’armée centrafricaine renversa le président de l’époque, David Dacko, et prit le pouvoir à travers le « putsch de la Saint-Sylvestre » du 31 décembre 1965 du général Jean-Bedel Bokassa. C’était sous l’impulsion de la France.
Bokassa avait servi dans les troupes coloniales françaises. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il avait pris part au débarquement en Provence en 1944. Il avait combattu en Indochine et en Algérie, du côté français évidemment, et obtenu la Légion d’honneur et la Croix de guerre. Bokassa est toujours resté un nostalgique de l’armée française, au point qu’une fois, lors d’un cocktail officiel, il salua le général Bigeard, ancien officier des guerres d’Indochine et d’Algérie sous les ordres duquel il avait servi, par un : « Nom de Dieu, Vive la Coloniale ! »
Bokassa, devenu tout-puissant en Centrafrique par la grâce de l’impérialisme français, laissa libre cours à tous ses délires. Après douze ans de dictature féroce, il se fit même couronner Empereur de Centrafrique le 4 décembre 1977. Le président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, s’était rendu à plusieurs occasions en Centrafrique pour des voyages privés, mais il n’osa tout de même pas assister au sacre grotesque de Bokassa 1er. Il se fit représenter par son ministre de la Coopération, Robert Galley, et aussi par son cousin germain, François Giscard d’Estaing, administrateur de sociétés françaises en Afrique. Deux années plus tard, la presse sortit « l’affaire des diamants de Bokassa », révélant que le « président-empereur » avait offert des plaquettes de diamants à Valéry Giscard d’Estaing.
Ces délires de Bokassa gênaient peut-être un peu certains dirigeants politiques français vis-à-vis de leur propre opinion publique, mais ils s’en accommodaient. Quant aux emprisonnements sommaires, à la terreur et même aux massacres d’opposants, tout cela était dans la continuité du régime colonial. Ce qui poussa finalement la France à lâcher Bokassa et à organiser une opération militaire pour le déloger fut un problème d’un tout autre ordre.
Le régime de Bokassa était de plus en plus contesté en Centrafrique. En janvier 1979, il fit réprimer des manifestations lycéennes puis assassiner une centaine de jeunes qui avaient été emprisonnés. Sentant sa position instable, et craignant une action de la France pour l’écarter, Bokassa chercha des appuis ailleurs et il en trouva du côté de la Libye, qui elle-même cherchait des alliés de circonstance à coups de pétrodollars. C’est justement ce qui précipita l’intervention militaire française.
Les 20 et 21 septembre 1979, l’armée française lança l’opération « Barracuda ». 1 000 parachutistes apportèrent dans leur valise le remplaçant de Bokassa, qui n’était autre que David Dacko, son prédécesseur ! Il faut croire que l’impérialisme français préférait commencer par remettre en place un pion connu.
Les soldats français occupèrent la capitale, Bangui. Ils se chargèrent des opérations de police, montèrent la garde devant le palais présidentiel et d’autres bâtiments publics, et imposèrent le couvre-feu. Une comédie de démocratie et d’élections fut mise en place. Mais l’armée ne tarda pas à reprendre le pouvoir. Le 1er septembre 1981, le général André Kolingba, à la tête d’un Comité militaire de redressement national, interdit tous les partis. Le pouvoir de Kolingba dura plus d’une dizaine d’années, de 1981 à 1993.
Derrière Dacko puis Kolingba, il y avait toujours l’armée française. Et ce n’était pas qu’une formule, un homme l’incarnait : le colonel Jean-Claude Mansion. Mansion, qui dirigeait la coopération militaire française en Centrafrique, était surnommé le « proconsul ». Le journal Jeune Afrique dit de lui qu’il était le « véritable maître du pays ». Le journaliste français Pierre Haski ajoute : « Mansion n’était pas seulement au cœur de l’appareil d’État, il était l’État… » Ce fut une période de présence militaire française intense en Centrafrique.
En 1993, à l’occasion de nouvelles élections présidentielles dont la logistique avait été assurée par l’armée française elle-même, Kolingba fut écarté du pouvoir et remplacé par Ange-Félix Patassé.
Les conséquences de la crise économique mondiale
Au début des années 1990, l’approfondissement de la crise économique mondiale entraîna l’Afrique dans une spirale d’appauvrissement généralisé. Étranglée par sa dette, par la chute du cours des matières premières, par le reflux des capitaux, l’Afrique vit sa production reculer, et sa participation au commerce mondial divisée par deux en dix ans. Le Produit intérieur brut de toute l’Afrique subsaharienne (Afrique du Sud comprise) s’établit en 1991 au niveau de celui des Pays-Bas, et 35 % de la population étaient réduits à la famine permanente.
Dans la zone d’influence française, cela s’exprima en plus par une autre mesure brutale : la dévaluation du franc CFA. Cette monnaie unique avait été imposée par la France dans presque tout son ex-empire colonial et c’est la France qui en maîtrisait l’émission. Le 12 janvier 1994, la valeur du franc CFA fut divisée par deux, faisant exploser les prix de tous les produits liés un tant soit peu à l’importation, ce qui massacra d’un coup les possibilités de subsistance des plus pauvres.
Cette aggravation de la misère eut aussi des conséquences politiques sur la stabilité des dictatures africaines en place. On vit de plus en plus de mutineries de soldats dues au non-paiement des salaires. Ce mécontentement à l’intérieur même des troupes fut alors utilisé par tous les aspirants dictateurs pour fomenter des coups d’État et s’installer au pouvoir.
Pour la population pauvre, la crise économique, en plus de ses conséquences directes, apportait le fléau des milices. Ces cliques militaires, issues de la décomposition des armées officielles ou des guérillas des pays voisins, trouvèrent des soutiens du côté des régimes ou des puissances impérialistes rivales, qui en retour les utilisèrent pour évincer un dirigeant trop indépendant.
Ainsi, alors que l’État fantoche centrafricain issu de la décolonisation se décomposait, ces milices purent prendre possession de régions entières où elles firent régner leur loi, terrorisant et rackettant la population.
Au printemps 1996, Patassé, menacé par une mutinerie de soldats non payés, fut sauvé par une intervention militaire de 2 400 légionnaires, parachutistes et autres commandos de l’armée française. Une autre mutinerie eut lieu en 1996, ainsi qu’une tentative de coup d’État en mai 2001. À chaque fois, Patassé put s’en tirer.
Mais en mars 2003, il fut renversé par François Bozizé, un ancien général de l’armée de Bokassa. Ce dernier dut le succès de son coup au soutien de l’armée tchadienne, elle-même soutenue par la France.
Des manœuvres de l’impérialisme à l’intervention militaire directe
L’impérialisme français espérait sûrement avoir trouvé une solution durable en misant sur Bozizé. Mais quelques années après son accession au pouvoir, de nouvelles instabilités se développèrent.
Une rébellion rassemblant des ex-compagnons déçus de Bozizé, des anciens officiers de Patassé et d’autres soldats en manque de paye, se mit en place dans le nord du pays. Des combats éclatèrent en novembre 2006 à Birao, à la frontière avec le Tchad et le Soudan, entre cette rébellion et les forces armées centrafricaines, les FACA. Toute la petite ville fut ravagée. Des viols et des assassinats se produisirent ; 70 % des maisons furent brûlées et pillées, et toutes les réserves de mil partirent en fumée, préparant une famine certaine pour la population locale, déjà misérable.
Prise en étau entre les milices rebelles et les FACA du président Bozizé, la population prit la fuite en brousse ou ailleurs, et près de 150 000 personnes furent déplacées dans cette première phase de la guerre civile.
L’essentiel des exactions dont témoignèrent les organisations humanitaires fut le fait des FACA. Or, ces FACA étaient soutenues par la France, par l’intermédiaire de raids aériens de Mirage F1 et par une assistance militaire permanente comme au temps du colonel Mansion. Cette fois-ci, l’homme de l’impérialisme français était le général Henri-Alain Guillou. Ce premier conflit prit fin temporairement en 2007.
Mais le pouvoir de Bozizé soulevait de plus en plus de mécontents. La rébellion se remobilisa et s’unifia en 2012 en une coalition, la Seleka. C’est ce qui poussa l’impérialisme français à changer son fusil d’épaule. D’autant plus que Bozizé, craignant de plus en plus d’être lâché par la France et le Tchad, chercha des soutiens en se tournant vers une autre puissance régionale, l’Afrique du Sud. Il mit en place un accord de coopération militaire avec l’Afrique du Sud, qui envoya un contingent de plusieurs centaines de soldats.
Cette nouvelle attitude indépendante de Bozizé décida la France à le laisser tomber. Et lorsque la coalition hétéroclite des rebelles de la Seleka fut en position de force, c’est avec l’assentiment de Paris qu’elle marcha sur Bangui, délogea Bozizé et mit à la place Michel Djotodia.
Ce dernier, ou plutôt le pouvoir qu’il était censé représenter, avait encore moins d’autorité que le précédent. À peine Bozizé écarté, la Seleka se révéla être ce qu’elle était : des bandes armées rivales. Et sa dissolution officielle a signifié son éclatement mais pas son désarmement. Chacun des groupes armés a cherché à trouver une zone du pays ou de la capitale où imposer son pouvoir, ne serait-ce que pour rançonner la population.
Par-dessus cela, de nouvelles milices ont vu le jour, issues des débris des anciennes FACA de Bozizé. Ce sont ces milices qu’on appelle les « anti-balaka » (« anti-machettes ») et qui, elles, recrutent dans les populations chrétiennes.
L’opération militaire française
Dans ce contexte toujours plus chaotique, le 5 décembre 2013, l’impérialisme français a décidé d’intervenir directement. La France a envoyé ses propres troupes, tout en comptant aussi s’appuyer sur un fort contingent de soldats africains regroupés dans la force d’intervention de l’ONU, la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique).
Comme il est de coutume, pour justifier son intervention militaire aux yeux de sa propre opinion publique, le gouvernement français a cherché à avoir un mandat de l’ONU. Il l’a obtenu, les autres puissances impérialistes n’ayant pas cherché à contester à la France le rôle de gendarme dans cette partie de son ex-empire colonial.
Alors, pour la seconde fois en moins d’un an, Hollande a remis son treillis militaire, perpétuant ainsi la tradition des dirigeants du Parti socialiste d’assumer l’enclenchement des guerres et expéditions militaires quand les intérêts de la bourgeoisie française le réclament.
L’intervention française vise à trouver une solution de rechange au pouvoir actuel en cherchant à s’appuyer sur un camp contre un autre : les soldats français ont ainsi désarmé les milices de l’ex-Seleka sans s’en prendre aux milices anti-balaka. Cela a laissé le champ libre à ces dernières, qui en ont profité pour passer à l’offensive et commettre des exactions contre les populations musulmanes dont sont originaires les miliciens de l’ex-Seleka.
En retour, des soldats du contingent tchadien de la Misca, proches des ex-Seleka, se sont directement affrontés aux anti-balaka, et même à d’autres contingents de la Misca, comme les Burundais car, eux, soutiennent les anti-balaka.
Ainsi, les troupes sur lesquelles la France comptait s’appuyer pour rétablir son ordre échappent à sa propre autorité. L’impérialisme français est comme un apprenti sorcier devant des forces qu’il a invoquées et qu’il n’arrive pas à maîtriser. C’est ce qui explique les appels au secours de Hollande vis-à-vis de l’ONU, demandant à celle-ci de jouer « un rôle plus important » c’est-à-dire d’aider la France en mettant sous son autorité militaire d’autres troupes plus soumises.
Tout ce chaos n’a évidemment fait qu’empirer dramatiquement la situation de la population. Les réfugiés se sont ajoutés aux réfugiés. Un tiers de la population de la capitale a fui ses habitations, effrayé par la menace des milices en tout genre. Plus généralement, dans tout le pays, la population déjà très pauvre est en butte à la famine. Selon l’ONU, la moitié des 4,4 millions de Centrafricains est en situation d’assistance humanitaire et plus du quart a besoin d’une aide alimentaire.
Un des aspects les plus crapuleux de la propagande justifiant l’intervention militaire est celui qui consiste à présenter celle-ci comme une interposition entre deux parties de la population dressées l’une contre l’autre, de parler de « conflit religieux » voire de « guerre ethnique ». Cela revient à rendre la population responsable des exactions qui sont le fait de milices, et à faire passer les victimes pour des bourreaux.
La population centrafricaine est le fruit du regroupement, par la colonisation, de populations d’ethnies et de religions différentes. Selon un recensement de 2003, il y a à l’échelle du pays environ 80 % de chrétiens, 10 % de musulmans et 10 % d’animistes. Mais il y a encore très peu de temps, musulmans et chrétiens cohabitaient sans aucun problème dans plusieurs endroits du pays et quartiers de la capitale.
Ce sont les échauffourées incessantes entre milices, avec leurs balles perdues qui tuent et estropient aveuglément, et les expéditions punitives qui ont créé un climat de terreur et défiance. Comme cela s’est passé dans d’autres pays d’Afrique, telle la Côte d’Ivoire, quand des quartiers pauvres étaient pris au piège de la rivalité de clans militaires rivaux, les gens ont fui.
Alors, à force d’exactions et de massacres, la situation peut dégénérer et des pans de plus en plus importants de la population peuvent être emportés dans une folie de vengeance sans fin. Si une telle spirale infernale s’enclenchait, là encore le vrai responsable serait l’impérialisme.
En 1994, au Rwanda, des centaines de milliers de gens furent massacrés par l’armée du pouvoir Hutu et ses milices de supplétifs. Ce fut avec la complicité totale et même l’appui de la France, avec son assistance militaire avant et après le génocide. Car la France a misé sur cette clique militaire pour barrer la route à des rebelles qui remettaient en cause sa domination sur la région. Et cela « coûte que coûte », pour reprendre l’expression de l’ex-ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine, interrogé des années plus tard sur la politique de Mitterrand au Rwanda, politique qu’il justifiait.
Oui, la situation en Centrafrique est dramatique pour la population. Et ce sont l’armée française et l’impérialisme français qui sont les éléments les plus menaçants. Alors, la première des choses que nous devons dire à propos de cette intervention militaire, tout comme à propos de celle au Mali est : Troupes françaises hors d’Afrique ! 2
Les buts de l’intervention en Centrafrique
Très tôt, les dirigeants politiques français ont laissé échapper que le véritable sens de l’intervention en Centrafrique était la défense, essentielle en cette période de crise mondiale, des intérêts économiques de la France sur le continent africain.
Au moment de l’intervention au Mali, on a entendu dire que Hollande avait été manipulé par l’armée française, laquelle aurait préparé cette guerre de longue date. La rumeur mettait au premier plan le général Puga, légionnaire, catholique intégriste qui assiste aux offices de son frère à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, proche de groupes fascistes. L’intervention française serait devenue « légitime » du fait qu’elle avait été demandée par le président malien… sur la suggestion du même Puga.
Mais Hollande est loin d’être naïf et manipulé. C’est en toute connaissance de cause qu’il a choisi de maintenir Benoît Puga – nommé par Sarkozy – comme son chef d’état-major particulier. Tout comme il a nommé au poste de chef d’état-major des armées Pierre de Villiers, frère de Philippe, pour remplacer l’amiral Guillaud, soupçonné au sein de l’armée de faiblesse pour avoir accepté trop de réductions de moyens et d’effectifs.
Si Hollande s’entoure de personnages si peu sympathiques, ce n’est pas seulement par nostalgie de la politique mitterrandienne en Afrique, mais bien parce que ceux-ci incarnent les besoins de l’État français en Afrique.
Des éléments conjoncturels
Comme le résume Survie, « la France fait partie du problème, pas de la solution. » Particulièrement en Centrafrique, ses alliances à géométrie variable ont provoqué les conflits internes actuels. Depuis trente-cinq ans, la France met en place ou démet les présidents, en fonction de leur docilité ; elle les écarte dès qu’ils se tournent vers d’autres pays pour développer des partenariats économiques. Chaque coup d’État ou élection trafiquée par le « pays des droits de l’Homme » laisse derrière lui des milices, des groupes de soldats, des organisations liées aux dirigeants politiques de Centrafrique ou des pays voisins. Ce sont eux qui se font la guerre.
Le but immédiat de l’intervention française est de reprendre le contrôle sur le pays. Après que l’ancien président Bozizé avait pris ses distances avec la France, en accordant à la Chine la prospection pétrolière du site de Boromata, la France a laissé le pouvoir à Djotodia. Mais celui-ci s’est révélé incapable de maintenir l’ordre, les affrontements se multipliant entre les communautés religieuses et même entre les troupes des pays de la MISCA (la force militaire africaine présente en Centrafrique). Areva avait d’ailleurs renoncé à exploiter pour l’instant le site d’uranium de Bakouma, ne le jugeant pas assez rentable au regard des risques liés à l’instabilité dans le pays et la région.
Des raisons plus profondes
Mais les motivations françaises vont au-delà de ces causes conjoncturelles. Ce n’est un hasard si Hollande a initié en deux ans deux guerres en Afrique. La Centrafrique est surtout représentative de la nouvelle politique de l’État français.
Le gouvernement avait chargé Hubert Védrine de rédiger un rapport sur la place de la France en Afrique. Secrétaire général de la présidence de la République sous Mitterrand, ministre des affaires étrangères de Jospin, Védrine est membre du club Le siècle, conçu comme lieu de rencontre entre chefs d’entreprises, journalistes, notables et politiques – de Hollande à Sarkozy, Dassault, Kessler, Pujadas, Notat ou encore Parisot.
Ce document de 150 pages offre de précieuses informations. L’une d’entre elles est l’ampleur des dégâts provoqués par l’impérialisme français en Afrique. Le rapport souligne ainsi que les « performances des pays francophones » sont moins fortes que celles des pays anglophones et lusophones, en particulier du fait de « l’instabilité politique passée de la Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure, en République centrafricaine » - deux pays dans lesquels la France est intervenue militairement ces dernières années. Le rapport montre aussi en creux le fait que la France a contribué à l’indigence des infrastructures, seuls 30 % des Africains de ses zones d’influence ayant accès à l’électricité et les routes, l’irrigation, l’accès à l’eau potable y étant dans un état particulièrement catastrophique.
Le rapport Védrine met en garde le gouvernement français par rapport à la concurrence de la Chine, mais aussi des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Inde et du Brésil : « la part de marché de la Chine sur le continent est passée de moins de 2 % en 1990 à plus de 16 % en 2011 ». De son côté, « entre 2000 et 2011, la part de marché de la France au Sud du Sahara a décliné de 10,1 % à 4,7 % ».
En particulier sur le plan des infrastructures, des compagnies chinoises dament le pion aux entreprises françaises, dans le domaine aérien (aéroport de Nairobi), la navigation (port de Bagamoyo en Tanzanie), des communications (téléphone, télévision, journaux…), comme dans le secteur « social non marchand (écoles, hôpitaux…) ». Le rapport s’étonne que « les États-Unis et la Chine se livrent à une surenchère de gestes symboliques et d’annonces financières. » Même sur le plan de la présence physique de ses ressortissants, la Chine dépasse largement la France, avec 750 000 à un million de Chinois en Afrique, contre 235 000 Français.
Le risque est grand que les parts de marché françaises continuent à se dégrader au profit de la Chine ou d’autres pays dits « émergents », y compris dans la zone du franc CFA et de la sphère d’influence traditionnelle de la France.
Un virage économique et démographique
L’impérialisme français semble bien avoir raté un virage dans la guerre économique mondiale. En effet, constate le rapport, des modifications substantielles sont intervenues dans les rapports entre l’Afrique et le marché mondial.
Le premier concerne la nature de la main-d’œuvre africaine. Avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, une population qui devrait atteindre quasiment 2 milliards en 2050, dont 1,2 milliard dans les zones urbaines, offre la perspective de nouveaux marchés gigantesques, tant du point de vue des débouchés pour les exportations des grandes puissances que pour le recrutement d’une main-d’œuvre qui reste bon marché. Le rapport s’extasie : « L’Afrique de la fin du 19ème siècle, c’était trente millions d’habitants sur trente millions de kilomètres carrés. Un continent vide. L’Afrique de 2050, c’est deux milliards d’habitants, essentiellement urbains. »
Ce nouvel Eldorado est d’autant plus attrayant quand on compare les taux de croissance pratiquement nuls en Europe aux 5 % de l’Afrique subsaharienne. Dans le contexte du marasme économique mondial, l’Afrique apparaît donc comme une nouvelle source potentielle de profits.
La peur de la bourgeoise française se comprend d’autant mieux que la part des investissements étrangers directs (IDE) en Afrique est passée de 3,2 à 5,6% au cours des cinq dernières années, alors qu’au niveau mondial ils baissaient de 18,3 % en 2012 par rapport à l’année précédente, sans reprise en 2013, et que certains pays africains, comme la Guinée, mettent en place des mesures protectionnistes.
La Centrafrique, terrain de la réorientation
Il s’agit donc de réagir vite. Le rapport Védrine parle de « réinvestir tous les leviers d’influence française sur le continent » ou encore d’« investir les enceintes de décisions économiques publiques et privées sur l’Afrique. »
Il liste les points d’appuis de l’impérialisme français : ses grands groupes industriels, l’aide publique au développement (dont François-Xavier Verschave avait montré l’utilité pour faire et défaire les gouvernements tout en promouvant ses entreprises) et la présence militaire. Le « sommet Afrique France pour la paix et la sécurité » est d’ailleurs venu à point nommé pour décider la formation de 20 000 soldats africains par an, par des instructeurs sous encadrement français. Le rapport abonde encore dans le sens de la politique migratoire de Sarkozy, qui souhaitait accorder plus facilement des visas aux étudiants de haut niveau et aux agents économiques, quitte à bloquer complètement les migrants des catégories les plus pauvres.
La Centrafrique doit servir à lancer cette nouvelle politique. C’est un pays sans infrastructures (peu de routes, d’hôpitaux, d’écoles et d’eau potable), dont 70 % de la population se situent sous le seuil de pauvreté, avec une espérance de vie de 44 ans. En même temps les entreprises françaises y sont très présentes (Air France, Bolloré dans le chemin de fer et l’exploitation forestière, Total, Orange…) alors que l’État est déstructuré et les différents groupes politiques trop faibles pour faire sans la France.
Il s’agit donc d’un terrain idéal pour mettre en œuvre une nouvelle politique impérialiste en Afrique. La situation géographique particulière de la Centrafrique, au milieu du continent, renforce son utilité pour se relancer à la reconquête de l’Afrique. Et qu’importent les milliers de morts si cela renforce les bénéfices des sociétés du CAC 40…3
Silence, on viole !
Il aura fallu la publication d’un rapport secret de l’ONU par le journal The Guardian pour apprendre que des militaires français de l’opération Sangaris en Centrafrique étaient accusés d’agressions sexuelles et de viols sur enfants. Cela « en échange » de nourriture et d’argent, dans des camps que ces soldats étaient censés protéger... L’affaire a tranquillement été cachée pendant un an par l’ONU... qui a suspendu Anders Kompass, l’employé de l’ONU qui a dévoilé le rapport aux autorités françaises !
Averties, celles-ci se sont bien gardées de rendre publics ces faits et prétendent avoir ouvert une enquête... le tout sans un mot au gouvernement centrafricain. Sans nul doute les vieux réflexes coloniaux ! En tout cas, un an après, l’enquête n’avait visiblement guère avancé. Selon le ministère de la Défense, il manquerait « juste » l’identité des coupables, alors qu’au vu des témoignages accablants il semblerait que certains soldats soient bien identifiés.
En tout cas, il y a manifestement envie de minimiser l’affaire au vu des déclarations de Hollande, qui ne parle ni de viols ni d’agressions sexuelles ou de crimes, mais de « mauvais comportement ».... « Je suis en soutien des armées, toujours (…), et si certains militaires s’étaient mal comportés, il y aurait des sanctions qui seraient à la hauteur de la confiance que nous portons à l’égard de l’ensemble de nos armées. Parce que je suis fier de nos armées et donc implacable à l’égard de ceux qui se seraient mal comportés, si c’est le cas en Centrafrique ». Tout simplement honteux !
Ces crimes s’ajoutent à la longue liste des crimes de l’impérialisme français et des exactions commises par l’armée française, comme ce fut le cas au Rwanda avec les viols de femmes dans les camps de réfugiéEs. Sous prétexte de protéger les populations, depuis 2012 Hollande s’en va-t-en guerre... et permet ainsi aux marchands d’armes d’augmenter toujours plus leurs profits. Mais ces guerres ne changent rien pour des populations qui subissent toujours la loi du vainqueur : viols, agressions sexuelles, outrages en tout genre… Le temps des colonies est loin d’être fini ! 4
Mise en scène électorale
Un référendum sur la réforme de la Constitution s’est déroulé le 13 décembre 2015. Il précédait la tenue des élections présidentielles et législatives dont le premier tour était prévu pour le 27 décembre. Mais les violences auxquelles on a assisté suffisaient à montrer que ce scrutin, plusieurs fois repoussé, était en décalage complet avec la situation dans le pays.
La tenue d’élections avant la fin de l’année 2015 répondait avant tout à un plan de l’Élysée. La présidente, Catherine Samba-Panza, a été élue en janvier 2014 par une assemblée parlementaire, le Conseil national de transition. Son mandat devait s’achever avec l’élection d’un véritable président élu au suffrage universel. Et plus vite celle-ci aura lieu, plus vite Hollande pourra dire que l’intervention militaire en Centrafrique a été un succès. Tel est le scénario de la transition que le gouvernement français applique aux pays africains où son armée intervient. Au Mali, cela a abouti à l’élection d’Ibrahim Boubacar Keita sans pour autant pacifier le pays, et Hollande renouvelle désormais l’opération en Centrafrique, dans des conditions encore plus douteuses.
Dans ce pays, l’insécurité règne, et cela a été prouvé le jour même des élections. Des hommes armés ont ouvert le feu sur la foule dans un bureau de vote du quartier musulman du PK5 à Bangui, la capitale. En province, des urnes ont été brûlées. Les hommes des fractions armées ont empêché le vote, qu’il s’agisse de groupes issus de la Séléka ou des anti-balakas, ces milices musulmanes ou chrétiennes qui dominent de vastes zones malgré la présence de 900 soldats français et de 12 000 soldats de l’ONU.
Mais l’important pour Hollande est de pouvoir dire qu’il y a un président élu et légitime, même si celui-ci n’a aucun pouvoir réel et est bien incapable de satisfaire les besoins de la population ni d’assurer sa sécurité. 5
Élections en trompe-l’œil
Pas sûr que le premier tour de l'élection présidentielle qui s'est déroulé le 30 décembre 2015 permette de tourner la page de trois ans de violence entre communautés, consécutive au renversement du dictateur Bozizé par la Séléka qui a dû laisser le pouvoir à un gouvernement de transition.
L’élection présidentielle s’est mieux déroulée que celle du référendum constitutionnel qui a eu lieu quelques semaines plus tôt et qui a été émaillée de violences. Cette nouvelle Constitution adoptée par 93 % des voix, mais avec un taux de participation de 38 %, autorise seulement un second mandat présidentiel et insiste sur l’interdiction des milices armées et des prises de pouvoir par la force, vues comme des crimes imprescriptibles.
Trente candidats
Pour les présidentielles, pas moins de trente candidats se sont présentés après que l’Autorité nationale des élections eut écarté 14 candidatures dont celle de Bozizé, l’ancien dictateur déchu, sous le coup d’une sanction des Nations unies pour son rôle dans les violences qu’a connues le pays depuis ces trois dernières années. L’annulation des candidatures de Bozizé et de Patrice-Edouard Ngaïssona, le dirigeant des anti-balaka, a suscité quelques tensions dans la capitale Bangui parmi leurs fidèles.
Sur les trente candidats, trois personnalités se sont détaché au vu des premiers résultats partiels. Faustin Archange Touadéra est arrivé en tête dans la région de Bangui. Le second est Anicet-Georges Dologuélé. Enfin, arrivé en troisième position, Désiré Kolingba, fils d’un ancien dictateur, ancien de la Banque mondiale, s’était déjà présenté pour être président du gouvernement de transition.6
Le second tour des élections présidentielles a porté au pouvoir Faustin-Archange Touadéra.
Alors que les bandes armées continuaient à terroriser la population à chaque coin de rue, François Hollande tenait absolument à ce que le scrutin ait lieu, afin de pouvoir déclarer que l’intervention militaire française se soldait par un succès.
Voilà maintenant le pays doté des attributs de ce que les représentants des grandes puissances appellent la démocratie : des élections, un président, et bientôt un gouvernement et un Parlement.
Faustin-Archange Touadéra n’est pas un nouveau venu. Il fut le dernier Premier ministre du dictateur François Bozizé, de 2008 à 2013, juste avant que celui-ci soit renversé par la rébellion Séléka. À ce titre, il fut complice du détournement des maigres richesses de la Centrafrique au profit de l’ex-dictateur, de sa famille et de son clan. Diamants, droits de douane, et jusqu’au programme d’aide de l’ONU, tout finissait dans les poches de Bozizé et de certains ministres du gouvernement dirigé par Touadéra.
L’adversaire de Touadéra pour la présidence n’avait pas des références plus reluisantes. Anicet-Georges Dologuélé avait été lui aussi Premier ministre dans le passé, avant de prendre la tête de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC). À ce titre, il avait lui-aussi participé au pillage de la Centrafrique pour le compte des pays impérialistes, au premier rang desquels la France. On pourrait en dire autant des principaux candidats du premier tour, avec lesquels la France entretient des liens étroits.
Touadéra prétend pouvoir sortir le pays du chaos et mettre en œuvre un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion des bandes armées. Mais de tels programmes, la Centrafrique en a connu, sans autre résultats que la reprise d’une rébellion quelques années plus tard. L’intégration de groupes armés rebelles dans l’armée régulière et les postes accordés à leurs chefs, que prévoient ces programmes, ont toujours fini par buter sur le fait que, dans un pays où l’État n’existe pas, ou plutôt se résume à la mangeoire d’un clan, il est toujours plus lucratif d’aller piller les richesses à la source, qu’il s’agisse de mines de diamants ou de tributs extorqués à la population.
Le gouvernement français a en grande partie sous-traité la présence militaire en Centrafrique aux 12 000 hommes de la Minusca, les troupes africaines agissant sous mandat de l’ONU. Il reste alors 900 soldats français, un chiffre que Hollande voudrait ramener à 300. Les uns comme les autres se comportent comme une bande armée parmi d’autres, comme le prouvent les accusations d’abus sexuels visant des soldats aussi bien français qu’africains
La comédie électorale qui a eu lieu, et tout le décorum prétendument démocratique qui l’entoure, ne changera rien au chaos qui règne en Centrafrique. Il est le fruit du pillage des richesses du pays par l’impérialisme français, pendant la période coloniale et après l’indépendance. Le fruit aussi de ses multiples interventions militaires pour soutenir des dictateurs prédateurs. Et quand Hollande promet à Touadéra « tout le soutien nécessaire », c’est de la continuation de cette politique qu’il parle.7
Sombres perspectives
Ces élections risquent fort d’être une réussite sans lendemain. En effet, la Centrafrique restera un pays ingouvernable, avec un État en lambeaux dans la capitale et quasiment inexistant dans le reste du pays en proie aux différentes milices armées. Quant aux réfugiés et déplacés, ils représentent toujours près de 20 % de la population. Un terrible constat, en dépit du satisfecit du gouvernement français, que, deux ans après son lancement, l’opération militaire Sangaris n’a pas réussi son double objectif de protection des populations civiles et de désarmement des milices.
La Séléka s’est disloquée en une multitude de milices armées qui contrôlent le nord du pays, les anti-balaka règnent, eux, sur le sud, et l’armée du seigneur, connu sous l’acronyme anglais de LRA, une milice d’origine ougandaise dirigée par Joseph Kony, écume la région du sud-est du pays.
Politique française de court terme...
La politique de la France vise plus à créer une normalité largement factice en Centrafrique en écartant les risques de partition du pays et de coup d’État. Avec l’aide du Tchad, elle étouffe les velléités de Noureddine Adam, un des dirigeants de la Séléka, de scissionner le pays, et a aussi déjoué la tentative de prise de pouvoir en bloquant à Sibut ses milices qui descendaient sur Bangui en octobre 2015.
Cette politique de court terme vise simplement à tenter de se désengager militairement sans apporter une aide au règlement des problèmes de fond largement hérités de la politique française de soutien aux différentes dictatures les plus corrompues pendant des décennies. Ainsi, les réponses à la misère, à l’insécurité alimentaire, à l’absence de soins dont souffrent les populations restent dramatiquement absentes.8
Depuis l'intervention militaire de la France, la seule évolution pour la population a été l’éclatement aussi bien de la Séléka que des anti-balaka en de nombreux groupes dont le point commun est de vivre du racket de la population. Les jours de marché, les miliciens rançonnent les paysans venus vendre leurs produits au village. Ils érigent des barrages sur les axes routiers ou fluviaux pour taxer ceux qui se déplacent. Les enlèvements, les assassinats sont légion, et ces bandes de voyous en armes frappent avec la même violence les membres de leur communauté, dont ils se proclament les protecteurs, que ceux de la communauté adverse.
Mais, dans ce chaos, la Centrafrique va avoir un président élu, donc légitime, pour que le pillage du pays par l’impérialisme se perpétue, et c’est pourquoi Hollande se réjouit que ces élections aient finalement eu lieu.9
La fin de l’intervention impérialiste : un bilan désastreux
Le 30 octobre 2016, alors même que Le Drian, ministre de la Défense du gouvernement français, arrivait à l’aéroport de Bangui, en Centrafrique, pour officialiser la fin de l’opération Sangaris et se féliciter de son succès, de nouveaux affrontements avaient lieu à seulement quelques kilomètres de là. D’après l’ONU, d’autres ont éclaté en province le même jour.
« Vous aviez trois missions : mettre fin au chaos, accompagner les forces internationales et permettre la tenue d’élections. Ces trois missions sont remplies, personne ne peut le contester », a déclaré Le Drian au quartier général des troupes françaises.
Les soldats français, envoyés à partir de décembre 2013 et dont le nombre est monté jusqu’à 2 000, ont constitué un facteur de chaos supplémentaire. Aux exactions commises par les milices ex-Séléka, qui venaient de chasser le président Bozizé, ont répondu les massacres des anti-balaka, qui se sont sentis encouragés par l’arrivée des troupes françaises. Les troupes africaines de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), déployées sous la houlette de l’Union africaine avec le soutien des soldats français, se sont comportées comme des bandes armées supplémentaires, le contingent tchadien, favorable aux ex-Séléka, en venant même à s’affronter avec le contingent burundais. Toutes se sont mises à rançonner la population. Le remplacement des forces de la Misca par celles de la Minusca (Mission des Nations unies) en 2014 n’a rien changé. Les accusations de viols commis à l’encontre de la population se sont multipliées. L’ONU a recensé plus d’une centaine de cas, dont plusieurs commis par des soldats français.
La fin du chaos ? L’autorité du président Touadéra ne dépasse pas la capitale. Tout l’est du pays est sous la coupe des milices ex-Séléka, musulmanes, ou de seigneurs de guerre comme le général al-Khatim, autoproclamé président, qui rançonnent, pillent et terrorisent la population. L’Ouest est le fief des bandes armées anti-balaka, chrétiennes, qui elles aussi font régner la terreur.
L’armée française ne quitte d’ailleurs pas la Centrafrique. 350 soldats continueront d’occuper la base de M’Poko et d’encadrer les 10 000 soldats des troupes de la Minusca. Le contingent français peut en outre être multiplié en quelques heures à partir des bases situées dans les pays voisins.
L’actuel président, Faustin-Archange Touadéra, élu au milieu du chaos, ne resterait pas une journée au pouvoir sans les troupes de l’ONU et, si besoin était, de la France. Il a été Premier ministre de l’ex-président Bozizé et son seul mérite est d’avoir donné toutes les preuves de sa soumission aux intérêts de l’impérialisme français. Le Drian le sait bien quand il affirme : « La France n’abandonnera jamais la Centrafrique. » 10
Petits arrangements entre bandits
Le 29 juin 2022, le parquet de Paris a ouvert une enquête sur la multinationale française Castel.
Ce géant du vin et de la boisson est accusé de complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Centrafrique.
L’ONG américaine The Sentry a révélé que la Sucrerie africaine de Centrafrique, filiale de Castel, a recouru depuis 2016 à l’UPC, une bande armée connue pour terroriser la population centrafricaine. Elle voulait sécuriser son usine et ses champs de canne à sucre situés à Ngakobo, à 400 kilomètres à l’est de Bangui. Moyennant des financements, l’entretien de leurs véhicules et la fourniture de carburant, les bandits de l’UPC veillaient à « protéger le monopole de la société ». Ses deux chefs auraient reçu en cinq ans 260 000 dollars, sans compter les cadeaux en nature.
En 2017, le cimentier Lafarge avait été épinglé pour avoir versé 13 millions d’euros à al-Qaida puis à Daech, afin de maintenir l’activité de sa cimenterie au nord-est de la Syrie.
Ces capitalistes font en privé et en petit ce que leur classe fait en grand avec les États : entretenir l’exploitation dans l’ex-domaine colonial en utilisant des bandes armées, avec ou sans uniforme.11
Économie de la Centrafrique
Le revenu par habitant est de 446 dollars en 2012. L'agriculture représente 50 % du PIB. Le pays compte des gisements d'aluminium, de cuivre, d’or, de diamant, d’uranium et des puits de pétrole.
Agriculture et exploitation forestière
Les principales cultures sont le manioc (cassave), les bananes, le maïs, le café, le coton et le tabac.
Le potentiel des sols est estimé à 15 millions d'hectares.
Le nord-ouest et le centre du pays représentent un bassin agricole important pour les cultures de coton et de canne à sucre. Toutefois, la faiblesse des infrastructures et du soutien à la production, qui reste majoritairement extensive, limite très fortement les rendements, très inférieurs à ceux des pays voisins. L'enclavement du pays demeure un handicap important.
En 2009, l’élevage s’appuie sur un cheptel d'environ 15 millions de têtes.
L'exploitation forestière contribue largement au PIB, avec d'importantes ressources en bois tropicaux. La forêt centrafricaine couvre une superficie de 3,8 millions d'hectares. Dès le début de la colonisation, on a exploité l'hévéa pour son latex, aujourd'hui les essences sont plus diversifiées. Les moins nobles sont transformées localement par une petite industrie de contreplaqués, tandis que les plus précieuses sont exportées sans transformation sous forme de grumes.
Pétrole
Les premiers forages pétroliers sont réalisés au début des années 1980 par des compagnies pétrolières américaines dont Grynberg RSM du milliardaire américain Jack Grynberg.
Le président Patassé attribue un permis d'exploitation à la compagnie américaine Grynberg mais celui-ci expire en 2004. Le gouvernement américain suit de près la situation sur place.
Le pétrole de Gordil, à la frontière tchadienne est concédé par le régime de François Bozizé en 2012 aux Chinois de la China National Petroleum Corporation. Celui-ci affirmera : « J’ai été renversé à cause du pétrole » et « J’ai donné le pétrole aux Chinois et c’est devenu un problème ».
Un milliard de barils de pétrole seraient présents dans le pays, principalement au nord, près de la frontière avec le Tchad, certains experts parlant de jusqu’à 5 milliards de barils.
Quatre sites pétroliers prometteurs sont identifiés, soit Bagara, Doseo, Salamat et Doba/Bango.
Uranium
Dans les années 1960, un gisement de bauxite avait été découvert à Bakouma par le Commissariat à l’énergie atomique. La Centrafrique posséderait environ 20.000 tonnes de réserves d'Uranium.
Le groupe nucléaire Areva a signé en août 2008 avec le pouvoir de François Bozizé, un contrat de 18 milliards de Francs CFA (27 millions d’euros) sur 5 ans portant sur un projet du gisement d’uranium à Bakouma à 900 km au nord-est de Bangui.
Areva a cependant renoncé à l'exploiter en raison de l’insécurité et de la baisse mondiale du cours de l’uranium dû à l’accident nucléaire de Fukushima.
Diamants
La production de diamants alluvionnaires de très bonne qualité (diamants de joaillerie) s'établit à environ 500 000 carats bruts par an.
La Centrafrique figure en quatrième ou cinquième place mondiale pour leur qualité.
La production réelle est difficile à estimer au double environ, il existe une contrebande importante dans ce secteur. La production, le commerce, ainsi que la taille des diamants, sont des activités qui font régulièrement l'objet de plans visant à les nationaliser, ou au contraire à les libéraliser. Les chefs d’État centrafricains ont toujours profité du diamant, l'empereur Bokassa les a utilisé à des fins diplomatiques comme lors de l'affaire des diamants. L’exploitation des diamants alimente les différents groupes armés et la violence dans le pays.
En 2013, la Centrafrique est suspendue du Processus de Kimberley visant à lutter contre les diamants du sang.
Industrie
Le tissu industriel, qui n'a jamais été très développé par rapport aux pays voisins comme le Cameroun par exemple, a souffert des troubles militaires et politiques successifs, et est aujourd'hui quasiment inexistant. Quelques industries développées dans les années 1970 (manufactures de tissus, de chaussures...) ont disparu. Il subsiste une production locale de bière et de transformation d'aluminium. Le secteur privé emploie environ 11 000 salariés.
Les services publics (eau, électricité, téléphone filaire...), monopoles d'État, sont dans des situations financières difficiles, et les équipements, faute de maintenance et d'investissement, sont pour la plupart vétustes, entraînant des ruptures de service très fréquentes. Le poids important de la dette dans le budget national, et la faiblesse du niveau des ressources propres, rendent la gestion de l'État difficile (non-paiement de salaires des fonctionnaires, grèves et mouvements sociaux) et contribuent à la fragilité des institutions politiques.
Un cadre législatif anachronique voir inexistant, l'absence d'infrastructures de transport et forte corruption, caractérisent l'économie de la République centrafricaine, qui fait également partie d'institutions visant à l'intégration sous-régionale ou régionale comme la CEMAC.
Braconnage et tourisme
La Centrafrique reste un des endroits de la planète où l'on trouve encore une flore et une faune très diversifiées, en particulier une population d'éléphants d'Afrique de forêt. Cette situation reste très fragile du fait du braconnage pour l'ivoire et de la consommation de viande de brousse, mais représente un potentiel cynégétique et d'écotourisme important. Le tourisme reste encore anecdotique, autant du fait de la faiblesse des infrastructures d'accueil et de transport que de l'insécurité qui règne dans le pays.12
En 2008, 62% de la population vivait sous le seuil de pauvreté.13
Sources