Le Burundi

 

Royaume du Burundi

La connaissance des origines du Burundi repose sur la tradition orale et sur l'archéologie. L'une des légendes fondatrices veut que la nation burundaise fut fondée par un homme appelé Cambarantama originaire, selon les versions, tantôt du Rwanda au nord, tantôt du Buha sur les rives du lac Tanganyika.

Les premières traces archéologiques d'un État burundais remontent au XVIe siècle dans l'est de ses frontières actuelles. Il s'est ensuite peu à peu étendu, en compétition avec le Rwanda. Il connut sa plus grande expansion sous le règne de Ntare IV, qui dirigea le pays de 1796 à 1850 et doubla sa superficie.

Le royaume du Burundi est caractérisé par une forte hiérarchie sociale et des échanges économiques d'ordre tributaire. Le roi, (mwami), est à la tête d'une aristocratie princière (ganwa) détenant la majorité des terres et prélève un tribut sur les récoltes et troupeaux des fermiers qui les exploitent. Au milieu du XVIIIe siècle, la famille royale consolida son autorité sur la terre, la production et la distribution en développant un système de patronage, l'ubugabire, la population recevant la protection royale en échange de sa production.1

Les mwamis (rois) successifs vont élargir le pays par des conquêtes réalisées aux dépens des royaumes voisins et consolider leur pouvoir en s'appuyant sur la caste aristocratique des Baganwas, appartenant souvent à la famille royale. De cette époque date la distinction entre Tutsis, aristocrates éleveurs, et Hutus, agriculteurs. Mais la frontière entre les deux groupes n'est pas étanche : un Hutu acquérant un troupeau devient Tutsi.2

 

Afrique orientale allemande

Les premiers explorateurs et missionnaires européens firent de brèves incursions dans la région à partir de 1856. Contrairement à son homologue rwandais, qui accepta les propositions allemandes, le roi Mwezi IV Gisabo s'opposa à toute ingérence occidentale, refusant de porter des vêtement européens et interdisant la présence de missionnaires et d'administrateurs. À partir de 1899, les forces allemandes infligèrent de lourdes pertes aux armées du roi mais sans parvenir à la victoire. Elles soutinrent alors l'un des beaux-fils du roi, Maconco, dans une révolte contre le souverain, ce qui contraint Gisabo à leur faire allégeance pour maîtriser l'insurrection. L'Afrique orientale allemande, établie en 1891, annexa officiellement le Burundi et les petits royaumes adjacents sur les rives orientales du lac Tanganyika le 6 juin 1903.

 

Empire colonial belge

En 1916, pendant la Première Guerre mondiale, les troupes belges débarquèrent dans la région. Au sortir de la guerre, l'Allemagne perdit toutes ses colonies et, lors de la conférence de Versailles en 1919, le royaume de Belgique obtint un mandat sur la province du Ruanda-Urundi, constituée des Rwanda et Burundi actuels, mandat renouvelé par la Société des nations en 1923. Les royaumes bordant la rive orientale du Tanganyika furent, quant à eux, attribués au protectorat du Tanganyika administré par le Royaume-Uni. La Belgique administra le territoire de manière indirecte, en s'appuyant sur l'aristocratie tutsie.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Ruanda-Urundi devint un territoire sous tutelle de l'Organisation des nations unies sous autorité administrative belge. Le 10 novembre 1959, la Belgique accepta de réformer la politique et légalisa le multipartisme. Deux partis politiques émergèrent : l'Union pour le progrès national (UPRONA), un parti multiethnique fondé et dirigé par le prince tutsi et Premier ministre Louis Rwagasore et le Parti chrétien-démocrate, soutenu par la Belgique.

 

Indépendance

Aux élections législatives du 18 septembre 1961, les Burundais choisissent l'Union pour le progrès national (UPRONA) et son chef de file le prince Louis Rwagasore, qui remporte 58 des 64 sièges de la nouvelle assemblée. L'Uprohutu (Union pour la promotion hutue, qui plus tard deviendra le Palipehutu Parti pour la libération du peuple hutu, pendant du Parmehutu au Rwanda qui a pris le pouvoir par la force deux ans plus tôt), n'obtient aucun rôle dans le nouveau paysage politique burundais. Un mois plus tard, le prince Rwagasore est assassiné le 13 octobre par Georges Kageorgis, un jeune résident grec, qui selon Ludo de Witte, est engagé par les Belges qui voulaient se venger de leur défaite et handicaper le leadership burundais. L'indépendance du pays est proclamée le 1er juillet 1962, date alors choisie pour célébrer la fête nationale, et le roi Mwambutsa IV établit un régime de monarchie constitutionnelle.

Le 15 janvier 1965, le Premier ministre Pierre Ngendandumwe (hutu) est assassiné et sa mort est attribuée dans les milieux hutus à des Tutsis. Des émeutes éclatent, aussitôt réprimées par le gouvernement. Le 10 mai de la même année, les élections législatives se déroulent sous la bannière ethnique, notamment sous l’impulsion du Parti du peuple (PP).

La monarchie refuse de reconnaître les victoires des candidats hutus. En réaction, le 18 octobre 1965, un groupe de militaires hutus assassinent plusieurs de leurs collègues tutsis et tentent de renverser le roi, sans succès. Des politiciens et intellectuels hutus sont assassinés en représailles. Le 8 juillet 1966, le roi est déposé par son fils, Ntare V, renversé à son tour par son Premier ministre Michel Micombero le 28 novembre. Ce dernier abolit la monarchie et proclame la république. Un régime militaire émergea de facto et des émeutes éclatèrent ponctuellement jusqu'au début des années 1970. Micombero s'appuya sur un groupe d'origine hima, un sous-groupe tutsi du sud du pays. Comme en 1965, des rumeurs de coup d'État hutu en 1969 provoquèrent l'arrestation et l'exécution de nombreuses figures politiques et militaires hutues.

 

Massacres de 1972

Jusqu'en 1972 la jeune armée burundaise est composée de Hutus et de Tutsis, depuis l'homme de troupe jusqu'aux officiers supérieurs. Le 29 avril 1972, des groupes hutus sous la houlette de l'organisation UBU, Umugambwe w'Abakozi b'Uburundi ou Parti des Travailleurs du Burundi, tentent de prendre le pouvoir tout en éliminant les Tutsis. Aussitôt l'insurrection déclenchée, l'ex-roi Ntare V est assassiné, ce qui met fin à toute possibilité de retour à la monarchie puisque Ntare Ndizeye était le dernier mâle de la dynastie ganwa et le seul prétendant légitime au trône. Les insurgés seront réprimés avec une grande férocité, au prix du massacre d'environ 100 000 personnes.

L'organisation et la planification des massacres de Tutsis étant l'œuvre d'officiers et sous-officiers de l'armée, une épuration aveugle fut faite dans les rangs de ceux-ci après les massacres qui prirent place durant 2 semaines. Les partis politiques hutus souhaiteraient que cet événement soit qualifié officiellement de génocide. Cependant, les organisations des rescapés tutsis de 1972 considèrent que cette thèse du « double génocide » vise à occulter le plan d'extermination des Tutsis pourtant revendiqué par l'organisation UBU. Cette organisation avait appelée les Hutus à massacrer les Tutsis jusqu'aux fœtus.

 

Régime de 1976

Le régime Micombero tomba le 1er novembre 1976. Le nouveau chef de l’État, le colonel Jean-Baptiste Bagaza initia une politique économique de grande envergure, croyant de cette façon passer par la satisfaction des besoins de la population et l’instauration d’une justice sociale pour réduire ces tensions. Mais c’est sous son régime que sont nés les mouvements de libération des Hutus : Palipehutu, UBU, Tabara, Bampere. Ces organisations créèrent de vives tensions dans le pays. Au cours de cette même période surtout après 1985 le torchon brûlait entre l’État et l’Église catholique notamment.

La 3e république fut proclamée dans cette conjoncture : le major Pierre Buyoya remplaça Jean-Baptiste Bagaza à la tête de l’État le 3 septembre 1987. Une année après, le 15 août 1988, éclata la « crise de Ntega et Marangara ». Des initiatives diverses furent prises en vue de promouvoir l’unité nationale : accueil et réinstallation des réfugiés, gouvernement de l’unité nationale, charte de l’unité nationale. Malgré ces actions posées en vue de résoudre le problème de l’unité nationale, une nouvelle explosion de violence eut lieu encore à Bujumbura et dans le Nord-Ouest en octobre 1991 mais ne s’étendit pas sur d’autres territoires.

 

Constitution de 1992 et guerre civile de 1993

Après les massacres de 1988 (20 000 morts), pour éviter d'autres bains de sang, le major Pierre Buyoya décide de lancer le pays dans une transition politique.

Une constitution est rédigée par une commission chargée d'instaurer une démocratie multipartite au Burundi. Elle est validée par la population en 1992 malgré de nombreuses hésitations de Pierre Buyoya, président depuis un coup d'État militaire en 1987.

Des élections présidentielle et législatives sont organisées respectivement le 1er juin et le 30 juin 1993 ; elles sont toutes remportées par le FRODEBU. Après l'élection présidentielle démocratique, le président tutsi Buyoya de l'UPRONA passe le témoin le 10 juillet 1993 au nouveau président hutu Melchior Ndadaye. Le président de la République Ndadaye nomme Sylvie Kinigi une Tutsie comme premier ministre afin de bâtir une réconciliation entre les deux composantes hutus et tutsis.

Les Tutsis, qui avaient la mainmise sur l'appareil d'État depuis longtemps (au moins depuis l'indépendance) alors qu'ils ne représentent que 15 % de la population, prennent peur du pouvoir que gagnent, de manière légale, les Hutus, d'autant plus qu'après avoir été considérés comme des êtres inférieurs, certains Hutus veulent une revanche. De plus certains Tutsis considèrent le pouvoir comme un de leurs attributs et refusent que de simples Hutus puissent gouverner.

Le 21 octobre 1993, des militaires de l'armée exécutent le président Melchior Ndadaye et six de ses ministres dont le président de l'assemblée générale, Pontien Karibwami, le vice-président de l'assemblée générale, Giles Bimazubute, le ministre de l'Intérieur, Ndayikeza Juvénal, le directeur de la documentation nationale, Richard Ndikumwami.

L'intérim à la tête du pays fut assurée par Sylvie Kinigi, premier ministre du président assassiné Ndadaye, du 27 octobre 1993 au 5 février 1994.

 

Guerre civile

La guerre civile au Burundi a commencé en 1993 suite à l'assassinat du premier président hutu depuis l'indépendance, Melchior Ndadaye.

Au début, des milliers de civils tutsis sont massacrés par leurs voisins hutus. Puis l'armée réagit très violemment au massacre de Tutsis, comme en 1972, et engage une répression très dure et massacre des Hutus. Au total 50 000 à 100 000 personnes (à majorité tutsies) sont tuées, certaines sources parlent de 200 à 300 000 victimes. Une Commission internationale d'enquête au Burundi envoyée par l’ONU conclut dans son Rapport S/1996/682 qu'il y a eu des actes de génocide contre les Tutsis. Plusieurs organisations et partis politiques souhaitent que ce génocide soit qualifié officiellement comme l’indique ledit rapport et qu'un tribunal pénal international soit mis sur pieds pour juger les auteurs. Avec l'assassinat du Président Ndadaye, des milliers de citoyens burundais avaient fui vers le Rwanda, l'ex-Zaïre et la Tanzanie. Le 14 janvier 1994, alors que Bujumbura vit au rythme des massacres, Cyprien Ntaryamira du FRODEBU est élu président pour calmer la situation et la première ministre Sylvie Kinigi reste en poste jusqu'à la nomination d'un uproniste, Anatole Kanyenkiko, le 11 février pour diriger un gouvernement d'Union nationale. Le pays est un champ de désolation : 800 000 exilés et 180 000 déplacés à l'intérieur du pays.

Le 6 avril 1994, l'avion qui ramenait le président Ntaryamira ainsi que son collègue rwandais Juvénal Habyarimana est détruit en plein vol par un missile. Sylvestre Ntibantunganya est nommé président intermédiaire du Burundi le 30 septembre 1994. Le major Buyoya reprend le pouvoir par un coup d'État le 25 juillet 1996.3

 

Accord de paix d'Arusha

Depuis 1998, les tentatives pour arriver à un accord de paix ont continué à Arusha en Tanzanie sous les auspices de l'ancien président de l'Afrique du Sud, Nelson Mandela. Suite à des pressions considérables exercées par l'Occident, un accord a été signé en août 2000. En présence du président américain d'alors, Bill Clinton, sept partis hutus et dix partis tutsis, ainsi que le gouvernement, ont accepté de former un régime de transition en attendant la tenue d'élections démocratiques. Mais les accords d'Arusha ne reposaient sur rien de solide. Le FDD et le FNL ont refusé d'y participer, et comme l'Africa Confidential a commenté : « Aucune des questions clés - nouvelle constitution, structure du partage des pouvoirs et réforme de l'armée et des services de sécurité - n'a été acceptée par l'ensemble ou même par une simple majorité des factions militaires et politiques qui s'opposent au Burundi.4

Le 10 janvier 2001, une assemblée nationale de transition est nommée et son président est Jean Minani, président du Frodebu. L'accord d'Arusha entre en vigueur le 1er novembre 2001 et prévoit, en attentant des élections législatives et municipales pour 2003 et présidentielles pour 2004, une période de transition de 3 ans avec pour les 18 premiers mois, le major Buyoya à la présidence et Domitien Ndayizeye du Frodebu au poste de vice-président avant que les rôles ne soient échangés. L'alternance prévue fut respectée par Pierre Buyoya qui céda le pouvoir au bout de dix-huit mois. Les différents portefeuilles du gouvernement sont partagés entre Uprona et Frodebu. Le 4 février 2002, le Sénat de transition élit l'uproniste Libère Bararunyeretse à sa présidence.

Malgré les critiques du comité de suivi des accords d'Arusha à l'encontre du gouvernement, en particulier en ce qui concerne la modification de la composition ethnique de l'armée et de l'administration, c'est-à-dire un rééquilibrage ethnique de ces deux institutions, l'exécutif Hutu-Tutsi fonctionne.

Cependant, le 7 juillet 2003, les forces hutu des CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), en coalition avec le PALIPEHUTU-FNL (Parti pour la libération du peuple hutu-Forces de libération nationale) attaquent Bujumbura. 40 000 habitants fuient la capitale. Un accord de paix (protocole de Pretoria) est néanmoins signé le 15 novembre 2003 entre le président Ndayizeye et le chef des CNDD-FDD. La principale branche de la rébellion (CNDD-FDD) entre au gouvernement, au sein duquel elle détient quatre ministères et dispose également de postes de haut rang dans les autres institutions, conformément à l'accord d'Arusha.

Le CNDD-FDD, dirigé par Pierre Nkurunziza, s'impose dès lors comme l'un des principaux acteurs politiques en obtenant la majorité absolue aux élections communales du 5 juin 2005 (1 781 sièges sur les 3 225 à pourvoir) avec 62,9 % des voix, contre 20,5 % pour le FRODEBU et seulement 5,3 % pour l'Uprona. Le CNDD-FDD, majoritairement hutu, dispose désormais de la majorité absolue dans 11 des 17 provinces du pays. Une victoire sans appel qui annonce la recomposition du paysage politique après douze années de guerre civile et met un terme au long tête-à-tête entre l'UPRONA et le FRODEBU. Mais le vote a aussi rappelé que certains rebelles (PALIPEHUTU-FNL) n'ont pas encore déposé les armes (le jour du scrutin, 6 communes ont été la cible de violences). Ces opérations d'intimidation révèlent que la trêve conclue le 15 mai 2005 à Dar es Salaam avec les forces du PALIPEHUTU-FNL reste fragile.

Le CNDD-FDD remporta également les élections législatives du 4 juillet 2005 et les sénatoriales du 29 juillet. Nkurunziza est donc élu président le 19 août et investi le 26 août 2005.5

 

Les massacres de 2004

Le camp de réfugiés de Gatumba, situé tout près de la frontière de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), a été la cible d'attaques meurtrières. Près de 160 hommes, femmes, enfants, vieillards d'origine Banyamulenge, des Congolais d'ethnie Tutsie, ont été sauvagement massacrés et atrocement mutilés dans la nuit du 13 au 14 août.

Des opposants Hutus burundais hostiles au processus de paix de leur pays, aidés d'anciens miliciens Hutus qui avaient participé au génocide au Rwanda en 1994, et depuis réfugiés dans l'est du Congo, seraient à l'origine de cette énième tuerie.

Le Burundi sort tout juste d'une guerre civile entre Hutus et Tutsis. Depuis 1993, cette guerre a fait près de 300 000 morts. En 2004, le président burundais Domitien Ndayizeye accuse l'opposition hostile au processus de paix et " une coalition venant de la République démocratique du Congo (RDC) " (ex-Zaïre), son puissant voisin, de vouloir le déstabiliser. Dans ce dernier pays, dirigé par Kabila, l'armée ne contrôle qu'une partie du territoire, dont les autres parties sont sous l'influence de bandes armées rivales, véritables seigneurs de la guerre sans foi ni loi, terrorisant les populations civiles, multipliant exactions et massacres.

Ces seigneurs de guerre se livrent au pillage des richesses minières du Congo pour le compte des compagnies minières et multinationales européennes, s'enrichissant au passage. D'autres bandes sont assujetties à des États proches comme le Rwanda et l'Ouganda qui profitent du chaos dans la région des Grands Lacs pour piller à leur tour les richesses minières du Congo.

Les conflits ethniques entretenus par ces bandes armées ne font que masquer les appétits prédateurs de leurs maîtres et commanditaires qui vivent, eux, dans le luxe des capitales européennes. Ainsi, en cinq ans, la guerre a fait près de trois millions de morts dans la République démocratique du Congo. Le Rwanda, tout proche, n'est pas en reste. Encore traumatisé par le génocide des Tutsis, orchestré à l'époque par le gouvernement Hutu armé par la France (800 000 à un million de morts), le Rwanda accuse le gouvernement congolais de laisser faire les milices des seigneurs de guerre. Sous couvert de " protéger " les populations d'origine Tutsie vivant dans la région, le président rwandais Paul Kagamé menace de faire pénétrer à nouveau son armée au Sud-Kivu, au Congo... et de reprendre le pillage des richesses minières !

Sur place, l'ONU entretient une force d'interposition au Congo démocratique et au Burundi, qui... compte les points entre les bandes rivales ! Hypocrites, les gouvernements occidentaux condamnent tous le " terrible massacre " du Burundi, à l'instar de la France, qui réclame que " ces crimes " ne restent pas " impunis ". Comme si on pouvait oublier que, depuis des décennies, elle a pillé la région, soutenu les dictatures les plus criminelles et armé les milices les plus sanglantes.

Comme bien d'autres régions d'Afrique, la région des Grands Lacs est aujourd'hui une véritable poudrière. Des décennies de pillages, de massacres, perpétrés par les grandes puissances impérialistes et les bandes armées sous leur tutelle directe ou indirecte, ont creusé des fossés de sang entre les peuples, les enfermant dans le piège ethnique. La moindre étincelle fait basculer ces pays dans l'horreur.6

 

La crise de juin 2010

Après cinq années, l'érosion du pouvoir conduit à un certain agacement au sein des autres groupes Hutus, le CNDD-FDD obtient une majorité des 2/3 aux élections communales du 26 mai 2010 ; immédiatement, les partis Hutus signataires des accords d'Arusha dénoncent des fraudes massives, tandis que l'ONU et l'Union européenne, qui supervisent le scrutin, assurent ne pas avoir observé de graves irrégularités.

Peu après, une émeute éclate dans un faubourg de Bujumbura, les manifestants ont découvert une urne remplie de bulletins non-décachetés, dans un quartier acquis aux Hutus anti-Nkurunziza, il y a plusieurs blessés. Le 2 juin, des dirigeants de l'opposition Hutu sont arrêtés, tandis que Ban Ki-moon débarque au Burundi pour appeler à la poursuite du processus électoral… il ne rencontre que le président, ce qui est vêcu par les opposants comme une trahison de la communauté internationale.

Le lendemain, les partis Hutu d'opposition (PALIPEHUTU-FNL, etc.) décident le boycott total des élections présidentielles du 26 juin, le 5 juin, l'ancien président Ndayizeye, qui faisait la course pour remplir les voies, minoritaires, de sa communauté, décide de rejoindre la contestation. Le 7 juin, le gouvernement interdit toute campagne pour l'abstention, ce qui radicalise la divergence.7

 

 

Les terres de la discorde

Depuis le début des années 2000, le Burundi est confronté au lourd héritage d’une longue guerre civile : la nécessité de réinstaller sur leurs terres des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés injustement spoliés. Dans un contexte de tensions foncières dues à la forte croissance démographique et à la raréfaction des terres arables disponibles, la politique actuelle de restitution des terres, qui est essentielle pour la consolidation de la paix, est en train de la fragiliser et de réactiver les ressentiments à connotation ethnique. Celle-ci privilégie les droits des rapatriés au détriment des propriétaires actuels, qui ne sont pas tous des spoliateurs de guerre. Pour éviter la perception d’une restitution revancharde, une nouvelle politique de réconciliation foncière plus fidèle à l’accord de paix d’Arusha est indispensable.

Dans le principal pays d’accueil, en Tanzanie, plus de 700 000 réfugiés avaient été maintenus dans des camps. En 2010, le gouvernement tanzanien avait annoncé la naturalisation de 162 000 Burundais, mais s’est en même temps montré ferme dans sa volonté de rapatrier l’ensemble des autres réfugiés. Fin 2012, le statut des derniers réfugiés a été levé et les 35 000 résidents du dernier camp ont été rapatriés de gré et de force. Une politique de restitution foncière a été prévue dans l’accord d’Arusha et a été mise en œuvre depuis plusieurs années. Cependant, alors que la réponse aux contentieux liés aux retours exige équité, habileté et diplomatie, la politique actuelle est caractérisée par une volonté d’accélérer les restitutions complètes, une assimilation des acquéreurs de bonne foi aux spoliateurs et un manque d’impartialité qui risquent de réactiver les divisions ethniques sans pour autant sécuriser les droits fonciers des réfugiés et déplacés.

À ce titre, le gouvernement a fait passer sans concertation une loi révisant les missions de la Commission nationale des terres et autres biens (CNTB) et tente de faire de même en créant une cour spéciale chargée des contentieux liés aux décisions de cette commission. Cette nouvelle orientation politique suscite de nombreuses inquiétudes, notamment dans la communauté tutsi, et risque de rendre restitution et réconciliation impossibles.8

 

 

Crise politique de 2015

Pierre Nkurunziza a été élu président du Burundi en 2005, et a été réélu en 2010. Le 25 avril 2015, il annonce qu'il se présente à l'élection présidentielle burundaise de 2015, qui doit se tenir le 26 juin 2015, pour un troisième mandat consécutif. Le 5 mai, la Cour constitutionnelle a validé cette candidature. Cette décision est controversée. Son vice-président, dénonçant « des pressions énormes et même des menaces de mort », a démissionné et s'est enfui.

Par ailleurs, les texte sont formels.

D'une part les Accords d'Arusha statuent dans l'article 7 que : « [Le président] est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». D'autre part l'article 96 de la constitution du Burundi, promulguée en mars 2005, précise que : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ».

La candidature du président sortant provoque d'importantes manifestations à partir du 26 avril. À ce moment-là, près de 25 000 Burundais ont fui à l'étranger, au Rwanda notamment. Au moins vingt-deux manifestants sont morts.9

 

Révolte contre un pouvoir corrompu et répressif (mai 2015)

Un mois après, les manifestants affrontaient la police à Bujumbura, la capitale du Burundi. Ils voulaient empêcher Pierre Nkurunziza, de briguer un troisième mandat. Une partie de l’armée a tenté de profiter de l’occasion pour s’emparer du pouvoir par un coup d’État le 13 mai, mais elle a échoué. Cependant les manifestations contre Nkurunziza ont aussitôt repris, plus durement réprimées. Les manifestants, accusés d’être complices des putchistes, devaient désormais affronter des militaires lourdement armés.

Pierre Nkurunziza est au pouvoir depuis 2005. Il détourne avec son clan une grande partie des richesses du pays, l’un des plus pauvres du monde. En octobre 2014, un scandale avait ainsi éclaté à propos de l’octroi sans appel d’offres d’une licence d’exploitation du nickel à une société sud-africaine. Celle-ci avait en retour versé de l’argent sur le compte présidentiel « Appui aux bonnes initiatives » et fait cadeau à sa femme d’un somptueux véhicule. L’achat d’un avion présidentiel, avec des fonds destinés à équiper les soldats burundais intervenant dans la mission de l’Union Africaine en Somalie, a lui aussi défrayé la chronique.

Nkurunziza fait régner la terreur. De nombreux opposants ont été assassinés. La milice de jeunes du président, les Imbonerakure, impose sa loi dans les quartiers et les villages, où elle marque les portes des opposants, les désignant ainsi à un futur massacre. Dans ces conditions, en mai 2015, plus de 100 000 Burundais ont déjà fui vers les pays voisins, Rwanda, Tanzanie ou République démocratique du Congo.

Nkurunziza s’accroche au pouvoir et à la source de revenus qu’il signifie. Les grandes puissances, et notamment les États-Unis, s’en inquiètent. Elles ne souhaitent pas voir se reproduire un scénario semblable à celui du Burkina Faso, où l’obstination du président Compaoré avait abouti à une insurrection populaire. Comme ailleurs en Afrique, elles préféreraient réussir à persuader les dictateurs en place de passer en douceur le relais à d’autres hommes prêts à servir l’impérialisme, quitte à s’enrichir au passage, et il n’en manque pas.

Mais, pour la population, le problème est tout autre. Pour se débarrasser de ce régime corrompu, il s’agit d’abord de ne pas se laisser diviser, notamment entre Hutus et Tutsis. Comme au Rwanda, qui formait avant l’indépendance en 1962 une seule colonie avec le Burundi, les anciens colonisateurs belges ont attisé les oppositions ethniques. En octobre 1993, le coup d’État pendant lequel avait été assassiné le président hutu Melchior Ndadaye avait plongé le pays dans une guerre civile qui avait précédé celle du Rwanda voisin. Les rivalités entre les deux communautés avaient été exacerbées par les dirigeants politiques et, lorsque le conflit se termina en 2005, des centaines de milliers de Burundais avaient péri.

Ces oppositions semblaient avoir été surmontées ces dernières années, mais l’entourage de Nkurunziza tentait de les attiser à nouveau, stigmatisant par exemple les quartiers révoltés comme des repaires de Tutsis.

Nkurunziza semble prêt à tout pour garder le pouvoir. Mais malgré la répression, nombreux sont ceux qui ne veulent pas lui accorder de sursis et sont prêts à risquer leur vie dans la rue pour le dire.10

 

La mascarade électorale

En dépit des mobilisations populaires et des accords d’Arusha, Pierre Nkurunziza a fait le forcing pour se maintenir au pouvoir en organisant une mascarade électorale au risque de plonger le pays dans un nouveau cycle de violence.

Les élections présidentielles du 19 juillet 2015 ont été un camouflet pour le pouvoir en place. L’abstention a été encore plus massive que lors des élections locales du 29 juin qui avaient déjà connu un taux record. Au niveau de Bujumbura, la capitale, les observateurs parlaient de bureaux de vote déserts. Dans le reste du pays, la participation restait certes plus importante – le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, gardant une certaine base sociale – mais surtout les Imbonerakure, l’organisation de jeunesse du parti qui se comportait comme une milice, ont fait pression sur les populations pour qu'elles aillent voter.

En l’absence de candidats de l’opposition qui ont boycotté le scrutin, les résultats ne faisaient pas de doutes, Nkurunziza serait élu.

Ces élections marquent l’échec de la diplomatie africaine, qui n’a pas réussi à empêcher la dérive autoritaire du pouvoir et à imposer les accords d’Arusha signés en 2000 qui ne prévoient que deux mandats. La médiation des dirigeants des pays de l’Afrique de l’est n’a réussi à imposer qu’un report des élections de… six jours ! Il est vrai que le médiateur désigné, le président de l’Ouganda Museveni, était assez mal placé pour donner des leçons, lui qui était au pouvoir depuis 29 ans et venait de faire emprisonner Kizza Besigye et Amama Mbabazi, deux candidats de l’opposition aux élections présidentielles de son pays...

 

Répression, exil, et après ?

L’objectif principal des dirigeants de la région n’est certainement pas de promouvoir la démocratie et les élections libres et transparentes, mais de stabiliser le pays dans une région qui a connu moult conflits et reste des plus fragiles. La diplomatie ougandaise s’oriente donc vers un partage de pouvoir entre le CNDD-FDD et l’opposition. Et déjà Nkurunziza s’est déclaré favorable à un gouvernement d’union nationale. L’opposition qui avait réussi à rester unie lors des mobilisations populaires contre le coup de force constitutionnel risque de se fragmenter, certains en cédant aux sirènes du pouvoir et d’autres en faisant le choix des armes. Une telle situation serait dramatique pour un pays qui a connu une guerre civile.11

 

 

Vers un nouveau génocide ?

Dans une note interne révélée par la presse le 15 janvier 2016, l’ONU a avoué ne pas être en mesure d’empêcher un génocide au Burundi.

Depuis qu’en avril 2015 Pierre Nkurunziza a annoncé son intention, malgré ses engagements précédents, de briguer un troisième mandat, la situation n’a cessé de se dégrader. En décembre, l’attaque de plusieurs cantonnements militaires par des rebelles avait déclenché un nouveau bain de sang. D’après l’ONU, les massacres et les viols collectifs auraient fait alors près de 200 morts.

Début 2016, plus de 200 000 Burundais ont fui le pays et vivent dans des camps au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda ou en République démocratique du Congo.

Pour se maintenir, le pouvoir cherche à transformer le conflit en un affrontement entre Hutu et Tutsi.

Depuis le début de la crise, les dirigeants multiplient les appels aux meurtres de Tutsi. La milice du régime, les Imbonerakure (les « voyants ») désormais lourdement armée, est passée à l’action dans les quartiers populaires, se livrant à des exactions et à des meurtres qui, s’ils visent principalement les Tutsi, n’épargnent pas les Hutu.

Pour le moment, la population ne semble pas se laisser empoisonner par la démagogie ethniste du régime. Mais rien ne dit que ce sera toujours le cas et, surtout, que le pouvoir lui laissera le choix.

Les grandes puissances, qui font aujourd’hui mine de s’inquiéter de la situation, ont pourtant longtemps laissé faire le régime. Le Burundi est un allié de la France, et les troupes burundaises sont intervenues à ses côtés au Mali et en Centrafrique. D’ailleurs, pour le moment, aucune sanction contre le régime n’a été proposée, alors même qu’il refuse toute médiation.

Vingt-deux ans après le génocide au Rwanda, l’ONU annonce donc qu’elle restera, comme à l’époque, spectatrice des massacres à venir. Cela n’a rien d’étonnant car elle n’agit en fait que pour défendre les intérêts des grandes puissances présentes au Conseil de sécurité. Quant à la France, déjà complice du régime massacreur au Rwanda, elle est aujourd’hui une nouvelle fois complice des tueurs.12

 

 

Économie

L'économie du Burundi est principalement rurale et repose sur l'agriculture et l'élevage. La production agricole se répartit entre les produits destinés à l'exportation, comme le café, le thé et le coton, et les cultures vivrières. La filière du café représente la première ressource du pays (80 % des exportations). La population dépend à plus de 90 % de cette agriculture, qui représente plus de 50 % du PIB (800 millions US$ en 1999). L'industrie comptait pour 18 % du PNB en 1999, et les services 32 %. La population active a été multipliée par deux entre 1990 et 1999, passant de 2 millions de personnes à 4 millions ; un actif sur deux est une femme. Le travail des enfants est régulièrement dénoncé comme étant courant au Burundi.13

67 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le taux de malnutrition est de 75 %.14

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Burundi
(2) http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Burundi/110615
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Burundi
(4) John Farmer et Chris Talbot http://www.wsws.org/francais/News/2001/mai01/17avril01_burundi.shtml
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Burundi
(6) René Cyrille http://journal.lutte-ouvriere.org/2004/08/20/burundi-nouveaux-massacres_9163.html
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Burundi
(8) http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/burundi/214-fields-of-bitterness-ii-restitution-and-reconciliation-in-burundi.aspx
(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_politique_burundaise_de_2015
(10) Daniel Mescla http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2015/05/20/burundi-revolte-contre-un-pouvoir-corrompu-et-repressif_37159.html
(11) Paul Martial http://www.npa2009.org/actualite/burundi-la-mascarade-electorale
(12) Jacques Le Gall http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2016/01/20/burundi-vers-un-nouveau-genocide_65035.html
(13) https://fr.wikipedia.org/wiki/Burundi
(14) Paul Martial https://www.npa2009.org/actualite/burundi-une-lutte-unitaire-et-democratique