Le Bénin

 

 

Les royaumes africains

Les trois royaumes d’Allada, de Porto Novo et de Dã Homè - dans le ventre du roi Dã - furent fondés par les Fons, qui occupent le sud du pays (le nom de Dahomey fut donné à l’ensemble du pays après la conquête française). Selon la légende, la fille du roi de la ville de Tado (sur le fleuve Mono) fut fécondée par un léopard, alors qu'elle allait puiser de l'eau. Le fils qu'elle mit au monde est le fondateur de toute la dynastie. Ses descendants fondèrent un royaume à Allada au XVIe siècle. Le siècle suivant, trois frères se disputèrent le trône ; le premier, Kopkon garda le royaume d'Allada, le deuxième, Do-Aklin fonda Abomey et le troisième, Adjatché qui devint plus tard Porto-Novo. Le royaume d'Abomey fut fondé en 1625, mais c'est entre 1645 et 1685 qu'il devint un État puissant. Le roi Houegbadja, petit-fils de Do-Aklin, voulut annexer un État voisin dont le roi, Dã, le défia de s'installer sur son ventre. Dã fut défait, décapité à Abomey et dans son ventre fut installé le pieu central du palais royal. Signe que le roi de Danxomè avait pris son adversaire au mot.

 

Au XVIIIe siècle, Allada et Ouidah furent annexés. Les Européens développèrent des forts sur la côte comme des bases militaires afin d´imposer aux ethnies côtières une menace militaire pour qu'elles leur fournissent des esclaves. C'est le roi Ghézo qui consolida le royaume en attaquant régulièrement les Yorubas au Nigeria, ce qui lui procurait des esclaves. Son successeur, le roi Glélé, irrita cependant les Français par son attitude belliqueuse et son non conformisme. Par le traité de 1863, il autorisa les Français à s'installer à Cotonou. Mais la présence de ceux-ci irritait le roi Gbê han zin (Behanzin) qui estimait que les Français menaçaient la souveraineté du royaume. Aujourd'hui encore, une statue géante du roi à l'entrée de la ville d'Abomey illustre cette lutte face à l'envahisseur. Gbê han zin fait figure de résistant et jouit d'une haute estime en Afrique Noire. Béhanzin fit donc la guerre aux Français, mais il ne fut pas le seul des 12 rois à s'être dressé contre l'envahisseur. Le Traité de Ouidah qui plaçait Porto-Novo et Cotonou sous tutelle française fut signé en octobre 1890. Ce même traité prévoyait le versement par la France d'une pension au roi du Dahomey. Le roi Béhanzin et les Danxoméens considéraient les roi Toffa 1er et de Porto Novo comme des traîtres à la solde des Français. Le héros Gbè han zin, soucieux de son peuple, demanda à discuter avec le président français d'alors. Ainsi il se rendit en 1892 au colonel Alfred-Amédée Dodds et fut déporté aux Antilles. Abomey devint alors un protectorat français. Allada et Porto-Novo, eux-aussi sous protectorat, formèrent avec Abomey la colonie du Dahomey.

 

La colonie du Dahomey

Au début du XXe siècle, les trois royaumes cessent d'être autonomes et sont confondus dans un ensemble divisé en cercles gérés par des administrateurs et cantons gérés par des chefs africains.

Pendant la Première Guerre mondiale, des troubles éclatent dans le nord du pays après l'envoi de troupes autochtones sur le front européen. À la fin de la guerre, la colonie se structure : les moyens de communication se développent, la production agricole se rationalise et la scolarisation augmente. Sous l'influence de missions catholiques et protestantes d'une part, de l'enseignement laïc d'autre part, un enseignement primaire et secondaire se met en place. Intégrés dans l'Afrique-Occidentale française (AOF), les Dahoméens entrent dans la fonction publique et servent dans d'autres territoires de la fédération ; le pays est alors souvent qualifié de Quartier latin de l'Afrique.

 

La conférence de Brazzaville

Le 8 février 1944 se termine à Brazzaville une conférence réunissant les dix-huit gouverneurs et gouverneurs généraux de l’Afrique-Occidentale française, de l’Afrique-Équatoriale française, de la Côte française des Somalis, de Madagascar et de la Réunion. Sous la présidence de René Pleven, commissaire aux Colonies du Comité français de la Libération nationale, cette réunion a pour mission d’émettre des recommandations sur la future législation coloniale. La présence du général de Gaulle et la tenue d’une telle réunion alors que la guerre est loin d’être terminée montre le réel intérêt porté à l’avenir de ces territoires qui apparaissent alors comme l’incarnation de la permanence de la République hors du territoire métropolitain. Il ressort de Brazzaville l’idée d’une participation accrue de la population africaine à la vie politique et le désir d’abandonner les régimes d’exceptions auxquels elle est alors soumise comme le code de l’indigénat.1

 

L'indépendance

Entre 1946 et 1960, de nombreux partis politiques naissent au Dahomey, alors État de l'Union française. Si aucun dirigeant politique fédérateur n'émerge, des personnalités comme Sourou Migan Apithy, député-maire de Porto-Novo, Justin Ahomadegbé ou Émile Derlin Henri Zinsou se distinguent parmi les figures dominantes de la vie politique locale en vue de l'autonomie ou de l'indépendance, alors que l'Afrique-Occidentale française se délite. Le Dahomey vote oui au référendum du 28 septembre 1958 et devient un État de la Communauté française. La République est proclamée le 4 décembre. Le 1er août 1960, lors de sa tournée africaine, le président français Charles de Gaulle proclame l'indépendance du Dahomey.

 

Hubert Maga, personnalité de l'ethnie Bariba, devient le premier président du Dahomey indépendant, qui adhère au Conseil de l'Entente et à l'Union monétaire ouest-africaine. Mais le Dahomey indépendant connaît en 1963 sa première grande crise internationale, quand le Niger voisin chasse tous les cadres moyens dahoméens de sa fonction publique. Plusieurs centaines de milliers de réfugiés gagnent le Dahomey dans un contexte de graves tensions ethniques.2

Depuis l'indépendance, le Bénin a connu une histoire politique mouvementée. Les douze premières années furent marquées par une instabilité chronique, les anciennes élites coloniales, pour la plupart originaires du Sud, se disputèrent le pouvoir.

En 1963, le nord du pays veut sa revanche, tandis que les élites et la nouvelle bourgeoisie semblent peu préoccupées par les nombreux défis du sous-développement. C'est à cette période qu'un certain colonel Christophe Soglo (l'oncle de Nicéphore Soglo) arrive sur la scène politique du pays, en forçant Hubert Maga, premier président de la République du Dahomey indépendant, à démissionner.

En six ans, on enregistra quatre coups d'État et régimes militaires, venant abréger d'éphémères périodes civiles qui voient se succéder Sourou Migan Apithy, Justin Ahomadegbé et Emile Derlin Zinsou au pouvoir.

En 1970, un Conseil présidentiel constitué de trois membres, Maga, Apithy et Ahomadegbé (une présidence tournante à trois) prend le pouvoir et suspend la Constitution. La ronde des présidents n'a pu se faire. En effet, seul Maga a pu passer les deux ans retenus à la tête du Dahomey. À peine Ahomadegbé a-t-il entamé son tour de direction en 1972 que l'armée, sous la direction du capitaine Mathieu Kérékou, décide de reprendre en main le gouvernement, destitue le Conseil présidentiel, et Mathieu Kérékou devient le nouveau chef de l'État dahoméen. Il est rapidement nommé commandant.3

 

Mise en place de la République populaire du Bénin

Le 30 novembre 1972 est publié le discours-programme de « Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale ». Un nouvel organisme, le Conseil national de la révolution, est créé : la « formation idéologique et patriotique » devient obligatoire. L'administration territoriale est réformée, maires et députés remplaçant les structures traditionnelles (chefs de village, couvents, prêtres animistes...). Le 30 novembre 1974, Kérékou prononce à Abomey, devant une assemblée de notables stupéfaits, un discours proclamant l'adhésion officielle de son gouvernement au marxisme-léninisme. La République du Dahomey s'aligne sur l'URSS. Le Parti de la révolution populaire du Bénin, conçu comme un parti « d'avant-garde », est créé le même jour. La première année de pouvoir « marxiste » est marquée par des purges dans l'appareil d'État. Kérékou fait condamner, et parfois exécuter, diverses personnalités de l'ancien régime politique, ainsi que certains de ses propres collaborateurs : le capitaine Michel Aipké, ministre de l'intérieur, est condamné à mort et exécuté sur une accusation d'adultère avec l'épouse du chef de l'État. Il est abattu, et les militants invités à défiler devant son cadavre. Le 30 novembre 1975, à l'occasion du premier anniversaire du discours d'Abomey, le nom de Dahomey est symboliquement abandonné au profit de celui de Bénin, du nom du Royaume du Benin qui s'était autrefois épanoui au Nigeria voisin. Le pays devient la République populaire du Bénin. La fête nationale est fixée au 30 novembre, faisant référence aux trois journées de 1972, 1974 et 1975, surnommées par le régime « les Trois glorieuses ».

En janvier 1977, une tentative de coup d'État, dite Opération crevette, menée par le mercenaire Bob Denard et appuyée par la France, le Gabon et le Maroc, échoue et contribue à durcir le régime, qui s'oriente désormais officiellement vers la voie du gouvernement à parti unique. La constitution est adoptée le 26 août de la même année, son article 4 précisant qu'« en République populaire du Bénin, la voie de développement est le socialisme. Son fondement philosophique est le marxisme-léninisme qui doit être appliqué de manière vivante et créative aux réalités béninoises. Toutes les activités de la vie sociale nationale en République populaire du Bénin s'organisent dans cette voie sous la direction du Parti de la révolution populaire du Bénin, détachement d'avant-garde des masses exploitées et opprimées, noyau dirigeant du peuple béninois tout entier et de sa révolution ». Une loi fondamentale institue une assemblée nationale toute-puissante.

 

Politiques intérieures

L'opposition est muselée, et les prisonniers politiques restent détenus des années sans jugement ; les élections se déroulent selon un système de candidatures uniques. Des campagnes sont menées pour le développement rural et l'amélioration de l'éducation. Le gouvernement mène également une politique d'inspiration antireligieuse, dans le but d'extirper la sorcellerie, les « forces du mal » et les « croyances rétrogrades » (le vaudou, religion traditionnelle bien implantée dans le Sud, est interdit), ce qui n'empêche pas Kérékou, quelques années plus tard, d'avoir son marabout personnel. La République populaire du Bénin ne bénéficie que d'une aide modeste de la part des autres pays communistes, accueillant quelques équipes de coopérants venus de Cuba, d'Allemagne de l'Est, d'URSS ou de Corée du Nord. Élu président par l'Assemblée nationale révolutionnaire en 1980, réélu en 1984, Mathieu Kérékou échappe à trois tentatives de coup d'État en 1988.

Le Bénin tente de vastes programmes de développement économique et social mais sans obtenir de résultats probants. La mauvaise gestion et la corruption minent l'économie du pays. La stratégie d'industrialisation du marché intérieur du Bénin entraîne une escalade de la dette extérieure. Entre 1980 et 1985, le service annuel de sa dette extérieure passe de 20 à 49 millions de dollars, tandis que son produit national brut chute de 1,402 à 1,024 milliard et que le stock de sa dette explose de 424 à 817 millions. Les trois anciens présidents, Hubert Maga, Sourou Migan Apithy et Justin Ahomadegbé (emprisonnés en 1972) sont libérés en 1981.

 

Crise économique

En 1986, la situation économique du Bénin est devenue critique : le régime, déjà surnommé ironiquement le « marxisme-béninisme », hérite du sobriquet de « laxisme-léninisme ». Une rumeur populaire affirme que le nombre de sympathisants convaincus du régime ne dépasse pas la douzaine. L'agriculture est désorganisée, la Banque commerciale du Bénin ruinée, et les collectivités sont en grande partie paralysées faute de budget. Sur le plan politique, les violations des droits de l'homme, avec des cas de tortures infligés aux prisonniers politiques, contribuent à la tension sociale : l'église et les syndicats s'opposent de plus en plus ouvertement au régime. Les plans du FMI imposent en 1987 des mesures économiques draconiennes : prélèvements supplémentaires de 10 % sur les salaires, gel des embauches, et mises à la retraite d'office. Le 16 juin 1989, la République populaire du Bénin signe avec le FMI son premier plan d’ajustement, en échange d’une facilité d’ajustement structurel renforcé (FASR) de 21,9 millions de droits de tirages spéciaux du FMI. Sont prévus : une réduction des dépenses publiques et réforme fiscale, privatisation, la réorganisation ou liquidation des entreprises publiques, une politique de libéralisation et l'obligation de ne contracter que des emprunts à taux concessionnels. L'accord avec le FMI contribue à déclencher une grève massive des étudiants et des fonctionnaires, qui réclament le paiement de leurs salaires et de leurs bourses. Le 22 juin 1989, le pays signe un premier accord de rééchelonnement avec le Club de Paris, pour un montant de 199 millions de dollars ; le Bénin se voit accorder un allégement de 14,1 % de sa dette.

 

Abandon du communisme et transition politique

Les troubles sociaux et politiques, la situation économique catastrophique et la chute des régimes communistes en Europe, conduisent Mathieu Kérékou à accepter de mettre un terme à son propre régime. En février 1989, une lettre pastorale signée des onze évêques du Bénin exprime sa condamnation de la République populaire. Le 7 décembre 1989, Kérékou prend les devants et surprend la population en diffusant un communiqué officiel qui annonce l'abandon du marxisme-léninisme, la liquidation du bureau politique, et la fermeture du comité central du parti. Le gouvernement accepte l'instauration d'une Conférence nationale, réunissant les représentants des différents mouvements politiques. La Conférence s'ouvre le 19 février 1990 : Mathieu Kérékou s'y exprime en personne le 21 et reconnaît publiquement l'échec de sa politique, déclarant avoir honte de lui-même. Les travaux de la conférence décident de la rédaction d'une nouvelle constitution et de la mise en place d'un processus démocratique assuré par un gouvernement provisoire confié à un premier ministre. Kérékou demeure chef de l'État à titre transitoire. Mathieu Kérékou déclare le 28 février à l'attention de la Conférence : « j'accepte toutes les conclusions de vos travaux ».

Un gouvernement de transition, mis en place en 1990, ouvre la voie au retour de la démocratie et du multipartisme. La nouvelle constitution est adoptée par référendum le 2 décembre 1990. Le nom officiel de Bénin est conservé pour le pays, qui devient la République du Bénin. Le Premier ministre, Nicéphore Soglo, remporte 67,7 % des voix et bat Mathieu Kérékou à l'élection présidentielle de mars 1991. Mathieu Kérékou accepte le résultat des élections et quitte le pouvoir.4

 

Les premières années du renouveau démocratique

Nicéphore Dieudonné Soglo, le premier président élu de l'ère du renouveau démocratique, devait remettre le pays sur les pistes de l'économie de marché en créant les conditions favorables à la croissance économique. À la faveur du renouveau du système de gouvernement, le président Soglo redorera le blason des religions endogènes en se conciliant les pouvoirs traditionnels et fait du 10 janvier de chaque année la Journée nationale du vaudou.

Cependant, le poids des contraintes sociales à la croissance économique ainsi que les ajustements structurels qui visaient, entre autres, la compression des dépenses publiques recommandées par le FMI viennent raviver le mécontentement général de la population. De plus, les trafics traditionnels s'épanouissent au grand jour (whisky, essence, ciment, voitures, etc.).

Après avoir perdu sa majorité au sein de l'Assemblée législative, le président Nicéphore Soglo, accusé de népotisme par ses adversaires, est battu par Mathieu Kérékou à la présidentielle du 17 mars 1996. C'est un choc pour Nicéphore Soglo qui, après avoir crié au complot, envoie ses félicitations à Mathieu Kérékou et s'en va méditer plus de quatre mois, hors d'Afrique, les raisons de ses erreurs fatales.

Démocratiquement, Mathieu Kérékou est de retour sur la scène politique béninoise, après avoir dirigé le pays pendant dix-sept années (de 1972 à 1990) dans le fiasco politique et économique de la désormais ancienne République populaire du Bénin.

Les élections législatives de mars 1999 donnent de justesse la victoire à la Renaissance du Bénin (RB), le mouvement de l'opposition dirigé par Rosine Soglo, épouse de l'ancien président Nicéphore Soglo. Ces élections marquent l'échec du Mouvement Africain pour la Démocratie Et le Progrès (MADEP), le Parti d'un des proches du Président Kérékou, l'homme d'affaires Séfou Fagbohoun.

Cependant, en mars 2001, Mathieu Kérékou est réélu président de la République avec 84,06 % des voix. Arrivé en tête au premier tour, face à son prédécesseur Nicéphore Soglo, il sera confronté au désistement de ce dernier ainsi qu'à celui d'Adrien Houngbédji arrivé en troisième position. Ces deux candidats démissionnaires ont qualifié le scrutin de « mascarade ».

Terni par des soupçons de fraudes électorales et âgé de soixante-sept ans, Mathieu Kérékou entame donc un second mandat consécutif dans des conditions économiques fragiles.

 

La présidence de Boni Yayi

Depuis 2001, le Bénin est plongé dans de graves difficultés économiques, en raison de la situation difficile du Port autonome de Cotonou, du choc pétrolier, de la crise du secteur du coton, de la contrebande très étendue, des effectifs pléthoriques de l'administration ou encore des sérieux problèmes d'approvisionnement en électricité créés par les sécheresses. Le Bénin est dans une période économique difficile que seule l'agriculture, très diversifiée parvient à maintenir compétitif face à ses voisins.

C'est ainsi que lors des élections de mars 2006, les Béninois ont décidé d'exprimer leur « ras-le bol » et que le novice en politique, l'ancien président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le docteur Boni Yayi succède à la surprise générale à Mathieu Kérékou avec 75 % des suffrages (notons un taux de participation fort de 76 %).

Mathieu Kérékou qui avait refusé de changer la Constitution n'a pas pu se représenter. Il n'en était pas moins opposé à Boni Yayi, trop novice à son goût.

En effet, à quelques jours des résultats l'ancien président, surnommé le caméléon, a plongé le pays dans le doute, en affirmant publiquement que lors du déroulement de l'élection il y avait eu des dysfonctionnements dans l'organisation, avec des problèmes de listes électorales et de cartes d'électeur.

Malgré cela, la coordination des observateurs internationaux indépendants s'est félicitée au cours d'une conférence de presse à Cotonou, du déroulement du second tour de l'élection présidentielle au Bénin, jugeant qu'il avait été de « très bonne tenue ».5

 

 

Boni Yayi promet la refondation légale de la dictature et de la tyrannie

Par Jean Kokou Zounon.

Boni Yayi a procédé à son auto-investiture comme candidat à sa propre succession le samedi 29 janvier 2011. Les travailleurs, la jeunesse et le peuple ont pu observer avec horreur le flot d’argent distribué fébrilement à tour de bras pour payer les participants à cette cérémonie. Boni Yayi et ses soutiens auront démontré encore une fois leur capacité à détourner l’argent public et utiliser leur fonction pour tenter d’intimider les travailleurs et les peuples.

Mais, ce qui peut écœurer tout béninois honnête et aspirant à l’émancipation de son pays, c’est le contenu du discours d’investiture prononcé par le candidat Boni Yayi. Ce discours est en deux parties : une sorte de bilan et les perspectives.

Ainsi, pour le bilan, il déclare : « Au moment de considérer le rôle que vous me proposez de jouer dans le futur proche, je crois utile de rappeler les défis que nous avions à relever il y a cinq ans déjà… d’apprécier les circonstances dans lesquelles s’est exécuté le contrat en cours d’achèvement… et d’en tirer les leçons pour mieux évaluer le chemin à parcourir… » (Cf. le journal « L’actualité » n° 293 du lundi 31 janvier 2011). Ce bilan, Boni Yayi le trouve évidemment élogieux et à son avantage. Il déclare : « Les mesures ayant induit une amélioration sensible des conditions de service des agents de l’État, celles visant à atténuer les souffrances des populations et les nombreuses réalisations d’infrastructures ainsi que les chantiers en cours sont édifiants » (sic). Ces mesures ont « transformé le visage de la pauvreté »… « permis de jeter les bases de la révolution verte »… « redonné vie à l’école béninoise » … « contribué à maintenir un climat de paix au sein de nos communautés » (sic).

Ainsi donc, pour Boni Yayi, les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées, l’école béninoise a repris vie, un climat de paix règne au sein des communautés ! On croit rêver ! C’est ainsi dit par Boni Yayi.

Mais, pourquoi donc tant d’hommes et de femmes de ce pays sont déçus ?

Boni Yayi répond : « Les populations des villes et des campagnes ont encore des raisons objectives de désespérer de leur classe politique. Elles ont des raisons d’être déçues de la haine et de la méchanceté qui nous détournent des vrais problèmes de la Nation ». Et de cette affirmation (de haine et de méchanceté), Boni Yayi tire la conclusion : « Il y a, à ce titre urgence à réduire les dérives liées à nos lois et aux facteurs humains » (souligné par nous). Car, poursuit-il, « notre pays traverse depuis longtemps une crise de valeurs, la perte de nos repères » et de mettre en cause « l’argent devenu notre maître ». Et de la lutte contre la corruption, Boni Yayi dit « Force est de constater que les résultats sont encore mitigés parce qu’il y a une tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles ».

Parlant de l’affaire ICC, Boni Yayi qui avait promis de rembourser les épargnants spoliés s’en remet à son second mandat sollicité. « J’en ferai alors une grande priorité dès le début du deuxième mandat sollicité » (sic). Poursuivant son diagnostic, Boni Yayi estime que « Notre loi fondamentale a révélé certaines insuffisances qu’il conviendrait de combler… Elle ne comporte pas de dispositions spécifiques pour prémunir des blocages des actions de développement de notre Nation. Notre loi suprême devrait aider à mieux assurer l’État de droit, raffermir l’autorité de l’État… » (sic). Boni Yayi conclut qu’il va « refonder la République ! ». Comment ? C’est le contenu de la deuxième partie de son discours où il esquisse « quelques traits saillants pour les douze premiers mois ».

« Je souhaite mettre en route au cours des douze premiers mois la transformation politique, sociale et économique du Bénin ». Cela portera « notamment sur la Constitution, le système partisan, notamment la charte des partis, le financement des partis, le statut de l’opposition… le mode de gouvernance… ».

La révision de la Constitution doit permettre de limiter les libertés au nom de la responsabilité. Ainsi, Boni Yayi s’engage à ce que le « droit légitime de grève…ne soit pas abusivement utilisé » (sic), lutter contre « l’aspiration trop poussée de certains responsables de média à s’enrichir ». En ce qui concerne les partis politiques selon Boni Yayi, « l’obligation constitutionnelle doit être faite aux partis politiques de s’organiser autour d’un projet de société propice au développement durable, à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption »… « Par ailleurs la charte des partis sera revue pour renforcer leur envergure populaire et nationale…en d’autres termes, le parti doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation et être présent dans les différentes régions de notre pays et avoir une vision nationale de vivre collectif ».

On peut arrêter là car l’essentiel est dit. Le reste, Boni Yayi promet « le bonheur pour tous, le bonheur pour toutes les familles, le bonheur pour tous nos braves travailleurs » (sic). Quiconque lit ce discours, mis à part ceux qui profitent du pouvoir corrompu actuel, ne peut que s’indigner devant tant de mensonges, tant d’hypocrisie, tant de myopie, tant d’incapacité étalée à gouverner le pays au profit des travailleurs et des peuples.

Tenez ! Reconnaître qu’il y a « cinq millions de concitoyens encore analphabètes » et déclarer tout de même que « l’école béninoise a repris vie ! », se taire sur les énormes scandales de corruption où sont impliquées les autorités au sommet de l’État y compris soi-même, le Chef de l’État, et attribuer cette corruption amplifiée seulement à la « tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles », c’est non seulement du mensonge, de l’hypocrisie, mais surtout la preuve de son incapacité à lutter contre ce fléau.

Reconnaître qu’il y a cinq millions d’analphabètes, soit plus de 60% de la population du pays, et déclarer que « les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées », que « la phase de transition » du pays « vers l’émergence » est terminée, c’est non seulement du mensonge, mais encore étaler son incompétence à continuer de diriger le pays. Parler d’un climat de paix au Bénin d’aujourd’hui, c’est non seulement faux, mais plus grave, banaliser les crimes odieux d’enlèvements encore non élucidés (celui de Dangnivo), les assassinats crapuleux dont ceux de magistrats, d’anciens ministres, de paisibles citoyens, les arrestations et détentions arbitraires de rois, de hounnon et de citoyens (dont certains croupissent à la prison de Lokossa pour leurs opinions politiques). Parler de la responsabilité des médias et des aspirations de leurs chefs à s’enrichir et oublier l’hystérie du pouvoir de changement à contrôler tous les médias y compris par l’achat de leurs dirigeants, c’est plus que de l’indécence. C’est de l’immoralité.

Aborder la ruine des centaines de milliers de citoyens spoliés avec la complicité des autorités de l’État par des instructions « illégales » (mais tolérées et soutenues par des ministres d’État), en taisant cette complicité de l’État sous Boni Yayi, c’est montrer que l’escroquerie s’est définitivement installée au sommet de l’État. Et rejeter maintenant à son second mandat le remboursement maintes fois promis auparavant à ces spoliés avant les élections, eh bien ! c’est se transformer en maître-chanteur : si vous voulez être remboursés, votez pour moi !

De façon générale, Boni Yayi ne revient sur aucune des aspirations réelles des travailleurs et des peuples et qui ont été à la base des conflits avec son pouvoir durant son règne. Il ne connaît pas les motivations d’émancipation des travailleurs et des peuples dans leurs luttes pour empêcher Kérékou III de demeurer au pouvoir après 2006.

Il pensait (et il l’a dit) qu’il faut serrer la vis aux travailleurs et au peuple béninois, instaurer un régime tyrannique et corrompu à la Ben Ali de Tunisie, Feu Gnasigbé Eyadéma du Togo ou Paul Biya du Cameroun. C’est le pas que Boni Yayi a amorcé au cours de son premier mandat avec l’arbitraire, la corruption, la répression, l’envoi de la troupe contre des grévistes manifestants et contre le siège des centrales syndicales, la fusillade des étudiants sur le campus d’Abomey-Calavi, les procès et les assignations en justice contre les organisations protestataires d’étudiants (UNSEB) et les syndicats, des journalistes. Il lui faut à tout prix abolir le droit de grève avec le montage de briseurs de grève, la répression policière et judiciaire avec de nombreuses assignations et procès en justice. Lorsque la police officielle ne réussit pas, des miliciens dits patriotes ou des conseillers techniques comme Amoussouga Géro Fulbert n’hésitent pas à tirer eux-mêmes sur une foule d’étudiants manifestants.

La révision de la Constitution pour la « Refondation de la République », c’est pour légaliser l’arbitraire, la répression, les entraves aux libertés de manifestation, de grève, de presse, d’association en partis politiques. Ainsi, Boni Yayi dit que le parti politique de son goût, dans sa « République refondée » doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation ! Vouloir imposer par la loi la composition de classe des partis, c’est de l’arbitraire, du fascisme. Un parti politique dans une République démocratique est représentatif de couches et classes sociales dont il entend défendre les intérêts au pouvoir. On ne peut imposer par la loi que le parti politique soit représentatif des différentes couches et composantes de la Nation sans tomber dans l’arbitraire et les entraves à la liberté d’association. On ne peut, par une loi, vouloir renforcer l’envergure populaire et nationale des partis. Ce serait là une loi de l’arbitraire, une volonté fasciste.

Tout cet acharnement vise à museler les travailleurs, la jeunesse et les peuples pour que règnent et fleurissent les vols scandaleux, le pillage et les bradages des ressources nationales. C’est pour que cessent même les protestations comme celles contre la braderie de Bénin-Télécoms au groupe français Vivendi via Maroc-Télécom ou du Port à Bolloré. Ces protestations contre les conditions de vie et de travail, ces rejets du pillage effréné et des braderies sans limite des ressources nationales, c’est cela que Boni Yayi appelle « blocages des actions de développement » et contre lesquelles il veut des « « dispositions spécifiques » dans une constitution à réviser au cours des premiers douze mois de son second mandat.

Au total Boni Yayi veut légaliser la dictature et la tyrannie. C’est cela le contenu de la Refondation de la République qu’il nous promet. Boni Yayi tourne le dos ainsi aux aspirations d’émancipation des travailleurs et des peuples. Il s’oppose frontalement à leurs aspirations à la démocratie, au pouvoir des travailleurs et des peuples, seul capable de restaurer les valeurs positives de nos cultures, de lutter efficacement contre la corruption, l’arbitraire, la confiscation et l’exercice personnel du pouvoir, le pillage et le bradage des ressources nationales ; seul pouvoir de permettre l’émancipation et le développement du pays.

Boni Yayi montre clairement, avec sa refondation, ses desseins de tyran et de dictateur fasciste. Il doit être chassé du pouvoir. Si par la fraude savamment organisée, il se maintenait avec les élections prochaines, les travailleurs et les peuples sauront retrouver la voie de 1989 que le peuple tunisien vient de restaurer de manière magistrale.6

 

 

Élection présidentielle de 2011

L'élection présidentielle est reportée une première, puis une seconde fois, pour avoir finalement lieu le 13 mars 2011. Boni Yayi obtient 53,14 % des voix dès le premier tour.

Le 29 janvier 2012, il est élu par ses pairs président de l'Union africaine pour un mandat d'un an.

En 2013, il échappe à une tentative d'empoisonnement et de coup d'État. Il accorde son pardon en 2014.7

 

 

La victoire de Patrice Talon lors de l'élection présidentielle de 2016

Ayant atteint la limitation du nombre de mandats, Boni Yayi ne pouvait pas se représenter.

Patrice Talon a fait fortune dans la filière d'intrants agricoles dans les années 1980 puis de l'égrenage du coton au Bénin au cours des années 1990 et 2000. Soutien principal à l'élection du président béninois Boni Yayi en 2006, il est entré progressivement en disgrâce avec ce dernier à partir de 2011, après avoir obtenu du gouvernement le juteux marché du programme de vérification des importations (PVI). Boni Yayi l'accuse soudainement de mauvaise gestion non seulement dans le PVI mais dans toutes ses affaires, alors même que Patrice Talon est le soutien financier du président.

Le PVI est brutalement retiré sans dédommagement à Patrice Talon, la SODECO est réquisitionnée par l'État et il est reproché à Patrice Talon d'avoir fraudé sur les subventions d'engrais de la campagne 2011. Les démêlés s'accumulent et à la suite de fuites l'informant d'un projet d'enlèvement, Patrice Talon est contraint de s'enfuir et de se réfugier à Paris. Le président Yayi l'accuse alors d'avoir fomenté depuis son exil un coup d'État visant à l'empoisonner. Patrice Talon rétorque qu'il n'en est est rien et qu'en réalité Yayi cherche à lui nuire depuis qu'il a refusé de supporter sa tentative de réviser la Constitution béninoise aux fins d'obtenir un troisième mandat.

En 2015, l'affaire est classée, Patrice Talon peut rentrer au Bénin et se lancer en politique, avec des idées telles que le mandat présidentiel unique et la consolidation de la république, et le surnom de « compétiteur né ».

Candidat à l'élection présidentielle de 2016, il se présente comme candidat de la rupture et de la justice indépendante. Il annonce ne briguer qu'un seul mandat de cinq ans (il souhaite inscrire cette limitation dans la constitution). Au premier tour, il arrive en seconde position juste derrière le Premier ministre sortant Lionel Zinsou. Le soir du 20 mars, grâce notamment au soutien de l'homme d'affaires Sébastien Ajavon, arrivé troisième au premier tour, Patrice Talon remporte le second tour de la présidentielle, Lionel Zinsou ayant reconnu sa défaite.8

 

 

Mascarade électorale et répression

Le 28 avril 2019, le pouvoir de Patrice Talon, président-patron milliardaire, orchestrait grossièrement des élections législatives avec la participation exclusive de deux partis politiques à sa botte.

La population, qui a arraché le droit de vote en mettant fin au régime du parti unique en 1990, a vécu comme une provocation cette organisation du scrutin, qui marquait une évolution autoritaire du régime béninois. Depuis plusieurs mois, la quasi-totalité des partis avaient appelé au boycott et invité leurs militants à perturber le déroulement du scrutin. Le taux de participation dans de nombreuses localités n’a pas dépassé 10 %. À Parakou et Tchaourou, dans le nord du pays, fief électoral de l’ancien président Thomas Yayi Boni (2006-2016), des urnes ont été saccagées. Des candidats du pouvoir ont été molestés, contraints de prendre la fuite sous escorte policière. Au sud, dans certains bureaux de vote, les votants se sont comptés sur les doigts d’une main. Des entreprises appartenant à Patrice Talon ou à ses proches ont été incendiées. À Kandi dans le nord, l’usine d’égrenage de coton CCB, propriété de Talon, a été prise pour cible.

Les incidents les plus médiatisés se sont déroulés à Cotonou, la capitale économique, dans le quartier de Cadjèhoun, autour du domicile de Yayi Boni que les forces armées avaient encerclé. Ses partisans et les riverains alertés sont descendus dans la rue. Le 1er mai au soir, des officiers supérieurs présents ont avec insistance ordonné aux soldats de tirer à l’arme de guerre sur les manifestants, faisant plusieurs victimes, sept morts selon l’opposition, et des blessés graves. C’est une première, dans ce pays qui était présenté comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, dans le pré carré de l’ancienne puissance coloniale, la France.

Les images d’une des victimes de la répression des 1er et 2 mai, une petite vendeuse de rue mère de sept enfants qui a été atteinte d’une balle, ont fait le tour des réseaux sociaux et renforcé la révolte contre un régime prévaricateur. Alors que des millions de femmes et d’hommes, vendeurs d’essence, taxi-moto, chauffeurs de véhicules, ouvriers, petits paysans, artisans, petits fonctionnaires, survivent dans un dénuement total, il leur mène de brutales attaques. Depuis deux ans, dans les grandes villes, les petites vendeuses ont affronté l’offensive gouvernementale de « déguerpissement » au bulldozer. Pour faire de la place aux promoteurs, les petites boutiques installées le long des routes sont détruites. Alors que le secteur de l’économie informelle est vital et concerne 80 % des travailleurs, le régime concentre le mécontentement contre lui.

Les minces droits sociaux sont attaqués. Le droit de grève des fonctionnaires est limité, la précarité légalisée avec le CDD illimité, suscitant le satisfecit des dirigeants de l’impérialisme avec Macron et dernièrement la directrice du FMI Christine Lagarde.

Il faut dire que Talon est un des leurs. Première fortune du pays, il a été classé quinzième fortune d’Afrique subsaharienne par Forbes en 2015. Il a pu faire main basse sur la filière du coton, truster les marchés publics et s’autosubventionner. À l’ombre de l’impérialisme, sa société cogère le port de Cotonou avec le groupe Bolloré, sans oublier l’aéroport. Ce président bling-bling se montre en Porsche, mocassins de luxe aux pieds, et se fait soigner en France.

Un vent de révolte souffle dans le pays. La sœur de la vendeuse tuée a dénoncé sur les réseaux sociaux le pouvoir de Talon, qui a envoyé discrètement ses sbires régler la facture des soins et intimider les soignants pour obtenir leur silence : « Pourquoi ont-ils payé les soins ? Quand nous souffrons, quand nous avons faim, nous ne voyons jamais l’État. » C’est vrai aujourd’hui comme ça l’était hier sous les présidences précédentes.9

 

 

Un président bon élève du Medef

Patrice Talon était convié le 30 août 2022 à l’université d’été du Medef. Il s’agissait d’inciter les capitalistes français à investir dans ce pays, « une oasis » selon lui, et de leur donner des garanties.

Cette ancienne colonie française de 12 millions d’habitants bénéficie des attentions de l’impérialisme français par ces temps d’incertitudes dans son pré carré ouest-africain. Après la visite de Macron à la tête d’une délégation patronale au mois de juillet, le chef d’État béninois était cette fois invité par le grand patronat. Il a vanté ses méthodes autoritaires appréciées du monde des affaires. « Désormais la grève est interdite dans les secteurs vitaux comme la santé... », « dans les autres secteurs la grève est limitée à deux jours maximum par mois et à dix jours par an » : c’est par ces mots que le dirigeant s’est exprimé devant un parterre de patrons admiratifs. De même, le salaire minimum mensuel à moins de 80 euros peut faire saliver les investisseurs, ainsi que le droit du travail « dérégulé » : on peut embaucher en CDD indéfiniment... Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, n’a pu contenir sa joie devant une corbeille si bien garnie.

Depuis quelques années, le régime Talon a bâillonné l’opposition politique. Les opposants sont pourchassés, emprisonnés.

L’ordre est donc assuré et c’est toujours bon pour les affaires.

Patrice Talon a rappelé avec une rare franchise une leçon fondamentale : si la bourgeoisie des pays riches se permet le privilège de quelques apparences démocratiques, dans les pays qu’elle pille elle préfère miser sur des hommes de main ; rien de mieux alors qu’un homme à poigne capable de faire exécuter les ordres. Cette disponibilité à satisfaire les désirs de l’impérialisme français a été saluée par les applaudissements nourris de l’auditoire.10

 

 

Au-delà des résultats électoraux

Le 8 janvier 2023, le Conseil constitutionnel a validé le résultat des élections législatives. Les deux partis de la majorité présidentielle l’Union des progressistes pour le renouveau et le Bloc républicain ont remporté la majorité avec 81 sièges. L’opposition « les Démocrates » obtient 28 sièges.

 

Une abstention record

L’opposition a contesté la sincérité du scrutin, dénonçant le bourrage des urnes, les achats de voix et autres trucages, sans être en mesure d’apporter la moindre preuve et pour cause. Éric Houndété, le dirigeant du parti « les Démocrates », a rendu impossible la confrontation entre chiffres recueillis et chiffres officiels en interdisant à ses militants de publier en temps réel le résultat de chaque bureau de vote.

La victoire des soutiens à Patrice Talon est ternie par un taux d’abstention extrêmement élevé, plus de 60 %. Plusieurs explications peuvent être avancées. À commencer par l’absence de confiance dans la transparence du scrutin et le scepticisme de ce qui pourrait changer par le biais d’un vote. Mais aussi le souvenir toujours vivace des précédentes élections législatives qui s’étaient déroulées dans un climat de violence, inédit pour ce pays. En 2019, Talon avait empêché les partis de l’opposition de se présenter. Il s’en était suivi des manifestations violemment réprimées avec deux morts et des dizaines d’arrestations, et un parlement monocolore.

 

La démocratie et le social en berne

Patrice Talon, se targuant de son expérience d’homme d’affaires, avait promis de rendre le pays prospère. Il a continué à appliquer les recettes libérales aux conséquences sociales désastreuses pour les populations. Les chiffres de la Banque mondiale font état de 32 % d’enfants victimes de malnutrition ; près de la moitié des élèves ne terminent pas le cycle scolaire primaire ; le sous-emploi est de 72 % et le travail informel dépasse les 90 %.

Ce qui différencie Talon de ses prédécesseurs libéraux est la mise en charpie de la démocratie pourtant vivace dans le pays. Le droit de grève pour la plupart des fonctionnaires est interdit. Les principaux opposants sont soit en exil soit en prison sous les prétextes les plus ubuesques.

En fait, c’est Patrice Talon lui-même qui a eu maille à partir avec la justice, pour une tentative d’empoisonnement, en 2012, sur la personne de Boni Yayi alors Président de la république, et pour corruption et détournement de biens publics. Ce personnage qui se glorifie d’avoir réussi en affaires a surtout bénéficié de ses amitiés politiques pour mettre la main sur la production de coton en contrôlant la totalité de la filière, puis sur les activités douanières du pays.

 

Faiblesse d’une alternative

Sur près de 6 millions et demi d’électeurEs, le camp présidentiel n’a obtenu, d’après les chiffres officiels, qu’un peu plus d’un million et demi de voix. Un score peu flatteur d’autant que les 28 députés de l’opposition était un obstacle à la tentative d’un troisième mandat pour Talon. En effet le changement de Constitution requiert un vote des 4/5 de l’Assemblée nationale ou une procédure référendaire qui a peu de chance de passer.

Les résultats de ces élections mettent en valeur l’absence de véritable alternative politique. La majorité comme l’opposition sont issues du même sérail. Boni Yayi, l’ancien président, était un administrateur de la Banque Ouest-Africaine de développement ; Lionel Zinzou, le candidat malheureux contre Talon en 2016, est un franco-béninois PDG d’une banque d’affaires qui officie aussi pour le Medef ; et celui qui est arrivé en troisième position Sébastien Ajavon est la seconde fortune du pays après celle de Patrice Talon.

L’Alliance pour la Patrie, animée principalement par le Parti communiste béninois, a refusé de choisir entre la majorité et le parti « les Démocrates » soutenu par Boni Yayi. Elle est cependant bien en difficulté pour présenter une offre populaire dans le combat électoral monopolisé par les représentants de la classe dominante. Cette faiblesse d’une force alternative n’est hélas pas propre au Bénin.11

 

 

Économie du Bénin

Le Bénin appartient au groupe des pays les moins avancés. En termes d’indice de développement humain (IDH), il se classe au 166e rang sur 188 du rapport PNUD 2015, reculant d'une place par rapport à 2014. Pour 2016, il se situe au 158e rang sur 189 du rapport Doing business, qui calcule l'indice de la facilité de faire des affaires, contre 162e l'année précédente.

Pourtant le taux de croissance, tombé à 2,5% en 2010 (le plus bas de l’Afrique de l’Ouest), est depuis 2011 légèrement supérieur à 5%. Mais la croissance, la baisse de l'inflation et le développement des infrastructures ne suffisent pas pour réduire la pauvreté globale, du fait de l'absence de redistribution, de la pression démographique et de la présence d’un secteur informel très important, en forte progression depuis les années 1980.

Le port autonome de Cotonou (PAC) constitue l'un des pivots de l'économie béninoise. Cependant 80 % des marchandises importées sont réexportées vers le Nigeria, ce qui rend le pays très dépendant de son puissant voisin.
L'autre source de richesses est le coton, mais les principales cultures sont surtout vivrières : igname, manioc, maïs, sorgho, riz paddy, fruits et légumes.
L'élevage concerne principalement le cheptel bovin qui comptait plus de 2 millions de têtes en 2012.
La pêche reste souvent artisanale, elle est concurrencée par les bateaux étrangers.
Le tourisme représente 2,5% du PIB du pays, qui occupe la cinquième place des destinations en Afrique de l’Ouest. En 2013 il a accueilli 230 946 visiteurs étrangers contre 219 949 en 2012. Ses principaux atouts sont les plages et les cités lacustres du sud (Ganvié), les parcs animaliers au nord (Pendjari et W), Abomey et ses palais royaux, Ouidah, lieu de mémoire de l'esclavage et berceau du culte vaudou.12

 

53,1% de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2011, chiffre la Banque mondiale.13

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_B%C3%A9nin
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_du_Dahomey
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nin
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_populaire_du_B%C3%A9nin
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nin
(6) Jean Kokou Zounon http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/benin/article/benin-boni-yayi-promet-la
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Boni_Yayi
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrice_Talon
(9) Michel Tinas https://journal.lutte-ouvriere.org/2019/05/15/benin-mascarade-electorale-et-repression_123691.html
(10) Michel Tinas https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/09/07/benin-un-president-bon-eleve-du-medef_402838.html
(11) Paul Martial https://lanticapitaliste.org/actualite/international/benin-au-dela-des-resultats-electoraux
(12) https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nin
(13) http://www.journaldunet.com/economie/magazine/1164746-pays-pauvres/1164812-benin