Antiquité
L'histoire de l'Algérie dans l'Antiquité est marquée par l'émergence des royaumes de l'Âge du fer qui s'étalent sur une période d'environ 1 500 ans. Ces royaumes sont d'abord les Gétules au sud du pays, et la fondation des comptoirs Phéniciens au Nord, ensuite les Garamantes et finalement les Numides. Le territoire de l'actuelle Algérie fut ensuite progressivement conquis par Rome et transformé en province romaine. Il s'étendait sur les provinces d'Afrique proconsulaire, de Numidie et des Maurétanies. Ces provinces africaines sont marquées par une grande prospérité jusque dans l'antiquité tardive.
Les Berbères, christianisés par Rome, résistèrent de façon différenciée à la chute de Rome, puis des Vandales, et l'instabilité durant la période byzantine. Certains s'enfuirent en Sicile.
En mai 429, 80 000 Vandales et Alains, dont 15 000 soldats, conduits par leur roi Genséric (Gaiséric) traversent le détroit de Gibraltar pour passer en Afrique romaine. Selon les chroniqueurs de l'empire d'Orient (Jordanès), le comte Boniface, alors en révolte contre Galla Placidia, aurait été l'instigateur de leur passage en Afrique. Boniface, inquiet du succès des Vandales, cherche à limiter le dommage par la cession de la Maurétanie. Genséric refuse de s’arrêter. Il dévaste la Numidie et une partie de la Proconsulaire. Il dépasse Hippone et tente sans succès de prendre Carthage, puis revient sur ses pas et met le siège devant Hippone. Les tribus réunies des Vandales et des Alains comptent 80 000 âmes. La population romaine en Afrique est alors de 7 à 8 millions d’habitants.
En 442, le roi des Vandales Genséric signe un second traité de paix avec Valentinien III, avec l'approbation de Théodose II. Il obtient les pleins droits pour diriger la province romaine d'Afrique proconsulaire, Byzacène, et l'est de la Numidie. La partie occidentale de la Numidie et les Maurétanie Sitifienne et Césarienne retournent à l'Empire.
En mars 534, le roi vandale Gélimer, battu à Hippone, se rend aux forces de Byzance conduites par Bélisaire. La plus grande partie de l'Afrique du Nord jusqu’à Ceuta est maintenant sous le contrôle de l'Empire d'Orient. Gélimer est envoyé à Constantinople orner le triomphe de Bélisaire, puis déporté en Galatie, où il reçoit des domaines. Une partie des Vandales est vendue comme esclaves, une autre incorporée dans la cavalerie romaine.
Le 13 avril, Bélisaire réorganise l’Afrique récemment conquise, qui devient une préfecture du prétoire byzantine, divisée en cinq provinces (534-698). Archélaos, questeur de Bélisaire, devient préfet du prétoire et Solomon gouverneur militaire. Dès le départ de Bélisaire, les Berbères se révoltent, les uns en Byzacène conduits par Iabdas, roi des sédentaires de l’Aurès, les autres en Numidie, conduits par Cutzinas, chef des nomades de Tripolitaine.
Islamisation de l'Algérie
De 644 à 656, la première tribu berbère algérienne à se convertir à l'islam fut les Maghraouas. Leur chef, Ouezmar Ibn Saclab, fut sollicité par le calife Uthman ben Affan à embrasser la religion musulmane, selon l'historien du Moyen Âge, Ibn Khaldoun. Les Maghraouas se convertissent en masse à la nouvelle religion lors du retour de leur chef. En 665, les Omeyades lancent leur première attaque sur le Maghreb. C’est en 683 que Oqba Ibn Nafaa entreprend la conquête. Si la résistance des Byzantins les arrête peu, il en va différemment de celle des Berbères. Par contre, les Maghraouas s'allient aux Omeyades dès le début.
L'unité politique et administrative de la Berbérie orientale et centrale, les Aurès, était en grande partie réalisée par Kusayla, allié des Omeyades. Le conflit entre Kusayla et Oqba Ibn Nafaa amène une autre guerre. Et au décès de Kusayla en 688, Dihya, dite la Kahina, prend la tête de la résistance.
De 688 à 708, Dihya procéda ainsi à la réunification de nombreuses tribus de l'Afrique du Nord orientale et du Sud. Dihya défait par deux fois la grande armée des Omeyyades grâce à l'apport des cavaliers Banou Ifren et des autres confédérations. Elle régnera sur tout l'Ifriqiya pendant cinq années. Dihia sera vaincue dans la dernière bataille contre les Omeyyades. Hassan Ibn en Nu'man des Omeyyades demande, en contrepartie, aux différentes tribus alliées à Dihia de faire partie de l'armée Omeyyades. Et ensuite, Musa ben Nusayr nomme son affranchi Tariq ibn Ziyad gouverneur de Tanger et le plaça à la tête de l'armée berbère du Maghreb.
En 708, les Omeyyades restent les maîtres de l’Algérie. La période préislamique se termine. L'Algérie s’islamise, tandis que les langues latine et punique disparaissent. Après la conquête musulmane, les citadins adoptèrent progressivement la langue arabe. Berbère, phénicien, latin, arabe, espagnol, turc, français : le brassage des langues, le « métissage linguistique », est intense, donnant lieu à un arabe algérien très hétérogène, variant sensiblement d'une région à une autre, et qui s’est perpétué jusqu’à nos jours. En 711, la première partie de la conquête musulmane de l’Espagne fut menée par un contingent arabo-berbère sous le commandement de Tariq ibn Ziyad, d'où le nom de la colline de Gibraltar.
Dynasties islamiques
Vers le VIIIe siècle, les Omeyyades étendront leur empire jusqu'au Maghreb. Il s'ensuit une importante révolte des sufrites berbères sous le commandement d'Abou Qurra. Cette révolte durera presque un siècle, plusieurs groupes ou dynasties kharidjites comme Nekkarites, Ibadites, Rostémides, se rassemblent pour se rebeller contre le pouvoir Abbassides et Omeyades.
Ibn Rustom fonde en 761 un royaume ibadite dans le nord du Maghreb avec Tahert pour capitale. Celui-ci, comme l'émirat de Cordoue depuis sa création en 756, conserve son indépendance du califat des Abbassides, malgré les pressions diplomatiques et militaires ainsi que les pertes de territoires. Par la suite, les Idrissides ainsi que les Soulimanides prennent le pouvoir sur une partie de l'Algérie de l'Ouest. Au IXe siècle, les Aghlabides alliés des Abbassides, prendront le pouvoir sur une partie de l'Algérie.
Au Xe siècle, le dai ismaélien Ubayd Allah al-Mahdi fonda la dynastie Fatimide, en Basse Kabylie où il trouva un écho favorable à ses prêches millénaristes. Les Fatimides établirent leur autorité en Afrique du Nord entre 909 et 1171 et fondèrent un califat dissident des Abbassides de Bagdad. Leur règne est marqué par de nombreuses révoltes kharijites, notamment celle d’Abu Yezid, en 944, à la tête de tribus berbères Zénètes, qui infligèrent la plus sévère défaite à l’armée Fatimide, affaiblie et rendue vulnérable, en prenant Kairouan. Les Fatimides transféreront alors leur capitale de Kairouan à Mahdia puis vers l’Égypte.
Les Zirides s'allient avec les Fatimides et lancent une attaque contre les Zénètes. Mais, les Omeyyades les repoussent, ainsi les Zénètes regagnent leurs territoires.
Les Hammadides fondent une dynastie après une divergence entre les souverains Zirides. Ainsi, la révolte kharidjite fut vaincue par Ziri ibn Manad, à la tête de tribus Sanhadjas, qui en sauvant l’empire reçut le poste de gouverneur du Maghreb central. Ainsi en 972, lorsque les Fatimides, après l’annexion égyptienne, eurent moins d’intérêt pour le Maghreb, c’est son fils, Bologhine ibn Ziri, qui hérita du contrôle de l’Ifriqiya. Les Zirides y régneront pendant environ deux siècles.
Hammad Ibn Bologhine, le fils de Bologhine, gouvernera indépendamment des Zirides. Son État comprend la ville d'Achir, le Nord-Est de l’actuelle Algérie.
À partir de 1014, les Hammadides reconnaissent comme califes légitimes les Abbassides sunnites de Bagdad, ils fondent ainsi la dynastie des Hammadides. Les Zirides reconnaîtront, à leur tour, en 1046, les califes Abbassides, montrant ouvertement aux Fatimides leur abandon du chiisme. Alors que les Ifrenides et les Maghraouides gouverneront dans l'Ouest algérien et sur une partie du sud d'Algérie et au Maroc actuel. Ces derniers rejettent l'autorité des Fatimides et des Omeyyades à la fois, selon l'historien Ibn Khaldoun.
C’est à partir de 1048, dans certaines régions du Sud, que des tribus arabes, principalement les Banû Hilâl et les Banu Sulaym, immigrent en Afrique du Nord. Ces « terribles bédouins » hilaliens furent envoyés par le pouvoir fatimide afin de réprimer les Zirides et les Hammadides. Par vagues successives, les Hilaliens menaient des incursions et des batailles dans les grandes villes, pillant puis détruisant tout sur leur passage. À la fin, ils s'imposeront.
Pour l’Algérie, leur nombre ne dépassant pas quelques dizaines de milliers de personnes, l’immigration arabe en Afrique du Nord fut peu importante, sauf dans deux régions extérieures à l’Algérie, celles de Kairouan et de Tanger. Si bien qu’au total, le peuplement de l’Algérie n’a reçu qu’une contribution démographique arabe limitée, et qu’une grande partie des populations arabophones est berbère. L’Algérie est alors, sur une petite partie à l’ouest, sous le contrôle des Almoravides, après avoir évincé les Banou Ifren et les Maghraouas. Les Hammadides sont au centre et seront chassés partiellement du sud par les Hilaliens. Les Zirides restent en Ifriqiya et sont cernés par les Hilaliens au sud.
En 1152, toutes les forces locales sont définitivement vaincues par une nouvelle dynastie berbère, les Almohades, dirigés par Abdelmoumen Ibn Ali et dont le chef spirituel est Muhammad ibn Tumart. Les Almohades formeront un des plus puissants empires méditerranéens, unifiant le Maghreb et le pays d’Al-Andalus jusqu’en 1269. Avec les grandes villes du littoral, à l'exemple de Béjaïa, d'Annaba et d'Alger, le Maghreb central s'ouvre à l'Occident chrétien en entretenant un commerce actif, apportant notamment les fameux chevaux barbes, de la cire ou encore du cuir de qualité.
La chute des Almohades marque un tournant dans les relations avec les puissances chrétiennes du nord, qui s'organisent pour la Reconquista alors que le mythe de l'invincibilité musulmane prend fin. Au Maghreb, des dynasties Zénètes s'imposent, comme les Mérinides de Fès dans le Maghreb occidental, les Abdelwadides de Tlemcen du Maghreb central. Les Hafsides s'imposent en Tunisie et à l'est de l'Algérie. Ces dynasties, qui rayonnent sur l'Afrique du Nord d'abord entre le XIIIe et le XIVe siècle siècle, subissent de plus en plus, vers la fin du XVe siècle, la pression de l'essor des puissances espagnole et portugaise, ce qui, conjugué aux luttes intestines pour l'accès au trône, conduit alors à des reculs successifs de leur pouvoir et à l'émiettement de leur empire.
Les Mérinides prennent la Tunisie et font tomber les Hafsides. En effet, Abou el Hassen souverain Mérinide de Constantine et de Béjaïa s'empare de la Tunisie. Ibrahim abou Fadhel sera le souverain de la Tunisie, mais l'histoire ne révèlera pas tous les noms des souverains mérinides en Tunisie.
Plusieurs juifs de l'Andalousie sont envoyés vers l'Algérie en 1492. Dans cet état de fait, la dynastie Zianides résiste fortement jusqu'à l'attaque décisive des Ottomans. Ces derniers prennent la ville de Tlemcen en 1554. Ainsi s'achèvent les dynasties autochtones en Algérie.
Effets de la Reconquista
Les Rois Catholiques vont achever la Reconquista en 1492, à la suite de quoi, les Juifs seront refoulés vers l'Afrique du Nord. L'arrivée des Andalous et des Mudéjars coïncidera. Après 1502, tous les musulmans qui arriveront en Algérie seront appelés Morisques (des Andalous et des Mudéjars). Ces derniers seront définitivement expulsés de la péninsule Ibérique entre 1609 et 1614 sous Philippe III d'Espagne, à la suite du décret d'expulsion des Morisques.
Ainsi, des milliers de familles d'Espagne s'exilent en Algérie, ils viennent en masse dans les villes du nord du pays, dont Oran, Tlemcen, Nedroma, Blida, Alger, Mostaganem, Cherchell, Annaba, Béjaia. Ces grandes familles, qui ont fait tout ce qu'elles pouvaient pour rester dans leur pays d'origine, sont forcées à vivre dans une terre qui leur est tout à fait inconnue. Leur apport sera très important dans la société, la culture sera en premier plan, ainsi que la construction des villes et l'économie. Ces familles vont changer pour beaucoup le décor de la scène sociale de l'époque.
Présides espagnols au XVIe siècle
À l'ouest, au mois de juillet 1501, les Portugais lancent une expédition pour tenter d'accoster sur la plage des Andalouses. Il faudra attendre le débarquement de Mers-el-Kébir, en 1505, pour voir l'Espagne s'engager dans la première expédition organisée contre Oran. La prise de la ville par l'armée du cardinal Francisco Jiménez de Cisneros, commandée par Pedro Navarro, eut lieu le 17 mai 1509. Après l’occupation du port de Mers-el-Kébir (1505), et celui de la ville d’Oran (1509), la ville fut désertée, puis totalement occupée par les troupes espagnoles. Dès 1509, le Cardinal Ximenes entreprit la construction, sur les ruines de la mosquée Ibn El Beitar, de l'église Saint-Louis, qui domine la vieille ville des deux côtés. En 1554, le gouverneur comte d'Alcaudete fit alliance avec le sultan marocain Mohammed ech-Cheikh contre les Ottomans alors installés à Alger, et parvint à maintenir encore la présence espagnole. Les Espagnols font ainsi d’Oran une place forte. Les juifs furent expulsés hors d’Oran par les Espagnols en 1669. Sous le roi d’Espagne, Carlos III, ce dernier et les partisans de la conservation de la ville s’affrontent. Entre 1780 et 1783, le ministre Floridablanca proposa a l’Angleterre d’échanger Oran contre Gibraltar.
Au centre, en 1510, Ferdinand le Catholique attaque la ville d'Alger. Les Espagnols l'assiégèrent et bâtissent sur un îlot de la baie d'Alger une forteresse, le Peñón d'Alger, destinée à bombarder la ville et à empêcher son approvisionnement. Salem ben Toumi chef des Beni Mezghenna demande l'aide des Turcs.
Au nord est, Pedro Navarro prend Béjaia en 1510 et jusqu'en 1555. Il y arrive le 5 janvier 1510 avec 5 000 hommes et attaque la ville. Abderrahmane oppose 10 000 soldats, qu'il lance immédiatement contre les Espagnols en cours de débarquement. L'assaut est repoussé grâce notamment à l'artillerie de marine. Mais la riposte espagnole commence immédiatement, avec des bombardements maritimes et terrestres. L'essentiel de la bataille se déroule dans la ville. À la fin, Abderrahmane réussit à prendre la fuite et il y aura plusieurs morts. La renommée de Navarro et le récit de ses exploits militaires incitent les rois d'Alger, de Tunis et de Tlemcen à prêter l'hommage au roi d'Espagne et à libérer tous leurs prisonniers chrétiens. Cependant en 1514, grâce à une attaque combinée des Kabyles menée par Sidi Ahmed ou el Kadhi, à la tête de 20 000 hommes et des Turcs par la mer, la ville de Bejaia sera temporairement libérée de la présence espagnole. Les Espagnols en seront ensuite définitivement expulsés en 1555 par les Ottomans, dirigés par Salah Raïs pacha.
Régence d'Alger
Cherchant à contrôler leur espace maritime après la Reconquista, les Portugais partent en expédition en Afrique du Nord occidentale au début du XVe (prise de Ceuta en 1415), suivis des Espagnols qui occupent au début du XVIe siècle des ports méditerranéens (Mers el Kebir, Oran, Béjaïa). L'Espagne décide d'assiéger le port d'Alger, et s'empare de l'îlot du Peñon à l'entrée du port, qu'elle fortifie. Les Algérois font alors appel aux corsaires turcs. Les frères Barberousse, forts de plusieurs succès dans la navigation, parviennent en 1518, après plusieurs échecs, à chasser les Espagnols d'Alger (en partie avec l'appui des tribus kabyles) et à étendre progressivement leur état sur le reste du pays (Cherchell, Ténès, Tlemcen).
En 1556, les Ottomans attaquent les Zianides et prennent Tlemcen. Le frère aîné de Khayr ad-Din Barberousse tue les derniers rois Zianides en les noyant dans l'eau au XVIe siècle. Ensuite, les Espagnols lancèrent depuis leur possession d’Oran une offensive victorieuse contre les troupes de Barberousse à Tlemcen dans laquelle Aroudj perdit la vie.
C'est dans ce contexte que Khayr ad-Din Barberousse, qui se trouvait à Alger lorsqu’il apprit la mort de son frère, sollicita le soutien du Sultan Soliman le Magnifique et plaça son nouvel État sous la protection de l'empire ottoman, recevant le titre de beylerbey (gouverneur de province) ainsi qu'un contingent de 2 000 janissaires.
Cet état nouvellement fondé prendra le nom de Régence d'Alger. Cette dernière fut successivement gouvernée par des beylerbeys de 1518 à 1587, des pachas de 1587 à 1659, des aghas de 1659 à 1671 et des deys de 1671 à 1830. En 1609, les musulmans d'Andalousie sont envoyés vers les côtes algériennes. La Régence d’Alger a une large indépendance vis-à-vis du Sultan Ottoman. La région de l’Algérois, appelée Dar el Sultan, était placée sous autorité directe du chef de la Régence. Le reste du pays était divisé en 3 provinces nommées « beylics » administrées chacune de manière autonome par un bey nommé par le Dey d'Alger. On distinguait : le Beylic de l’Ouest (capitale basée à Mazouna, Mascara puis déplacée à Oran après le départ des Espagnols) ; le Beylic du Titeri au centre (capitale basée à Médéa) et le Beylic de l‘Est (capitale basée à Constantine), le plus puissant des trois. Chaque Beylic était divisé en « outan » (cantons) avec à sa tête un caïd, relevant directement du bey. Pour administrer l’intérieur du pays, les Turcs s’appuyaient sur les tribus Makhzen. Ces tribus étaient chargées d’assurer l’ordre et de lever l’impôt sur les régions tributaires du pays. C’est par ce système que durant trois siècles l’État ottoman d’Alger étendit son autorité sur le Nord de l’Algérie actuelle. Mais dans les faits, plusieurs régions du pays bravaient de manière régulière l’autorité des Beys.
La fortune de l'État et de la ville d'Alger était essentiellement fondée sur les profits de la course, et les relations extérieures de la Régence d'Alger en étaient tendues et complexes, notamment avec la Grande-Bretagne, les États-Unis, la France, l'Espagne. En 1815, Rais Hamidou rencontre une puissante escadre américaine qui venait demander raison au dey Omar. Au début du combat, un boulet tua le Raïs Hamidou. Il s'ensuit alors plusieurs défaites de la Régence d'Alger face aux autres nations dans les batailles navales.
Révoltes et sultanats
En Kabylie, le contrôle territorial direct des gouverneurs d’Alger était limité aux grands centres urbains de la région (Tizi Ouzou, Bouira, Boghni) dans lesquels ils y édifièrent des bordjs (forts) et y stationnaient en permanence un nombre limité de troupes. L’administration de l'arrière-pays se faisait donc indirectement par le biais d’alliés, personnages ou tribus. Cependant, deux royaumes tribaux s'opposeront régulièrement aux ottomans : ceux de Koukou allié aux Espagnols et des Ait Abbas. Dans la Haute Kabylie, le royaume de Koukou est fondé au XVIe siècle par Sidi Ahmed ou el Kadhi. Ce dernier, d'abord allié aux ottomans notamment lors de la résistance face aux Espagnols, deviendra ensuite un rival pour le contrôle du nord de l'Algérie. En 1520, Khayr ad-Din Barberousse décide de mener une expédition contre Sidi Ahmed ou el Kadhi. La bataille aura lieu dans la plaine des Issers. La victoire des Kabyles sera sans équivoque et c’est avec beaucoup de chance que Khayr ad-Din Barberousse aura la vie sauve en ayant pris la fuite au bon moment. Victorieux, Sidi Ahmed ou el Kadhi s’empare d’Alger et règnera sans difficulté jusqu’en 1527, date à laquelle Khayr ad-Din Barberousse le défait et rétablit son autorité à Alger avec l'aide Abd-el-Aziz, chef kabyle des Aït Abbas et rival de Sidi Ahmed ou el Kadhi. Le royaume de Koukou perdurera plus de deux siècles, jusqu'à son extinction vers 1750.
En Basse Kabylie, les Aït Abbas, eux aussi se soulevèrent fréquemment contre l'autorité ottomane. En 1823, ils entrèrent en révolte contre l'autorité de la Régence et coupèrent les voies de communication entre Alger et Constantine. Ce n'est qu'après plusieurs mois de combats que l'agha Yahia put négocier la soumission des tribus révoltées. Le royaume de Aït Abbas survivra à l'époque ottomane et ne tombera qu'en 1871 lors de la conquête française. Les beys connurent d'énormes difficultés à gouverner et à faire rentrer les impôts, certains d'entre eux qui osèrent pénétrer dans les massifs montagneux ou à travers le désert y laissèrent leur vie.
Dans les Aurès, plusieurs tribus s'unissent et déclenchent des luttes contre les Ottomans. Cependant, plusieurs luttes internes entre fractions Chaouis s'enflamment dans les zones montagneuses des Aurès. Les Ouled Daoud ainsi que plusieurs tribus empêcheront les Ottomans à pénétrer dans leurs territoires. Saleh Bey tenta sans y parvenir de les soumettre en dirigeant contre eux une expédition. En somme, la grande union des Chabias se divise, cela provoque l'indépendance de plusieurs tribus à l'égard des Ottomans entre le XVIIe siècle et le XVIIIe siècle.
Dans la partie méridionale de l'Algérie entre 1515 à 1830, les Ottomans n'étaient pas en mesure d'étendre leur autorité aux régions sahariennes du pays. Le Sahara était l'axe principal aux échanges commerciaux entre l'Afrique noire et le Nord. La relation entre les Saadiens et les Ottomans se dégradait. Cela a amené Ahmad al Mansour Addahbi, le sultan saadien de Marrakech, à contrôler le Gourara et le Touat (région). Ensuite, Mulay M'hammed, sultan alaouite de Fés, prend le pays du Gourara avec l'aide des tribus locales. À l'arrivée du pouvoir des Alaouites, ces derniers délaissent les régions du Gourara, et du Touat. Alors, les émirs locaux prennent en charge la gouvernance de leurs territoires. L'impôt était prélevé par les Caïds envoyés par les Alaouites, et celui qui ne payait pas était emmené comme esclave vers Fés. À Ouargla, les habitants étaient gouvernés par l'autorité des Zaouïas. Les mouvements des Marabouts étaient fort implantés dans toutes les régions du Sud et dans une partie des Aurès. Par contre, le Mzab a gardé la pratique du dogme Ibadites.
Au sud le Sultanat de Touggourt pris son indépendance en 1414. À la constitution du Beylic de Constantine, Touggourt devient rapidement tributaire de celui-ci. Les refus récurrents des Sultans de Touggourt de s'acquitter du tribut imposé par les turcs provoquèrent de nombreuses expéditions des autorités de la Régence à leur encontre. Enfin dans l'extrême sud, une confédération targuie, les Kel Ahaggar, fut formée dans le Sahara algérien vers l'année 1750.2
Colonisation française (1830 à 1962)
Avant la conquête, l’Algérie, tout en faisant partie formellement de l’empire ottoman, était dirigée par une Régence vivant des impôts prélevés sur une population majoritairement rurale et de ce qu’on appelait la course, une activité entre piraterie et protection rémunérée des bateaux de commerce en Méditerranée.
En juin 1830, la monarchie française fit débarquer trente-sept mille hommes sur la côte algérienne, qui bombardèrent et saccagèrent Alger. Derrière un prétexte fallacieux, l’avidité commerciale inspirait cette conquête.
Le trésor de la Régence fut pillé lors de la prise de la ville. Mais les caisses royales de la France n’en tirèrent que cinquante millions de francs de l’époque, alors que les richesses du Dey d’Alger étaient estimées à deux cent cinquante millions, sans parler des autres richesses dans la ville. Des centaines de millions se volatilisèrent... mais pas pour tout le monde. En particulier pas pour les familles Schneider et De Wendel, familles de grands capitalistes français qui prospèrent encore aujourd’hui. François-Alexandre Seillière (un ancêtre de Ernest-Antoine Sellière, ex-président du Medef), associé à un certain Adolphe Schneider, avait obtenu d’être le fournisseur de l’expédition d’Alger. Forts de quelque trois cent cinquante-sept bateaux, ils avaient tous deux la main sur le transport des hommes et des marchandises de cette aventure. C’est dans la cale de leurs bateaux que s’évaporèrent les millions. Le hasard faisant bien les choses, c’est à la suite de cette expédition qu’ils devinrent les puissants capitalistes de la sidérurgie en France.
Après la prise d’Alger, l’opération de conquête se poursuivit car les généraux espéraient une victoire qu’ils croyaient facile contre des populations rurales. En réalité, l’armée française mit près de cinquante ans à conquérir et à soumettre l’Algérie par le fer et le feu.
En effet, la conquête se heurta à une résistance farouche. De 1830 à 1847, l’émir Abd el Kader mena la guerre contre l’invasion et fit subir à l’armée française une série d’échecs retentissants. Le général Bugeaud fut envoyé pour tenter d’en venir à bout. Il entama une guerre dite de ravageurs. Sa technique consistait à dévaster les zones conquises. « Il ne faut pas courir après les Arabes, disait-il, il faut les empêcher de semer, de récolter, de pâturer ». Le 19 juin 1845, par exemple, le colonel Pélissier ordonna d’enfumer entre cinq cents et mille cinq cents personnes réfugiées dans une grotte à Dahra. Les soldats attisèrent un feu énorme durant 18 heures pour asphyxier tout le monde, hommes, femmes et enfants. Cela fit un peu scandale, mais ce colonel n’en fut pas moins promu maréchal de France par la suite.
Plus de cent mille hommes furent indispensables pour vaincre l’armée d’Abd el Kader. Cette guerre s’était accompagnée de tant de massacres et de cruautés que les résistances et les insurrections embrasaient le pays au fur et à mesure de l’avancée de l’armée.
Avec la conquête, comme l’écrivit un historien de l’Algérie, « un vol d’hommes de proie s’abattit sur le pays. » La monarchie française accapara non seulement les terres appartenant à l’empire ottoman, mais aussi celles des seigneurs locaux, des tribus révoltées et les terres collectives des populations rurales. En 1870, cinq cent mille hectares avaient déjà été volés et distribués aux colons envoyés en Algérie. Du moins à certains colons.
Car contrairement à l’un des mythes de la colonisation de l’Algérie, les terres n’ont pas été en majorité cultivées par de pauvres émigrants venus mettre en valeur un pays laissé à l’abandon. D’abord parce que les terres, loin d’être abandonnées, ont été arrachées de force aux paysans.
Mais aussi parce que la grande majorité des colons venus d’Europe allait peupler les villes et non les campagnes. Un tiers seulement d’entre eux s’installa dans les campagnes. Dès le début, l’expropriation des terres algériennes profita donc à de gros colons, à des capitalistes qui développèrent une agriculture d’exportation.
Pendant ce temps, les populations rurales algériennes furent condamnées au « cantonnement » : les communautés villageoises étaient déportées, refoulées dans les zones les plus stériles, souvent montagneuses et hostiles, dans des sortes de réserves indiennes où elles perdaient leurs attaches, leur cohésion et s’appauvrissaient inexorablement.
Pourtant les révoltes se poursuivirent. En 1871, à la faveur de la défaite française face à la Prusse et au même moment que la Commune de Paris, une insurrection générale se propagea dans tout l’est du pays, en Kabylie et dans le Constantinois. Cent mille hommes se levèrent pour combattre l’armée coloniale. Cette révolte ne fut écrasée qu’au bout de neuf mois de luttes incessantes. La répression fut implacable car elle visait à faire régner la terreur.
Avec l’avènement de la troisième République en France, une nouvelle période s’ouvrit pour l’Algérie. Elle fut pire par bien des aspects car la république bourgeoise allait imposer la domination directe des colons. L’ère de l’impérialisme débutait. Des millions d’hectares supplémentaires furent volés. Les populations endurèrent des famines récurrentes, souvent accompagnées d’épidémies. Ainsi, en quelques décennies, la population algérienne tomba d’environ trois millions à quelque deux millions d’habitants, soit une disparition d’un tiers.
La colonisation s’installait avec ses injustices et ses humiliations permanentes. Des impôts dits « arabes » furent infligés aux seuls Algériens, faisant reposer sur eux l’ensemble des frais de la colonisation.
En 1881, ils furent soumis à un code de l’indigénat, établissant une liste de dizaines d’infractions spécifiques, comme par exemple, le fait de « voyager sans permis de circulation », car tous les Algériens qui voulaient sortir de leur village devaient demander l’autorisation. Des sanctions exorbitantes s’abattaient sur les Algériens baptisés indigènes, allant de l’internement aux amendes collectives et aux séquestres de terres.
Même une attitude jugée arrogante ou des insultes étaient passibles de jours de prison ou de travaux forcés.
Durant toute la colonisation, les Algériens n’eurent jamais aucun droit politique reconnu. Leur représentation politique se résumait à quelques élus dans les conseils généraux, sans pouvoir décisionnaire. L’Algérie était française et les Algériens des parias, des sujets corvéables à merci, des étrangers dans leur propre pays.
D’un autre côté, de plus en plus d’Européens s’installaient en Algérie. La majorité d’entre eux étaient des pauvres envoyés peupler le pays. Pour souder tout le monde derrière les grands colons peu nombreux, la puissance coloniale sut utiliser les différences au sein de la population.
Ainsi en 1870, avec le décret Crémieux, les juifs algériens se virent accorder la nationalité française. Ils n’étaient pas des colons mais des autochtones, installés dans le pays bien avant la conquête militaire française. Mais ce décret permettait de les séparer des autochtones musulmans en les traitant différemment.
Puis en 1889, tous les descendants d’Européens nés en Algérie, Italiens, Espagnols et autres, obtinrent la nationalité française.
Non seulement les grands colons s’appuyaient sur ces divisions pour maintenir leur domination sociale et politique, mais ils distillaient l’idéologie raciste qui servait de justification au colonialisme. Leur discours raciste était bien rodé. Ils pouvaient affirmer tranquillement que « les Arabes n’avaient pas les mêmes besoins qu’eux ». C’est-à-dire qu’ils pouvaient vivre sous-alimentés, dans des maisons délabrées en terre, sans école pour les enfants, sans reconnaissance de leur dignité, de leurs droits.
Alors, le poison du colonialisme, du mépris raciste, de l’arrogance des petits blancs, s’infiltra dans toute la société coloniale, au-delà des grands colons, affectant ceux qu’on appela plus tard les pieds-noirs. Tout en étant pauvres, ils pouvaient mépriser plus pauvres qu’eux.
Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils restaient pauvres, alors que la société coloniale était de plus en plus dominée par une oligarchie financière richissime. Avec le temps, la majorité des terres fut accaparée par quelques milliers de familles de grands colons et, parmi ces familles, quelques dizaines seulement finirent par monopoliser aussi les circuits de distribution, le crédit agricole, la presse et bien sûr la représentation politique.
Au début du 20e siècle, les paysans algériens commencèrent à quitter les campagnes pour fuir la misère. Ils se retrouvaient dans les bidonvilles des métropoles algériennes, ou dans ceux des métropoles françaises car de plus en plus d’entre eux immigraient pour aller travailler dans les usines en France. Malgré elle, la colonisation transformait les paysans algériens en prolétaires modernes.
Le Front populaire : la trahison des peuples colonisés
En 1936, en parallèle aux luttes de la classe ouvrière en France, des grèves ouvrières eurent lieu dans tout le Maghreb. À Alger, en juin 1936, le mouvement de grève débuté chez les peintres du bâtiment se poursuivit dans les compagnies d’essence, dans la métallurgie, chez les dockers. Dans le Constantinois, des grèves importantes, regroupant ouvriers européens et algériens, eurent lieu dans les usines de liège. Toutes les grèves se soldèrent par des affrontements avec la police. Par ailleurs, des occupations de terres firent trembler les grands propriétaires.
Les travailleurs, en s’attaquant directement aux intérêts des capitalistes, ébranlaient en même temps le système colonial.
Ainsi, du Maroc à la Tunisie et même au-delà, les classes populaires du Maghreb commençaient donc à se mobiliser sur le même terrain de classe que les travailleurs en France. Ces luttes auraient pu se rejoindre sur un terrain commun, devenant un seul mouvement de part et d’autre de la Méditerranée, un mouvement capable de lutter contre l’ennemi commun la bourgeoisie française et son colonialisme.
Bien des militants de l’ENA avaient appris la lutte de classe dans les usines de France. Il n’était sûrement pas impossible d’en gagner une partie à l’idée d’une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière contre l’impérialisme.
Mais ce n’était plus du tout la préoccupation du PCF. Au contraire même, il affirmait désormais que réclamer l’indépendance, c’était faire le jeu de Hitler. Maurice Thorez, lors d’un voyage en Algérie, évoqua « la nation algérienne qui se constitue dans le mélange de vingt races, et dont l’évolution peut être aidée par les efforts de la République française », une façon assez claire de nier l’existence d’un peuple algérien et de défendre la présence française dans la colonie.
Quant au gouvernement de Front populaire, il s’opposa radicalement à toute idée d’indépendance des colonies. Il défendit les intérêts de la bourgeoisie contre les peuples colonisés, comme il les défendit contre les travailleurs en lutte.
En décembre 1936, le gouvernement fit connaître son projet pour l’Algérie, le projet Blum-Viollette (cet ancien gouverneur d’Algérie qui avait pourchassé les militants communistes et était désormais ministre du Front populaire). Le seul changement prévu consistait à donner le droit de vote à de nouveaux électeurs algériens. Les représentants politiques des colons firent obstruction à ce projet. Et comme bien souvent, la gauche au pouvoir s’aplatit devant la réaction. Le projet Blum-Viollette, inodore et incolore, fut abandonné sans discussion.
Par la suite, en 1937, le gouvernement s’attaqua directement au mouvement nationaliste algérien. Messali Hadj fut arrêté et son parti interdit.
Tout cela fut ressenti comme une immense trahison par les peuples colonisés. Avec le Front populaire, rien ne changea en Algérie. La misère resta la même, la domination des grands colons ne s’émoussa pas. À la veille de la guerre, Albert Camus, écrivain français né en Algérie, décrivait cette misère des paysans, en évoquant « les enfants en loques (qui disputaient) à des chiens les contenus des poubelles ou encore des villages entiers fouillant le sol à la recherche de racines pour se nourrir.
De la Seconde Guerre mondiale à Sétif : la révolte gronde en Algérie
Quelques années plus tard, la Seconde Guerre mondiale jeta le monde dans la tourmente.
En Algérie, la guerre accentua la misère et plongea le pays dans une détresse immense. La faim gagna encore du terrain partout. En 1942, une épidémie de typhus décima les paysans algériens sous-alimentés, privés de savon et ne pouvant s’habiller que de haillons.
Le débarquement anglo-américain de novembre 1942 ne changea pas le sort des populations. Le nouveau pouvoir ne revint même pas sur le statut des Juifs d’Algérie. Comme en métropole, ceux-ci avaient enduré les lois antisémites de Vichy. Mais il leur fallut attendre encore un an après le débarquement et l’arrivée des gaullistes pour que soient abrogées ces lois antisémites. Malgré l’arrivée des prétendus « libérateurs » , rien ne changea en Algérie, même pas le gouverneur, Peyrouton, qui passa sans être inquiété de Vichy à De Gaulle.
Ferhat Abbas profita de l’arrivée des Anglo-américains pour publier un Manifeste du peuple algérien dans lequel il réclamait, en échange des efforts demandés aux Algériens pour la guerre, « un État algérien fédéré à la France » (toujours pas l’indépendance). Les bourgeois algériens, poussés par les événements, radicalisaient leurs revendications, mais les dirigeants gaullistes comme tous leurs prédécesseurs rejetèrent catégoriquement toute idée de réforme.
En septembre 1943, le PCA appela les Algériens au ralliement à la cause de la bourgeoisie française, sans même réclamer la moindre contrepartie, le moindre changement pour le peuple algérien.
Des milliers de jeunes Algériens furent enrôlés pour aller mourir afin de libérer l’Europe. La puissance coloniale avait besoin d’eux pour restaurer sa domination. À travers cette guerre, ces hommes purent mesurer l’affaiblissement de l’impérialisme français. Finalement, la guerre bouleversa leur conscience et mena à la révolte.
Et c’est partout dans le monde que la guerre impérialiste et son cortège d’atrocités réveillèrent dans les pays colonisés des centaines de millions d’opprimés, qui voulaient désormais prendre leur sort en main. Un des plus grands mouvements de masse de l’histoire s’annonçait.
Mais bien entendu ni les politiciens de la bourgeoisie, ni les grands colons campés dans leurs certitudes racistes ne pouvaient sentir la marée monter. Alors, quelle ne fut pas leur consternation de voir des Algériens manifester pour leur propre liberté en ce mois de mai 1945.
Le 1er mai, des militants du PPA organisèrent des manifestations pour l’indépendance de l’Algérie et la libération de Messali Hadj. Le gouvernement de l’époque, le CNR, le fameux Conseil National de la Résistance, qui comportait des ministres socialistes et communistes mais qui était surtout présidé par de Gaulle, réprima ces manifestations et on releva plusieurs morts à Alger et Oran. La CGT et le PCF dénoncèrent les manifestants. Dans un tract du 3 mai 1945 intitulé « les provocateurs hitlériens », le PCF écrivait « La provocation vient du PPA qui prend ses mots d’ordre à Berlin, chez Hitler, celui qui massacre et torture sans distinction les vaillants soldats de l’armée française : Européens et Musulmans. »
Le 8 mai 1945, à Sétif lors de la manifestation pour fêter la paix, un homme sortit un drapeau algérien. La police avait reçu l’ordre de tirer dans ce cas, elle le fit et tua le porteur de drapeau. Alors la révolte explosa. Cent deux Européens dont quatorze militaires furent tués.
Dès le lendemain, la répression débuta. Des milices d’Européens eurent quartier libre pour assassiner. Des villages furent brûlés. Les massacres, les viols, les pillages reprirent comme dans la pire tradition de l’armée coloniale. Le gouvernement donna l’ordre de bombarder des villages. Il y eut entre vingt mille et quarante mille morts du côté algérien. Tout un peuple se sentit écrasé parce qu’il avait exprimé son aspiration à la liberté. Ce nouvel épisode de la barbarie coloniale se fit avec le soutien ouvert du PCF et du PCA car les dirigeants communistes étaient membres de ce gouvernement assassin.
Les journaux du PC dénoncèrent les manifestations et l’insurrection à Sétif. Seuls quelques militants communistes eurent le courage de soutenir, contre vents et marées, les insurgés algériens.
En mai 1945, à Sétif, les colons pensaient avoir anéanti le nationalisme algérien. Rien de tel. Ils avaient semé les germes de la révolte qui allait éclater moins de dix ans plus tard.
Dans ces années d’après-guerre, l’oppression coloniale rimait toujours avec la misère. 90 % de la population algérienne ne savaient ni lire ni écrire. Et dans les rues des villes algériennes, ceux que le poison colonial n’aveuglait pas voyaient circuler une multitude d’enfants affamés, devenus cireurs de chaussures et mendiants.
En 1947, le gouvernement socialiste de Ramadier attribua un nouveau statut à l’Algérie. Pour la première fois, les Algériens obtinrent le droit de vote. Mais il y avait loin entre les mots et la réalité. Soixante députés représentaient les neuf millions d’Algériens, pendant que soixante autres députés représentaient, eux, le million de pieds-noirs habitant l’Algérie. Ainsi le droit de vote entérinait la ségrégation, l’idée qu’un Algérien ne valait pas autant qu’un Européen. Rien ne changeait dans le fond. Au passage, il est bon de noter que c’est le ministre de l’intérieur socialiste, Édouard Depreux, futur fondateur du PSU, qui fut à l’origine de ce statut.
Et sur la forme, le cynisme des autorités ressemblait à une véritable provocation. Les élections à partir de 1947 furent truquées ouvertement. On bourra les urnes alors que six cents militants, dont la plupart des candidats nationalistes, furent arrêtés. Sans parler des violences directes contre les électeurs algériens dans les bureaux de vote.
Le nationalisme algérien s’était renforcé depuis la seconde guerre mondiale et la répression de Sétif. Des milliers de jeunes gagnés à l’idée de combattre pour l’indépendance rejoignaient les rangs nationalistes.
Mais en même temps, ce mouvement connaissait une crise politique. Les différentes composantes avaient formé un front pour participer aux élections. De nombreux notables avaient rejoint ce front, dans l’espoir de trouver des postes de parlementaires. Ces hommes entraînaient le mouvement dans une voie de plus en plus légaliste. Mais la façon dont les élections de 1947 s’étaient déroulées avait montré les limites de ce qu’on pouvait attendre de la France. Bien des illusions tombèrent. Tout en étant partie prenante de ce front, le courant dirigé par Messali Hadj continuait à défendre l’idée de la lutte contre la colonisation. Mais il n’arrivait pas pour autant à se lancer dans la lutte armée.
Le FLN se lance dans la lutte armée...
Le mouvement nationaliste semblait paralysé par les divisions et les querelles de personnes. Alors, de jeunes nationalistes décidèrent de se lancer dans l’action militaire. Ces militants venaient pour la plupart du PPA. En octobre 1954, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat, Mohammed Boudiaf, Mourad Didouche, Belkacem Krim formèrent la direction d’un nouveau mouvement le Front de libération nationale, le FLN. Des militants nationalistes installés au Caire, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mohammed Khider, se joignirent à eux. Tous ensemble, ils ne pouvaient compter que sur quelques dizaines de militants en Algérie, de faibles stocks et un maquis qui s’était tant bien que mal maintenu en Kabylie.
Mais, le 1er novembre 1954, ils déclenchèrent l’insurrection armée. Une vague d’attentats frappa tout le territoire algérien ce jour-là. Des casernes furent attaquées, des attentats visèrent l’usine de gaz et le dépôt de pétrole d’Alger, ainsi que l’entrepôt de liège d’un des plus gros colons Borgeaud. C’était un véritable coup de tonnerre qui secouait toute l’Algérie. Avec ces actions, le FLN venait de déclarer la guerre au colonialisme.
Dans une proclamation diffusée par la radio du Caire, il annonça au monde entier qu’il entamait la lutte pour la destruction du système colonial et l’émancipation politique de l’Algérie.
Dès sa naissance, le FLN se fixait comme perspective politique « la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques ». Par ses phrases et le choix des termes, le FLN affirmait clairement sa volonté de construire un appareil d’État national. Et malgré la vague allusion à un caractère social de cet État, le FLN rejetait l’idée de combattre pour l’émancipation sociale de la population paysanne et ouvrière, de combattre l’oppression capitaliste. Affirmer qu’il faut construire un État national, sans poser la question de la classe qui doit prendre le pouvoir, cela revient inévitablement à vouloir construire un appareil d’État qui incarne les intérêts de la classe privilégiée.
Dans la même proclamation, le FLN faisait appel « à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens ». En appeler à l’unité de la « nation », c’était une façon implicite de rejeter la lutte de classe et donc de vouloir soumettre les intérêts des classes opprimées à ceux des classes dominantes. L’objectif du FLN, comme de toutes les organisations se battant uniquement sur le terrain du nationalisme, était de créer un pouvoir algérien indépendant de la France, mais pas de permettre aux opprimés de prendre le pouvoir.
Avec le déclenchement de l’insurrection armée, le FLN avait mis toute la population et tous les militants devant le fait accompli. C’était un véritable coup d’État par rapport au reste du mouvement nationaliste. Dès le départ, le FLN chercha à s’imposer comme direction de ce mouvement, ne laissant pas le choix aux Algériens soit ils étaient avec le FLN, ou plus exactement derrière le FLN, soit ils étaient contre lui.
Cependant le FLN trouva un écho d’autant plus important dans la population que la situation s’y prêtait. L’armée française venait d’être battue en Indochine, à Dien Bien Phu. La révolte anticoloniale avait gagné le Maroc et la Tunisie où la même misère et la même oppression existaient. La détermination des hommes du FLN à lever le drapeau de la révolte allait rencontrer les aspirations profondes de la population algérienne.
Après le 1er novembre 1954, la réaction de l’impérialisme français fut dans la continuité de plus de cent vingt années d’oppression. De nombreux militants furent arrêtés et torturés, des renforts militaires envoyés.
Le 12 novembre, le ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, déclara à l’Assemblée nationale « On ne négocie pas avec les ennemis de la patrie. La seule négociation c’est la guerre. L’Algérie c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne. Et qui d’entre vous, Mesdames, Messieurs, hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France ? ».
Une prétendue politique d’action sociale fut mise en œuvre. Les militaires organisèrent à la hâte des écoles, des dispensaires, là où l’administration coloniale n’avait jamais daigné jeter un regard. Mais ce n’était qu’une façon d’essayer d’encadrer la population pour endiguer la révolte. Dès le 3 avril 1955, le gouvernement déclara l’état d’urgence dans une partie du territoire algérien.
Dans cette guerre sans nom, on retrouva les mêmes méthodes qu’au temps de la conquête. Guerre sans nom, car le pouvoir, la presse, les dirigeants de gauche eux-mêmes ne parlèrent jamais que d’« opérations policières » , d’« événements d’Algérie » ou de « pacification ». Le gouverneur socialiste de l’époque, Jacques Soustelle, qui allait finir à l’extrême droite, accepta la politique de responsabilité collective, voulue par les colons. Alors, des zones entières furent ratissées, des villages détruits au canon et des habitants massacrés.
Dans sa lutte contre le FLN, l’armée allait chercher à écraser toute la population en la soumettant à une terreur organisée. C’était la logique de toutes les guerres coloniales.
Mais en plus, l’armée française avait une revanche à prendre sur les peuples colonisés. Elle venait de subir un échec cuisant en Indochine face à une population affamée et maltraitée, mais déterminée à s’émanciper. Les officiers revenant d’Indochine firent de cette nouvelle guerre qui démarrait une croisade contre les communistes, les pauvres, les opprimés. Assassiner, torturer, violer les femmes, tuer des enfants, lire la peur dans les regards, voilà ce qui leur permettait de penser qu’ils retrouvaient leur honneur…
La torture, omniprésente durant toute la colonisation, fut pratiquée dès le début de la guerre contre tous ceux qui étaient taxés de suspects. Et elle se généralisa à partir de 1956. Nous en reparlerons.
… et dans la construction d’un nouvel appareil d’État
Dans cette guerre d’Algérie, le 20 août 1955 constitua un tournant.
Presque un an après le début de la guerre, une véritable émeute populaire eut lieu à Constantine. Des paysans, ceux-là mêmes qui avaient connu les massacres de mai 1945, se soulevèrent. 71 pieds-noirs, dont des femmes et des enfants, furent assassinés dans des conditions terribles. La puissance coloniale s’était imposée en faisant régner la terreur et la barbarie durant 120 ans. Elle avait semé une telle haine, une telle rage, que les Européens en subissaient les conséquences. Mais cela ne les empêchait pas de persévérer dans la même voie. Les Européens de la région formèrent alors des milices qui, avec l’armée, assassinèrent plus de 10 000 Algériens.
Ces événements montraient que le peuple algérien s’engageait dans le combat anticolonial avec le FLN. Pourtant, si la population algérienne choisissait de se ranger derrière lui pour gagner sa liberté, le FLN, lui, n’avait certainement pas choisi d’être l’expression de cette population et de ses intérêts. Pour les dirigeants du FLN, il n’était pas question que la population décide de son sort elle-même.
Les dirigeants du FLN surent enrôler dans les maquis des dizaines de milliers d’hommes et de femmes venus des classes les plus pauvres de la population. Mais ils firent tout pour que jamais ceux-ci ne puissent diriger leur propre lutte. Au contraire, les dirigeants du FLN tenaient à les contrôler strictement, à décider à leur place, à les tenir séparés du reste de la population. Le FLN cherchait à construire une armée obéissante pour en faire un outil afin de prendre le pouvoir.
Quant aux centaines de milliers de travailleurs algériens présents en France, le FLN leur demanda juste d’apporter un soutien financier conséquent. C’est toute la différence entre une politique nationaliste et une politique révolutionnaire.
Les travailleurs algériens étaient au cœur de la métropole, dans les usines de la bourgeoisie française. Ils auraient pu être une force immense contre l’impérialisme, à la condition d’avoir une politique en direction de leurs frères de classe, les travailleurs français. Mais pour cela, il fallait justement choisir de combattre non seulement le colonialisme, mais l’exploitation capitaliste. Au contraire, le FLN se méfiait des travailleurs algériens et préféra en faire des cotisants plutôt que des combattants, quitte à éliminer ceux qui n’obéissaient pas.
Durant toute la guerre, la préoccupation du FLN fut de s’imposer comme la seule direction politique. Les autres courants politiques durent se soumettre ou disparaître. Pour les représentants de la bourgeoisie algérienne, ce ne fut pas compliqué. Quand ils sentirent le vent tourner, ils rejoignirent le FLN sans état d’âme. Ferhat Abbas fut non seulement accueilli à bras ouverts, mais il devint tout de suite membre de la direction du FLN avant d’être choisi comme premier président du gouvernement provisoire. En effet, ce représentant de la bourgeoisie permettait au FLN de marquer ses choix sociaux et ses choix politiques de façon irréfutable.
Le problème fut plus ardu avec deux autres courants populaires les militants de Messali Hadj et le PCA car ils représentaient une menace plus grave pour le FLN.
Le parti de Messali était devenu le Mouvement national algérien, le MNA. C’était le parti le plus implanté parmi les travailleurs algériens, des deux côtés de la Méditerranée. À partir de 1955, le MNA se lança aussi dans la lutte armée. Des tentatives de rapprochement eurent lieu entre lui et le FLN. Mais justement, ils étaient en concurrence sur le même terrain nationaliste. Il ne pouvait y avoir deux porte-parole, deux États, deux directions politiques. Alors ce fut la guerre entre eux.
En 1957, les combattants FLN massacrèrent trois cents hommes dans le village de Melouza, réputé messaliste. Tout au long de la guerre, des milliers de militants furent assassinés, en particulier les militants ouvriers algériens en France. Le FLN fit disparaître politiquement et quasiment physiquement son principal concurrent.
Le FLN ne pouvait non plus admettre l’existence d’un parti communiste, aussi stalinien fut-il.
Dans les premiers temps de la guerre, le PCA resta sur la même ligne, hostile à l’indépendance, se contentant de réclamer des solutions démocratiques au problème algérien. Cela n’empêcha pas le gouvernement français de l’interdire. Mais le PCA ne put ignorer longtemps les bouleversements dans la conscience politique de la population, notamment parmi ses propres militants. Quelques militants communistes prirent le maquis dans leur coin, grâce aux armes volées par des soldats français communistes.
Ce qui gênait le FLN, ce n’était pas les prises de position du PCA, mais l’existence d’une force politique qui se réclamait de la classe ouvrière. Il somma le PCA de se dissoudre tout simplement dans le FLN. Le PCA se soumit en juillet 1956 et disparut jusqu’à la fin de la guerre en tant que parti.
Plus généralement, c’est à l’ensemble de la population que le FLN imposa une véritable dictature, et cela avant même la victoire. Les villages suspectés de pactiser avec la France étaient incendiés et leurs habitants de plus de 20 ans massacrés. Tous ceux qui tergiversaient ou simplement ne respectaient pas les commandements du FLN subirent sa vengeance. Au nom de l’islam, il fut interdit de boire et de fumer. Les contrevenants pouvaient avoir le nez coupé.
En 1956, lors du congrès de la Soummam, du nom de la vallée de Kabylie où il se tint, le FLN inscrivit dans son programme une réforme agraire. Il s’agissait « d’améliorer le revenu des paysans », de permettre l’industrialisation du pays. Ainsi, derrière la promesse d’améliorer le sort des paysans, il n’y avait que la volonté de développer le pays pour gagner une marge de manœuvre face à l’impérialisme. Tous les nationalistes ont eu ce genre de politique. Les peuples n’y ont pas gagné la fin de l’exploitation. Et le développement économique des pays sous-développés est resté un leurre.
Mais le plus important dans ce congrès ne fut pas ce discours vaguement socialisant. Pour le FLN, le plus important, c’était d’affirmer sa victoire politique comme unique direction de la lutte pour l’indépendance et donc comme futur pouvoir.
Dans son combat contre la puissance coloniale, la population algérienne avait trouvé comme seuls représentants des hommes dont les méthodes et les choix politiques annonçaient la dictature future.
Les socialistes au pouvoir acceptèrent de mener cette sale guerre
Dans ces années 1954-1956, des révoltes secouaient l’ensemble du Maghreb, du Maroc à la Tunisie en passant par l’Algérie. Face à ce danger d’embrasement généralisé, la bourgeoisie française préféra céder l’indépendance au Maroc et à la Tunisie. En Algérie, la présence d’un million de pieds-noirs rendait cette idée d’indépendance plus difficile à envisager.
Mais quand même, un certain nombre de capitalistes français commençaient à voir d’un mauvais œil cette guerre d’Algérie qui coûtait cher. Ils auraient préféré que les moyens mis en œuvre pour maintenir la colonisation soient utilisés à les aider, eux, dans leur concurrence internationale par exemple.
Aux élections de janvier 1956, la population française exprima son ras-le-bol de la guerre en votant pour un front républicain composé principalement de la SFIO qui prônait la « paix en Algérie », et pour le PCF qui remporta 25 % des voix. Le socialiste Guy Mollet se retrouva à la tête d’un gouvernement soutenu par le PCF.
Le gouvernement de Guy Mollet aurait pu appliquer sa politique de « paix » en Algérie, sans même se retrouver en contradiction avec la bourgeoisie dont une partie croissante n’avait plus d’intérêt direct dans la colonisation.
Mais c’était sans compter avec la lâcheté des dirigeants socialistes qui capitulèrent facilement devant les plus réactionnaires. Lors de sa première visite à Alger, Guy Mollet fut accueilli par des manifestations massives de pieds-noirs qui tournèrent à l’émeute. Qu’on se comprenne bien Guy Mollet ne dut pas affronter des coups de feu, mais des jets de tomates. Et cela suffit à le faire reculer sur la nomination du nouveau gouverneur d’Algérie, jugé trop réformiste par les tenants de l’Algérie française.
Et à partir de 1956, c’est au Parti socialiste français que revint la honte de poursuivre et d’intensifier cette guerre d’Algérie.
Dès mars 1956, Guy Mollet se fit voter les pouvoirs spéciaux par les parlementaires, y compris les députés du PCF. Ainsi, sans en référer à l’Assemblée, il put utiliser tous les moyens jugés bons pour poursuivre la guerre. En avril 1956, Guy Mollet envoya cinq cent mille hommes supplémentaires en Algérie. Ceux qui avaient déjà fait leur service militaire furent donc rappelés et le service militaire passa à 27, puis 30 mois. Aucune force politique de gauche ne s’opposa à cette trahison, alors même qu’elle suscita de nombreuses réactions spontanées dans la population.
Il y eut des refus massifs de partir aux cris de « Aux chiottes l’armée ! » « À bas Guy Mollet ! » « La paix en Algérie ». Des jeunes, des femmes, des militants se couchèrent sur les voies de chemin de fer pour empêcher les trains de partir. Des affrontements entre les rappelés et la police, des dizaines de manifestations eurent lieu dans tout le pays.
Pour la première fois, la guerre provoquait une vague de contestation importante, une crise politique. En se battant pour ne pas partir, les rappelés affirmaient que cette guerre n’était pas la leur. Cela aurait pu être la base d’une vraie opposition à la guerre. Mais le PCF était bien trop responsable vis-à-vis de la bourgeoisie pour accepter de prendre la tête d’une telle lutte. Au contraire, il n’offrit aucune perspective au mouvement, alors même que de nombreux militants du parti y participaient.
Laissés seuls, les rappelés comme le reste de la population furent bien forcés d’accepter leur sort. Les plus récalcitrants furent envoyés soit en prison, soit dans des camps disciplinaires en Algérie. Ils avaient fait ce qu’ils pouvaient mais avaient été abandonnés par les partis qui se réclamaient de la classe ouvrière, abandonnés et même poignardés dans le dos par ces partis. Car ce qui les attendait en Algérie allait marquer toute une génération.
En Algérie, les soldats, dressés à la haine contre le FLN, commandés par de vrais tortionnaires, apprirent à mépriser les Algériens, à les humilier, à piétiner leur dignité.
Et pour un certain nombre de soldats, ce fut aussi l’apprentissage de la torture. À partir de 1956, l’électricité, le supplice de l’eau, les coups, les viols se généralisèrent. Des unités furent spécialisées dans la torture. Les plus experts dans ce domaine étaient les régiments de parachutistes du sinistre colonel Bigeard. Comment ne pas mentionner Le Pen qui a participé à toutes ces exactions ? Lui dont on a retrouvé le couteau dans la maison d’un Algérien arrêté et torturé par les paras.
Des milliers d’Algériens furent assassinés ainsi. Combien de civils passèrent dans les geôles de l’armée, dans ses chambres de torture. Combien de civils furent battus, voire tués dans les villages visités par l’armée. Combien de femmes algériennes subirent sévices et humiliations. Combien d’enfants virent leur mère et leur père ainsi traités.
En fait, c’est tout un peuple qui subit cette guerre et ces méthodes.
Avec l’envoi du contingent en 1956, le rapport de forces militaires était devenu si défavorable que les maquis du FLN ne pouvaient pas envisager de gagner la guerre sur ce terrain. Le FLN décida de porter la guerre dans les villes par le biais du terrorisme.
Une nouvelle fois, le choix du FLN de recourir à une politique d’attentats, de terrorisme individuel, n’avait rien à voir avec une intervention consciente de la population.
Le 30 septembre 1956, deux bombes posées par des jeunes militantes du FLN explosèrent dans deux lieux fréquentés par la jeunesse pied-noir. En réponse, en janvier 1957, Guy Mollet remit tous les pouvoirs à l’armée pour poursuivre la guerre. Les parachutistes avaient désormais les pouvoirs militaires, policiers, judiciaires et civils à Alger. Ce ne fut pas sans conséquences politiques. L’État bourgeois français se débarrassa de ses apparences de droit et de justice, montrant ce qu’il était et sera toujours, si la situation l’exige un appareil de répression féroce contre la population.
Le pouvoir fut remis à Massu, général parachutiste dont les titres de gloire allaient de la répression des mineurs français en 1947 à la guerre d’Indochine, qui entama ce qu’on appela la « bataille d’Alger ».
Les militaires voulaient éliminer le FLN dans la ville. Pour cela, ils encerclèrent la ville arabe, la Casbah, avec des barbelés et des postes de contrôle. Les habitants ne pouvaient plus circuler librement. Puis les paras commencèrent à fouiller les maisons une à une. Ils arrêtaient chaque jour des dizaines de « suspects » au hasard en estimant que, parmi eux, il y aurait forcément des hommes ou des femmes membres du FLN ou ayant des informations sur lui. Tous les suspects étaient donc torturés. Entre 30 et 40 des hommes de la Casbah furent arrêtés à un moment ou un autre de la bataille d’Alger. La torture avait lieu dans toutes les casernes de paras, massive, organisée... et acceptée par le pouvoir. Tous les jours le nouveau gouverneur socialiste de l’Algérie, Robert Lacoste, recevait un compte rendu détaillé des actes des paras dans la nuit. Tous les politiciens français étaient au courant des méthodes utilisées par les paras, dont ils vantaient les succès.
Avec ces méthodes, les paras purent remonter les filières jusqu’aux dirigeants du FLN à Alger. Larbi Ben M’hidi fut arrêté et assassiné dans les prisons françaises. En septembre 1957, le FLN était démantelé à Alger.
L’un des responsables de la bataille d’Alger, le lieutenant-colonel Trinquier qui a agi sous les ordres de Bigeard, expliqua des années plus tard « je pense que nous avons été très efficaces, mais ce n’est pas le genre d’opération que je referais avec plaisir. C’était une mission très difficile, hors normes pour l’éthique d’un officier occidental et chrétien de surcroît. Mais nous étions pris par la mission et nous avons essayé de la remplir le plus humainement possible même si ce mot paraît un petit peu surprenant dans la bouche d’un officier para qui a participé à la bataille d’Alger. »
Et quand on lui demanda s’il avait eu des regrets pour les milliers d’assassinats, les 4 000 disparus de la bataille d’Alger et pour les torturés, le très chrétien Trinquier expliqua que « bien sûr il eut des regrets ! qui l’empêchèrent d’entrer dans une église pendant deux ans. »
Aucun tortionnaire de la bataille d’Alger ne fut jamais inquiété pour ses crimes. En revanche, Noël Favrelière, soldat en 1956, fut condamné deux fois à mort par contumace. Pourquoi ? Parce que, lorsqu’il comprit que la corvée de bois signifiait que le prisonnier qu’il avait sous sa garde allait être jeté vivant du haut d’un hélicoptère, il délia son prisonnier et déserta en l’emmenant avec lui. Son histoire fut la base du film Avoir 20 ans dans les Aurès.
Alors, oui, tous ceux qui, hier comme aujourd’hui, se permettent de renvoyer dos à dos le FLN et l’armée française ne font qu’exonérer de ses crimes l’armée coloniale Renvoyer dos à dos, d’une part, les atrocités commises par l’un des États les plus puissants du monde, qui en 130 ans avait exterminé une partie de la population, semé la misère, laissé comme souvenirs les violences, les razzias et les enfumades, et qui continuait en répondant par de véritables pogroms à chaque révolte de la population et d’autre part celles de combattants pour leur indépendance, les renvoyer dos à dos ne servait toujours qu’à une chose, ne pas prendre parti pour la liberté d’un peuple opprimé et disculper la puissance coloniale et son armée.
À partir de 1957, des oppositions à la guerre commencèrent à s’exprimer. En Algérie, des militants, bien souvent communistes, prirent fait et cause pour le peuple algérien. Le communiste Fernand Yveton posa une bombe pour le FLN, dans l’usine où il travaillait. Il fut condamné à mort et Mitterrand, le ministre de la Justice de l’époque, refusa de le gracier. Maurice Audin, un autre militant communiste, arrêté et torturé par les paras, disparut définitivement. Henri Alleg, lui aussi militant du PCA, fut torturé par les militaires français.
Mais, malgré la censure, des livres et témoignages commencèrent à circuler en France pour dénoncer les méthodes de l’armée française et la torture. Des hommes comme Pierre Vidal-Naquet menèrent le combat contre la torture durant toute la guerre et même au-delà. La Question, le pamphlet bouleversant écrit par Henri Alleg, dans lequel il fait le récit des tortures qu’il subit, permit de faire connaître la réalité de la guerre coloniale et de la présence française en Algérie. Toute une génération découvrait les mensonges de la démocratie bourgeoise, de son armée, de ses politiciens. Ce fut un choc pour beaucoup de jeunes et une raison de s’engager politiquement.
Du côté du PCF, tous ceux-là ne trouvèrent que des formules creuses comme la « paix » en Algérie. La « paix » ? Quelle paix ? Après tout, avant 1954, la paix régnait en Algérie. Ce mot d’ordre visait à camoufler le fait que le PCF ne défendait pas l’indépendance pour l’Algérie et qu’il ne s’opposa jamais réellement à cette guerre coloniale.
Le seul parti politique qui exprima une opposition à cette guerre coloniale fut le PSU, le Parti socialiste unifié, formé à partir de transfuges du PS et du PCF. Grâce à ses prises de position et aux manifestations qu’il organisa, il attira à lui une partie de la jeunesse révoltée par cette guerre. Pourtant ce parti dirigé par des anciens notables de la SFIO, dont Depreux, le père du dernier statut de l’Algérie, restait réformiste. Ses dirigeants ne visaient qu’à en faire une force électorale tout à fait responsable vis-à-vis de la bourgeoisie. Mais face à la SFIO et à ce que d’aucuns appelèrent le « national-molletisme », et face au PCF, les positions du PSU apparaissaient comme radicales.
D’autres militants choisirent d’aider la lutte des Algériens, comme ceux du réseau « Jeanson » – du nom de Francis Jeanson son fondateur qui devinrent des « porteurs de valises » pour les fonds du FLN. En 1960, lorsque ces militants furent arrêtés et jugés par un tribunal militaire, quelques intellectuels, dont Jean-Paul Sartre, eurent aussi le mérite de les soutenir en publiant un appel à l’insoumission.
Au-delà de ces gestes et de ces dénonciations, ce qui manqua cruellement fut un parti révolutionnaire anticapitaliste, militant pour que la classe ouvrière en France, dont une grande partie rejetait cette guerre coloniale, mène la lutte contre la bourgeoisie sur son propre terrain, en défendant ses propres intérêts, par les grèves et des actions politiques. Sans se ranger derrière le nationalisme du FLN, un tel parti aurait permis aux travailleurs en France d’affaiblir l’impérialisme et de renforcer la lutte du peuple algérien.
De Gaulle au pouvoir : un homme de la bourgeoisie pour mettre fin à la guerre
En 1958, il devenait de plus en plus évident que l’armée française n’arriverait pas à écraser le FLN. Le maintien de la colonisation mettait donc la bourgeoisie française face à une véritable crise politique. De plus en plus d’hommes de la bourgeoisie pensaient qu’il fallait en finir avec cette guerre. Les gouvernements de gauche s’étaient avérés incapables d’imposer une solution à l’armée et aux ultras (les partisans de l’Algérie française). Du coup, celle-ci ne pouvait venir que d’un homme de droite. Et c’est un coup d’État militaire qui permit le retour de de Gaulle au pouvoir en mai 1958.
Le 13 mai, une manifestation contre le gouvernement se transforma en prise du siège du gouvernement à Alger par les militaires. Dans la foulée, Massu, le général des paras, forma un « comité de salut public ». Les officiers en Algérie, à qui le gouvernement avait abandonné tous les pouvoirs, exigeaient désormais la mise en place d’un pouvoir fort qui réponde à leurs espoirs de maintien de « l’Algérie française ». Et les réseaux gaullistes étaient suffisamment étoffés en Algérie pour chuchoter à l’oreille de ces apprentis putschistes le nom de l’homme providentiel incarnant cet espoir.
L’incapacité des politiciens apparaissait on ne peut plus clairement. Ils n’avaient aucune solution pour s’opposer à cette rébellion militaire. Alors, Guy Mollet en tête, ils allèrent eux-mêmes chercher de Gaulle.
Le 1er juin, de Gaulle s’installa à la tête de l’État. Il mit l’Assemblée en congé et gouverna par décrets durant six mois. Cette sale guerre lui permit d’instaurer la Ve République, un régime dans lequel l’influence politique des partis de gauche se trouva réduite et les pouvoirs du président largement accrus.
De Gaulle était porté au pouvoir par des forces contradictoires. D’un côté, les espoirs des militaires et des ultras, mais aussi les politiciens qui voyaient en de Gaulle une protection contre le danger de dictature militaire. Et enfin, la bourgeoisie qui cherchait à régler la question algérienne dans le sens de ses intérêts généraux, y compris contre certains intérêts particuliers.
Fondamentalement, de Gaulle s’apprêtait à faire accepter à l’armée, aux ultras et à l’ensemble de l’appareil d’État, une politique de décolonisation dont aucun ne voulait entendre parler. Mais, dans un premier temps, dans toute cette confusion, il lui suffit de s’écrier du haut d’un balcon « je vous ai compris », pour contenter momentanément tout le monde.
Il commença par décoloniser le reste de l’empire français. Le but était de former des États africains indépendants en façade, préservant l’essentiel des intérêts de la bourgeoisie française.
En Algérie aussi, la bourgeoisie voulait continuer à maintenir ses intérêts économiques, en particulier au Sahara où l’on venait de découvrir du pétrole. La guerre était perdue pour elle, mais les négociations dépendaient du rapport de forces qui se créait entre le FLN et l’impérialisme français. Alors, pour satisfaire les impérialistes français, la guerre dura quatre ans de plus et fit des dizaines de milliers de victimes supplémentaires.
De Gaulle commença par chercher à affaiblir la population en intensifiant encore la guerre. À partir de 1959, les déportations de paysans algériens furent plus nombreuses. Des régions entières furent évacuées et rebaptisées zones interdites. Deux millions de personnes furent déportées dans des camps de concentration où la misère, la faim, la soif et les maladies tuaient aussi certainement que les attaques de l’armée française.
Un article du Figaro donnait cette description d’un camp en 1957 : « Il y a 1 800 enfants à Bessombourg. En ce Moment, toute la population se nourrit de semoule. Chaque personne en reçoit environ 110 grammes par jour... le lait est distribué deux fois par semaine, moins d’un demi-litre par enfant... aucune ration de matière grasse n’a été distribuée depuis huit mois... pas de ration de savon depuis un an. »
Entre 1959 et 1962, les combattants algériens des maquis se retrouvèrent de plus en plus isolés, éprouvant des difficultés immenses à poursuivre le combat. Ce furent les années les plus difficiles et les plus meurtrières pour eux.
De son côté, le FLN aussi se préparait aux négociations. En 1958, il forma, au Caire, le gouvernement provisoire de la république algérienne le GPRA, pour l’imposer comme représentant unique et légitime du peuple algérien.
Dans la perspective de l’indépendance, la préoccupation principale du FLN était de construire son futur appareil d’État, c’est-à-dire avant tout une armée.
Entre 1959 et 1962, alors que les combattants de l’intérieur étaient de plus en plus isolés, le FLN forgea une armée dite « les frontières ». En 1960 déjà, douze mille hommes disciplinés, encadrés, strictement contrôlés stationnaient au Maroc et en Tunisie. À part de petites escarmouches, cette « armée des frontières » ne servit pas à combattre l’armée française alors qu’elle était bien plus nombreuse que l’ensemble des combattants des maquis.
Un des hommes qui forgea cette armée s’appelait Boumediene. Il avait aussi participé à l’élimination des chefs militaires des maquis que le FLN estimait trop puissants et autonomes. À travers ce processus, Boumediene débutait son ascension personnelle vers le pouvoir absolu.
L’opposition de l’appareil d’État français
Du côté français, de Gaulle devait faire face à l’opposition de la population européenne d’Algérie, forte d’un million de personnes.
La plupart des pieds-noirs étaient des petites gens. Bab-el-oued, quartier populaire européen d’Alger, avait longtemps voté communiste. Leur présence en Algérie était liée à la colonisation, c’est vrai. Mais ils formaient une population relativement pauvre qui n’avait aucune volonté et aucune raison de quitter ce qui était désormais sa vie.
Dans cette guerre d’Algérie, la population européenne se retrouva entre l’enclume et le marteau. Le FLN ne chercha pas à la gagner à sa cause. Son nationalisme le poussait au contraire à considérer tous les Européens comme des ennemis. Quant à la puissance coloniale, elle s’en était servie comme agents de la défense des intérêts du grand capital, en les persuadant que leur sort était lié au maintien de la colonisation française.
Du coup, les ultras, ceux qui braillaient au nom de « l’Algérie française », finirent par représenter la seule expression politique de la population européenne en Algérie.
À partir de 1959, les ultras formèrent des groupes paramilitaires paradant dans les rues en chemise kaki et brassard à croix celtique, sous le regard complaisant du commandement militaire.
En janvier 1960, ils érigèrent des barricades dans les rues d’Alger avec la complicité de régiments de paras. De Gaulle exigea l’obéissance de l’armée et, dans son ensemble, celle-ci ne suivit pas les émeutiers. Ce premier coup de force fut un échec pour eux.
Puis, en décembre 1960, de Gaulle décida d’un référendum sur l’autodétermination de l’Algérie.
Le FLN, qui voulait garder la main sur la façon dont aurait lieu l’indépendance, appela la population algérienne à manifester contre ce projet. La population algérienne put enfin s’exprimer. Les manifestations furent de véritables raz-de-marée humains, des succès que le FLN lui-même n’escomptait pas, des démonstrations de force populaire. Cette intervention massive de la population fit basculer le rapport de forces du côté algérien et contribua à accélérer la marche vers l’indépendance.
Quand les négociations avec le FLN commencèrent, l’affrontement au sein de l’appareil d’État français entre de Gaulle et les tenants de « l’Algérie française » s’amplifia.
En avril 1961, quatre généraux fomentèrent un putsch à Alger. Ce fut une mauvaise réédition du 13 mai 1958. De Gaulle appela la troupe à désobéir et à ne pas les suivre. Leur débandade fut totale.
Le sort de « l’Algérie française » était scellé. Mais derrière ce combat des nostalgiques réactionnaires de l’empire colonial se profilait un tout autre danger. Pour les officiers et les hommes de l’appareil d’État qui formaient la partie la plus consciente des ultras, la situation de crise politique offrait une autre perspective. Ils cherchèrent à créer un parti fasciste en se servant comme base sociale de ce million de pieds-noirs dont le sort était incertain.
Après le putsch manqué, naquit donc en Algérie l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, organisation fascisante. Bien sûr, l’OAS recrutait chez les plus ultras des pieds-noirs, mais ses ramifications en France en disaient long sur sa véritable nature. Parmi ses dirigeants en France, on trouvait un collaborateur de Giscard d’Estaing au ministère des Finances, des anciens combattants, des anciens gaullistes et l’ancien gouverneur socialiste Jacques Soustelle. Plus de 1 000 officiers purent être comptés comme sympathisants de l’OAS. En fait, l’OAS était une excroissance de l’état-major militaire français, une fraction conséquente de l’appareil de l’État bourgeois.
De mai 1961 à juillet 1962, l’OAS se lança dans une politique d’attentats et d’assassinats. Les habitants d’Alger ou d’Oran, pieds-noirs ou algériens, vécurent dès lors dans la terreur des explosions de bombes, des fusillades en pleine rue, des attentats, des assassinats.
Dans cette période, l’OAS tua plus de deux mille Algériens. Cette organisation voulait créer un véritable fossé de sang entre les communautés, allant jusqu’à lancer à pleine vitesse un camion citerne de 12 000 litres de fuel du haut des rues des quartiers populaires d’Alger, jusqu’à faire exploser des bombes dans les écoles et achever des malades dans les cliniques.
Ces massacres visaient à rendre impossible la vie commune des Algériens et des pieds-noirs, dans une Algérie algérienne. Plus ce fossé s’accentuait, plus la fuite des pieds-noirs devenait inévitable au moment de l’indépendance.
En fait, l’OAS prenait en otage la population européenne. Ses dirigeants politiques tablaient sur cette politique de la terre brûlée pour imposer l’exil aux pieds-noirs et les transformer en une masse désespérée, qu’ils voulaient encadrer et diriger dans une organisation fascisante... une fois arrivés en France.
D’autre part, de Gaulle et l’OAS se faisaient la guerre, mais ils appartenaient à la même famille.
Réprimer l’OAS aurait été réprimer une partie de l’état-major, une partie de l’appareil d’État. À la fin de la guerre, les dirigeants de l’OAS furent tous plus ou moins acquittés.
Finalement, l’OAS allait disparaître très vite du paysage politique français car la situation économique en 1962-1963 permit l’intégration facile de cette masse de pieds-noirs. En revanche, par la suite, on retrouva un grand nombre des apprentis fascistes de l’OAS dans les partis politiques de la bourgeoisie. Enfin, il faut souligner que c’est Mitterrand, encore lui, qui amnistia définitivement les hommes de l’OAS par une loi votée en 1982.
En 1961, la guerre durait depuis six ans. Et on n’en voyait toujours pas la fin. En métropole, la contestation contre la guerre grandissait. L’UNEF, le syndicat étudiant, eut le courage d’appeler à un rassemblement contre la guerre sans le soutien d’aucun parti. Mais la première grande manifestation sur le territoire français fut le fait des Algériens eux-mêmes.
En octobre 1961, l’état d’urgence et le couvre-feu furent décrétés à Paris contre les Algériens. Alors, la Fédération de France du FLN appela pour la première fois les travailleurs algériens à manifester pour protester contre le couvre-feu.
Au soir du 17 octobre 1961, un flot impressionnant de travailleurs surgit des quartiers ouvriers du XVIIIe arrondissement, des bidonvilles de Nanterre et d’ailleurs pour défier le pouvoir. Pour les travailleurs algériens, c’était une façon de manifester pour l’indépendance et ils répondirent à l’appel.
Papon était le préfet de police de Paris. C’était un ancien de Vichy, responsable de déportations de Juifs vers les camps d’extermination nazis. En octobre 1961, il donna carte blanche à la police pour massacrer. La terreur dura toute la nuit et le nombre de morts, toujours pas connu aujourd’hui, est estimé à 200 au moins.
Citons Voix Ouvrière dans un article intitulé « pour qui sonne le glas » du 23 octobre 1961. « raqués, torturés, assassinés, les Algériens savent qu’ils gagneront l’indépendance pour laquelle ils se battent depuis sept années entières, et la dignité qui s’attache à l’indépendance, ils l’ont déjà gagnée dans le combat. (…)
Pour ceux qui aiment mieux ignorer que l’on tue et que l’on torture en Algérie, qu’en France l’on arrête et l’on torture dans nos commissariats de quartier, il a été désagréable de se voir rappeler ouvertement une telle vérité. (…)
Pourtant spontanément des actes de solidarité eurent lieu. Mardi soir, lorsque les agents tirèrent dans la masse des Algériens qui avançaient boulevard Bonne-Nouvelle, ce sont des passants qui s’occupèrent des blessés. Vendredi à Sainte-Anne, hôpital psychiatrique où furent enfermées les Algériennes arrêtées lors des manifestations, ces dernières purent s’enfuir grâce à la complicité du personnel hospitalier. (...) Mais il ne s’agissait que de réactions individuelles. Alors que les travailleurs algériens sont assassinés, que 11 000 d’entre eux ont été internés à Coubertin, au Palais des sports, qu’ont fait les organisations syndicales s’exclamaient nos camarades. »
La première manifestation décidée par les grands partis de gauche en France eut lieu le 8 février 1962, sept ans et demi après le début de cette guerre, alors que de Gaulle avait déjà entamé les négociations avec le FLN.
Cette manifestation répondait à un attentat de l’OAS, la veille à Paris, qui avait défiguré une fillette. Elle était appelée par le PCF, le PSU, la CGT et l’UNEF. La police chargea et fit huit morts au métro Charonne. Quelques jours plus tard, une manifestation monstre accompagna l’enterrement des victimes.
Certes, la population en France montrait son écœurement de la guerre. Mais ces gestes tardifs des dirigeants de gauche ne pouvaient faire oublier leur politique.
La guerre d’Algérie a engendré une succession de crises politiques qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui des soldats qui refusent de partir à la guerre, des officiers qui créent un comité de salut public et menacent d’un putsch, de Gaulle qui appelle les troupes à ne pas obéir aux officiers, la répression inouïe d’une manifestation, la création de l’OAS...
Le 19 mars 1962 était annoncé le cessez-le-feu. Le soulagement fut immense parmi la population et parmi les soldats du contingent. La guerre d’Algérie s’arrêtait enfin.
Si on connaît le nombre de soldats français morts durant cette guerre 25 000, on ne connaît pas avec exactitude le nombre de morts algériens. La puissance coloniale française ne s’embarrassa pas à les compter. Elle ne les comptait déjà pas vivants, alors morts.
Les historiens estiment que 150 000 maquisards sont morts au combat, soit un homme sur deux montés au maquis. À cela, il faut ajouter 300 000 à 500 000 morts parmi les civils algériens. Ce sont les paysans, les ouvriers, les pauvres en Algérie qui ont payé de leur vie et par des sacrifices inouïs cette lutte contre une des armées les plus puissantes du monde.
L’indépendance, enfin effective le 5 juillet 1962, représentait une grande victoire pour la population. Après huit ans de guerre, elle avait vaincu son oppresseur, notre propre armée, notre propre État.
De l’indépendance à la dictature contre les classes populaires
Cependant, cette victoire eut lieu sous la direction d’une organisation nationaliste bourgeoise. Une organisation dont la préoccupation n’était pas la défense des intérêts des masses pauvres. Alors, dès le début, la mise en place du pouvoir algérien allait décevoir la population.
Qui parmi les dirigeants du FLN allait prendre le pouvoir ? La question n’était pas tranchée. Les affrontements entre eux avaient été nombreux durant la guerre, se soldant souvent par des assassinats. Mais ces conflits étaient restés cachés. À l’été 1962, ils éclatèrent au grand jour et prirent une tournure tragique.
Dans les premiers jours de juillet 1962, le GPRA arriva à Alger et s’installa au pouvoir.
Pendant ce temps, à Tlemcen, une ville de l’ouest du pays, Ben Bella et d’autres dirigeants du FLN formèrent un contre-pouvoir.
La lutte pour le pouvoir se transforma en conflit armé violent entre les différentes factions du FLN.
En août 1962, aux cris de « sept ans ça suffit », les Algériens descendirent en masse dans la rue pour dénoncer ces affrontements violents et la terreur qui régnait dans le pays. L’intervention politique spontanée de la population fit peur à tous les dirigeants du FLN. Ils ne voulaient surtout pas qu’elle acquière un droit de regard sur le nouveau régime.
Finalement, c’est l’armée des frontières qui décida du sort de l’Algérie. L’ALN dirigée par Boumediene appuya le groupe de Tlemcen. En septembre 1962, les chars de l’ALN entrèrent dans Alger et permirent à Ben Bella de prendre le pouvoir. Les combats militaires avaient duré deux mois et fait de 2 000 à 3 000 morts.
Le clan de Ben Bella avait donc renversé ses adversaires. Les élections à l’Assemblée constituante se firent avec une liste de candidats uniques d’où les opposants avaient été éliminés. Ben Bella forma un gouvernement dans lequel aucun dirigeant du GPRA ne siégeait. Il y avait en revanche cinq militaires de l’armée des frontières, dont Boumediene lui-même. Ce ne furent même pas les combattants des maquis, les militants de base, qui imposèrent leurs représentants et leur pouvoir.
En décembre 1962, le PCA, reformé depuis juillet 1962, fut interdit. Après lui, les autres partis furent éliminés un à un. Même les organisations très liées au FLN furent dissoutes ou contrôlées sévèrement. La centrale syndicale algérienne, l’UGTA, fut mise au pas car, même dirigée par des membres du FLN, en tant qu’organisation ouvrière, elle représentait un danger potentiel pour le pouvoir.
Mohamed Boudiaf, un des chefs historiques du FLN, créa un parti d’opposition avant d’être interdit et arrêté. Aït Ahmed, un autre chef historique, forma aussi un parti d’opposition en Kabylie. En 1964, l’armée alla écraser dans le sang ces opposants. Aït Ahmed fut emprisonné, condamné à mort, puis gracié. Il réussit à s’évader et s’exila pour plusieurs décennies en Europe.
Dans les premières années de l’indépendance, l’Algérie voyait donc naître un pouvoir dictatorial. Mais le problème des hommes au pouvoir n’était pas seulement d’éliminer des opposants. Le problème était plus profond.
Durant les années précédentes, les masses algériennes avaient mené la lutte pour leur émancipation. C’est grâce à leur lutte, à leur énergie que les dirigeants du FLN avaient accédé au pouvoir. Ils savaient pertinemment que les masses entrées en action pouvaient tout bouleverser et ouvrir bien des possibilités. Les manifestations spontanées d’août 1962 l’avaient encore montré. Alors, ils se méfiaient.
D’ailleurs dans leur lutte acharnée pour accéder au pouvoir, ils ne firent jamais appel aux masses. Leur peur des masses algériennes était d’autant plus forte que rien ne disait qu’elles accepteraient facilement que la misère persiste, que l’indépendance ne rime pas avec la fin de l’exploitation.
Au lendemain de l’indépendance, la situation de l’Algérie était catastrophique. 700 000 pieds-noirs, qui représentaient l’immense majorité des cadres de l’administration, des médecins des hôpitaux, des techniciens dans l’industrie et l’agriculture, avaient fui le pays. Toute l’économie était désorganisée.
À cela s’ajoutaient les saccages d’une guerre qui s’était éternisée et qui avait saigné le peuple. Pour l’impérialisme, c’était un message envoyé à tous les autres peuples. La liberté se payait cher par la guerre, mais aussi par les dévastations et la pauvreté. En 1962, trois millions d’Algériens se retrouvaient dans un extrême dénuement.
La première réaction des responsables du FLN ne fut pas de remettre le pays en route, mais plutôt de se livrer à une véritable curée sur les biens abandonnés par les pieds-noirs, les accaparant au détriment de la collectivité.
En revanche, la population chercha à faire face à la désorganisation, avec les moyens du bord. Elle se mit au travail comme elle put, pour relever le pays de ces années de guerre et de colonisation. Dans bien des endroits, elle commença à gérer collectivement les entreprises et les fermes abandonnées par les pieds-noirs. La population prenait des initiatives dans de nombreux domaines.
Face à cette situation, le pouvoir de Ben Bella promulgua des décrets sur « l’autogestion ». Loin d’accorder à la population le moindre droit de décider de l’organisation de l’économie, ces décrets visaient au contraire à une reprise en main de l’économie par le pouvoir. Peu à peu, les dirigeants du FLN formèrent une nouvelle administration. Derrière ce que le pouvoir baptisa « organes d’autogestion », il y avait des gestionnaires nommés par l’État qui reprirent en main les fermes et les entreprises contrôlées par la collectivité.
Dans le cadre d’un monde impérialiste où toute l’économie est organisée pour satisfaire les intérêts des trusts et des métropoles occidentales, le développement d’un pays pauvre est une illusion. L’économie de l’Algérie avait été déformée par les 132 années de colonisation. Elle était entièrement dominée par les besoins du marché français. Et la bourgeoisie avait tout fait pour maintenir la dépendance économique du pays.
Grâce aux accords d’Évian, les sociétés françaises avaient pu garder la mainmise sur l’exploitation, le raffinage et le transport du pétrole du Sahara.
De plus, la France pouvait continuer à étrangler ce nouveau pays dont les ressources en hydrocarbures constituaient la seule richesse, en imposant que le pétrole algérien soit payé en francs... à des prix très bas. En 1963, les compagnies pétrolières françaises empochèrent trois fois plus de bénéfices que l’État algérien lui-même.
Outre le pétrole et le gaz, la majorité des industries, des mines restait sous contrôle français. La France restait le premier fournisseur de l’Algérie pour l’acier, l’aluminium, les produits laitiers, les oléagineux et les céréales.
Chaque année, la France achetait le pétrole algérien par le biais de sociétés françaises pour 1 000 millions de francs, alors que l’Algérie achetait à la France pour 250 millions de francs de marchandises et équipements divers. Autrement dit, la France continuait à faire des profits conséquents sur le dos de la population algérienne.
L’indépendance politique de l’Algérie n’allait pas signifier la fin de l’exploitation capitaliste et de la misère pour les masses pauvres. Le pouvoir se préparait donc à gouverner contre elles, pour leur faire accepter des sacrifices.
Dans un premier temps, aux paysans sans terre et aux chômeurs, on répondit par des paroles socialistes et des promesses non tenues. Mais les manifestations de chômeurs, les émeutes et les rébellions d’unités militaires se poursuivaient, nécessitant une intervention de plus en plus violente des forces de répression. À partir de 1962, le rôle de l’armée ne fit que s’accroître. En parallèle, les masses algériennes finirent par se sentir découragées et se démobiliser.
La bourgeoisie algérienne était trop faible économiquement et socialement pour pouvoir diriger le pays autrement qu’avec l’appui de l’armée. La mise en place d’une dictature militaire était inscrite dans toute l’histoire du FLN. En 1965, le processus aboutit au renversement de Ben Bella par Boumediene. Ce coup d’État eut lieu sans rencontrer d’opposition.
À partir de cette date, c’est définitivement l’armée qui dirigea le pays. Et cela n’a pas cessé depuis.
L’Algérie de Boumediene, tout en étant une dictature militaire, reprit les mêmes poses socialisantes que Ben Bella. D’autant plus que le régime connaissait toujours de multiples conflits avec l’ancienne puissance coloniale.
Au début des années 1970, la France refusait de payer les 25 milliards de francs de taxes qu’elle devait au pouvoir algérien. Elle refusa aussi de relever les tarifs du pétrole. Alors, en 1971, le pouvoir algérien nationalisa des entreprises pétrolières et des banques. Cela apparut comme une mesure radicale à certains tiers-mondistes. Mais même avec ces nationalisations, l’Algérie continuait à produire pour le marché mondial et donc à en dépendre.
Pourtant, avec le premier choc pétrolier de 1973, les prix du pétrole et du gaz flambèrent et les rentrées en devises explosèrent pour l’Algérie.
Dans un premier temps, cette économie de rente améliora le sort d’une partie de la population. Ce furent bien entendu les capitalistes algériens et les privilégiés du régime qui en profitèrent le plus. Mais toute la population connut aussi une élévation de son niveau de vie. Les rentrées en devises permettaient ces progrès et favorisaient la stabilité du régime.
Forte de ses nouvelles ressources, l’Algérie de Boumediene se lança dans des investissements industriels. Ou plus exactement le pouvoir emprunta des milliards aux banques françaises. Le pouvoir algérien utilisait ces prêts pour signer des contrats avec les capitalistes du béton, de l’acier et d’autres. L’Algérie devenait un eldorado pour les groupes capitalistes français.
En fait, malgré les exportations d’hydrocarbures en hausse, le pays s’endettait cruellement. Loin de sortir de la dépendance économique, il s’y enfonçait irrémédiablement. Ces rentrées en devises basées sur les hydrocarbures continuaient à tresser le nœud coulant qui allait étrangler l’Algérie quelques années plus tard.
Dès le début des années 1980, la crise économique mondiale frappa l’Algérie et les prix des hydrocarbures chutèrent. Les recettes de l’Algérie diminuèrent de 40 % . Pour la population pauvre, cela se traduisit par une baisse drastique des aides alimentaires, un chômage endémique et une chute du niveau de vie.
De nombreuses révoltes explosèrent dans les années 1980, comme celle des étudiants en Kabylie. Les grèves se multiplièrent car la jeune classe ouvrière qui avait surgi de ces années de développement industriel était combative.
Le régime algérien fut confronté à une montée des contestations et des révoltes. Dans ce contexte, il chercha un appui du côté des religieux. En 1984, un code de la famille fut instauré qui faisait des femmes des mineures dans la société et donnait tous les droits aux maris. Cette politique allait aider à renforcer le courant islamiste.3
De la révolte populaire d’octobre 1988 au « processus » de démocratisation
D’une certaine manière, on peut comparer le « printemps arabe » qu’ont connu l’Égypte et la Tunisie en 2011 à ce qui eut lieu en Algérie en 1988, quand des grèves et des émeutes secouèrent le pays. Le FLN, qui avait engagé la lutte contre le colonialisme français et porté les espoirs de tout un peuple, était devenu l’objet de la haine populaire. Face à la révolte, le président de la République Chadli Bendjedid, qui exerçait le pouvoir avec le soutien du FLN et de l’armée, fit alors le choix d’entamer un processus dit de démocratisation.
À l’origine des événements de 1988, il y avait la baisse du niveau de vie des classes populaires, à la suite de l’effondrement du prix du pétrole sur le marché mondial en 1985-1986. Cette baisse prit à la gorge l’Algérie, dont la production pétrolière représentait 98 % des exportations.
Dans les années 1970, l’État algérien avait contracté des prêts auprès des banques internationales pour financer l’industrialisation du pays. D’énormes complexes industriels, sidérurgiques, pétrochimiques, surgirent de terre, avec des entreprises de 10 à 20 000 salariés. Cela eut pour conséquence de faire surgir une classe ouvrière jeune, concentrée. Les dirigeants algériens avaient entrepris cette industrialisation au nom du progrès et du socialisme dont ils se réclamaient. Ils avaient le soutien du syndicat UGTA (Union générale des travailleurs algériens) qui était inféodé au FLN. Encadrés par l’UGTA, les travailleurs avaient consenti à des efforts importants. Après l’oppression coloniale, ils aspiraient à sortir leur pays de l’état de sous-développement dans lequel l’avait laissé la France. Ils considéraient ces entreprises nationales comme les leurs et beaucoup en étaient fiers.
Quand les ressources du pays s’effondrèrent, les puissances impérialistes n’en exigèrent pas moins le remboursement de la dette, dont les intérêts absorbaient en 1988 les trois quarts des exportations. Pour rembourser ses créances, l’État algérien au bord de la faillite imposa des sacrifices à la population. Il réduisit de façon drastique les importations alimentaires, de médicaments ou de pièces détachées pour l’industrie. La pénurie de produits de première nécessité se généralisa. Les prix flambèrent, alors même que les salaires étaient gelés. L’État réduisit les moyens attribués aux services publics, et supprima les aides aux classes pauvres. Le chômage s’aggravait. Mais les classes populaires n’acceptaient plus les sacrifices qu’on leur imposait. Alors qu’elles avaient le plus grand mal à se nourrir, à se loger, des riches hommes d’affaires s’enrichissaient sans complexe.
En 1988, ce fut l’explosion. Tout partit d’une grève à la SNVI, usine de camions située dans la zone industrielle de Rouïba près d’Alger. Commencée pendant l’été, cette grève fut totale, entraînant en septembre les 9 000 ouvriers de l’usine. Elle s’étendit aux autres entreprises de cette immense zone industrielle. Les grévistes furent bientôt rejoints par les postiers d’Alger. La police intervint contre les grévistes de Rouïba. Les lycéens de la ville voisine d’El Harrach, où vivaient de nombreux travailleurs, appelèrent à la grève et protestèrent contre cette répression. Le 5 octobre, au centre d’Alger, la jeunesse lycéenne fut rejointe par les chômeurs et tous ceux que le régime excédait. Ce fut le début d’une révolte qui se généralisa aux grandes villes du pays et qui dura près d’une semaine. Les symboles du pouvoir furent pris d’assaut : commissariats, sièges du FLN. Mais la colère visait aussi les privilégiés du régime vivant dans le luxe et les affairistes enrichis par la spéculation. L’état de siège fut déclaré et l’armée déploya ses blindés. La répression fit au moins 500 morts, sans compter les disparus et les blessés. Dans les jours qui suivirent, le pouvoir procéda à des arrestations massives tandis que la police recourait à la torture.
Après 26 ans de pouvoir sans partage, les dirigeants du FLN apparaissaient complètement discrédités. Pour la nouvelle génération de travailleurs qui n’avait pas connu la période de la guerre d’indépendance, les cadres du FLN formaient une caste de privilégiés qu’ils vomissaient. Confrontée aux licenciements, aux bas salaires et à une inflation galopante, la classe ouvrière allait occuper la scène sociale jusqu’au printemps 1989. Dans de nombreuses entreprises, les travailleurs faisaient reculer leur patron ou leur directeur. La contestation ouvrière ne prit pas un caractère général, mais elle fut suffisamment menaçante pour que le président Chadli Bendjedid fît le choix de lâcher du lest. Il annonça une nouvelle Constitution reconnaissant la séparation de l’armée et du FLN, la liberté d’expression, le multipartisme, ainsi que le droit de grève dans le secteur public.
Il s’agissait d’un recul du pouvoir sans précédent, inimaginable sans la mobilisation populaire. La nouvelle Constitution fut massivement approuvée par référendum en février 1989. C’en était fini du régime du parti unique en vigueur depuis 1962. Un vent de liberté soufflait sur le pays. Les journaux se multiplièrent et des partis politiques interdits apparurent au grand jour : le Front des forces socialistes (FFS) d’Aït Ahmed, le Mouvement pour la Démocratie en Algérie (MDA) de Ben Bella, le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS, héritier du Parti communiste algérien). Mais aussi de nouvelles organisations comme le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Saïdi ; le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoun et le Parti socialiste des travailleurs (PST), qui se revendiquaient du trotskysme ; et un parti en plein essor, le Front Islamique du Salut (FIS) dirigé par Abassi Madani et Ali Belhadj. Au total, plus de 50 partis virent le jour.
Aucun de ceux qui se réclamaient de la classe ouvrière, que ce soit le PST, le PT ou même le PAGS, qui avait une certaine implantation dans les grandes entreprises, n’avait les cadres, l’influence et le crédit nécessaires pour représenter les aspirations sociales surgies dans le mouvement de 1988. Ils avaient subi une longue période de répression, et il n’existait pas de tradition politique dans la classe ouvrière. Tout comme aujourd’hui en Égypte et en Tunisie, tout était à faire et les islamistes avaient une longueur d’avance.
Les islamistes tirent profit de la crise
Depuis le début des années 1980, les islamistes avaient utilisé le réseau des mosquées pour étendre leur influence. Les prêches organisés à travers le pays leur permettaient de tenir de véritables meetings politiques. C’était de fait, la seule force politique organisée, pas légale, mais que le régime avait tolérée, et utilisée contre les partis de gauche, notamment le PAGS.
Face à un État défaillant, les mosquées organisaient de plus en plus la vie sociale, prenant le relais des pouvoirs publics, au travers d’associations caritatives, de l’aide aux devoirs, en passant par le secours aux victimes des tremblements de terre. Les islamistes pesaient dans la vie sociale et politique. L’adoption en 1984 du Code de la famille, qui faisait de la femme une mineure à vie, en était le symbole. Les intégristes se faisaient aussi les champions de la lutte contre l’alcool, contre la « dissolution des mœurs », contre l’influence de la culture occidentale et l’athéisme. Ils fustigeaient le communisme, assimilé à l’économie étatisée mise en place par le régime.
Le FIS disposait du soutien de toute une partie de la bourgeoisie, qui aspirait à plus de libéralisme, et de la petite bourgeoisie paupérisée. Pour ces catégories, le FIS paraissait capable aussi de faire régner l’ordre dans les quartiers. Ses troupes, le FIS les recruta parmi les jeunes, diplômés ou non, amers contre le régime qui ne leur assurait aucun avenir. Face à des partis qui n’avaient que le mot démocratie à la bouche mais se souciaient peu des difficultés des plus pauvres, le FIS apparut comme un parti intègre, radical, prêt à en découdre avec un pouvoir qui venait de réprimer sa jeunesse. Il devint un parti de masse, candidat au pouvoir.
Il remporta son premier grand succès électoral lors des élections municipales de juin 1990. Dans certaines villes, il recueillit 40 à 70 % des suffrages. Il gagna 850 municipalités dont Alger, Oran, Constantine et la quasi-totalité des grandes villes. Cependant, l’influence du FIS était moindre dans la classe ouvrière des grandes entreprises. Dans ces années 1990-1991, il échoua dans sa tentative d’y implanter le SIT (Syndicat islamiste du travail). Le SIT s’opposait aux grèves, à la lutte de classe, et prônait la collaboration avec les patrons. Les travailleurs en firent l’expérience lorsque les nouveaux élus du FIS brisèrent la grève des éboueurs à Alger.
En mai 1991, l’agitation politique entretenue par le FIS conduisit le pouvoir à annuler les élections législatives prévues pour le 27 juin. Finalement fixées au 26 décembre 1991, elles furent pour le FIS un succès. Dès le premier tour, il était certain de disposer de la majorité absolue au second tour. Mais il n’y eut jamais de second tour ! L’armée obligea Chadli Bendjedid à démissionner et reprit le pouvoir en main. Le FIS fut interdit et ses dirigeants arrêtés.
L’armée reprend la main
Le « processus de démocratisation » commencé trois ans plus tôt virait au cauchemar pour les classes populaires4. Il déboucha sur une guerre civile. En effet, après l'interdiction du FIS et l'arrestation de milliers de ses membres, différents groupes de guérilla islamiste émergèrent rapidement et commencèrent une lutte armée contre le gouvernement et ses partisans. Ils se sont constitués en plusieurs groupes armés, dont les principaux sont le Mouvement islamique armé (MIA), basé dans les montagnes, et Groupe islamique armé (GIA), basé dans les villes. Les islamistes ont au commencement visé l'armée et la police, mais certains groupes s'attaquèrent rapidement aux civils. En 1994, tandis que des négociations entre le gouvernement et les dirigeants du FIS emprisonnés étaient à leur maximum, le GIA déclara la guerre au FIS et à ses partisans, alors que le MIA et divers plus petits groupes se regroupaient pour former l'Armée islamique du salut (AIS), loyale au FIS5. La population fut prise en étau : subissant la pression réactionnaire des intégristes d’un côté, celle de l’armée de l’autre. Les méthodes terroristes, les intimidations, le racket, les viols, sans compter les massacres de civils, firent perdre aux islamistes une partie du crédit qu’ils avaient su gagner. Mais sur le plan des exactions, l’armée n’était pas en reste.
En réalité, ce climat facilitait la guerre sociale sans merci que le pouvoir menait contre la classe ouvrière. Pour rembourser la dette, l’État imposa une baisse des salaires et procéda à des centaines de milliers de licenciements dans les grandes entreprises publiques. Ces dernières furent privatisées partiellement, ainsi qu’une partie des terres des grands domaines nationaux, répondant aux exigences de la bourgeoisie algérienne.
En octobre 1998, l’état-major conclut un accord avec l’Armée islamique du salut.
Après dix ans de crise politique du régime, les généraux, contestés non seulement par les islamistes, mais aussi par toute une partie de la population, firent le choix de passer au second plan de la scène politique. L’armée allait trouver préférable de s’abriter derrière un paravent, et le paravent trouvé fut Bouteflika. Cet homme choisi par le régime devint le point d’équilibre de toutes les forces opposées. Fort de cette position d’arbitre, Bouteflika sous le mot d’ordre de paix et de réconciliation nationale, tendit la main aux islamistes. Des mesures d’amnistie permirent aux repentis de reprendre une place dans la vie sociale. La population était lasse, cela faisait près de huit ans qu’elle subissait la terreur de la guerre civile, aussi la « charte pour la paix et la réconciliation nationale » fut-elle approuvée massivement lors du référendum de 1999. Cela sanctionnait la défaite politique du FIS dans la guerre civile mais aussi une forme de compromis politique entre le régime militaire et les islamistes, dont l’influence dans la population était durablement renforcée.
L’ère Bouteflika, révolte contenue et islamisme domestiqué
Cela ne signifiait pas que les classes populaires se rangeaient passivement derrière le pouvoir, ni qu’elles comptaient sur lui pour améliorer leur sort. À partir du printemps 2001, la Kabylie fut le théâtre d’une contestation. Bien que la mobilisation fût circonscrite à la Kabylie, ses motifs n’étaient pas pour l’essentiel régionalistes. La jeunesse réclamait la fin du mépris, du chômage et de la misère. Des grèves éclatèrent dans nombre d’entreprises, pour des motifs variés, salaires non payés, refus des licenciements, ou par solidarité pour appuyer les grèves en cours. En juin 2001, des centaines de milliers de personnes manifestèrent à Alger. La répression fut sévère, faisant 6 morts et 500 blessés. La mobilisation qui persistait connut bien des rebondissements, avec des grèves et une répression qui au total aurait fait plus de 100 morts. Pour calmer le jeu, le pouvoir recula sur des symboles : la langue tamazight (berbère) reçut le statut de langue nationale, et les brigades de gendarmerie qui avaient participé à la répression furent déplacées.
En 2003, le régime était fort d’une croissance économique retrouvée et notamment d’une rente pétrolière importante. Il avait réussi à éviter une contestation sociale générale et explosive, et réussi par la même occasion à « domestiquer » le courant islamiste. La petite bourgeoisie commerçante et terrienne, clientèle du courant islamiste, était satisfaite du climat économique propice aux affaires et se rallia au régime.
Si le FIS était interdit, d’autres partis islamistes, comme le Hamas ou le Mouvement de la société pour la paix (MSP), avaient pignon sur rue. Bouteflika les associa au pouvoir, en leur laissant un rôle d’encadrement moral de la population, sachant bien que ce pouvait être facteur de stabilité sociale. Leur influence politique resta cependant limitée. En 2011, espérant profiter des succès des Frères musulmans en Égypte et en Tunisie, les islamistes démissionnèrent du gouvernement. Aux élections législatives du 10 mai 2012, le FLN et le Rassemblement national démocratique (RND), un parti qui avait les faveurs du régime, arrivaient en tête, mais les partis islamistes, bien qu’unis au sein de l’Alliance verte, reculaient. C’était un succès pour Bouteflika.
En Algérie, l’évolution vers le multipartisme, amorcée après la révolte d’octobre 1988, fut interrompue par la décennie de guerre civile. Elle a mis des années à déboucher sur une certaine stabilité. Mais celle-ci a finalement permis au régime algérien de ne pas être atteint par la vague de révoltes populaires qui a touché les pays voisins.
La rente pétrolière pour apaiser la contestation sociale
Un autre facteur important contribua à la stabilité du régime. Contrairement à ses voisins égyptien et tunisien, l’Algérie a été relativement épargnée par les retombées de la crise économique mondiale de 2008. En 1999, à l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, le pays était lourdement endetté auprès du FMI. En 2005, sa dette publique était résorbée. Cette embellie financière reposait en grande partie sur l’exploitation des ressources en hydrocarbures et surtout en gaz. Le baril de pétrole qui valait autour de 25 dollars en 2000 atteignait 147 dollars en 2008. Le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole, les ressources liées aux hydrocarbures s’étaient considérablement accrues. La rente pétrolière, correspondant à 35 à 40 % du revenu national, a permis à l’État algérien de se constituer une réserve de change qui atteignait en 2011 environ 180 milliards de dollars.
En 2012, le FMI a classé l’Algérie parmi les pays les moins endettés des vingt États de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), et au deuxième rang des plus gros pays détenteurs de réserves officielles de change, après l’Arabie saoudite.
Si le « printemps arabe » n’a pas débouché sur une contestation politique du régime, il a cependant exacerbé la contestation sociale durant toute l’année 2011. Conscients que le régime disposait d’une manne pétrolière considérable, toutes les catégories de travailleurs, les retraités et les chômeurs manifestèrent à un moment ou un autre pour améliorer leurs conditions de vie. Émeutes, grèves, manifestations et sit-in se succédaient pour défendre l’emploi, les salaires, le logement, l’accès à l’eau ou à l’électricité. La jeunesse était au cœur des mobilisations, dans un pays où 70 % des 38 millions d’habitants ont moins de 30 ans. La contestation toucha toutes les régions, gagna même les populations des villes pétrolières du sud. Encore plus touchée par le chômage, la jeunesse du sud avait le sentiment d’être abandonnée par l’État, alors même que la richesse des champs pétrolifères était sous ses pieds.
Un peu inquiet du vent de révolte qui soufflait dans les pays voisins et craignant la contagion, le régime algérien disposait d’une marge de manœuvre financière appréciable. Il réagit en distribuant une rente pétrolière de manière plus ample sous la forme d’augmentations des salaires et des retraites, de distributions de logements, de prêts et de crédits. Pour soutenir le pouvoir d’achat, l’État continua à subventionner les produits de première nécessité, comme le lait, le sucre, l’huile ou les céréales.
Dans le secteur public, des augmentations de salaires conséquentes furent concédées, de l’ordre de 10 à 50 %, rétroactives sur trois années. Même les retraités virent leurs pensions revalorisées de 15 à 30 %, avec un montant plancher de 15 000 dinars (150 euros) par mois, soit l’équivalent du salaire minimum.
Le gouvernement facilita l’accès au crédit bancaire pour les jeunes par la création d’un organisme créé à cet effet, l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ). De nombreux jeunes purent ainsi s’acheter une voiture pour faire le taxi, ou un véhicule utilitaire pour se faire transporteurs-livreurs. D’autres se lancèrent dans le commerce.
Des dizaines de milliers de jeunes diplômés purent trouver un travail dans le cadre du « pré-emploi ». Ce dispositif toujours en vigueur permettait aux entreprises de les embaucher pour une durée de cinq ans, en échange de mesures fiscales très avantageuses pour leur patron. Disposant de ressources financières comme jamais auparavant, l’État continua sa politique de grands travaux. Les chantiers fleurirent un peu partout avec les emplois qui leur sont liés : chantiers de construction du tramway et du métro à Alger, chantier pour la construction d’une autoroute reliant l’Est à l’Ouest, construction de stations d’épuration, d’usines de dessalement d’eau de mer, de la plus grande mosquée d’Afrique… et surtout construction de logements.
Car c’est sans doute l’accès au logement qui a fait l’objet de plus de protestations. Avec l’exode rural et l’explosion démographique, l’urbanisation a été massive et rapide. L’Algérie connaît depuis des décennies une pénurie de logements qui attise la colère, notamment des jeunes en âge de fonder un foyer. Le gouvernement dit avoir fait construire un million de logements entre 2009 et 2014. Ainsi, dans la wilaya (collectivité territoriale) d’Alger, 62 000 familles, soit 300 000 personnes, auraient été relogées. Mais, les opérations de relogement sont souvent source de contestation. En effet, la population n’accepte pas d’être logée dans des localités où certes les logements sont flambant neufs, mais où il n’y a ni collège, ni hôpital, ni ligne de transport. Le plus souvent, c’est la publication des listes des bénéficiaires qui provoque la colère. Soupçonnant le favoritisme et la corruption, ceux qui restent sur le carreau se font entendre.
Durant toute cette période, le pouvoir n’a jamais tenté de réprimer, craignant qu’un incident local provoque un embrasement général. Ainsi grâce à l’aisance financière, le pouvoir algérien a pu jusqu’à présent, acheter la paix sociale.
Bouteflika, malade, au point que certains se demandaient encore s’il était encore capable d’exercer le pouvoir, se présentait pour la quatrième fois à l'élection présidentielle, le 17 avril 2014. Si en France, la presse a relayé largement la campagne de ceux qui étaient contre un quatrième mandat, en Algérie c’était plutôt avec indifférence que la population assistait à cette agitation surtout médiatique. Lors de tous les scrutins précédents, l’abstention a été énorme, et cette fois encore il était vraisemblable que beaucoup n’iraient pas voter. Mais, quoi qu’en disent ses détracteurs, Bouteflika jouit toujours d’une certaine popularité. De plus, il bénéficie d’un consensus parmi les classes dominantes algériennes et les puissances impérialistes, les unes et les autres lui sachant gré de la stabilité propice à leurs affaires. Sans surprise, le Forum des chefs d’entreprise (FCE, l’organisation patronale algérienne) lui a apporté son soutien.
Une bourgeoisie avide
Ils peuvent en effet se frotter les mains, car la manne pétrolière, dans laquelle le pouvoir a puisé pour calmer la contestation sociale, a profité avant tout à la bourgeoisie algérienne et aux multinationales.
Les industriels de l’agro-alimentaire ont aussi profité de la subvention sur les matières premières comme l’huile, le sucre, le lait et les céréales. En 2014, le milliardaire algérien Issad Rebrab a ainsi fait son entrée au classement Forbes des hommes les plus riches d’Afrique. Son groupe Cevital contrôle, entre autres, 70 % des parts de marché dans l’huile et le sucre.
Avec la privatisation, des grandes compagnies de pétrole et les multinationales ont fait leur entrée en force sur le marché algérien : le groupe indien Mittal, le géant français du BTP Lafarge, l’entreprise égyptienne de télécommunication Orascom, le groupe Suez et bien d’autres. Tous les constructeurs automobiles profitent largement de ce marché dopé par les crédits à la consommation accordés par l’État.
Malgré le « patriotisme économique » défendu par le pouvoir algérien et sa volonté affichée de favoriser les entreprises algériennes, l’économie du pays est soumise à l’impérialisme. Quant à la bourgeoisie algérienne, la crainte que les révoltes des pays arabes avaient suscitée s’éloignant, elle se sent plus assurée pour imposer ses conditions.
La classe ouvrière doit défendre ses propres intérêts
Pour se défendre, les travailleurs ne peuvent pas compter sur le syndicat UGTA. Son secrétaire général, Sidi-Saïd, a toujours accompagné le pouvoir de Bouteflika et il fait jouer à l’appareil syndical le rôle de courroie de transmission du pouvoir.
Dans les grandes entreprises publiques, l’UGTA gère les œuvres sociales. Cela lui confère un rôle important car c’est par ce biais que les travailleurs peuvent obtenir une aide au logement, un prêt pour une voiture. Les responsables locaux jouent surtout un rôle d’encadrement, et s’opposent souvent aux grèves. Lorsque les travailleurs entrent en lutte pour les salaires ou les conditions de travail, il est fréquent qu’ils exigent le renvoi de la section syndicale. Ce fut le cas à l’Etusa, société de transport d’Alger, et à Arcelor Mittal à Annaba (ex-El Hadjar)
Les travailleurs du secteur public n’ont pas accepté les privatisations, parce qu’elles se sont traduites par des licenciements, comme au complexe sidérurgique d’Annaba, racheté pour un prix symbolique par Mittal, où les effectifs sont passés de 20 000 à 5 000 travailleurs. Mais aussi parce qu’elles sont le symbole des efforts consentis après l’indépendance du pays. Ils estiment qu’ils ont leur mot à dire sur le fonctionnement de ces entreprises, et des grèves pour exiger le renvoi de leur directeur ne sont pas rares.
Les travailleurs du secteur public ont les moyens de se défendre, ils ont le droit de grève, de s’organiser dans des syndicats, sans risquer d’être licenciés. Ils ont aussi accès à la Sécurité sociale qui prend en charge 80 % des soins médicaux.
Dans le secteur privé, par contre, les patrons ont les mains libres, et ne s’embarrassent pas avec le Code du travail. Les syndicats y sont inexistants. Pour ne pas gêner les patrons, l’UGTA n’a jamais cherché à s’implanter dans ce secteur qui compte aujourd’hui des millions de travailleurs. Les salaires y sont très bas, la moitié en moyenne de ceux du secteur public. Une vendeuse, qui travaille six jours sur sept, ou un agent de sécurité en horaires de travail 3x8 peut gagner 10 à 15 000 dinars (100 à 150 euros). Les ouvriers d’une usine de céramique peuvent gagner 18 000 dinars en 3x8, dont 3 000 dinars de prime. Même en rajoutant les primes, les travailleurs ont du mal à survivre.
Les semaines de cinquante heures sont fréquentes et le patron « oublie » de payer les heures supplémentaires. Formellement la loi autorise le droit de grève dans le privé, mais la précarité généralisée le rend caduc. L’emploi précaire est la règle, le patron peut du jour au lendemain licencier un travailleur. 78 % des ouvriers du privé ne sont pas déclarés.
Les travailleurs du chantier de la prison de Draâ El Mizan, près de Tizi Ouzou, en Kabylie, en savent quelque chose. Pas déclarés, sans fiches de paie, des cadences insupportables, des contrats renouvelés chaque mois, ils s’étaient mis grève en 2013, pour dénoncer cette précarité. 21 d’entre eux furent licenciés. En février 2014, les 61 travailleurs du chantier se sont de nouveau mis en grève, pour défendre leurs conditions de travail et exiger la réintégration de leurs camarades de travail.
La précarité concerne aussi les établissements publics. En février 2014, au port d’Alger, les dockers contractuels ont suivi une grève de quatre jours pour exiger les mêmes primes que celles accordées aux travailleurs embauchés. Déterminés, les dockers ont obtenu gain de cause. L’UGTA a dénoncé la grève des dockers, la qualifiant d’irresponsable.
Selon le journal El Watan, en 2011, trois millions de salariés avaient un revenu inférieur à 10 000 dinars (100 euros) par mois. Malgré les miettes lâchées par le pouvoir, la majorité des travailleurs sont aujourd’hui dans la survie. Les familles ouvrières consacrent la moitié du salaire à l’alimentation et se loger est toujours un casse-tête. Dans les banlieues populaires d’Alger, des marchands de sommeil s’enrichissent en louant des logements hors de prix. Il faut compter près de la moitié d’un salaire d’ouvrier pour une simple chambre de 12 m2, sans sanitaire et sans possibilité de cuisiner. Pour faire face à cette dépense, les jeunes travailleurs s’y entassent à deux ou trois et il n’est pas rare que plusieurs familles vivent dans le même appartement.
Le patronat, le gouvernement et l’UGTA se sont rencontrés à plusieurs reprises pour négocier un « pacte social de stabilité ». Cet accord prévoit carrément la remise en cause du droit de grève et de l’emploi permanent dans la fonction publique. Le patronat voudrait une classe ouvrière plus docile et plus exploitée. Les patrons réclament une plus grande compétitivité, une modification du Code du travail qui faciliterait leurs affaires. En contrepartie, le gouvernement promet une augmentation du salaire minimum de 15 000 à 18 000 dinars en y intégrant les primes. Mais le patronat refuse ces augmentations de salaires qui selon lui mettraient en péril ses profits.
Le FMI incite fortement le pouvoir algérien à « contenir la masse salariale et à la suppression des subventions, à améliorer la compétitivité et la productivité du travail et à accroître la flexibilité du marché du travail ». Le pouvoir algérien navigue entre les exigences de la bourgeoisie nationale et les intérêts du capital étranger d’une part et la contestation qui s’exprime dans les classes populaires d’autre part. Le pouvoir est prudent et temporise. Instruit par la révolte d’octobre 1988, il sait qu’une répression peut vite transformer une contestation en crise politique aiguë.
La stabilité du régime est précaire. Le pays est menacé par l'effondrement de la rente pétrolière, qui a des conséquences dramatiques pour les classes populaires. De leur côté les travailleurs et les classes populaires ne se résignent plus à leur sort. Ils ont maintenant une certaine conscience de leur force et qu’il est possible d’imposer des concessions au régime et au patronat lui-même. C’est un élément positif de la situation actuelle, un gage pour l’avenir. Certes, tout comme en Égypte ou en Tunisie, la contestation sociale reste sur un terrain économique, elle ne se traduit pas par l’émergence d’un mouvement politique pour la défense des intérêts sociaux et politiques des travailleurs en tant que classe. Mais le rapport de force entre les classes a changé et la dictature algérienne n’est plus ce qu’elle était. On peut espérer qu’au sein de la jeunesse ouvrière et étudiante des hommes et des femmes profitent des possibilités offertes par la situation actuelle pour ouvrir la voie à des perspectives révolutionnaires.6
La réélection de Bouteflika
Le 17 avril 2014, Bouteflika a été réélu, sans surprise, pour un quatrième mandat consécutif avec 81,53 % des voix exprimées (le taux de participation a été de 51,7 %). Cette reconduction d’un président malade, absent et incapable de diriger le pays par une main de fer, comme le suggère sa pratique et son projet d’amendement de la Constitution pour un fort régime présidentiel, traduit la tentation autoritaire de l’élite politique au pouvoir.
Le consensus laborieux réalisé par les différentes fractions de cette élite exprime surtout son effritement idéologique et sa fragilité politique pour maintenir son hégémonie sur une société de plus en plus exigeante et revendicative. C’est dans ce cadre qu’il faut saisir ce consensus, ou plus exactement ce « modus vivendi », autour de l’image de Bouteflika.
Image ternie d’un président en fin de règne
Cependant, cette image est affectée par un bilan peu reluisant, où les réalisations des grands travaux d’infrastructures ne peuvent cacher le chômage endémique, la précarité, la réapparition de la misère et la dégradation des conditions de vie d’une majorité des Algériens et des Algériennes, soumis aux thérapies libérales. Elle est ternie par une économie fragilisée, peu productrice de richesses et peu créatrice d’emplois durables. Elle reste surtout marquée par les dossiers de corruption qui éclaboussent les « hommes » du président.
Cette élection se voulait un moment pour renouveler la légitimité de Bouteflika comme homme providentiel et à recréer un minimum de légitimité des institutions. Mais le chiffre très officiel de 51 % de participation le fragilise davantage, même si le ministre de l’Intérieur a tenté de minimiser l’importance de l’abstention en l’imputant à une tendance mondiale. Elle reste en réalité une preuve que le 4e mandat de Bouteflika ne peut se prévaloir d’un soutien fort, et encore moins d’un chèque en blanc.
Cette réélection est surtout un passage en force. Les principales institutions de l’État ont été verrouillées. Le discours de la peur, de la « menace étrangère » et des « menées déstabilisatrices des opposants », outrageusement servi par les médias, notamment les télés privées « algériennes » de droit étranger, a poussé les Algériens au repli sécuritaire. Le chantage « vote contre promesse de relogement » effectué par la Wali d’Alger a bien fonctionné (la capitale compte près de 600 bidonvilles où s’entassent 30 000 familles). L’écho dans l’étendu du territoire algérien a fait le reste. Enfin, Abdelmalek Sellal, le directeur de campagne de Bouteflika, avait sillonné l’Algérie en tant que Premier ministre en distribuant rêves et promesses.
Et maintenant ?
Mais cette « victoire » cache mal les contradictions latentes du régime de Bouteflika qui deviennent aujourd’hui patentes. Cette campagne électorale a en effet révélé une triple problématique. La première est liée à la question de la souveraineté nationale.
Le « complot » supposé de la « main étrangère » n’est en réalité qu’une remise en cause du minimum de souveraineté de l’État algérien par l’impérialisme. Elle est malheureusement mal posée par un débat électoral qui a semé la confusion, en présentant Bouteflika comme le défenseur de cet acquis. Seule la mobilisation populaire est capable de faire reculer ces visées impérialistes. Mais ces mobilisations seront vouées à l’échec si dès le départ elles ne posent pas comme principe la résistance anti-impérialiste et la défense de l’État national. Les mouvements de protestation actuels se construisent sur l’idée même d’en finir avec l’État national et ce, par une malencontreuse confusion entre le régime et l’État. Ce dernier est toujours considéré comme un objet aux mains des oligarchies dirigeantes qu’il faudrait donc briser pour faire advenir l’État démocratique.
La deuxième problématique est d’ordre démocratique. Elle se noue autour de la notion de transition avec en point de mire la révision de la Constitution. D’où la question de la Constituante ! Ces questions ont renvoyé au second plan une autre question de fond, celle économique et sociale. Autant d’enjeux qui sont maintenant discutés et désormais abordés dans l’espace public algérien. Ils sont plus que jamais à l’ordre du jour.
La crise du régime a libéré l’expression publique où les sujets tabous sont ouvertement abordés. Le pouvoir de Bouteflika aura-t-il la capacité d’endiguer cette poussée populaire ? Cette poussée populaire aura-t-elle la capacité de court-circuiter une « opposition » plus libérale aux aguets ? Autant de questions qui méritent des actions durables.7
Chômage en Algérie : une jeunesse entre protestation et désespoir
Les chômeurs sont en première ligne de la contestation sociale quasi permanente en Algérie. Laissés pour compte dans un système politique particulièrement méprisant beaucoup de jeunes chômeurs rêvent d’Europe. Devant le manque de perspective, certains, surnommés les "Harragas" migrent en brûlant leurs papiers derrière eux. D’autres choisissent de se suicider en s’immolant par le feu.
Pourtant très riche en pétrole et gaz, ce pays connaît une explosion des exclusions sociales et de la pauvreté. Un pays de paradoxe, ou nonobstant le chômage qui y règne, on importe des ouvriers chinois pour travailler sur divers chantiers, qui devant le manque absolu de perspectives fuient le pays en barque ou vont s’immoler par le feu.
L'Algérie est un pays grand comme cinq fois la France et 72 fois la Belgique.
Avec 70% des Algériens de moins de 30 ans, le gouvernement se compose essentiellement de plus de 60 ans. Un régime de vieux qui règne sur une population à majorité de jeunes. Cette gérontocratie est dirigée par une poignée de généraux âgés et de responsables des services de renseignements « accrochés au pouvoir depuis l’Indépendance et réfractaires à tout changement, au point d’enfoncer le pays dans un état de léthargie et au bord de l’implosion ».
Le président Abdelaziz Bouteflika à 76 ans se représentait pour un 4ème mandat présidentiel en avril 2014. Pourtant, il sortait à peine d’un grave AVC et d’une hospitalisation en France de plus de deux mois en 2013.
D’ailleurs au vu de ses très rares apparitions publiques et encore plus rares tenues du conseil des ministres, le président semble avoir un peu de mal à se remettre, voir à parler et se bouger !
Il règne pourtant sur un pays aux importantes réserves de changes : 190 milliards de dollars. Ce qui lui permet de se positionner en créancier du système financier international, dont le FMI.
Avec 173 tonnes d’or en 2012, il se classe à la 24e place des pays détenteurs de réserves officielles en or. Il pointe ainsi en 11e position juste derrière l’Allemagne et devant France, l’Italie et le Royaume-Uni.
Cette abondante manne financière ne profite qu’à une petite minorité de nantis. Une nomenklatura issue de l’armée et de l’ancien parti unique, le FLN ainsi que de leurs clientèles respectives.
Le Front de Libération nationale, avait lancé en 1954 la guerre de libération contre l’occupation coloniale française. Il a été le parti unique de 1962 à 1989, année qui ouvre le champ politique algérien aux autres obédiences et partis interdits auparavant. En fait, ce pays n’est sorti de la dictature des militaires ou du parti unique que pour tomber dans une république démocratique de façade.
« Quelque soient les élections dans ce pays c’est toujours les candidats adoubés par les militaires et le fameux cabinets noir – véritable lieu du pouvoir opaque et toujours secret- qui l’emportent », explique le docteur Boudarène, opposant politique. Aussi pour beaucoup d’Algériens aller voter ne sert plus à rien dans un contexte où les fraudes et les bourrages d’urnes hérités du temps colonial parasitent toujours les élections.
Pour maintenir une relative paix sociale l’État algérien continue à soutenir certains produits de première nécessité mais le reste du coût de la vie peut s’aligner sur les pays d’Europe. C’est le cas notamment des prix des viandes, du poisson, des fruits et légumes, des vêtements.
« L’Algérien lambda, sans réel pouvoir d’achat, n’a pas accès à ces denrées. C’est ainsi, assure M. Boudarène, qu’un nombre sans cesse grandissant de familles vit en dessous du seuil de pauvreté et que de plus en plus de personnes s’enfoncent dans une « extrême pauvreté ». Vocable utilisé par les Nations Unies pour désigner la misère. »
Pour ceux qui travaillent les salaires sont insignifiants. Le salaire national minimum garanti est de 18 000 DA brut par mois (150 euros), c’est le plus faible des pays du Maghreb. L’inflation galopante appauvrit inexorablement et la classe moyenne laminée à quasi disparue.
La « protesta » sociale
Sur les 38 millions d’habitants, la majorité entre 20 et 35 est en âge de travailler.
Mais des emplois il n’y en a pas en suffisance. Un chômage endémique frappe tant les jeunes sans formation ni instruction que les diplômés de l’enseignement supérieur.
Ils sont ainsi des millions de chômeurs algériens à se débrouiller pour vivoter grâce à l’économie informelle : vente de tout et n’importe quoi à la sauvette, gardiens de parking autoproclamé pour quelques pièces.
La délinquance et les bandes organisés d’une rare violence se développent d’une manière jamais connue de par le passé. Quant au taux de chômage officiel de 10 %, d’aucuns pensent qu’on peut allégrement le multiplier par trois.
Le climat social délétère conjugue sans relâche émeutes populaires et répression.
Toutes les régions du pays sont touchées par le mécontentement et les protestations sociales, cela va de la Kabylie traditionnellement aux avant-poste de la contestations politique depuis 1980 à bon nombre de villes du Sud, au riche sous sol en pétrole.
En première ligne de la protesta sociale se positionnent les chômeurs avec leur Coordination Nationale de Défense des Droits des Chômeurs. Le 28 septembre 2013 avait d’ailleurs été décrété, journée de la colère par le CNDDC afin de dénoncer les promesses non tenues par le gouvernement algérien.
Le coordinateur de ce mouvement, Tahar Bélabès collectionne les arrestations, tabassages et citations en justice, tout comme certains militants de la ligue des droits humains tel Yassine Saïd.
Les syndicats inféodés au système politique ne défendent ni les travailleurs licenciés et encore moins les chômeurs poursuivis en justice. Les chômeurs se sont organisés de façon autonomes en dehors des rouages du pouvoir et ils dénoncent « la grave répression subie par les militants et les activistes du mouvement des chômeurs, menée par les services de sécurité sous forme de persécutions et poursuites constantes ».
Les Harragas, les brûleurs
Laissés pour compte dans un système politique particulièrement méprisant des populations défavorisées, beaucoup de jeunes chômeurs rêvant d’Europe. « Harrag » est un mot arabe maghrébin qui veut dire brûler. Les harragas sont les migrants hors des circuits officiels et balisés qui brûlent leurs papiers pour ne pas être renvoyés dans leur pays. S’ils sont pris par les gardes-côtes ou la police souvent ils mentent sur leurs origine. Ils traversent la mer à partir de Mostaganem ou de Annaba.
Depuis quelques années, ils sont des milliers à prendre le risque de mourir en mer dans ces barques qui ne font la fortune que des passeurs et trafiquants d’être humains. Les Harragas brûlent la mer, les frontières, leur passé. Derrière cet exil forcé, se cache la misère et surtout le mépris ressentis par tant de jeunes algériens de la part d’un système et d’une société qui ne leur offrent aucune perspective de travail ni d’évolution dans la vie hormis la fréquentation des mosquées. Pour ces jeunes qui défient l’immense cimetière marin qu’est devenue la mer méditerranée, la Harga est un cri de désespoir, peut être mais surtout un espoir, celui d’exister : Parmi d’autres damnés de la terre, ces jeunes veulent rejoindre les côtes andalouses, Gibraltar, la Sicile, les Canaries, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, l’ile de Lampedusa ou encore Malte.
Les rêves d’Europe des jeunes qui réussissent la traversée se transforment souvent en cauchemar dès lors qu’ils viennent grossir les rangs des sans papiers et des clandestins.
« Arrivés en Europe, raconte Virginie Lydie, quand ils ne sont pas morts en mer, la clandestinité les attend et avec elle, la rue, la prison…
Ce n’était pas comme ça qu’ils voyaient l’Europe, et pourtant leur pire cauchemar est l’expulsion.
Pour l’éviter, ils cachent leur identité. Au départ, la stratégie est payante, mais elle rend tout espoir de régularisation impossible et les plonge dans une précarité extrême. Plus le temps passe, plus leur situation devient intenable, plus le retour leur est impossible. Alors ils restent, et à défaut d’avoir coulé en mer, ils sombrent dans un interminable naufrage qui les mène vers la folie, la mort parfois. »
Virginie Lydie a mené de longues enquêtes sur le terrain. Son livre est ponctué de nombreux témoignages de clandestins, d’expulsés, de psychiatre algérien, psychologue et anthropologue spécialistes de la médiation interculturelle, sociologues, magistrat. Il est préfacé par Kamel Belabed, père d’un harraga disparu.
Ils ont été plus d’une centaine de jeunes gens, âgés entre 20 et 35 ans, à avoir essayer de prendre la mer durant l’année 2013.
Certains sont été interceptés au large d’Oran et de Annaba par les garde-côtes algériens et ont été arrêtés.
« La seule réponse qui est aujourd’hui apporté à ce désastre social, déclare le député Boudarène, est la répression. Faut-il rappeler que le pouvoir a fait voter, par l’Assemblée nationale et le Conseil de la nation, une nouvelle loi qui pénalise l’émigration clandestine ? »
En effet, le président de l’Assemblée nationale algérienne justifie cette loi par l’existence « d’organisations de passeurs ». Il dira à la journaliste d’El Watan qui lui a posé la question, que les harragas sont apparus parce que les passeurs offrent leurs services ! On croit rêver !
Le pouvoir algérien minimise la signification de la harga qui prend de plus en plus d’ampleur. Les émeutes comme moyen de revendication sociale se généralisent dans le pays. Elles expriment la colère et le désarroi de populations sans logement, sans travail ou sans gaz de ville dans un pays producteur, un comble !
Les politiques restent aux abonnés absent et seule la police intervient. Cette arrogance c’est ce que les algériens appellent la Hogra, un terme générique pour désigner autant le mépris que ce régime politique.
Un système qui nourrit une mafia politico-financière qui table sur le clientélisme, le népotisme et la corruption grâce à la manne financière.
Pendant que les opportunistes et prédateurs de tous bords s’affairent autour de l’immense mangeoire qu’est devenu ce pays, des milliers de jeunes risquent leur vie à travers la mer Méditerranée. D’autres, désespérés vont s’immoler devant les institutions de la république.
L’immolation
En Algérie, ils sont nombreux à se suicider par le feu.
L’immolation, drame de la désespérance s’il en est, peut conduire les survivants derrière les barreaux.
Et oui, après les amendements proposés au Code pénal algérien en 2008, à propos de « la sortie illégale du territoire national » passible d’une peine pouvant aller à six mois de prison, le gouvernement y a rajouté la poursuite en justice de toute personne suicidaire, qui sortira indemne de son immolation !
« Des nouvelles instructions ont été données aux différents services de sécurité de procéder à l’interpellation de tous les candidats téméraires à l’immolation et le suicide et sa présentation devant la justice. »
La peine encourue est de 3 à 4 ans de prison ferme. La durée d’emprisonnement est divisée par deux pour le cas de « suicidaire » mineur au moment des faits. Cette mesure coercitive est d’ores et déjà appliquée.
Avis donc aux désespérés tentés de s’immoler, si par malheur ils survivent, la loi algérienne ne leur fera pas de cadeaux ! Aucune empathie officielle pour ces citoyens conduits au désespoir par une politique économique et sociale désespérante.
Hicham habitait Tiaret, à 350 km de la mer. Il avait 22 ans. C’était un beau jeune homme qui aimait rire avec ses copains. Seules restent de lui des photos.
Il fait partie de la centaine d’immolés annuels par le feu en Algérie.
Sa famille vit dans un des quartiers pauvres de la ville de Tiaret.
Dans leur deux pièces de tôle et de brique, il dormait sur un matelas en éponge sur le sol. Il y vivait avec sa sœur et sa mère et seul son maigre revenu de vendeur de rue à la sauvette les faisaient vivre. Sa sœur titulaire d'une licence en Lettres ne trouvait pas d’emploi.
Il tenait un étal en rue où il vendait des lunettes. Mais un jour le flic a été plus coriace que d’habitude et a voulu l’embarquer. Hicham a couru chercher une bouteille d’essence. Le flic goguenard l’a nargué « allez vas-y immole-toi si tu es un homme » raconte sa sœur dans le film de Jean Rémi ‘Les immolés d’Algérie’.
Le jeune homme s’est enflammé au milieu des passants. Hicham va décéder à l’hôpital après 5 jours d’agonie. Aucun responsable politique ne va se déplacer ni soutenir sa famille. Mépris total. Suite à son enterrement des milliers d’Algériens manifestent leur colère contre le pouvoir et la police. Les émeutes en son hommage vont durer un mois mais seules quelques images vont en filtrer sur internet.
« Cela s’est embrasé plusieurs fois, plusieurs jours de suite mais les autorités on étouffé l’affaire. Ils ont bloqué les routes autour de la ville et la voix des manifestants s’est tu », explique tristement sa sœur. Elle accuse texto la Hogra de l’avoir tué. Ce mépris généralisé chez les policiers et toutes les autorités.
Dans un pays où le pétrole rapporte 70 milliards de dollars par an la mal-vie, la précarité et le désespoir poussent de nombreux Algériens à s’immoler par le feu.
Leur nombre dont seule la presse privée fait le décompte macabre est proprement scandaleux. Les émeutes systématiques sont réprimées.
Si en Tunisie, l’immolation de Mohamed Bouazizi avait enflammé le pays et fait tomber le régime de Ben Ali, en Algérie les immolations en place publiques ont commencé en 2004 mais seules en témoignent quelques images et vidéo amateurs sur internet. Ces torches humaines racontent les misères d’un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde.
Plus de 3 millions d’Algériens survivent dans des bidonvilles pendant que de nombreux enfants vivent dans les déchetteries comme celle de Aïn Smar à Alger.
Rescapés du feu
Hamidou a 26 ans, il a survécu à son immolation. Il est brûlé au 3ème degré sur plusieurs parties du corps. Il vit aussi dans un bidonvilles près de Mostaganem, une ville en bord de la mer Méditerranée.
« Quand je me suis vu enflammé je me suis évanoui, raconte t-il dans le film de J. Rémi, à l’hôpital j’ai sombré dans une sorte de coma pendant deux semaines. »
Tout son corps a été brûlé sauf ses yeux. Sa famille s’entasse dans une pièce unique dans un taudis. Une promiscuité banale en Algérie.
À Mostaganem, les immolations sont courantes : 16 en 2011 et 4 au début de 2012 d’après la Ligue des Droits de l’Homme. Aucun des jeunes de ce quartier ne travaille car « ici tout marche au piston, pas de piston pas de travail, déclare un jeune dans le film de J.Rémi. Si tu veux vendre des chaussettes au bord du trottoir la police te fait dégager, on ne nous laisse pas nous débrouiller pour survivre. »
Survivre à une immolation n’est que le début d’un long cauchemar, à Chelef, depuis 3 ans Aïcha maintient son mari Mohamed en vie grâce à une recette de cuisine à base de cire d’abeille et d’huile d’olive. Elle prépare deux fois par semaine cette crème qui leur coûte très cher : près de 1 million de dinars c’est-à-dire 100 euros tous les 4 jours payés par les revenus du père de Mohamed et de l’aide de voisins et de bonnes gens solidaires.
Mohamed a 28 ans. Il ne peut plus bouger et souffre continuellement. Sa femme et sa mère le couvrent de pommade tous les jours depuis 3 ans. Là aussi aucune aide des autorités algériennes.
Maladie sociétale
Quand ils sortent de leur silence méprisant, ces autorités accusent les suicidés par le feu de malades mentaux. Assertion mensongère que les parents de Rachid ont dénoncé. La famille du jeune homme a affirmé qu’il ne souffrait d’aucun trouble mental et ses amis ont indiqué que le chômage était la cause de son suicide.
Rachid, 23 ans s’était aspergé de cinq litres d’essence avant de se bouter le feu à Bejaïa. Transporté d’urgence à l’hôpital de Sétif à l’est d’Alger, le jeune homme est décédé.
En décembre 2013, Kamel Falek, 30 ans a aussi voulu s’immoler par le feu, du haut du mur du siège de la sûreté urbaine d’El Mehmel, commune située à 7 kilomètres de la ville de Khenchela. En s’aspergeant d’essence et en se mettant le feu avec un briquet ce jeune homme entendait aussi protester contre la situation de précarité dans laquelle il se trouvait. Il s’agissait là du quatrième cas d’immolation par le feu devant un siège dépendant des services de la sûreté de Khenchela depuis le mois d’août 2013.
Parmi les 889 tentatives de suicide enregistrées dans le département de Tizi Ouzou, en Kabylie ces cinq dernières années, 355 cas, soit 40 % sont le fait de chômeurs, jeunes, dans la tranche d’âge entre 20 à 40 ans.
De tels drames, la télévision et les autres médias de l’État n’en parlent pas. Motus et bouches cousues devant ces torches humaines.
Vouloir faire passer l’immolation sous le chef de maladie mentale, c’est discréditer et disqualifier ce geste de protestation ultime mais surtout vouloir lui nier sa portée politique. Une tactique des nantis au pouvoir pour se dédouaner de leur responsabilité et rejeter la faute sur la victime.
En France, on connaît la culpabilisation des chômeurs, voila celles des immolés en Algérie ! La multiplication des cas d’immolation par le feu nous semble quand même révélatrice d’une pathologie sociale, en tout cas celle de société autoritaire ou dictatoriale.
Là où la personne en souffrance, au chômage, sans revenus décents n’arrive plus à se faire entendre par les voies normales.
Comment protester alors face aux inégalités sociales et à l’injustice quand tout est verrouillé ?
N’est-ce pas là une ultime et horrible façon qui reste aux exclus et aux opprimés pour exister dans l’espace public au mépris de leur vie ? 8
Les scandales de corruption sous l'ère Bouteflika
L’ouverture par la justice d’une enquête visant la Sonatrach veut à elle seule dire beaucoup de choses. Cette décision a été prise alors que le chiffre d’affaire de la compagnie nationale d’hydrocarbures atteint des records. Lorsque Bouteflika arrive au pouvoir en 1999, les prix du pétrole sont peu élevés et la situation économique est pour le moins délicate, voire chancelante. Avec l’explosion des tarifs du brut mais aussi du gaz, la Sonatrach a pu, en 13 ans seulement, engranger presque 700 milliards de dollars. Des chiffres qui donnent le tournis aussi bien aux voisins de l’Algérie qu’à l’Europe qui auraient bien aimé disposer de telles richesses. L’argent accumulé a été utilisé en partie pour financer les importations de la période, rembourser la dette qui s’élevait à 40 milliards de dollars, et le reste, autrement dit, plus de 200 milliards, sont conservés comme réserves de changes.
Cet afflux massif de capitaux a provoqué selon la justice, mais également selon certains observateurs, une explosion de la corruption à tous les étages et plus majoritairement au sommet. Pour le président de l’association algérienne de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj, interrogé par l’AFP, « les prix du pétrole ont explosé durant les 15 années de pouvoir de Bouteflika. La manne pétrolière est à l’origine de l’expansion de la corruption ». D’après lui « des proches du cercle présidentiel et du système en général sont impliqués à différents niveaux » chiffrant lui même le détournement aux alentours de 60 milliards de dollars. Mais si concrètement, personne ne sait réellement combien ont été empochés et par qui, il n’en reste pas moins que les faits sont avérés et que la justice entend visiblement mettre les choses au clair. La multiplication des enquêtes sur des affaires de corruption est d’ailleurs une chose mis en avant par l’équipe du président qui assure que tout est fait pour endiguer le phénomène et décourager les personnes susceptibles d’y participer.
De Khalifa à…
Un des plus gros scandales de corruption qui a éclaté en Algérie sous l’ère Bouteflika est sans aucun doute celui qui concerne Rafik Khalifa. Fils de l’ancien ministre de Ben Bella, Laroussi Khalifa, qui fut également fondateur de la sécurité militaire puis PDG d’Air Algérie, il a construit un véritable empire à partir du milieu des années 90. C’est en 1998 que les affaires commencent vraiment à lui sourire. Après avoir fait ses armes dans la vente de médicaments, il obtient suffisamment d’argent pour fonder une banque privée ; la El Khalifa Bank est née.
Très vite cela ne suffit pas à celui qui a l’ambition de devenir milliardaire. Profitant de l’ouverture du marché aérien algérien au privé il se lance et promet de concurrencer Air Algérie. 30 appareils, presqu’un million de passagers, c’est une véritable réussite mais Rafik Khalifa voit plus loin et encore plus grand. Certains lui reprocheront même plus tard un excès de mégalomanie. Il crée une agence de location de véhicules, puis lance sa propre chaîne de télévision, Khalifa TV et enfin il n’hésite pas à tout faire pour être le sponsor des plus grandes équipes de football. Mais face à cette apparente réussite, des soupçons se portent rapidement sur le Golden boy algérien. Fin 2002 un certain nombre de transferts de capitaux sont bloqués par la Banque d’Algérie qui constate des irrégularités. Puis très vite, des collaborateurs de Khalifa sont arrêtés, auditionnés et présentés devant la justice. C’est à ce moment là que l’empire de Khalifa s’effondre. C’est tout un système mafieux de détournements de fonds qui est mis au jour. Des dizaines de millions d’euros transférés à l’étranger, une centaine de complices et plus d’un milliards de dollars de pertes pour l’État algérien et les épargnants.
D’autres scandales éclateront par la suite mais les tentatives d’étouffement des affaires fonctionneront relativement bien jusqu’en 2009. Puis cette année-là une nouvelle affaire de corruption éclate au grand jour et elle concerne directement celui qui a été ministre de l’Énergie pendant près d’une décennie, Chakib Khelil. Il est accusé, outre d’avoir détourné de l’argent, d’avoir faussé un certain nombre d’appels d’offres concernant des société étrangères. La justice algérienne attendra 2013 pour ouvrir une enquête, laissant plus de 4 ans au ministre concerné pour prendre ses bagages et quitter le territoire. Selon Alger, qui a émis un mandat d’arrêt international, Khelil est impliqué dans une affaire concernant des marchés que la Sonatrach aurait accordé à une firme italienne. En même temps qu’éclate l’affaire Khelil, c’est le scandale dit « de l’autoroute est-ouest » qui est dévoilé. Des très hauts responsables du ministère des travaux publics sont accusés d’avoir bénéficié de pots-de-vin durant la construction du projet. Aujourd’hui cette affaire prend d’autant plus d’ampleur que l’autoroute connaît déjà d’importants dégâts alors même qu’elle était censée être construite avec des matériaux solides. Alors qu’au départ le projet était estimé à 7 milliards de dollars c’est finalement plus de 13 milliards qui vont être dépensés. Une chose est certaine pour la justice, même avec des surcoût notables, il est impossible que la construction atteigne des niveaux de prix si élevés.
…Saïd Bouteflika !
En février 2014, alors que l’élection présidentielle approche, c’est une nouvelle polémique qui émerge.
Hichem Aboud, écrivain mais également ancien agent du renseignement, accuse Saïd Bouteflika, le frère du président d’être au cœur d’un vaste réseau de corruption et de trafic de drogue. Dans une lettre qui ne devait au départ pas être rendue publique, Aboud demande au principal intéressé de répondre et de se justifier quant aux faits avancés. Une multitude d’accusations ont été faites à commencer par l’implication supposée de Saïd Bouteflika dans des détournements de fonds publics provenant de l’exploitation pétrolière. D’après les propos d’Hichem Aboud, le frère du président disposerait d’un compte en Suisse plutôt bien rempli puisque les sommes déposées atteindraient plus de 9 milliards de francs suisses. Il serait également infiltré dans le trafic de drogue entre le Maroc et l’Algérie profitant ainsi de la manne financière de ce commerce illégal. Mais ce n’est pas tout Aboud va plus loin dans les accusations. Selon ses informations, comme il les appellent, Said Bouteflika aurait des mœurs pour le moins dissolus, qu’il s’agisse de consommation de stupéfiant, d’alcool ou de pratiques sexuelles.
La guerre des clans
Face à ces propos Saïd Bouteflika a été très clair, il portera plainte. Après avoir gardé le silence pendant plus d’une décennie, le frère du président a décidé de s’exprimer en février 2014 car selon lui, à travers ces accusations, c’est directement la personne du chef de l’État qui est visé. « Les accusations portées sont tellement graves qu’elles ne touchent plus uniquement à ma personne, mais portent atteinte à tout un peuple qui n’accepterait pas que le frère du président puisse avoir de tels comportement » a déclaré Saïd Bouteflika au site d’information algérien TSA. La sortie d’Hichem Aboud ne doit selon certaines personnes rien au hasard, bien au contraire. Elle s’inscrirait dans ce que les observateurs appellent la guerre des clans qui avait éclaté quelques semaines auparavant au grand public suite aux propos du secrétaire général du FLN sur le général Toufik. Amar Saïdani avait appelé le très puissant chef du Département du renseignement et de la sécurité, DRS, à se retirer. Cette guerre entre ceux favorables à un quatrième mandat du président et ceux qui y étaient opposés n’était donc visiblement pas terminée, loin s’en faut, quitte à sortir les dossiers de corruption au grand jour.
Avec la réélection de Bouteflika en 2014, un certain nombre de personnes s’inquiètent. Elles craignent de voir le système de corruption perdurer, d’autant plus qu’Abdelaziz Bouteflika ne semble plus être en mesure de contrôler quoique ce soit sur ces dossiers. D’autres en revanche, voient à travers la révélation des scandales, une volonté politique de lutter contre le fléau et restent certains que le chef de l’État fera tout pour mettre les responsables en prison. Une chose reste néanmoins sûre, les affaires de corruption dévoilées ne représentent que la face émergée de l’iceberg. 9
Abdelaziz Bouteflika a été réélu pour la première fois le 8 avril 2004 en obtenant 84 % des voix.
8 avril = 8 4
84 = 1984
Le roman 1984 dénonce le TOTALITARISME.
Le chef-lieu du département 84 est Avignon dont la maire est Cécile HELLE.
« HELL » signifie « ENFER » en anglais.
Bouteflicka était comme le diable, il était invisible durant ces dernières années au pouvoir mais c'était pourtant bien lui qui dirigeait officiellement l'Algérie.
2004 = 20 04
Adolf Hitler est né un 20 04.
Le 8 avril 2004 symbolise ainsi le TOTALITARISME.
8 avril 2004 = 8x4x2004 = 64128
64128 est le code commune de BILHÈRES dans les Pyrénées-Atlantiques.
Le maire de BILHÈRES est Bernard Bonnemason : ses initiales sont B B.
B B sont également les initiales de Big Brother : la figure emblématique du régime TOTALITAIRE dans le roman 1984.
BILHÈRES = LIBÈRE HS
Dieu transmet au peuple algérien le message suivant : « LIBÈRE-toi de ce régime TOTALITAIRE ! ».
La classe politique algérienne est complètement H.S.(Hors Service), elle est carbonisée, donc Dieu appelle le peuple algérien à s'unir pour renverser ce pouvoir TOTALITAIRE.
22 février 2019 : le peuple algérien applique le message de Dieu
À la fin de l’année 2018, le quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika arrivait son terme. Au pouvoir depuis vingt ans, il était devenu impotent et muet depuis 2013, suite à un AVC. La nouvelle génération n’avait jamais entendu le son de sa voix, et l’avait surnommé « la momie ». Pourtant, certains envisageaient la prolongation de ce quatrième mandat et le report des élections prévues pour le 18 avril 2019. Cette option fut abandonnée et les élections furent maintenues.
Le 9 février 2019, à Alger au cours d’une cérémonie retransmise en direct à la télévision, les partis de l’alliance présidentielle, le FLN et le RND, lançaient la campagne de Bouteflika. En l’absence de ce dernier, des milliers de personnes, censées être ses partisans, s’inclinèrent devant son immense portrait placé à côté de tout un gratin de dirigeants.
Cette annonce et sa mise en scène provoquèrent stupéfaction et dégoût !
Quelques jours plus tard, à Khenchala dans les Aurès, des milliers de personnes se rassemblèrent devant la mairie pour protester contre la décision du maire de parrainer la candidature de Bouteflika. Les manifestants décrochèrent le portrait géant du président. Même scène à Annaba, le jour suivant, où son portrait était cassé et piétiné. Le 16 février, une manifestation d’ampleur eut lieu à Kherrata, contre le pouvoir et le cinquième mandat.
Sur les réseaux sociaux, un appel à manifester était lancé pour le vendredi 22 février, après la prière. À Alger, ce jour-là, alors que les forces de police étaient présentes en nombre, des dizaines de milliers de jeunes bravèrent l’interdiction. L’immense portrait de Bouteflika accroché près de la Grande poste était à son tour arraché.
À partir du 22 février, l’Algérie a vécu au rythme d’un mouvement populaire, le plus important depuis son indépendance. Des millions de personnes sont descendues dans la rue, pour dire Non à un cinquième mandat de Bouteflika ! Le 2 avril, face à la pression populaire, Bouteflika démissionnait. C’était trop peu et trop tard. Le mouvement populaire s’est transformé par la suite en un mouvement contre tout le système. Le peuple algérien demande désormais des comptes à ses représentants qu’il accuse, à juste titre, d’avoir pillé les richesses du pays et multiplié les marques de mépris à son égard.
Il estime qu’on lui a volé son indépendance, et que les sacrifices consentis lors de la guerre d’indépendance ont été détournés et utilisés au profit d’une minorité. Aussi réclame-t-il une « seconde indépendance ».
Dès les premiers mois du mouvement, les aspirations démocratiques se sont exprimées avec force. Et si les aspirations sociales sont restées à l’arrière-plan, elles ne demandent aujourd’hui qu’à s’exprimer.
En France, le gouvernement, qui avait été prompt à déclarer illégitime le gouvernement de Maduro au Venezuela, a apporté son soutien au régime autoritaire algérien.
Pour tenter d’étouffer toute contestation, le spectre de la décennie noire et des guerres consécutives au printemps arabe, en Libye, en Syrie et au Yémen, était brandi par le pouvoir, tout comme la menace d’une intervention étrangère. « C’est nous ou le chaos ! » Ce chantage, le pouvoir en usa et abusa.
Une candidature qui déclenche la révolte
En février 2019, ce chantage n’a plus fonctionné auprès des jeunes de moins de 25 ans, qui représentent près de la moitié de la population. Oui, c’est la jeunesse qui a été aux avant-postes du mouvement populaire. En partie organisée autour des clubs de supporters, celle des quartiers populaires a été un des fers de lance de la contestation.
Depuis plus d’un an, les chants des supporters dénonçaient le mépris du pouvoir et l’absence d’avenir qui s’offre à elle. Comme le disait l’un d’eux : « On a voulu nous éloigner de la politique en nous enfermant dans les stades, et c’est là qu’on s’est politisés. »
La casa d’El Mouradia, chant des supporters de l’Union sportive de la Medina d’Alger, est devenu un des hymnes de la révolte. Il s’inspire de la série La Casa de Papel, El Mouradia étant le palais présidentiel. C’est le bouleversant cri de colère et de désespoir d’une jeunesse qui évoque la drogue, ses « vies perdues » et le dégoût que lui inspirent le système et les mandats de Bouteflika.
Il dit : « Le premier mandat, disons qu’il est passé, on nous a dupés avec la décennie noire… Au bout du deuxième, c’est devenu clair, l’histoire de la casa d’El Mouradia. Au troisième, le pays s’est amaigri, dévoré par les intérêts privés. Au quatrième, la poupée est morte, mais l’affaire suit son cours. » Et il se conclut par (c’était en 2018) « Le cinquième va suivre, entre eux l’affaire est conclue. »
Oui, l’affaire semblait conclue. Les tenants du régime aspiraient tous au statu quo. Bouteflika avait permis au pouvoir de surmonter bien des crises. Grâce aux réserves de change, la chute importante des prix du pétrole survenue en 2014 au début de son quatrième mandat n’avait pas provoqué une situation catastrophique comparable à celle du Venezuela. Bouteflika avait été un facteur de stabilité pendant vingt ans. Alors, faute de trouver un candidat qui fasse le consensus entre les différents clans au pouvoir, pourquoi ne pas le reconduire cinq années de plus ?
Mais voilà, cette candidature déclencha la colère. Aveuglés par leur mépris de classe et leur avidité, les dirigeants du pays ont ignoré les sentiments populaires, oubliant qu’une dignité piétinée peut-être un puissant facteur de révolte.
Ils ont été sourds à la colère qui s’exprimait dans les stades, et qui faisait écho à toutes les colères jusque-là étouffées.
Car, si cette révolte a surpris tout le monde, elle était pourtant prévisible, tant les colères multiples s’étaient accumulées.
La mal-vie : cette expression résume le quotidien des classes populaires, qui s’est dégradé avec la détérioration des services publics. Plus de 300 000 postes y ont été supprimés depuis 2016, alors que la population a augmenté d’un million d’habitants par an. Les écoles sont surchargées, les services de ramassage des ordures sont dépassés. Le système de santé est à l’abandon, les personnels de santé doivent travailler dans des conditions lamentables et pour des salaires de misère. La santé gratuite est un lointain souvenir de l’époque Boumédiène et, faute d’argent, nombreux sont ceux qui renoncent aux soins médicaux et dentaires. Ce n’est pas un problème pour les riches, qui peuvent se soigner à l’étranger.
Malgré des sentiments religieux très partagés, de nombreux Algériens ont été choqués que Bouteflika dépense trois milliards de dollars pour construire la troisième plus grande mosquée au monde, alors que la capitale n’est pas équipée en hôpitaux dignes de ce nom.
La jeunesse, de plus en plus formée et éduquée, est confrontée à la précarité, à un chômage de masse et à des salaires de misère. Le salaire minimum est de 18 000 dinars, soit 130 euros au cours officiel ; au cours réel cela représente 90 euros. Et encore, de nombreux travailleurs, en particulier des femmes, sont payés bien en dessous de cette somme.
À cette mal-vie s’ajoute l’absence de liberté sur le plan des mœurs, dans une société où le poids de la religion fait régner toutes sortes d’interdits, qui pèsent en particulier sur les femmes.
Le pouvoir y est pour beaucoup, lui qui a imposé des cours de religion dès l’école primaire et qui n’a pas abrogé le Code de la famille. Les relations hors mariage entre hommes et femmes non mariés sont illicites. L’avortement est interdit et bien des médecins exigent des femmes un livret de famille pour leur délivrer un moyen contraceptif. À l’hôtel, un couple doit présenter un livret de famille sous peine d’être refoulé. Là aussi, la jeunesse dorée des beaux quartiers a les moyens, avec son argent et ses relations, de contourner tous ces interdits.
Les multiples marques de mépris ont aussi alimenté la colère. Celles du Premier ministre Ouyahia sont significatives : il n’avait pas hésité à qualifier de « traîtres à la nation », les harragas, ces jeunes qui traversent la Méditerranée dans des embarcations de fortune. Des centaines d’entre eux se sont noyés, et ceux qui ont été repêchés par les autorités ont été condamnés à des peines de prison.
Pour imposer son plan d’austérité, il a dit, avec toute l’arrogance dont il était capable : « Affame ton chien, il te suivra ! » Et enfin, face aux protestations qui s’exprimèrent suite à l’augmentation des produits laitiers, il a déclaré : « Le peuple peut bien se passer de yaourt. »
Mais, en juin 2018, des Algériens lui ont rendu la monnaie de sa pièce : ils étaient un certain nombre à lui réserver un comité d’accueil à la prison où il était incarcéré, pour lui lancer des pots de yaourt !
L’épidémie de choléra qui a sévi dans plusieurs villes en 2018, vingt-deux ans après les derniers cas recensés, a été un choc. Un habitant témoignait : « Après l’annonce de l’épidémie, nous nous sommes sentis humiliés. » Le gouvernement est resté quinze jours à minimiser l’étendue de la contagion, sans annoncer aucune mesure. En visite à l’hôpital de Blida où étaient soignés des malades, le préfet, manifestement ignorant de la manière dont se transmet la maladie, n’est pas rentré dans le bâtiment : il est resté à l’extérieur, loin derrière la grille, pour parler à une patiente. Il a même a ordonné aux soignants de ne surtout pas ouvrir les portes, de peur d’être contaminé ! La vidéo de cette scène a été partagée de façon virale sur les réseaux sociaux. Suite aux protestations qu’elle a suscitées, le préfet a été limogé.
Un système au service des classes dominantes
Si les travailleurs et les classes populaires payent durement la crise, la bourgeoisie, elle, a continué à prospérer. L’Algérie de Bouteflika, avec sa rente pétrolière de 1 000 milliards de dollars en quinze ans, a été un coffre-fort à ciel ouvert où les privilégiés se sont allègrement servis, concédant quelques miettes aux classes populaires. L’État a été la vache à lait du patronat algérien et des multinationales.
Au premier rang de ces multinationales, on trouve les compagnies pétrolières, comme Total ou Shell, qui ont aujourd’hui des vues sur les immenses gisements de gaz de schiste. Des forages ont recommencé, malgré leur arrêt en 2017 suite à la mobilisation des habitants des oasis, des éleveurs et des exploitants des palmeraies, qui craignent la pollution d’une des plus grandes nappes souterraines au monde.
C’est le carburant bon marché qui a fait de l’Algérie un des principaux marchés automobiles du continent. Tous les grands groupes comme Nissan, Renault, Hyundai, ont pu s’y implanter à condition de faire du montage sur place. Au nom de la création d’emplois industriels, toutes sortes d’avantages leur ont été attribuées. Les grands groupes en ont profité, ainsi que leurs relais locaux. Ainsi Rachid Tahkout est devenu grâce à ses relations avec Bouteflika l’intermédiaire incontournable de Hyundai en Algérie.
Tahkout faisait venir des voitures complètement montées et, en fait de montage sur place, il ne restait plus que les roues à monter. Il se moquait du montage automobile et des emplois industriels, seul comptait le montant des commissions qui allaient dans sa poche.
Avec une rente pétrolière qui battait des records, les importations ont explosé. Mais il est impossible d’avoir accès aux circuits d’importation sans arroser des hommes haut placés.
Pour financer les pots-de-vin et s‘assurer des marges conséquentes, les intermédiaires pratiquent une surfacturation de l’ordre de 10 à 20 % du coût des marchandises. On estime que, chaque année, plus de deux milliards de dollars de commissions quittent le pays pour aller dans des comptes en Suisse. Cela correspond à la construction de quatre grands hôpitaux modernes.
Des fortunes colossales se sont édifiées dans l’import-export, ou plutôt dans l’import-import, comme le disent avec humour les Algériens, car si les containers arrivent pleins, ils repartent souvent vides.
Ali Haddad, l’ex-patron des patrons, classé dans le top 5 des personnalités les plus riches d’Algérie, a fait fortune grâce aux liens personnels qu’il entretenait avec Bouteflika. Il a obtenu des marchés publics : la construction de routes et de lignes de chemin de fer, la distribution des véhicules Toyota et l’assemblage des camions Astra. Il possède plusieurs quotidiens, ainsi que les chaînes de TV.
Même le milliardaire Issad Rebrab, patron du groupe Cevital, autrefois professeur de comptabilité, ne serait pas devenu la première fortune d’Algérie sans les monopoles que ses amis au pouvoir lui ont attribués sur les importations de produits de grande consommation, le rond à béton, puis le sucre et l’huile. Grâce à cela, il a pu étendre ses activités dans d’autres secteurs et dans le monde entier.
Une bourgeoisie plus nombreuse et plus riche a émergé en Algérie, qui doit son enrichissement à sa position d’intermédiaire dans le commerce avec les puissances impérialistes et aux liens entretenus avec des ministres, des hauts fonctionnaires, des officiers de haut rang.
La corruption
Cet enrichissement rapide s’est accompagné de nombreux scandales de corruption qui ont éclaté à la faveur de règlements de comptes entre clans rivaux. Aussi un des slogans les plus repris des manifestants est « Vous avez pillé le pays, bande de voleurs ! »
Le scandale de la construction de l’autoroute Est-Ouest qui relie Oran à Constantine figure en bonne position. Ce projet, d’un montant initial de 4 milliards de dollars, a coûté au final 18 milliards. De multiples intermédiaires ont été arrosés, et l’islamiste Amar Ghoul, membre du MSP et ministre des Travaux publics de 2002 à 2013, est accusé d’avoir empoché un quart des pots-de-vin.
En tant qu’ancien ministre de l’Énergie et ex-président de la Sonatrach (la société nationale des hydrocarbures), Chakib Khelil avait son mot à dire sur toutes les transactions conclues avec les grandes compagnies internationales. Selon les Panama papers, il aurait détourné 1,5 milliard de dollars. Le mandat d’arrêt international émis contre lui en 2014 a été annulé pour vice de forme, le juge qui avait instruit l’affaire a été muté et le procureur général limogé. L’impunité dont bénéficiaient tous ces hommes n’a fait que rajouter l’écœurement à la révolte.
Mais le patronat n’en a jamais assez. Ses profits, il les réalise avant tout sur l’exploitation des travailleurs. Il prêche l’austérité et la fermeté face à des travailleurs qu’il traite de fainéants et de parasites et qu’il accuse de mettre l’économie en péril.
Il convoite l’argent que l’État consacre aux dépenses sociales, à la santé et aux retraites. Il voudrait que l’État revienne sur la gratuité en matière d’éducation, et que cessent les subventions aux produits de large consommation comme le pain, la farine, le lait, l’huile et le sucre, ou encore la construction et la distribution de logements sociaux. Les patrons ont baptisé avec haine « primes à l’émeute » toutes ces concessions faites sous la pression des classes populaires.
La loi de finances de 2018 s’est attaquée aux retraites des travailleurs. Une mobilisation des travailleurs du secteur public avait contraint le gouvernement à reporter son application. Dans celle de 2019 était annoncée une démolition du Code du travail, pourtant si peu respecté par les patrons. Le gouvernement attendait avril 2019 et la réélection de Bouteflika pour en révéler le contenu et passer à l’offensive.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’annonce de la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat.
Mars-avril 2019 : un mouvement de masse
Cette annonce a fait l’unanimité contre elle. Dans des cortèges impressionnants réunissant des millions de personnes, elle a réussi à fédérer toutes les générations, toutes les catégories sociales, dans toutes les régions du pays. Le pacifisme des manifestations, l’ambiance fraternelle qui y régnait, les consignes d’appel au civisme des manifestants, relayés et respectés par tous, ont été pour beaucoup dans le succès des manifestations.
Les femmes occupent une place grandissante dans l’espace public, dont elles avaient été chassées durant la décennie noire. Si aujourd’hui seules 20 % d’entre elles ont un travail, les plus jeunes, qui aspirent à plus d’indépendance, ont massivement investi les universités, et elles ont été très nombreuses à contribuer au dynamisme des manifestations étudiantes du mardi. Mais les femmes les plus conscientes savent qu’elles doivent rester vigilantes face à un conservatisme qui n’a toujours pas disparu à leur égard.
Aussi, face à tous ceux qui veulent les faire taire, on ne que peut saluer leur courage et leur apporter tout notre soutien. Car, en Algérie comme ailleurs, il n’y aura pas d’émancipation sans émancipation de la femme !
Oui, toutes les colères enfouies jusque-là sont ressorties. Celles des personnes handicapées livrées à elles-mêmes, des défenseurs de l’outarde houbara, un grand oiseau protégé du Sahara, que les princes du Golfe venaient chasser l’hiver sous la protection de Bouteflika. C’est aussi la colère des architectes qui se retrouvent au chômage avec l’arrêt des grands chantiers, des chercheurs, des employés communaux, des pompiers, des étudiants, des enseignants, des retraités de l’armée maltraités par le pouvoir, des avocats, des huissiers, des agriculteurs et ouvriers agricoles, des familles des victimes de la guerre civile qui veulent que les bourreaux soient enfin jugés. Chaque jour, durant les mois de mars et avril, à Alger, la place de la Grande poste, lieu de rendez-vous de toutes ces colères, n’a pas désempli.
Dans les manifestations, tous les hommes du système étaient conspués, les plus détestés étant le frère du président, Saïd Bouteflika, et Ouyahia, alors Premier ministre. Celui-ci a bien tenté de dissuader les manifestants en brandissant la menace de la guerre civile : « On offre des roses aux policiers, c’est beau ! Mais vous savez, en Syrie aussi ça a commencé avec des roses. » Et les manifestants lui ont répondu : Pacifique ! Signifiant que la violence n’était pas de leur côté.
Haddad le patron des patrons, les partis au pouvoir, le FLN et le RND eux aussi ont été aussi conspués. Tous les leaders des partis dits d’opposition, des islamistes aux démocrates, ont été éjectés des manifestations. Ils se sont tous discrédités par leur soutien direct ou indirect à Bouteflika. Méfiants et distants du mouvement à son déclenchement, ils ont tenté de prendre le train en marche. Même Louisa Hanoune, la secrétaire du Parti des travailleurs, a été éjectée, elle a été huée et conspuée en raison de sa proximité avec le pouvoir.
De nombreuses pancartes et slogans visaient aussi Sidi Saïd, le dirigeant de l’UGTA, détesté des travailleurs pour le soutien total qu’il a apporté au régime. L’année d'avant par exemple, lors d’une grève qui s’est généralisée dans l’éducation, suite à la décision de la ministre de radier 22 000 enseignants, il les avait accusés de vouloir déstabiliser le pays.
Les travailleurs dans la mobilisation
Malgré des syndicats corrompus, la mobilisation a touché les entreprises. Il n’est pas facile de savoir ce qui s’y est passé et ce qui s’y passe, car la presse en a très peu parlé. Les journalistes, eux-mêmes mobilisés contre la censure, étaient souvent plus prompts à couvrir les rassemblements d’avocats qu’à rendre compte des grèves d’ouvrières du textile ou d’ouvriers du pétrole. Ce qui est sûr c’est que les travailleurs ont participé massivement aux marches du vendredi. Comme ils ont contribué, en mars et avril, au succès des grèves générales répétées dans le secteur public suite aux appels lancés sur les réseaux sociaux.
À des degrés divers, enseignants, postiers, employés du gaz, travailleurs des ports, employés des diverses administrations ont répondu à un moment ou un autre à ces appels, et à ceux plus ponctuels de syndicats corporatistes. Certaines villes de province, comme Béjaïa ou Bouïra, ont été traversées par des cortèges massifs de travailleurs contre le cinquième mandat. Dans la grande zone industrielle de Rouïba à l’est d’Alger, les travailleurs de la SNVI ont réussi à faire débrayer de nombreuses autres entreprises de la zone, y compris du privé comme Pepsi, Coca-Cola, LU. De nombreux travailleurs ont exigé le départ de Sidi Saïd, le dirigeant de l’UGTA.
Tout en étant convaincus que la priorité était de « dégager » le système, bien des travailleurs, encouragés par le Hirak (le mouvement en arabe), ont été amenés à poser leurs revendications. Localement, des grèves ont éclaté pour des augmentations de salaire, contre des sanctions, pour la « permanisation » des emplois, c’est-à-dire l’embauche à temps indéterminé. Elles ont visé aussi des directions autoritaires dont ils subissent le mépris quotidien et que les travailleurs considèrent comme la base du système. Des grèves, des sit-in ont été organisés dans un certain nombre d’entreprises pour dégager des bureaucrates locaux et exiger le renouvellement des comités de participation (CP, équivalents de nos comités d’entreprise) ou des sections syndicales soumises au directeur.
Dans certains endroits, des grèves ont duré parfois plusieurs semaines, comme celle de Sonelgaz, ou celle des travailleurs de Tosyali à Oran, où les 4 000 travailleurs ont entre autres obtenu l’embauche des contractuels.
En octobre 2018, une grève des 5 000 travailleurs de GTP (Grands travaux pétroliers) des sites pétroliers de Hassi Messaoud et Hasssi R’mel avait été très vite interrompue et interdite par l’armée. Mais, dans le contexte du Hirak, leur grève pour des hausses de salaire et l’embauche des contractuels a duré près de trois mois. La décision de la direction de fermer les bases de vie, privant les grévistes d’accès à la cantine, a provoqué un élan de solidarité de la population locale qui les a pris en charge. La direction a dû rouvrir les bases de vie et céder à leurs revendications.
En tout cas, à partir du 10 mars, les appels à la grève générale et à la désobéissance civile lancés sur les réseaux sociaux ont été largement suivis. Les rideaux des commerçants sont restés baissés, les transporteurs ont suivi le mouvement. Les trains étaient à l’arrêt. Les rues de nombreuses localités et quartier populaires ont été sillonnées par des cortèges de lycéens et même de collégiens qui reprenaient les mêmes slogans que leurs parents. Dans toutes les universités, des assemblées générales massives d’étudiants appelaient à rejoindre le mouvement.
Le lendemain, le 11 mars, Bouteflika renonçait à un cinquième mandat et annonçait le report des élections. Les manifestants, toujours plus nombreux, refusaient en bloc ce prolongement du quatrième mandat. Ouyahia, le Premier ministre détesté, était remplacé par Bedoui. « Tu prolonges le mandat, on prolonge le combat ! » ont répondu les manifestants.
Le 26 mars, pour trouver une issue à la crise politique, Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, bras droit de Bouteflika pendant quinze ans, lui retira son soutien. Il proposait d’activer l’article 102 de la Constitution permettant la destitution du président en cas d’empêchement. C’était déclarer Bouteflika inapte... six ans après qu’un AVC l’a rendu incapable de parler. La manœuvre était dénoncée massivement par des millions d’Algériens dans les manifestations du 29 mars. Le 2 avril, Bouteflika présentait sa démission. C’était trop tard, elle apparaissait comme un manœuvre de plus afin de préserver le système. « Qu’ils partent tous ! » est devenu le slogan des manifestants.
Gaïd Salah, le chef de l’armée, annonça une élection présidentielle le 4 juillet, mais les manifestants continuaient de rejeter les trois hommes, appelés les « 3 B », chargés d’assurer le pouvoir et de préparer la transition politique.
Opération mains propres et règlement de comptes
Pour imposer cette élection présidentielle, Gaïd Salah, qui est devenu le nouvel homme fort du régime, s’est lancé dans une vaste opération mains propres. Tel un Bonaparte, il s’est posé en sauveur et protecteur du mouvement, il s’est servi du mouvement populaire pour régler ses comptes et justifier l’arrestation de ses rivaux. Il comptait ainsi asseoir sa position d’arbitre au sein de l’appareil d’État et réduire le mouvement en se ralliant l’opinion populaire.
Il a offert la tête de ceux que les manifestants conspuaient, généraux, ministres et grands patrons. Parmi eux, trois hommes autrefois tout-puissants : Saïd Bouteflika, frère du président, accusé d’avoir en coulisse dirigé le pays, et les deux ex-généraux Tartag et Médiène dit Toufik, ex-patrons du service du renseignement militaire (DRS). Ils viennent d’écoper de quinze ans de prison. Même peine pour Louisa Hanoune, la secrétaire générale du PT, à qui il est reproché d’avoir participé à une réunion avec Saïd Bouteflika et Mediène.
La prison d’El Harrach à l’est d’Alger est devenue une prison VIP qui accueille deux ex-Premiers ministres, Sellal et Ouyahia, des ex-ministres, des grands patrons, tels que Haddad le patron des patrons, Tahkout, le patron de Hyundai, le PDG du groupe SOVAC, les patrons du groupe Condor, et Rebrab, le patron de Cevital.
Vu l’impunité dont ils ont bénéficié pendant des années, l’arrestation de tous ces dirigeants a évidemment réjoui l’opinion populaire, et Gaïd Salah a dû marquer des points auprès de toute une fraction de la population, qui voyait là enfin des actes. Mais cela n’a pas été suffisant. Faute de candidats osant se présenter, Gaïd Salah a dû renoncer à l’élection présidentielle prévue le 4 juillet.
Fin juin, à l’approche des vacances, alors que l’ampleur des manifestations semblait se réduire, Gaïd Salah pensa donner le coup de grâce en utilisant l’arme de la division. Il décréta l’interdiction du port du drapeau berbère dans les manifestations, donnant l’ordre d’arrêter tous les porteurs de ce drapeau. Mais cette manœuvre n’a pas eu l’effet escompté.
Les braises du mouvement n’étaient pas du tout en train de s’éteindre. Vendredi 4 juillet, jour anniversaire de l’indépendance du pays, des marées humaines ont envahi les rues de toutes les villes pour réclamer une seconde indépendance, qui ne pouvait se réduire à l’arrestation de quelques gros bonnets.
Ce même mois de juillet, le mouvement populaire a été galvanisé par la coupe d’Afrique des nations. La liesse populaire qui s’est exprimée à chaque victoire de l’équipe nationale exprimait aussi la joie et la fierté d’être un peuple qui avait relevé la tête.
Gaïd Salah échoue à endiguer le mouvement populaire
Début septembre, Gaïd Salah a frappé du poing sur la table. S’appuyant sur son opération mains propres, il affirmait avoir répondu aux exigences populaires et annonçait une élection présidentielle le 12 décembre.
Il a placé un ex-ministre de Bouteflika à la tête de l’autorité « indépendante » chargée de superviser les élections, ce qui nourrit le sentiment que le système se protège pour que rien ne change.
Depuis, décidé à en finir avec le mouvement, Gaïd Salah a intimidé, menacé et réprimé. Des personnalités politiques connues ont été arrêtées, tel Karim Tabbou, dirigeant de l’UDS, pour entreprise de démoralisation de l’armée. Des militants, des journalistes ont été arrêtés, et même un jeune capitaine de la marine marchande pour avoir posté une vidéo sur Youtube, où il dénonçait le monopole d’une société émiratie dans la gestion des ports algériens. À chaque manifestation, des arrestations arbitraires ont effectuées. Certains ont été relâchés, d’autres incarcérés.
Bien que des manifestations avaient lieu chaque vendredi et mardi à Alger, la loi qui interdit d’y manifester n’a pas été levée. Loi promulguée d’ailleurs par Ali Benflis, ex-Premier ministre de Bouteflika, candidat à la présidentielle du 12 décembre, qui avait été éjecté des manifestations de mars.
Manifester, circuler, se réunir, s’exprimer librement n’est toujours pas acquis. Le vendredi, l’accès au centre de la capitale était rendu difficile par la suppression totale des trains de banlieue et par les barrages de gendarmes qui refoulaient les voitures de manifestants venus d’autres villes.
Pour imposer la tenue de l’élection présidentielle et pour justifier ces arrestations auprès de la population, Gaid Salah n’a pas hésité à affirmer que ces manifestants agissaient pour le compte de « la bande » et que c’est l’argent sale qui amplifiait les manifestations.
Les aspirations sociales
Malgré ces restrictions, le mouvement s'est poursuit. La détermination et l’ampleur des manifestations montraient que les menaces de répression ne fonctionnaient pas. Le Hirak défiait Gaïd Salah, car les espoirs de changement qui s’exprimaient depuis février étaient très loin d’être satisfaits.
Des émeutes, pour l’accès au logement, pour l’emploi, l’accès au gaz, se sont multipliées. En cette rentrée, l’annonce de deux nouvelles lois, celle sur les hydrocarbures et la loi de finances, a donné une nouvelle tournure à la contestation.
La nouvelle loi sur les hydrocarbures, qui fait la part belle aux grandes compagnies internationales, a été dénoncée lors des manifestations du vendredi 11 octobre. Deux jours plus tard, dimanche 13 octobre, répondant à un appel sur les réseaux sociaux, des milliers de personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée populaire nationale, forçant les barrages de police pour crier « L’Algérie n’est pas à vendre », ou encore « Le peuple veut la chute du Parlement ». Ils refusaient que ce gouvernement adopte des lois qui privent le pays de ses richesses.
Ce pouvoir faisait d’un côté des cadeaux aux compagnies pétrolières internationales et de l’autre une loi de finances qui aggravait l’austérité. Il programmait de multiples taxes destinées à réduire le déficit budgétaire. À l’augmentation de la TVA s’ajoutait celle de la taxe sur les produits importés, qui concerne une grande partie des produits de consommation, qui seront désormais inaccessibles, une taxe sur le tabac, les produits électroménagers et l’instauration d’une vignette automobile.
Les manifestants n’acceptaient pas ces lois d’un gouvernement qu’ils rejettaient comme illégitime. Gaïd Salah a invoqué le vide constitutionnel pour imposer sa présidentielle, mais on voyait qu’il n’y avait pas de vide du pouvoir. Le pouvoir était là et il n’attendait pas l’élection présidentielle de décembre pour gérer les affaires de la bourgeoisie algérienne et répondre aux attentes des pays impérialistes. Il n’attendait pas non plus pour s’attaquer aux classes populaires.10
Forte mobilisation contre le vote
Le 6 décembre 2019, pour le dernier vendredi de mobilisation avant le scrutin présidentiel du 12 décembre, des foules immenses ont sillonné les grandes villes d’Algérie pour rejeter l’élection voulue par le chef de l’armée, Gaïd Salah.
Elle apparaissait comme une tentative de régénérer le « système politique », dirigé par une caste d’officiers. En effet, en coulisse ou sur le devant de la scène, c’était bien l’armée et son état-major qui dirigaient le pays, depuis l’indépendance en 1962. Les manifestants étaient donc nombreux à crier « Les généraux à la poubelle ! », « État civil et pas militaire ! » Ils refusaient une élection imposée par le chef de l’armée et organisée par d’anciens ministres de Bouteflika, avec comme candidats cinq hommes dont quatre avaient été ministres ou même Premiers ministres de celui-ci. « Non au vote ! » « Pas de marche arrière, on ne va pas s’arrêter ! », ces slogans ont été repris dans tous les cortèges.
La campagne électorale a été fortement perturbée par les protestations quotidiennes. Les meetings des candidats ont été désertés, ceux-ci ont été interpellés, protégés par des cordons de policiers, les affiches des panneaux électoraux ont systématiquement été arrachées. Dans certaines localités, des habitants ont muré les bureaux de vote des mairies pour empêcher qu’ils puissent fonctionner.
En dépit de la censure, de la multiplication des arrestations, des menaces et des intimidations, la mobilisation s’est accentuée avec l’appel à la grève générale lancé sur les réseaux sociaux à partir du 8 décembre. Dans de nombreux campus, les étudiants ont renoué avec les assemblées générales et la grève. Le 10 décembre, rejoints par de nombreux citoyens, ils étaient plus nombreux encore à manifester comme chaque mardi.
Les manifestants s’étaient donné rendez-vous à Alger le 11 décembre, veille du scrutin mais aussi date anniversaire symbolique. En effet la jeunesse des quartiers populaires avait manifesté par milliers pour l’indépendance du pays, le 11 décembre 1960 à Alger.11
Marées humaines contre le président
L’élection présidentielle du 12 décembre a donné lieu à une semaine intense de contestation populaire.
Dès vendredi 13 décembre, des marées humaines ont conspué Abdelmadjid Tebboune, le nouveau président de la République fraîchement élu. Son élection fut vécue comme une mascarade, qui visait à préserver un système politique que les manifestants combattaient depuis maintenant dix mois.
Le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, qui annonçait par avance une participation massive et une fête électorale le 12 décembre, a subi un désaveu cinglant. À travers le pays, de nombreux bureaux de vote sont restés déserts. En Kabylie, où le boycott a été très actif, certains sont restés fermés. Selon les chiffres annoncés par le pouvoir, l’abstention atteignait 60 %, mais beaucoup étaient convaincus qu’elle fut bien supérieure et que les chiffres ont été truqués.
« Vous n’êtes pas notre président ! » ont crié les manifestants. Ils rejetaient massivement Tebboune, qu’ils considéraient comme un président désigné et illégitime. Âgé de 74 ans, il avait occupé de multiples fonctions au sein de l’appareil d’État, préfet, ministre de l’Habitat, puis Premier ministre de Bouteflika. Connu pour être un proche de Gaïd Salah, il est apparu comme un candidat de l’armée et comme la façade civile d’une caste d’officiers toujours aux manettes. Ces officiers tiennent à la stabilité d’un système qui leur permet un accès direct à la rente pétrolière, dont ils contrôlent les circuits de redistribution.
Dans de nombreuses villes de l’ouest du pays, en particulier à Oran, des gendarmes et policiers en civil ont procédé à des centaines d’arrestations. Il s’agissait d’empêcher les manifestations du 13 décembre et de tenter d’affaiblir et d’intimider le mouvement, dans une région où la mobilisation a toujours été moins forte que dans la capitale.
Le soir même, Tebboune a tenté d’amadouer le mouvement populaire, le hirak. Il a dit vouloir rompre avec l’ancien système et a salué la jeunesse, aussi bien celle qui avait voté que celle qui avait boycotté le scrutin. Devant un parterre de journalistes, il a déclaré : « Je m’adresse directement au hirak, que j’ai à maintes reprises qualifié de béni, pour lui tendre la main afin d’amorcer un dialogue sérieux au service de l’Algérie, et seulement de l’Algérie. »
Celui que l’armée voulait présenter comme un homme intègre était surnommé « président cocaïne » par les manifestants, en raison de l’implication de son fils dans le grand scandale de corruption qui a éclaté en 2018, après à la saisie de 700 kg de cocaïne. Alors Tebboune serait-il capable d’enrayer la contestation populaire ? Des associations, partis ou syndicats ont annoncé qu’ils n’excluaient pas de saisir cette main tendue, sous condition. Mais depuis le 22 février, aucun des regroupements politiques, comme le Pacte de l’alternative démocratique ou la Dynamique de la société civile, n’a pu prétendre représenter le mouvement et parler en son nom.
C’était une nouvelle étape qui commençait, le Hirak saison II, comme le disaient avec humour les manifestants. Ils avaient face à eux un pouvoir qui tenterait par tous les moyens d’étouffer la contestation, et des partis d’opposition prêts, si celui-ci y mettait les formes, à jouer le jeu du dialogue.
Quelles que soient les manœuvres des uns et des autres, les raisons de la contestation seront toujours là, bien présentes : un pouvoir méprisant et impopulaire, des services publics à l’abandon, un chômage de masse et des salaires de misère. « Pas de marche arrière ! » criaient de nombreux manifestants. Le pouvoir était loin d’en avoir fini avec cette mobilisation, exceptionnelle par son ampleur et sa durée.12
La mort de Gaïd Salah
Le 23 décembre 2019, quelques jours après l'élection présidentielle qu’il avait imposée malgré le rejet massif de la population, Ahmed Gaïd Salah, qui était devenu l’homme fort de l’Algérie après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, est mort à l’âge de 79 ans.
Les trois jours de deuil national décrétés pour les funérailles ont encore été l’occasion pour le régime de tenter de redorer un blason bien terni. La mise en scène médiatique de l’enterrement de Gaïd Salah, le 25 décembre, où on a vu des milliers de personnes accompagner le cercueil aux cris de « Armée, peuple, frères, frères », n’a cependant pas arrêté le mouvement populaire. Dès le vendredi 27 décembre, les manifestants ont été de nouveau nombreux dans les rues, criant des slogans tels que « Les généraux à la poubelle et l’Algérie aura son indépendance ! », « Un État civil et non militaire ! »
La cible était désormais le nouveau président Tebboune, élu le 12 décembre pour être la nouvelle façade civile d’une armée toujours à la manœuvre. Cette façade s’est étoffée par la nomination d’Abdelaziz Djerad au poste de Premier ministre, un homme qui n’apparaissait pas comme compromis dans la gestion récente du pays, mais qui n’en était pas moins lui aussi un pur produit du « système ». Djerad a fait ses preuves durant la décennie noire, tout comme le nouveau chef d’état-major Saïd Chengriha. Après la mort de Gaïd Salah, le nouveau président voulait donner l’illusion qu’une page se tournait. Mais beaucoup de ceux qui depuis dix mois avaient donné vie au Hirak (le mouvement) n’y croyaient pas et voulaient poursuivre la mobilisation.13
Référendum, un camouflet pour le pouvoir
Le 1er novembre 2020, sur les vingt-quatre millions d’électeurs, seuls six millions ont participé au référendum sur la révision de la Constitution censée poser les bases d’une Algérie nouvelle.
Si le oui l’a emporté à 66,8 %, le fait marquant de ce scrutin était le taux d’abstention de plus de 75 %.
Cette abstention constituait un désaveu cinglant pour le président de la République Mohammed Tebboune, en quête de légitimité depuis son élection de décembre 2019. Ses promesses d’améliorer le niveau de vie des classes populaires et de nouer le dialogue avec les partisans du Hirak, le mouvement de contestation né en février 2019, lui avaient permis à l’époque de rallier 40 % des électeurs, qui aspiraient à une certaine stabilité.
Un an plus tard, cette révision apparaissait comme un simple ravalement de façade, qui protégeait les tenants du système. Profitant de la pandémie de Covid-19, le pouvoir a tenté de liquider les libertés de manifester et de s’exprimer dans l’espace public qu’avait imposées le mouvement l'année d'avant. La répression à l’égard des militants et l’interdiction des meetings ont réduit les débats. Hormis les islamistes, qui appelaient à voter non au référendum, la plupart des forces politiques dites démocratiques ont appelé au boycott. Si ces forces s’opposent au pouvoir et prétendent incarner les aspirations qui se sont exprimées lors du Hirak, elles ne veulent pas mettre en question les intérêts de la bourgeoisie algérienne.
Les classes populaires, confrontées à l’inflation, au chômage de masse, se sont détournées de cette mascarade électorale. En même temps, elles constatent que, si le Hirak a conduit à la démission de Bouteflika, l’oppression et la corruption, elles, n’ont pas disparu. Les travailleurs subissent toujours la loi patronale et doivent lutter sans répit pour obtenir leur salaire et imposer le droit de s’organiser dans un syndicat.
Pendant une année, le mouvement de contestation qui a secoué le pays est allé de rejet en rejet : celui du cinquième mandat de Bouteflika, de la prolongation du quatrième mandat, le rejet de l’élection présidentielle du 4 juillet 2019, puis de celle de décembre. Le camouflet infligé au pouvoir à travers cette abstention massive constituait un énième rejet.14
La mort d'Abdelaziz Bouteflika
Deux ans après son départ du pouvoir, l'ancien président est décédé le 17 septembre 2021 à l'âge de 84 ans.
Je rappelle le signe initial que j'ai traduit précédemment :
Abdelaziz Bouteflika – mort à l'âge de 84 ans – a été réélu pour la première fois le 8 avril 2004 en obtenant 84 % des voix.
8 avril = 8 4
84 = 1984
Le roman 1984 dénonce le TOTALITARISME.
Le chef-lieu du département 84 est Avignon dont la maire est Cécile HELLE.
« HELL » signifie « ENFER » en anglais.
Lors de ses dernières années au pouvoir, Bouteflicka était comme le diable, il était invisible mais c'était pourtant bien lui qui dirigeait officiellement l'Algérie.
2004 = 20 04
Adolf Hitler est né un 20 04.
Le 8 avril 2004 symbolise ainsi le TOTALITARISME.
8 avril 2004 = 8x4x2004 = 64128
64128 est le code commune de BILHÈRES dans les Pyrénées-Atlantiques.
BILHÈRES = LIBÈRE HS
Le maire de BILHÈRES est Bernard Bonnemason : ses initiales sont B B.
B B sont également les initiales de Big Brother : la figure emblématique du régime TOTALITAIRE dans le roman 1984.
Dieu transmet au peuple algérien le message suivant : « LIBÈRE-toi de ce régime TOTALITAIRE ! ».
J'ai traduit ce message – à partir de la date du 8 avril (84) 2004 – lorsque j'ai mis en ligne ce site internet en 2016.
5 ans plus tard, Abdelaziz Bouteflika est mort à l'âge de 84 ans.
Dieu nous donne ainsi la preuve qu'il nous envoie bien un message à travers le chiffre 84 – qui symbolise le TOTALITARISME du roman 1984.
BOUTEFLIKA = BOU
B O U = 2 0 21
BOUTEFLIKA est décédé en 2021.
Dieu est Big Brother : il contrôle tout, à commencer par l'Histoire de l'humanité. C'est lui qui a placé le diable au pouvoir et il nous transmet désormais le message suivant : « LIBÈRE-toi de son pouvoir ».
C'est la raison pour laquelle Bouteflika est mort le 17 septembre 2021.
17 septembre = 17 9
179 = AGI
17x9 = 153
Jules César a été tué un 15 3 (15 mars).
Dieu nous transmet ainsi le message suivant : « LIBÈRE-toi du pouvoir de César : AGIS ! ».
César – le diable – est le RICHE qui dirige le monde et vole les richesses de la Terre.
L'année 2021 est symbolique :
2021 = 2 12 0
2 12 = 2 L = 2 AILES
0 = le chiffre 0 a la forme de la lettre O (EAU).
À travers la mort de Bouteflika le 17 septembre 2021, Dieu précise que pour obtenir les 2 AILES qui mènent au paradis, la nouvelle Alliance de l'EAU nous impose de lutter politiquement afin de nous LIBÉRER du pouvoir de César.
En 2013, Bouteflika a vu son état de santé se dégrader après avoir été victime d'un AVC.
À travers ce signe, Dieu nous demande de ne plus dire « AV César ! » le jour de l'élection présidentielle.
La première élection présidentielle – post-Bouteflika – a eu lieu le 12 décembre 2019.
12 décembre = 12 12
12x12 = 144
144 se prononce 100 44.
Jules César est né en l'an 100 et mort en 44 av. J-C.
12 décembre = 12 12
12 12 = L L = deux L = deux AILES
À travers l'élection du 12 décembre 2019, Dieu nous montre que pour obtenir deux AILES dans le dos et nous envoler un jour au paradis, la nouvelle Alliance nous impose de nous unir politiquement – le jour de l'élection présidentielle – afin de mettre un terme au règne de César.
Nous y parviendrons en réécrivant la Constitution, afin de prendre légalement le contrôle des moyens de productions (les entreprises), et partager équitablement les richesses.
La révolte des Algériens contre le pouvoir en place a débuté le vendredi 22 février 2019. À partir de cette date, tous les vendredis, les Algériens sont descendus dans la rue pour réclamer un changement radical du régime.
22 février = 22 2
22x2 = 44
Jules César a été tué en 44 av. J-C.
À travers le jour symbolique de la révolte du peuple Algérien, Dieu nous demande de nous révolter pour signer l'arrêt de mort de César : le capitaliste, et plus généralement le riche, qui vole les richesses de l'Algérie et du monde entier.
La commune de BILHÈRES a la particularité d'accueillir la réserve naturelle de nidification des VAUTOURS FAUVES.
Les VAUTOURS sont les rapaces qui ont accaparé les richesses de l'Algérie.
LIBÈRE-toi de ces VAUTOURS en mettant le feu au NID le jour de l'élection présidentiel. Et lorsque ces rapaces truqueront les élections, révolte-toi dans la rue avec tes frères et sœurs pour renverser le pouvoir en place, car même si les vautours contrôlent le pouvoir économique et militaire, nous avons le nombre, et un peuple uni ne sera jamais vaincu.
Effectivement, il n'est pas certain que le peuple algérien puisse se LIBÉRER de ce pouvoir TOTALITAIRE par les urnes. Le système étant corrompu, les élections sont truquées, le peuple algérien aura alors besoin de la France et de la communauté internationale à ses côtés pour faire respecter son choix démocratique. Or si demain, plus de 50 % des Algériens votaient le jour de l'élection présidentielle pour mettre un terme au pouvoir de César, et qu'après avoir truqué les votes, un clone de Bouteflicka était annoncé gagnant avec 80 % des voix, la France et la communauté internationale ne feraient strictement rien pour faire respecter le choix démocratique du peuple algérien, au contraire, les puissances impérialistes emploieraient tous les moyens pour maintenir le pouvoir en place afin que leurs multinationales puissent continuer à piller les richesses de l'Algérie.
Nous avons pu vérifier le 15 juin 2015, lorsque François Hollande a fait une visite éclair en Algérie, que la France soutenait ce régime TOTALITAIRE. L'ancien chef de l'État a ainsi commenté ses deux heures de réunion à huis-clos avec Bouteflika, cloué sur sa chaise roulante et incapable de s’exprimer, en ces termes : « Il m’a donné l’impression d’une maîtrise intellectuelle, d’une capacité de jugement et même c’est rare de rencontrer un chef d’État qui a cette alacrité, cette capacité de jugement »... Caractériser l’état de Bouteflika d’« état de vigueur et de vitalité, souvent mêlé de bonne humeur et d’entrain » relevait d’un grand mépris, une fois de plus affirmé, du dirigeant de l’ancienne puissance coloniale.
Celui-ci était venu en fait pour discuter avec les réels dirigeants de l’Algérie, jamais élus, des intérêts géostratégiques et économiques de la France dans la région, en confortant au passage le pouvoir politique algérien qui collaborait à ses projets. C’est comme cela que l’ont ressenti de nombreux AlgérienEs, mais visiblement très peu de médias français. Hollande a fait de cette visite un soutien politique au président moribond, marionnette entre les mains des réels dirigeants que le président français a aussi rencontrés : le général Toufik, chef du département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui a choisi Bouteflika en 1999, et Ouyahia, le directeur du cabinet de la présidence. Car Bouteflika terminait sa carrière comme il l’avait commencée en 1965 lors du coup d’État contre Ben Bella, en marionnette politique des dirigeants de l’armée algérienne. Et avec l’imprimatur de l’ancienne puissance coloniale en prime !
Un soutien bien évidemment intéressé pour les intérêts néocolonialistes des représentants du capitalisme français. D’un point de vue géostratégique d’abord, car l’impérialisme français cherche à se faire reconnaître comme une puissance incontournable en prouvant ses capacités à ramener l’ordre en Afrique de l’Ouest. Or, depuis la chute de Khadafi, l’Algérie reste la seule puissance militaire régionale capable de peser dans une situation qui, de la Libye au Tchad ne cesse de s’enfoncer dans le chaos. Au Mali, c’est l’Algérie qui a pesé dans l’aboutissement des négociations diplomatiques qui permettront peut-être à l’armée française d’alléger son dispositif en aboutissant à des accords entre l’État malien et les rebelles. Cela vaut bien quelques concessions politiques de l’État français pour conforter le pouvoir algérien. D’autant que l’Algérie, bien que confrontée à des difficultés inquiétantes, reste un pays qui connaît une croissance économique supérieure à celle de la zone euro. Cela en fait donc une cible pour les capitalistes. Alors que les entreprises françaises restent le premier partenaire économique de l’économie algérienne, depuis 2013, ce sont les entreprises chinoises qui leur ont raflé la position de 1er fournisseur, et depuis 2013, une entreprise algérienne, Cevital, a même réussi une politique d’implantation en France en rachetant des entreprises comme Oxxo (fenêtres en PVC) ou FagorBrandt (leader de l’électroménager).
La visite de Hollande avait donc des objectifs économiques de VRP des grands groupes déjà présents comme Alstom, Sanofi, la RATP ou Renault, mais aussi de promouvoir des possibilités de nouvelles implantations pour Peugeot (dont le dimensionnement ne correspond pas aux attentes du pouvoir algérien) ou Total dans l’exploitation des gaz de schiste, cela malgré les dénégations officielles de l’État français. Hollande se voulait aussi, en Algérie comme ici, le défenseur des PME françaises, cela sans parler des éventuels contrats d’armement militaire qu’il plaçait méthodiquement de l’Inde au Qatar en passant par l’Arabie Saoudite.
Tout cela valait bien une petite déclaration hypocrite, en se disant que le ridicule ne tue pas. Mais c’était peut-être sans compter sur la mémoire des « sans-dents » qu’Hollande méprise tant, qu’ils soient en France ou en Algérie.15
Par conséquent, si les Algériens exprimaient la volonté de se LIBÉRER de ce régime TOTALITAIRE, ils n'auraient pas le soutien de la France officielle, à l'inverse, en cas de révoltes populaires, nos dirigeants seraient prêts à aider militairement le pouvoir en place, comme le 11 janvier 2011, lorsque Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, a proposé à l'Assemblée nationale, d'aider les forces de police tunisienne afin d'écraser la révolution et maintenir la dictature de Ben Ali en place. C'est pourquoi nous devons prendre le pouvoir en main, car le peuple algérien aura besoin de nous à ses côtés lorsqu'il s'unira pour se LIBÉRER du pouvoir de César. Nous réussirons à construire un nouveau monde seulement si les peuples de la Terre sont unis politiquement, et ils le seront un jour mais le chemin sera long.
La commune de BILHÈRES se situe dans le département 64.
Dieu a écrit dans le Coran le mot « PEACE » à l'aide du chiffre 64.
Il demande ainsi aux Algériens de se libérer de ce régime TOTALITAIRE de manière PACIFIQUE.
Le message du Coran est « PEACE 5 » parce qu'il faut que tu te LIBÈRES avec les 5 doigts de ta main qui tiennent le bulletin de vote.
Même si les élections sont truquées en Algérie, c'est la voie à suivre. Lorsque le peuple aura constaté la fraude électorale après la publication des résultats de l'élection présidentielle, il devra s'unir pour se révolter pacifiquement afin de renverser le pouvoir en place, à l'instar de la révolution tunisienne en 2011. C'est la voie à suivre, et contrairement à la révolution tunisienne, la véritable révolution aura lieu quand plus de 50 % des électeurs algériens voudront renverser le système capitaliste et prendre le pouvoir en main pour se LIBÉRER de ce régime TOTALITAIRE.
Rejet de la mascarade électorale
L’élection présidentielle du 7 septembre 2024 a vu Abdelmadjid Tebboune réélu avec 94,65 % des voix, mais avec un taux de participation d’environ 20 %. Ce scrutin est en fait un désaveu cinglant pour lui, mais aussi pour ses concurrents qui ont contribué à en faire une mascarade électorale.
Au terme d’une campagne électorale verrouillée, marquée par une répression accrue, cette abstention massive exprime le rejet d’un système politique qui a fait preuve de mépris, jusqu’au soir même des résultats. En effet, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), après avoir déclaré 5,63 millions de votants sur 24,5 millions d’électeurs inscrits, a annoncé un taux moyen de participation de 48 % ! Cela a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, après une campagne qui n’a suscité qu’indifférence tant le scrutin était joué d’avance.
Des candidats susceptibles de refléter une quelconque critique du régime ont été entravés ou écartés par l’ANIE, qui a poursuivi en justice trois d’entre eux pour corruption politique. Face à Tebboune, seuls deux candidats censés représenter les principaux courants d’opposition ont été retenus.
Le parti islamiste MSP avait fait le choix d’écarter son ex-président Abderrazak Makri, plus populaire mais jugé trop critique par le régime, au profit d’Abdelaali Hassani, qui a recueilli 3,17 % des voix. Youcef Aouchiche, du Front des forces socialistes, un parti de notables implanté en Kabylie, a obtenu un score de 2,16 %. Tebboune espérait sans doute rallier sur ce nom les voix d’une région qui avait massivement boycotté l’élection de 2019.
Malgré le soutien du parti islamiste El Bina, du syndicat UGTA, du patronat, des confréries religieuses et de l’armée, Tebboune n’a obtenu que 300 000 voix de plus que lors du scrutin de 2019, qui avait été marqué par les appels au boycott à la suite du Hirak, le long mouvement de protestation populaire contre le renouvellement du mandat, le cinquième, du président Abdelaziz Bouteflika.
Les deux candidats d’opposition ont en fait tenu des discours semblables à celui de Tebboune, et ont relayé sa campagne pour le vote, présenté comme la seule manière de barrer la route aux ennemis du pays ! Ce chantage, qui flatte le nationalisme et sonne comme une menace, a suscité une réaction dans la jeunesse, frappée par un chômage de masse. Dans les stades, seuls lieux d’expression qui leur restent, les jeunes ont crié qu’ils n’iraient pas voter et que leur choix serait de prendre la mer et de fuir un pays qui ne leur offre aucun espoir et les étouffe.
Tebboune et ses concurrents ont brandi la menace étrangère pour tenter de souder la population derrière un régime qui, depuis cinq ans, n’a cessé de piétiner les libertés et les droits démocratiques. Loin d’être une trêve, la campagne a été l’occasion d’une répression accrue, un dispositif policier a été déployé, menaçant tous ceux qui auraient été susceptibles d’émettre une voix critique. Des journalistes, des dirigeants politiques en vue ont été harcelés. Athmane Mazouz, responsable du RCD, Ali Laskri, ancien dirigeant du FFS et Karim Tabbou, porte-parole de l’UDS, figure du Hirak, ont été interpellés avant d’être relâchés avec interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux et dans les médias. Fethi Gheras, le président du MDS, une organisation de gauche dissoute, a lui aussi été arrêté après une interview sur la chaîne El Magharibia. À Tizi-Ouzou et dans la banlieue d’Alger, des jeunes surpris en train d’arracher des affiches électorales ont été arrêtés et encourent de lourdes peines.
Pour emporter l’adhésion d’un électorat populaire désabusé, Tebboune a fait des promesses en matière de logements et de salaires et a fièrement affiché une croissance à plus de 4,2 %, dans un pays classé troisième économie d’Afrique. Mais pour les travailleurs et les classes populaires, qui n’ont cessé de s’appauvrir, qu’importe que les affaires des patrons se portent bien et que les indicateurs économiques du pays soient au vert si les leurs restent au rouge !
Sous l’apparente résignation, les colères s’accumulent et exploseront inévitablement contre ce système d’oppression qui les écrase.16
Sources