Origines
Les premières traces écrites sur les peuples de la région datent de l'époque des Celtes. Ils arrivèrent des Alpes, de l'est de la France et du centre de l'Allemagne, et s'installèrent dans la région vers la fin du IIe siècle av. J.-C. à l'époque de la civilisation de Hallstatt, et à la suite de leurs liens commerciaux avec les Grecs et les Étrusques, ils introduisirent la civilisation de La Tène dans la région du Danube. Ils construisirent des oppida et furent les premiers à frapper des pièces dans la région. Ils avaient également une organisation politique centrée sur l'oppidum près de l'actuelle Bratislava.
À la fin du Ier siècle av. J.-C., les tribus celtes de la région, en particulier les Boïens, furent chassés par les peuples germaniques venus du nord, et les Romains venus du sud. Au début du Ier siècle, la région du sud-ouest de la Slovaquie se transforma en champ de bataille entre les légions romaines et deux tribus germaniques, les Marcomans et les Quades.
Dans les siècles qui suivent, Marcomans et Quades établissent divers royaumes, et les périodes de paix alternent avec les conflits avec les Romains (à la suite notamment des incursions marcomanes en Pannonie). Ce contact durable permit à la culture romaine d'influencer la culture locale.
Du IVe siècle au VIe siècle, pendant les invasions barbares, et particulièrement sous le règne d'Attila le Hun, de nouveaux peuples arrivèrent en Europe. En particulier, vers l'an 500, les Slaves arrivèrent de l'est (bien que certains historiens, comme le Goth Jordanès notèrent leur présence en Hongrie dès le règne d'Attila). Les Marcomans et les Quades furent remplacés par les Gépides et les Lombards, qui furent chassés par les Avars dès 568.
Arrivée des Slaves et Grande-Moravie
Les slaves commencèrent à coloniser dès le Ve siècle, mais durent rivaliser avec les Avars, qui arrivèrent en 568, et qui subjuguèrent les slaves, qui manquaient d'expérience militaire et d'organisation politique. En 623, Samo de Bohême, un marchand franc, unifia les tribus slaves de l'ouest de la Slovaquie, de la Moravie et de la Basse-Autriche pour se défendre des Avars. Les slaves en profitèrent pour se libérer de l'influence des Avars. Samo de Bohême régna avec succès, défendant les Slaves contre les invasions franques de Dagobert Ier, jusqu'à sa mort en 658, quand son royaume retomba sous l'influence avare.
Les Avars sont vaincus par les Francs en 796.
À cette époque, deux principautés slaves sont présentes sur le territoire actuel de la Slovaquie, l'une nommée Morava, centrée sur l'ouest de la Slovaquie et la Moravie, l'autre, Nitra, centrée sur l'ouest et le centre de la Slovaquie, les deux étant indépendantes l'une de l'autre et séparés par les Carpates blanches. Une troisième tribu slave consolide son pouvoir en Pannonie.
Lors de la première moitié du VIIIe siècle, des moines irlandais venus de Bavière commencent à christianiser les Slaves, et Arn de Salzbourg et son successeur Adalram continueront cette politique sur ordre de Charlemagne afin d'étendre la sphère d'influence de l'Église et du royaume franc. À la suite du traité de Verdun, la Francie orientale et Louis le Germanique continuent cette politique d'expansion vers l'est et de christianisation des slaves.
En 828, la première église chrétienne est construite à Nitra. Pribina, prince de Nitra à l'époque est souvent considéré comme le premier souverain slovaque, car cette conversion sous son règne marque le début des relations slaves avec leur voisins en tant qu'état souverain.
En 833, Mojmir Ier, prince de Moravie conquit Nitra, et fonda la Grande-Moravie et la dynastie des Mojmirides. Le nom Grande-Moravie nous vient de Constantin VII Porphyrogénète, empereur byzantin, qui nomma cet état dans son De Administrando Imperio d'après les Sclavi Marahenses, mentionnés dans les Annales regni Francorum et les Annales de Fulda.
La Grande-Moravie demeura un état vassal de la Francie orientale, et Louis le Germanique n'hésita pas à influencer la politique grand-morave, profitant de l'instabilité interne due aux relations entre les deux principautés constituantes du royaume. En 846, il mit Rastislav sur le trône à la place de son oncle. Ce dernier étendit son territoire vers l'est, jusqu'à la Bulgarie, poussant les Francs et les Bulgares à s'allier contre lui. En 853-843, il soutint Radbod, margrave de la marche de Pannonie lors de luttes internes franques, ce qui amena Louis le Germanique à envahir. La guerre dura de 855 à 859, sans produire de vainqueur.
Afin de se libérer de l'influence franque, en 861 ou 862 Rastislav écrivit au pape Nicolas Ier pour lui demander de créer une province ecclésiastique indépendante des diocèses germaniques qui luttaient pour contrôler la région, et d'envoyer des enseignants religieux parlant le slavon. Sa lettre demeura sans réponse, éventuellement parce que Nicolas n'avait personne à envoyer.
Rastislav se tourna donc en 862 vers Byzance et Michel III en demandant également un évêque. En 863, Constantin (Cyrille) et Méthode, deux frères connaissant le dialecte slave parlé à Thessalonique d'où ils étaient originaires arrivèrent en Grande-Moravie avec quelques disciples.
En demandant l'aide de Byzance, que Rastislav savait en guerre contre ses ennemis Bulgares, il rééquilibrait le jeu des alliances en Europe centrale. De fait, le clergé franc, inquiet d'une incursion dans sa sphère d'influence, se plaignit au roi, qui, avec la Bulgarie, attaqua la Grande-Moravie, mais Byzance répliqua en attaquant la Bulgarie, et la campagne de Louis II ne lui apporta qu'un succès limité : la Grande-Moravie réaffirma la suzeraineté franque. Nicolas Ier, quant à lui, accepta la mission byzantine en Europe Centrale, car il était inquiet de l'indépendance et du pouvoir de l'église à Salzbourg et en Bavière, et approuvait de tout effort pour limiter son pouvoir.
Possession hongroise
Le territoire slovaque d'aujourd'hui, au XIe siècle, a constitué une partie du Royaume de Hongrie (même s'il est temporairement occupé par la Pologne au XIe siècle). Après la chute de Buda en 1541 aux mains des Ottomans, et l'occupation de la Hongrie jusqu'à la fin du XVIIe siècle, Presbourg devient la capitale et la ville de couronnement de la couronne de Hongrie. La Hongrie rejoint l'Empire Habsbourg en 1699.
Au XVIIIe siècle, sous l'influence du panslavisme et face au processus de magyarisation, un nationalisme slovaque voit le jour. En 1847, une version codifiée du slovaque par Ľudovít Štúr est acceptée par catholiques et luthériens (une version codifiée par Anton Bernolák au XVIIIe siècle n'étant accepté que par les catholiques, les protestants utilisant jusqu'alors une version slovaquisée du tchèque - ces concepts panslaves continueront à être soutenus par certains intellectuels, tels que Ján Kollár et Pavel Jozef Šafárik même après 1847).
À la suite du Printemps des peuples de 1848, pendant lequel les Slovaques se rangèrent au côté des Autrichiens contre les Hongrois, le nationalisme slovaque continue à se développer, avec la création de l'association culturelle Matica slovenská en 1863, le Musée national slovaque, et le Parti national slovaque en 1871. Néanmoins, peu après la création de la Double Monarchie en 1867, qui confirma le maintien de la Slovaquie sous contrôle hongrois, ces institutions furent fermées.
Création de la Tchécoslovaquie
À la suite du traité de Saint-Germain-en-Laye de 1919 mettant fin à la Première Guerre mondiale, la Slovaquie, la Bohême et la Moravie (et jusqu'en 1938 la Ruthénie) ont constitué de novembre 1918 au 31 décembre 1992 la Tchécoslovaquie. Cette union politique, prônée à Versailles, accordée par le traité de Saint-Germain-en-Laye, démantelée par l'Allemagne nazie et reconstituée en 1945 est partiellement artificielle : la Tchéquie, ancienne possession autrichienne, était un pays plus développé et industrialisé et sa population largement athée tandis que la Slovaquie, ancienne possession hongroise, était plus rurale et profondément catholique, bien que les deux langues soient très similaires (et comprises mutuellement grâce à la télévision d'État bilingue).1
La Slovaquie autonome (1938-1939)
Après les accords de Munich, la Slovaquie acquiert son autonomie. Monseigneur Jozef Tiso, prêtre catholique dirigeant d'un parti nationaliste, le Parti du peuple slovaque, devient le Premier ministre du gouvernement slovaque.
Le 2 novembre 1938, la Hongrie annexe une bande le long de sa frontière avec la Tchécoslovaquie : le plus gros de cette annexion, prévue par le « premier arbitrage de Vienne » rendu par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste, concernait la Slovaquie, notamment la plaine danubienne où vivait une importante communauté hongroise.
En mars 1939, l'action des agents allemands et des séparatistes slovaques aboutit à une crise intérieure et une déclaration d'indépendance de la Slovaquie que le gouvernement tchécoslovaque de Prague tente d'empêcher par une intervention armée le 9 mars. Le lendemain, Jozef Tiso, président du gouvernement autonome slovaque est destitué par le gouvernement de Prague et remplacé par Karol Sidor.
La Slovaquie indépendante (1939)
Juste avant l'invasion de la Tchécoslovaquie, le 13 mars 1939, et l'incorporation de la Bohème et de la Moravie au Troisième Reich sous la forme du Protectorat de Bohême-Moravie, Hitler invite Tiso à Berlin et le presse de proclamer l'indépendance de la Slovaquie. Tiso convoque alors la Diète du Pays slovaque (Slovenský snem), qui vote l'indépendance le 14 mars. Tiso devient le chef du gouvernement.
Le 16 mars 1939, les troupes allemandes occupent la partie Ouest de la Slovaquie afin de contrôler l'axe de communication stratégique reliant la capitale Bratislava et le bassin industriel de la région du Váh pour ses usines d'armement. De leur côté, les troupes hongroises occupent le 23 mars 1939 la Ruthénie subcarpatique, soit 1 697 km² de territoire dans la partie orientale du pays. Peu après, la Hongrie reconnaît la nouvelle « Slovaquie indépendante », mais un litige territorial portant sur la nouvelle frontière dégénère vite en conflit armé. À l'issue de cette guerre slovaquo-hongroise (également connue sous le nom de Petite Guerre), la Hongrie annexe finalement la lisière orientale de la Slovaquie.
Le « Traité de protection » germano-slovaque (1939)
Le 23 mars 1939, alors que la Hongrie a entamé une politique expansionniste envers la Slovaquie, un « traité de protection », signé à Munich, subordonna formellement à l'Allemagne la politique slovaque dans les domaines économique, militaire et diplomatique. Ainsi, bien que bénéficiant, contrairement au Protectorat de Bohême-Moravie, d'une véritable autonomie, la République slovaque reste pendant toute son existence très dépendante de l'Allemagne nazie. De plus, ce traité permet également à l'Allemagne de légaliser a posteriori la présence de la Wehrmacht dans la partie Ouest de la Slovaquie.
La Slovaquie dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Le « Traité de protection » germano-slovaque conduira la Slovaquie à rejoindre les forces de l'Axe et à entrer en guerre contre la Pologne. Ensuite, également signataire du Pacte tripartite à la fin 1940, la Slovaquie déclarera aussi la guerre à l'Union soviétique le 23 juin 1941 et participe au conflit en envoyant ses troupes sur le Front de l'Est. Dans le cadre de sa participation à l'opération Barbarossa et de sa lutte contre le communisme, la Slovaquie adhère également, le 25 novembre 1941, au renouvellement pour cinq ans du Pacte anti-Komintern qui avait été élaboré et signé par l’Allemagne nazie et l’Empire du Japon cinq ans plus tôt.
Disposant d'un budget ordinaire de trois milliards de couronnes, la Slovaquie consent à d'énormes sacrifices financiers pour faire face aux exigence du conflit avec l'URSS : en effet, en 1942, le budget militaire est porté à 500 millions de couronnes; cette situation génère à la fois un déficit du budget de l’État et une forte inflation, déficit et inflation que le gouvernement combat en mettant en place une fiscalité particulière à destination des Juifs de Slovaquie.
Le 23 août 1944, lorsque la Roumanie déclare la guerre à l'Allemagne, les armées soviétiques et roumaines avancent vers l'ouest de mille kilomètres, et attaquent la Hongrie : le 29 août 1944, un premier soulèvement slovaque anti-nazi est déclenché depuis la ville de Banská Bystrica.
À la fin de l'année 1944, les troupes allemandes et hongroises refluent sous la poussée des troupes soviétiques, roumaines et tchécoslovaques arrivant par l'est. Le 4 avril 1945, ces troupes alliées entrent dans Bratislava, libérant l'ensemble de la Slovaquie. Le 5 avril, Edvard Beneš, président du gouvernement tchécoslovaque en exil, forme un gouvernement de coalition symbolisant ainsi la restauration de la Tchécoslovaquie.
Le régime de Tiso
Le 26 octobre 1939, suite à la promulgation d'une nouvelle constitution, Jozef Tiso devient le président de la République. Vojtech Tuka le remplace alors à la tête du gouvernement. Le parlement, appelé Diète de la République slovaque, est théoriquement élu pour cinq ans, mais aucune élection n'aura jamais lieu. Un Conseil d'État tient lieu de chambre haute. L'exécutif consiste en un gouvernement de huit ministres.
La République slovaque de Monseigneur Tiso est un « État totalitaire et corporatiste », selon les termes de Michel Laran. Les communistes le qualifient de « clérical-fasciste ». De fait, le nationalisme slovaque de cette époque est très fortement teinté de catholicisme. Ses deux grandes figures, Andrej Hlinka - mort en 1938 - et Tiso sont des prêtres catholiques. Seul, le Parti populaire slovaque (rebaptisé Parti populaire slovaque de Hlinka, du nom de son fondateur) est autorisé, à l'exception de petits partis représentant les minorités allemande Zipser et hongroise. Le gouvernement décrète un certain nombre de lois antisémites, excluant les Juifs de la vie publique dans un premier temps et les livrant à l'Allemagne dans un deuxième temps.
Cette première république slovaque promeut l'enseignement et la culture slovaques : une académie des sciences slovaque est fondée en 1942, de nombreuses universités et lycées sont créés, la littérature et la culture slovaque se développent en lieu et place du cosmopolitisme et du panslavisme de l'État tchécoslovaque basé sur le droit du sol.
Le Parti populaire slovaque est divisé en deux tendances : celle de Monseigneur Tiso est surtout constitués de conservateurs qui ont pour idéal un état autoritaire et religieux, l’autre est beaucoup plus ouvertement fasciste et inspirée par les nazis allemands. Ils ont pour idéal un État slovaque basé sur le droit du sang. Ils sont plus antisémites que l'entourage de Mgr Tiso et chasseraient volontiers tous les Tchèques du pays. Leur principale organisation est la « Garde de Hlinka » (Hlinkova garda). Leurs représentants au gouvernement sont le Premier ministre Vojtech Tuka et le ministre de l'intérieur Alexander Mach. C'est essentiellement par antibolchévisme que ces deux tendances ont pu faire alliance.
Dans un pays relativement prospère à cette époque où le reste de l'Europe est à feu et à sang, la population soutient plutôt la tendance Tiso. Les Allemands ont commencé par soutenir Tuka, mais finalement, ils se satisfont de Tiso qui garantit aux Allemands le calme à leur frontière.
La population de la République slovaque
85 % des 2 650 000 habitants de la nouvelle république sont Slovaques, les 15 % restant étant constitué de Hongrois, de Juifs, d'Allemands et de Roms. 50 % de la population vivent de l'agriculture. La capitale, Bratislava compte plus de 120 000 habitants.
La persécution des Juifs de Slovaquie
Peu après l'indépendance, la République slovaque met en œuvre un certain nombre de mesure à l'encontre des quelque 88 951 Juifs recensés le 15 décembre 1940 sur son territoire. Les premières mesures antisémites, mises en place par l'ordonnance du 18 avril 1939, un mois après l'indépendance fournissent des éléments de définition juridique et comprennent deux volets principaux : l'expropriation des 12 300 Juifs qui possèdent une entreprise et la révocation des fonctionnaires juifs. Des responsables du régime ayant lié « question juive » et question sociale, l'ordonnance stipule la nécessaire déclaration des actifs détenus par les Juifs, prélude à la nationalisation et à la distribution des biens agricoles.
Les déportations vers l'Allemagne commencent en mars 1942, en partie pour faire face la pression foncière dans la capitale. Au sein de l'ÚŽ, le service de l'émigration, dirigé par Gisi Fleischmann, aide les juifs à s'enfuir. 7 000 parviennent à se réfugier en Hongrie. Plusieurs milliers tentent d'échapper à la déportation en se convertissant au christianisme. Mgr Tiso accorde ainsi 2 000 grâces présidentielles (disposition rendue possible par la loi) en particulier aux Juifs baptisés.
À partir de juin 1942, le gouvernement slovaque se montre moins coopératif pour déporter les Juifs vers l'Allemagne. À cette date, 52 000 Juifs ont déjà été déportés, mais il en reste encore entre 30 000 et 35 000. Plusieurs raisons expliquent ce revirement slovaque :
- la redevance fixée par les Allemands, 500 RM, est élevée ;
- un certain nombre de Juifs sont indispensables à la marche du pays ;
- les interventions du Vatican sont de nature à faire fléchir un État dont le président est un prêtre catholique.
Dès le début des déportations, des notes du Vatican au Premier ministre Tuka expliquent que les Juifs ne sont pas envoyés dans l'ex-Pologne pour y travailler, mais pour y être exterminés. En pratique, les déportations sont stoppées jusqu'en octobre 1944.
Au total, 70 000 Juifs auront été déportés par les autorités allemandes ou slovaques. Environ 65 000 ne reviendront jamais.
L'historien slovaque Ivan Kamenec rappelle dans un article paru en mars 2007 dans un grand quotidien slovaque que : « La première République de Slovaquie est le seul État non occupé par l'Allemagne à avoir déporté par ses propres moyens ses citoyens juifs dans des camps. Les premiers convois de jeunes hommes et femmes sont partis sous le couvert de 'travail'. Dès avril 1942, on enfermait des familles entières — vieillards et enfants inclus — dans des wagons à bestiaux. De mars à octobre 1942, 57 convois transportant plus de 57 000 personnes ont été organisés et deux tiers de la population juive a été déportée. Seule une petite centaine de personnes a survécu aux camps de concentration. C'est l'élite politique de l'époque qui porte la responsabilité politique et morale de ce crime. Ce n'était pas seulement une tragédie pour les victimes ; les conséquences touchent la société entière, qui est encore aujourd'hui traumatisée. »2
Tiso est déposé par l'Armée rouge en avril 1945. Il s'enfuit via l'Autriche vers la Bavière où il est arrêté par les Alliés et livré pour être jugé au gouvernement tchécoslovaque. Il est condamné pour haute trahison et pendu le 18 avril 1947 en dépit des protestations de certains Slovaques.3
La Slovaquie réintégrée dans la Tchécoslovaquie
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie, démembrée en 1939 par le Troisième Reich, renaît de ses cendres. Le 5 avril 1945, alors que l'Armée rouge prend le contrôle du territoire, Edvard Beneš, ancien président de la République et chef du Gouvernement provisoire tchécoslovaque, revient au pays et constitue à Košice un gouvernement de coalition présidé par Zdeněk Fierlinger, avec le communiste Klement Gottwald comme premier vice-président. La République slovaque et le Protectorat de Bohême-Moravie cessent d'exister, la Tchécoslovaquie étant réunifiée. En composant avec les communistes, Edvard Beneš espère éviter un conflit politique après-guerre. Klement Gottwald, lui, préconise officiellement le passage au socialisme par des voies démocratiques. Aux élections de mai 1946, le Parti communiste remporte la majorité dans la partie Tchèque du pays, le parti Démocrate (anti-communiste) remportant la majorité en Slovaquie. Gottwald devient chef du gouvernement. Jan Masaryk, fils de Tomáš Masaryk, père fondateur du pays, conserve le ministère des affaires étrangères. En novembre 1947, les communistes dénoncent une tentative de coup d'État « réactionnaire ». En janvier 1948, les forces de sécurité sont réorganisées, des cadres communistes en prenant le contrôle. Le KSČ (Parti Communiste tchécoslovaque) organise dans les campagnes des manifestations réclamant une réforme agraire. En février, les ministres non-communistes dénoncent la mainmise du KSČ et mettent leur démission dans la balance. Beneš prévoit initialement de nouvelles élections mais, sous la pression militaire des soviétiques et sous celle, policière, des communistes, finit par céder et accepter la décision de ses ministres. Gottwald forme un nouveau gouvernement, où le contrôle des communistes est renforcé. Le 10 mars 1948, Jan Masaryk est retrouvé mort, officiellement « suicidé » en sautant d'une fenêtre. Le parlement approuve le nouveau gouvernement. Le 9 mai, une nouvelle constitution est promulguée, les communistes y ayant rajouté les principes de la dictature du prolétariat et du rôle prépondérant du KSČ. Edvard Beneš refuse de la signer et démissionne le 7 juin. Gottwald le remplace à la présidence de la République, laissant les rênes du gouvernement à Antonín Zápotocký. La Tchécoslovaquie est proclamée « République populaire », sans changer officiellement de nom.
Période stalinienne
La Tchécoslovaquie maintient officiellement un système de multipartisme, mais tous les rouages politiques sont entre les mains du Parti communiste, à l'approbation duquel est subordonnée toute participation à la vie politique. Les partis non-marxistes peuvent participer, mais leur présence aux élections est déterminée par quotas. Le ministère de l'intérieur contrôle la vie publique locale. La constitution prévoit la nationalisation de toutes les entreprises de plus de cinquante salariés. Une politique de développement de l'industrie lourde et de collectivisation de l'agriculture est entamée, dans des conditions répressives (persécution des « koulaks ») qui entraînent un déclin de la production agricole. Le régime entre également en conflit avec l'Église catholique : Josef Beran, archevêque de Prague, est assigné à résidence en 1949. La Tchécoslovaquie connaît une période de croissance économique, tout en demeurant loin des critères de développement occidentaux.
Comme dans les autres pays du bloc de l'Est, la rupture entre Tito et Staline se traduit par des purges au sein du parti. Klement Gottwald se débarrasse de ses adversaires politiques en organisant les procès de Prague, qui décapitent la direction du parti.
De Gottwald à Novotný
Gottwald meurt le 14 mars 1953, quelques jours après avoir assisté aux funérailles de Staline ; il est remplacé à la tête du parti par Antonín Novotný et à la présidence de la République par Antonín Zápotocký. Viliam Široký remplace Zápotocký comme chef du gouvernement. Novotny devient Président de la République en 1957.
En 1956, après le XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique qui donne le coup d'envoi de la déstalinisation, le pays connaît des protestations étudiantes et intellectuelles, mais celles-ci sont rapidement réprimées par le régime de Novotný.
Le 11 juillet 1960, la Tchécoslovaquie adopte une nouvelle constitution, proclamant la victoire du « socialisme » et adoptant le nom officiel de République socialiste tchécoslovaque. Le rôle prépondérant du Parti communiste est réaffirmé. À partir du début des années 1960, la Tchécoslovaquie connaît une période de stagnation économique. En 1963, le parti condamne officiellement le culte de la personnalité stalinien, et éloigne ses dirigeants les plus conservateurs. Des prisonniers politiques sont libérés.
Au cours des années suivantes, l'économie tchécoslovaque se stabilise, et le niveau de vie des citoyens s'améliore ; les voyages en Occident deviennent plus faciles. En juin 1966, le treizième congrès du parti communiste donne son feu vert au nouveau programme appelé « Nouveau modèle économique ». Des réformes amènent une relative libéralisation de l'économie. La vie intellectuelle et artistiques du pays connaît un fort développement, et les intellectuels dissidents s’organisent pour dénoncer les abus du régime : l’Union des écrivains tchécoslovaques utilise la gazette Literárni noviny (« Journal littéraire ») pour réclamer une littérature indépendante du pouvoir. En juin 1967, certains écrivains comme Ludvík Vaculík, Milan Kundera, Pavel Kohout et Ivan Klíma se rapprochent des socialistes radicaux. Quelques mois plus tard, le Parti communiste décide de prendre des mesures contre les intellectuels qui s’expriment en faveur des réformes : le contrôle sur Literární noviny et sur les maisons d’édition est transféré au ministère de la culture.
Le régime est de plus en plus contesté : en juin 1967, le congrès des écrivains contestent ouvertement le régime. La même année, le Premier Secrétaire du Parti communiste slovaque, Alexander Dubček, et l’économiste Ota Šik défient le pouvoir : Antonín Novotný, contesté de l'intérieur même du parti, demande le soutien des Soviétiques, qui n’interviennent pas.4
Le printemps de Prague
Le 21 août 1968, les tanks des troupes du pacte de Varsovie - qui regroupait autour de l'URSS ses satellites d'Europe centrale et orientale - envahissaient la Tchécoslovaquie pour mettre un terme à ce qu'on appelait le " Printemps de Prague ".
Les dirigeants du Kremlin voyaient d'un mauvais œil les changements qui se produisaient depuis des mois à la tête de la Tchécoslovaquie dite " socialiste ", d'autant qu'ils s'accompagnaient d'un air de liberté jamais vu pour sa population. Eux et les dirigeants des autres Démocraties populaires (les pays de l'Est sur lesquels Staline avait établi son emprise après 1945) craignaient qu'un tel exemple ne suscite des émules dans la région.
Dans la période qui avait suivi la mort de Staline, l'État alors unique des Tchèques et des Slovaques était sans doute, de toutes les démocraties populaires, celui qui avait le moins causé de souci à Moscou. Gottwald, le Staline tchèque, était mort la même année que le " petit père des peuples ". Un autre stalinien, Novotny, lui avait succédé sans que grand-chose ne change à la tête de la Tchécoslovaquie durant 15 ans.
L'équipe Novotny faisait figure d'anachronisme rescapé de la " déstalinisation ". Mais à la direction du PC, des voix commençaient à réclamer des réformes comme il y en avait eu en Hongrie ou en Pologne. Des changements aussi, et d'abord que Novotny ne cumule plus les postes de chef du parti et de chef de l'État.
Fin 1967, le congrès des écrivains tchécoslovaques mit sur la sellette le régime et Novotny, sans que des arrestations pleuvent sur les " fautifs ". Après une réforme économique, avortée aussitôt que lancée, c'était un nouveau signe du fait que Novotny ne tenait plus vraiment la barre.
Le printemps en janvier ?
C'est dans ce contexte qu'un membre de la direction, le Slovaque Dubcek, s'imposa comme l'homme du compromis entre les clans du pouvoir. Début janvier 1968, Novotny dut lui céder la tête du parti. En mars, il perdit la présidence de la République. Et en avril, le quatuor " réformateur " - Dubcek, Svoboda (chef de l'État), Smrkovsky (président du parlement), Cernik (Premier ministre) - élimina l'ancienne équipe des organes dirigeants.
Pour vaincre la résistance des novotnistes, Dubcek et ses alliés avaient quêté l'approbation du Kremlin. Mais il avaient aussi l'appui de la jeunesse universitaire, que Novotny avait fait matraquer fin 1967, des écrivains et des journalistes, qui étalèrent sur la place publique les turpitudes de l'ancienne équipe.
Tout l'hiver, la population avait été tenue à l'écart des luttes au sommet. Et cela servait d'argument à Dubcek qui, auprès de Moscou, pouvait se targuer d'avoir la situation bien en main. Mais les choses changeaient : l'effervescence de l'intelligentsia gagnait toute la population.
Dans les universités, les usines, les bureaux, on se passionnait pour les débats sur le passé, les réformes à venir, la " voie tchécoslovaque vers le socialisme ", annoncée par Dubcek et vilipendée par Brejnev. La nouvelle direction promettait d'abolir la censure (qui ne s'exerçait déjà plus), d'épurer la police politique, de châtier les auteurs des crimes staliniens, de donner plus de champ à l'Église. En écho aux aspirations slovaques, l'État allait se doter d'une structure fédérale. Autre projet : établir une distinction nette entre le gouvernement et le parti.
Il s'agissait essentiellement de promesses. Mais elles soulevaient d'espoir tout un peuple. Et il faisait bloc derrière Dubcek en qui il plaçait sa confiance.
Le talon de fer de la bureaucratie russe
Si Dubcek contrôlait la situation en Tchécoslovaquie, et face aux PC des " pays frères " se posait en apôtre de " la transition à une qualité nouvelle de la société socialiste ", les dirigeants du pacte de Varsovie, craignant que le vent de libéralisation qui soufflait à Prague ne finisse par atteindre leurs pays, se faisaient de plus en plus menaçants. Le 15 juillet, ils lancèrent un ultimatum, enjoignant aux autorités de Prague de sévir contre " les forces antisocialistes menaçantes ". Le 21 août, les tanks de l'armée soviétique passaient à l'action.
Le camp des puissances impérialistes poussa des hauts cris. Mais il n'était pas mécontent que la bureaucratie se charge à nouveau du sale travail, en mettant un terme à une effervescence populaire au cœur de l'Europe. Car ce phénomène aurait pu être contagieux. Dans les pays de l'Est et peut-être au-delà. Après tout, la grève générale de mai-juin 68 en France venait juste de prendre fin. Et puis, au moment où l'impérialisme américain était embourbé dans la guerre du Vietnam, impopulaire aux États-Unis même, leurs dirigeants se frottaient les mains : une fois encore, les héritiers de Staline donnaient du socialisme l'image hideuse de leurs crimes.
La logique de la capitulation
En attendant, le secrétaire général du Parti Communiste d'Union soviétique, Brejnev, se heurtait à un mur. La population tchécoslovaque s'efforçait de paralyser l'armée d'invasion, s'adressant à ses soldats, sabotant la signalisation routière. Face à cette unanimité agissante, le Kremlin qui n'avait ni appui local, ni équipe de rechange, se trouvait dans une situation difficile.
C'est Dubcek qui le tira d'embarras en signant " les accords de Moscou ". Entérinant l'intervention, ils justifiaient l'occupation sous prétexte d'éviter le pire. Cela n'évita pas le sang de couler quand des jeunes affrontaient, seuls, les forces d'occupation et, de plus en plus souvent, la police de Dubcek. Cela n'évita pas le désespoir de tout un peuple qui, ayant placé ses espoirs dans un homme, le vit se faire le complice de la " normalisation ". Jusqu'à ce que celle-ci étant désormais en route, Dubcek, devenu inutile, soit éjecté de ses fonctions.5
Après l'écrasement des réformes
L'équipe d'Alexander Dubček reste encore au pouvoir quelques mois, faisant passer une importante réforme : le 27 octobre 1968, une loi constitutionnelle fait de la Tchécoslovaquie une république fédérale : le pays est divisé en deux États autonomes, la République socialiste tchèque et la République socialiste slovaque. Si Prague demeure la capitale au niveau fédéral tout en étant celle de la République socialiste tchèque, les Slovaques jouissent désormais de l'autonomie qu'ils réclamaient depuis longtemps. Tchéquie et Slovaquie se voient attribuer des parlements nationaux, le Conseil national tchèque et le Conseil national slovaque, tous deux travaillant de concert avec un parlement fédéral.
Dubček est ensuite définitivement évincé, et remplacé à la tête du parti communiste par Gustáv Husák. En 1975, ce dernier remplace également Ludvík Svoboda comme président de la République. La Tchécoslovaquie connaît une période de forte stagnation économique et de répression politique accrue. Le suicide de l'étudiant Jan Palach est l'un des symboles de cette période d'oppression politique. La liberté d'expression est sévèrement contrôlée. Dans les années 1970, la dissidence intellectuelle parvient cependant à s'organiser : le 1er janvier 1977, 243 intellectuels publient la charte 77, exigeant le respect des droits de l’homme. Le dramaturge Václav Havel et le philosophe Jan Patocka apparaissent comme les porte-paroles de la contestation intellectuelle. Le régime demeure sourd à ce désir de réformes.
Chute du régime (La révolution de velours)
Au moment de la Perestroïka, la direction du parti ne fait aucune concession en matière de libertés politiques, ne proposant que des réformes économiques. À partir de 1988, vingtième anniversaire du printemps de Prague, le pays connaît une importante effervescence politique. Les pétitions réclamant la liberté politique et religieuse se multiplient. En janvier 1989, le vingtième anniversaire de la mort de Jan Palach entraîne d'importantes manifestations. En novembre, l’opposition se regroupe au sein d’un Forum civique ; les syndicats se joignent au mouvement. Le régime apparaît dépassé et, le 24 novembre, la direction du Parti communiste tchécoslovaque démissionne collectivement. L'assemblée fédérale abolit l'article de la constitution stipulant la prédominance du Parti. Le 10 décembre, Gustáv Husák démissionne après avoir cherché à former un gouvernement d'union nationale ; Marián Čalfa, nommé chef du gouvernement, assure l'intérim à la tête de l'État. Le 28 décembre, Alexander Dubček est élu à la tête du parlement et le 29 décembre, Václav Havel est élu Président de la République. Des élections en juin 1990 assurent la victoire des anciens partis d'opposition. Čalfa demeure premier ministre de la nouvelle République fédérale tchèque et slovaque et assure jusqu'en 1992 la transition démocratique.6
La vie politique en Tchécoslovaquie est marquée par une séparation de plus en plus nettes entre Tchèques et Slovaques, les partis politiques de chaque moitié du pays ayant peu ou pas de présence dans l'autre moitié. Tchèques et Slovaques ne s'accordent pas sur la forme de gouvernement, Prague souhaitant un contrôle renforcé, tandis que les Slovaques désirent davantage de décentralisation. Le 24 juin 1992, Vladimír Mečiar est élu chef du gouvernement slovaque et, le 2 juillet, Václav Klaus devient chef du gouvernement tchèque.
Cette situation n’empêchera pas d’entamer les pourparlers qui déboucheront sur la dissolution de la Tchécoslovaquie le 31 décembre 1992 à minuit.7
Vladimír Mečiar au pouvoir
Il est élu Premier ministre, pour quatre ans, en novembre 1994. C'est au cours de cette période qu'il met en place les aspects les plus controversés et autoritaires de sa politique, qui ont pour effet d'isoler la Slovaquie du reste de l'Europe. C'est en grande partie pour cette raison que la Slovaquie n'intègre l'OTAN qu'en 2004, à la différence de son voisin tchèque que l'organisation compte dans ses rangs dès mars 1999. Une entrée de la Slovaquie dans l'Union européenne ou dans l'OTAN est demeurée pendant longtemps impensable, bien que Mečiar lui-même ait toujours voulu y parvenir.
Bien que son parti soit arrivé en tête des élections d'octobre 1998 et de 2002, il ne parvient pas à former de coalition suite à ses échecs à l'international, et l'opposition conduite par Mikuláš Dzurinda accède deux fois au pouvoir.8
Premier mandat
Mikuláš Dzurinda parvient au pouvoir le 30 octobre 1998, en prenant la tête d'une coalition gouvernementale, forte de 93 députés sur 150 au Conseil national, rassemblant la Coalition démocratique slovaque (SDK), qui fédère elle-même plusieurs partis de centre-droit et de centre-gauche, le Parti de la gauche démocratique (SDĽ), le Parti de la coalition hongroise (SMK-MKP) et le Parti de l'entente civique (SOP), afin de faire barrage au président du gouvernement sortant, Vladimír Mečiar.
Sous sa direction et son gouvernement, la Slovaquie a rejoint le processus d'intégration à l'Europe occidentale et renoué ses relations avec l'Union européenne (UE) et fait son retour au sein des structures économiques et politiques transatlantiques. Le succès des réformes mises en œuvre ont amené le pays à adhérer à l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en septembre 2000, à achever ses négociations d'adhésion à l'UE, et à attirer de nombreux investisseurs.
Second mandat
Bien que son nouveau parti, la SDKÚ, se soit classé deuxième du scrutin législatif de 2002, il parvient à se maintenir au pouvoir grâce à une alliance de centre-droit réunissant sa formation, le KDH, le SMK-MKP et l'Alliance du nouveau citoyen (ANO), plus homogène politiquement, qui recueille 42,51 % des suffrages. Cette même année, le sommet de l'OTAN à Prague invite la Slovaquie à rejoindre l'Alliance, tandis que le sommet européen de Copenhague confirme la prochaine adhésion du pays à l'UE.
Au cours de son second mandat, le déficit budgétaire a été réduit pour passer sous les 3 % du produit intérieur brut, ouvrant ainsi la porte de l'euro au pays, l'objectif étant alors de rejoindre la zone euro en 2009. Dans le même temps, la croissance économique atteignait près de 6 % en 2005, soit la plus forte de la région, et accueillit de nombreux investisseurs, comme PSA Peugeot Citroën ou Kia Motors. Son gouvernement avait en outre instauré un impôt à taux unique de 19 % pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. La politique énergétique de son gouvernement a permis de réduire la consommation de la Slovaquie de 8,5 % entre 2001 et 2006 alors que le pays était en période d'expansion économique, et s'est traduit par la privatisation du secteur au profit de sociétés étrangères. La croissance économique n'a pas éclipsé le problème du développement des zones rurales et du fort taux de chômage, à savoir 20 % en 1998 et encore 12 % huit ans plus tard.9
La présidence de Robert Fico (2006-2010)
Ayant réussi à former une coalition gouvernementale comptant 85 députés, Robert Fico est investi président du gouvernement le 4 juillet 2006 à la tête d'une alliance unissant son parti au Parti national slovaque (SNS, nationaliste) et au Parti populaire - Mouvement pour une Slovaquie démocratique (ĽS-HZDS, populiste). Le choix de ses partenaires entraîne la suspension de l'appartenance de SMER-SD au Parti socialiste européen (PSE), qui sera finalement levée. Âgé de 41 ans au moment de sa prise de fonction, il est alors le plus jeune à occuper ce poste.
Au cours de son mandat, il s'est bien gardé de remettre en cause les fondements de la politique économique de son prédécesseur, et obtenu en 2007 la croissance record de 10,4 % du produit intérieur brut (PIB). Il a toutefois mis en œuvre une réforme du marché du travail pour le rendre moins favorable aux employeurs et réduit la taxe sur la valeur ajoutée sur les médicaments et les livres, soit beaucoup moins de produits que promis. Il a également aboli le « ticket modérateur », autrement dit les frais que les patients devaient payer lors de leur visite chez le médecin ou de leur passage à l'hôpital. Il a en outre essayé d'instaurer des péages routiers en 2010 mais dû renoncer sous la pression des chauffeurs routiers.
Au niveau international, ses relations diplomatiques ont été compliquées du fait de ses deux partenaires de coalition. De ce fait, il a surtout renforcé ses liens avec la Serbie et la Russie. En 2007, il prend ainsi des positions en faveur de Vladimir Poutine lors du différend sur le bouclier anti-missile européen. Il a également joué sur la division ethnique du pays, en prenant régulièrement à partie la minorité magyare. À cet égard, la décision de l'Assemblée nationale de Hongrie d'accorder un passeport à tous les Magyars de souche l'a conduit à modifier la loi sur la nationalité slovaque, qui interdit désormais toute double nationalité. Il a de plus fait savoir qu'il était opposé à la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo. C'est par ailleurs sous son mandat que la Slovaquie a rejoint la zone euro à partir du 1er janvier 2009, étant alors le premier pays de l'ex-bloc soviétique à adopter la monnaie unique.
Élections de 2010
Candidat à un second mandat lors des élections du 12 juin 2010, il a fait campagne sur son bilan, notamment en matière de politique sociale, et sur le ressentiment anti-magyar, alimenté par la victoire de la Fidesz-Union civique hongroise aux récentes élections législatives. Sa stratégie semble avoir été payante puisque le parti SMER-SD a décroché 62 sièges et 34 % des voix, en nette progression par rapport au précédent scrutin. Toutefois, le centre-droit pris dans son ensemble réunit 79 élus sur 150, soit trois de plus que la majorité absolue. Il est chargé le 13 juin 2010 par le président Ivan Gašparovič de former le nouveau gouvernement, mais ne peut que constater son échec dix jours plus tard, ce qui le conduit à renoncer et annoncer sa démission de la direction du gouvernement après l'ouverture de la nouvelle session parlementaire, le 8 juillet. Remplacé par la libérale conservatrice Iveta Radičová, il est désigné le même jour par son parti pour devenir vice-président du Conseil national de la République slovaque.10
Retour au pouvoir
AIveta Radičová démissione le 11 octobre 2011, suite au renversement de son gouvernement après avoir perdu un vote de confiance concernant le plan de sauvetage de la Grèce11. Des élections législatives anticipées sont alors organisées le 10 mars 2012. Le parti SMER-SD obtient la majorité absolue au Conseil national avec 44,4 % des voix et 83 députés, ouvrant ainsi la voie à un nouveau gouvernement de Robert Fico.
Il fait voter, le 5 décembre 2012, par le Conseil national, une loi abolissant la flat tax. La réforme fiscale crée un taux d'impôt sur les sociétés de 23 %, en hausse de quatre points, et une seconde tranche d'impôt sur le revenu à 25 % pour ceux gagnant plus de 3 246 euros par mois. Une surtaxe de 5 % est créée au sujet des ministres, des parlementaires et du président de la République.12
Montée de l'extrême droite
En novembre 2013, un leader d'extrême droite est élu à la tête d'une région du centre du pays. Alors qu'il avait obtenu 21 % des voix au premier tour, Marian Kotleba a été élu avec plus de 55 % des voix au second tour, face à un candidat social-démocrate du parti au pouvoir.
La Slovaquie a été présentée pendant des années comme un « tigre » économique à cause de son fort taux de croissance. C'était en effet une sorte d'eldorado pour multinationales européennes de l'automobile. La présence d'une classe ouvrière qualifiée a ainsi attiré des grands groupes comme Volkswagen, PSA ou Hyundai, à tel point que le secteur de l'industrie automobile représente maintenant un tiers du produit intérieur brut.
Pour les classes populaires, le taux de croissance élevé n'empêchait pas les salaires de misère, mais le retournement économique après la crise de 2008 a considérablement aggravé la situation, et de façon très brutale. Alors que le taux de chômage était officiellement de moins de 10 % fin 2008, il s'est mis à grimper brutalement, pour se situer, toujours selon les chiffres officiels, entre 14 % et 15 % de 2010 à 2013. C'est dans ce contexte économique que s'est faite la percée électorale du courant fascisant de Kotleba.
Kotleba est connu pour être un admirateur du dictateur slovaque Jozef Tiso qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait livré des dizaines de milliers de Juifs aux camps d'extermination nazis. Il aime aussi se montrer avec les membres de son parti en uniforme paramilitaire rappelant celui des milices du parti nazi de Hitler. Lors de la campagne électorale, il a usé d'une virulente démagogie antitsiganes et antipauvres, déclarant qu'il mettrait « fin au traitement préférentiel injuste des parasites, et pas uniquement les Tsiganes ».
Ce résultat électoral est un coup de semonce pour les travailleurs slovaques. Car, le régime politique qu'un tel parti mettrait en place, qui serait tout aussi servile vis-à-vis des grandes multinationales européennes, serait un régime féroce contre les travailleurs.
C'est aussi une leçon au-delà de la Slovaquie. Car avec l'aggravation de la crise, si la classe ouvrière ne retrouve pas le chemin des luttes collectives pour ses revendications et pour représenter un espoir pour toutes les victimes de la crise, alors cela peut être des courants d'extrême droite qui canaliseront la colère de certaines catégories sociales, pour les retourner contre les pauvres et les travailleurs.13
Sources