Histoire ancienne
Entre 400 et 750 après J.-C., la capitale actuelle du Népal, Katmandou, était dirigée par la dynastie des Licchavi. Les vestiges archéologiques de cette période consistent principalement en des inscriptions sur pierre, datées de deux époques consécutives. La plus ancienne, l'époque Åšaka, date de 78 après J.-C., tandis que la seconde, Amshuvarmā, date de 576.
Bien que la plupart des inscriptions indiquent les dates et commissaires des constructions en pierre, certaines transmettent des édits royaux, des mantras religieux ou des notes historiques. C'est grâce à la corroboration entre les mythes locaux et ces découvertes archéologiques qu'un peuple antérieur aux Licchavi a été identifié, connu sous le nom de Kirata. Très peu d'informations sont disponibles à ce sujet.
Origine du nom
Le toponyme « Népal » dériverait du sanskrit nipalaya qui signifie « au pied des montagnes », en référence à sa situation proche de l'Himalaya. Cela pourrait donc être un équivalent au toponyme européen « Piémont ». Il a également été suggéré que le nom viendrait du tibétain niyampal qui signifie « terre sacrée ».
Formation
Le Népal moderne a été créé dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle lorsque Prithivî Nârâyan Shâh, le chef de la petite principauté de Gorkha, unifia un certain nombre d'États indépendants des contreforts de l'Himalaya en 1768. Il s'empara du trône, unifia le royaume, le ferma aux étrangers et lui apporta ainsi la sérénité. Le pays était fréquemment appelé le royaume Gorkha, l'origine du terme gurkha employé pour des soldats du Népal.
L'administration Rânâ
Après 1800, les héritiers de Prithivî Nârâyan Shâh sont incapables de maintenir un contrôle politique effectif du Népal. Le pays sombre dans une période d'agitation, confirmée par la défaite du Népal dans la guerre anglo-népalaise de 1814 à 1816. La stabilité est retrouvée après 1846 quand la famille Rânâ accapare de manière héréditaire le poste de Premier ministre, reléguant le monarque à un rôle de représentation. Le régime Rânâ, une autocratie fortement centralisée, poursuit une politique isolationniste, coupant le Népal de toutes influences externes.
Les réformes démocratiques
Le Népal est resté très longtemps un « pays inaccessible », non à cause de ses montagnes mais parce qu'il était un royaume fermé aux étrangers. Ce n'est qu'en 1951, lorsqu'il décida de s'ouvrir au monde extérieur, qu'il reçut ses premiers visiteurs. Débarquèrent alors des États-Unis et d'Europe des hordes de hippies qui ancrèrent Kathmandou dans la légende. C'était l'époque où le haschich était en vente libre. Mais de cette période, il ne reste pas grand chose. Aujourd'hui, le Népal est devenu le rendez-vous des globe-trotters de toutes les nationalités.
En 1950, le roi Tribhuvan, un descendant direct de Prithivî Nârâyan Shâh, se sauve de sa prison dorée pour rejoindre l'Inde nouvellement indépendante. Avec l'aide de Jawaharlal Nehru, il revient au pouvoir au début de l'année 1951 puis, le 16 novembre 1951, parvient à nommer un Premier ministre ne faisant pas partie de la famille Rânâ : Matrika Prasad Koirala. Pendant les années 1950, un projet de constitution est rédigé instituant une forme représentative de gouvernement, basée sur un modèle britannique.
Au début de 1959, le roi Mahendra promulgue la nouvelle constitution, et les premières élections législatives démocratiques sont organisées. Le parti du congrès népalais, un parti socialiste modéré, remporte largement les élections. Son chef, Bishweshwar Prasad Koirala (frère de Matrika Prasad Koirala) forme son gouvernement et devient Premier ministre.
L'échec démocratique
Déclarant, 18 mois plus tard, l'échec de la démocratie parlementaire, le roi Mahendra démet le gouvernement de Koirala et promulgue une nouvelle constitution le 16 décembre 1962. Celle-ci établit le système sans parti des panchayats (conseils) que Mahendra considère comme une forme démocratique de gouvernement plus proche des traditions népalaises. En tant que structure pyramidale partant des villages pour atteindre le Rastriya Panchayat ou Parlement national, le système du panchayat instaure une monarchie absolue et installe le roi à la tête de l'État avec une autorité complète sur toutes les instances gouvernementales, y compris le Cabinet (Conseil des ministres) et le Parlement.
Le roi Birendra, son fils de 27 ans, succède au roi Mahendra en 1972. Sous la pression des manifestations estudiantines et antigouvernementales de 1979, le roi Birendra appelle à un référendum national pour décider de la nature du futur gouvernement du Népal, soit la conservation du système de panchayat amélioré par des réformes démocratiques, soit l'établissement du multipartisme. Le référendum est organisé en mai 1980, et le système du panchayat gagne d'une courte victoire. Le roi institue les réformes promises, y compris celle du choix du Premier ministre par le Rastriya Panchayat.
Les habitants des zones rurales avaient eu l'espoir d'être mieux représentés après l'adoption de la démocratie parlementaire en 1990. Quand il devient évident que les réformes agraires promises n'auront pas lieu, les ruraux de certaines parties du pays vont décréter leur propre réforme pour gagner une certaine maîtrise sur leurs vies face aux propriétaires terriens. En réaction contre ce mouvement, le gouvernement népalais organise une répression féroce qui entraîne l'élimination de plusieurs des principaux activistes en lutte. Ces opérations répressives amèneront beaucoup de leurs témoins à se radicaliser.
La guerre civile
Le 12 février 1996 voit le lancement de la guerre civile népalaise d'inspiration maoïste. Une insurrection dont le but affiché est l'abolition de la monarchie qualifiée de corrompue et l'instauration d'un régime communiste qui s'exprimera à travers une « démocratie populaire ». Menée par Pushpa Kamal Dahal (connu également sous le nom de guerre de Prachanda) et le Dr. Baburam Bhattarai, idéologue du mouvement maoïste, l'insurrection débute dans cinq districts : Rolpa, Rukum, Jajarkot, Gorkha et Sindhuli. Les maoïstes, parvenant à contrôler de larges portions du territoire népalais, surtout dans les campagnes de l’ouest du pays, annoncent la création d'un « gouvernement du peuple » temporaire afin de remplacer les bureaux locaux de l'Administration auxquels ils s'attaquent régulièrement. Malgré leur prétention à défendre les intérêts du peuple, les maoïstes sont accusés par les organisations de défense des droits humains de s'approprier les biens appartenant à des familles paysannes, de recruter de force des enfants-soldats, d'extorquer de l'argent à des entrepreneurs, d'imposer des « taxes révolutionnaires », de procéder à des enlèvements et de s'adonner à la pratique de mauvais traitement à l'égard des personnes enlevées. Ces mêmes organisations accusent en même temps l'Armée royale de recourir à la torture et aux mauvais traitement à l'endroit des personnes « capturées » dans le cadre de leurs opérations de lutte contre la guérilla. La guerre civile fera près de 13 000 morts.1
Massacre au palais royal
Le 1er juin 2001, le roi Birendra, la reine Aiswarya, le prince héritier Dipendra et les autres enfants du couple royal sont abattus au cours d'un dîner. Dipendra meurt après 3 jours de coma.
Les différentes explications
Juste après les événements, Gyanendra Bir Bikram Shah Dev, le frère de Birendra, plus proche parent absent à ce dîner, devient régent. Il annonce que le massacre est accidentel, version qui n'apparaît pas comme crédible : un fusil d'assaut ne peut pas continuer à tirer longtemps si personne n'appuie sur la gâchette.
Après la mort de Dipendra, les autorités népalaises révèlent que le prince, sous l'effet d'alcool et de drogue, est l'auteur des meurtres des membres de sa famille, et a ensuite retourné l'arme contre lui. En effet, après la mort de Birendra, Dipendra était devenu roi, et donc il était impossible de l'accuser de meurtre de son vivant.
Les témoins décrivent une dispute entre le prince et sa famille, dont la raison est inconnue, une possibilité étant un refus de ses parents concernant ses projets de mariage. Le prince est alors rentré dans sa chambre pour en sortir avec ses armes, HK MP5, Franchi SPAS 12 et M163.
Dipendra mort, Gyanendra devient roi. L'opposition népalaise le soupçonne d'être le véritable architecte du massacre et d'avoir faussement accusé Dipendra. Un soldat témoigne même avoir vu Dipendra blessé de plusieurs balles dans le dos avant les tirs contre le reste de la famille. Ces accusations peuvent également venir du fait que Gyanendra était déjà très impopulaire au moment des faits.2
Coup de force du roi Gyanendra
En octobre 2002, le roi Gyanendra se met toute la classe politique à dos en suspendant le Parlement, les Conseils locaux et en démettant de ses fonctions le Premier ministre Sher Bahadur Deuba au motif de son incapacité à régler le problème des insurgés maoïstes. Il n'y avait donc plus de pouvoir élu au Népal depuis cette date. En juin 2004, le roi nomme à nouveau Sher Bahadur Deuba Premier ministre. Il finit par le limoger également le 1er février 2005 et l'assigne à résidence. Gyanendra s'arroge alors les pleins pouvoirs, et forme un nouveau Conseil des ministres composés de fidèles qu'il choisit lui-même, gouvernement supposé lutter contre la rébellion maoïste et la corruption. Il décrète l'état d'urgence pour les 3 ans à venir et suspend les droits fondamentaux. Les médias sont muselés tandis que des centaines de personnes sont arrêtées.
En avril 2005, le roi Gyanendra promet des élections municipales dans un délai d'un an. Malgré les demandes des organisations non-gouvernementales, il refuse cependant la tenue d'élections législatives. Les partis politiques népalais se rallient donc sous le mot d'ordre commun de réinstallation du Parlement dissous en 2002.
Grève générale et restauration du Parlement
Face à ce coup de force, les partis d'opposition déclenchent le 6 avril 2006, une grève générale illimitée destinée à faire plier le souverain, réclamant notamment la convocation d'une assemblée constituante. Quant aux plus radicaux d'entre eux, ils n'hésitent pas à prôner l'instauration d'une république.3
Après trois semaines de grèves et d'imposantes manifestations populaires, violemment réprimées, qui ont causé la mort d'au moins 14 manifestants et en ont blessé des dizaines d'autres, Gyanendra a annoncé le 24 avril, dans une allocution radiotélévisée, son intention de rétablir le Parlement.
Le lendemain, une foule immense se rassemblait aux cris de : « C'est la victoire du peuple » à Katmandou, la capitale de ce royaume himalayen, l'un des pays les plus pauvres de la planète où vivent 25 millions de personnes, dont les deux tiers au-dessous du seuil de pauvreté. Les manifestants ne semblaient cependant pas tous se contenter de ce recul du monarque, qui répondait à l'une des revendications du regroupement des partis d'opposition. Il semble qu'une grande partie de la population réclame le départ du dictateur et la fin de la monarchie et de cette dynastie qui la dirigent depuis plus de deux siècles.
Le gouvernement indien a également exercé des pressions pour que son voisin septentrional, très dépendant économiquement de l'Inde et aussi des aides internationales, endigue la mobilisation populaire en cédant du terrain.
Les partis d'opposition se sont réjouis en estimant que la dictature commençait à se fissurer. Mais celle-ci restait tout de même en place, et surtout avec elle la corruption du pouvoir, la misère et la crise qui secouait depuis des années le pays, marquée par l'existence depuis dix ans d'une guérilla sauvagement combattue par le régime, au prix de plus de douze mille morts en dix ans.
Les grandes puissances et les marchands d'armes sont directement responsables de cette hécatombe. Un rapport d'Amnesty international a mis en lumière l'importance des livraisons d'armes dont le Népal bénéficie : l'Inde a fourni des dizaines de milliers de fusils d'assaut ainsi que des hélicoptères de combat sous licence française Eurocopter. Les États-Unis ont également exporté des dizaines de milliers de fusils M16, le Royaume-Uni des avions Islander à décollage et atterrissage courts, pouvant être équipés d'armements, ainsi que des armes légères exportées en violation des dispositions du code de conduite européen. La Belgique a fourni des mitrailleuses, l'Afrique du Sud de l'équipement de communication militaire. L'ONG concluait son rapport sur les conséquences de ces ventes d'armement qui ont « favorisé le meurtre, la torture, l'enlèvement et la « disparition » de milliers de civils ».
Profondément corrompu, mollement contesté par une élite conservatrice jalouse de ses privilèges, le pouvoir s'est lancé depuis une quinzaine d'années dans un processus de privatisation signant l'arrêt de mort des rares services existants, comme l'eau potable. Officiellement aboli en 1963, le système de castes continue de sévir au Népal. Dans un pays où 80% de la population survit grâce à l'agriculture, les Intouchables représentent le cinquième de la population et dans les campagnes ils sont encore interdits de puits, de commerce, de temple.
Une ONG a dénoncé la généralisation du travail des enfants, exploités souvent pour quatre dollars par mois. L'éducation, en revanche, est un luxe bien souvent inaccessible : deux Népalais sur trois sont illettrés, ce que la guérilla tente de combattre à son échelle.
Rien d'étonnant, en tout cas, si une partie de la population soutient cette guérilla, la seule alternative qui semble être proposée à la misère et à la résignation. Dirigée par le Parti communiste maoïste népalais de Prachanda, elle rassemble dans les montagnes pauvres de l'ouest des milliers de jeunes en rupture avec le régime, en révolte contre l'oppressante inégalité sociale même si certains sont parfois issus des couches aisées.
Les informations manquent pour savoir jusqu'à quel point la guérilla bénéficie du soutien populaire et défend réellement les aspirations de la population pauvre. Reste que c'est face à son influence grandissante que le roi a décrété l'état d'urgence en 2002, et que les grandes puissances ont tenté de hâter le « retour à la stabilité de la région », comme le déclarait un diplomate occidental, en fournissant force, armes et conseillers militaires à la dictature.
Celle-ci, à force de répression, de violence aveugle et de mépris affiché, a fini par jeter dans la rue des centaines de milliers de gens, sous les mots d'ordre des partis d'opposition et de la guérilla réunis contre le monarque. Et c'est celui-ci qui a mis le feu aux poudres en proclamant, pour le début de l'année 2006, l'organisation d'un simulacre d'élections municipales auxquelles tous les partis ont immédiatement refusé de participer.
En tout cas, dans le bras de fer que le régime a engagé contre la majorité de la population népalaise, Gyanendra semble bien pour l'instant avoir perdu la première manche.4
Le 18 mai 2006, le Parlement vote à l’unanimité une proclamation historique privant le roi Gyanendra de l’essentiel de ses pouvoirs. Cette proclamation stipule que le Parlement est l’autorité suprême du pays. Le nom officiel du pays est changé : de « Royaume du Népal », il devient « État du Népal ». L’appellation de « Gouvernement du Népal de Sa Majesté » est modifiée par « Gouvernement du Népal » et le Premier Ministre devient officiellement le « Chef du pouvoir exécutif » aux dépens du roi qui n'a plus qu'un rôle honorifique. Le roi perd son titre de Commandant suprême de l’Armée royale népalaise tandis que l’armée, rebaptisée Armée du Népal, passe sous contrôle d’un Conseil national de sécurité présidé par le Premier ministre. En vertu de cette proclamation, tous les pouvoirs exécutifs de l’État seront désormais assumés par le Conseil des ministres. En outre, le Népal, seule nation officiellement hindoue au monde, devient un État laïque. Le Raj Parishad ou Conseil royal est aboli. Le roi pourra désormais être poursuivi devant les tribunaux comme tout citoyen et il sera tenu de payer ses impôts comme tout Népalais.
Accord de paix
Un accord de paix entre le Gouvernement et le Parti communiste du Népal (maoïste) (ex-rebelles maoïstes) est signé le 21 novembre 2006. Le Gouvernement et les maoïstes s'entendent pour faire appel à l'ONU pour superviser le contrôle des armes et apporter son soutien à la préparation des élections pour la formation de l'Assemblée constituante. Malgré une paix fragile, en raison des manquements fréquents des ex-rebelles maoïstes au code de conduite signé par les parties, un nouveau Gouvernement provisoire est constitué le 1er avril 2007. Ce gouvernement de coalition, dirigé par le Premier ministre Girija Prasad Koirala, comprend cinq ministres maoïstes. Cette entrée au gouvernement des maoïstes vient consolider l'accord de paix de novembre 2006. Le nouveau gouvernement fixe au 20 juin 2007 la date de la tenue des élections pour la formation de l'Assemblée constituante. Cependant, le refus des partis modérés d'accéder aux exigences des maoïstes d'accélérer la destitution du roi et la proclamation d'une république entraîne, le 18 septembre 2007, le départ de ces derniers du gouvernement.
De la monarchie à la république
Afin d'éviter un blocage du processus de paix, un accord est trouvé entre les différentes composantes politiques du pays : le 28 décembre 2007, le Parlement provisoire approuve, à une écrasante majorité (270 voix contre 3), une résolution prévoyant l'abolition de la monarchie après l'élection, prévue le 10 avril 2008, d'une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution, le Népal devant s'acheminer à partir de cette date vers un État de type « fédéral, démocratique et républicain ». Dans ces conditions, les maoïstes acceptent de reprendre leur place au gouvernement. L'élection de cette assemblée a lieu le 10 avril 2008, et voit la victoire des maoïstes. Sa séance inaugurale, le 28 mai suivant, confirme l'abolition de la monarchie et son remplacement par une « République démocratique fédérale ».
À cette occasion le servage « Kamaiya » qui touchait principalement la caste des Dalits et l'ethnie Tharus est également aboli.
Devenu premier ministre en août 2008, Prachanda doit cependant quitter le pouvoir dès mai 2009, à la suite d'un conflit avec le président Ram Baran Yadav. Les maoïstes, revenus dans l'opposition, s'emploient à susciter des grèves contre le gouvernement de coalition formé par le Congrès népalais et le Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste unifié) : après une période d'instabilité gouvernementale, le Népal a en 2011 un nouveau premier ministre maoïste, Baburam Bhattarai. Ce dernier démissionne en février 2013 pour laisser la place à un gouvernement intérimaire chargé de préparer de nouvelles élections. L'élection de novembre 2013 est finalement remportée par le Congrès népalais ; le Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste unifié) arrive deuxième, tandis que le Parti communiste unifié du Népal (maoïste) de Prachanda redescend à la troisième place, en perdant près des deux tiers de ses sièges. Sushil Koirala, membre du Congrès népalais, devient premier ministre en février 2014.5
Des milliers de morts dans le séisme au Népal, devenu le centre de rivalités géopolitiques croissantes
Le 25 avril 2015, plus de 4000 personnes sont mortes et plus de 7500 blessées suite à un séisme majeur qui a frappé le Népal.
Le séisme a atteint une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter et son épicentre était situé à environ 80 kilomètres à l’ouest de la capitale népalaise Katmandou. Douze répliques se sont produites pendant la seule journée de samedi ainsi qu’un autre séisme important de magnitude 6,7 dimanche.
Le séisme a été ressenti jusque dans la capitale indienne New Delhi et a fortement touché les États du Bihar et de l’Uttar Pradesh dans le nord de l’Inde où 58 personnes sont mortes. Au Bangladesh, deux personnes ont été tuées dans la capitale Dhaka et dans le district de Pabna dans le nord-ouest du pays. L’onde de choc a également été ressentie au Pakistan et dans les régions avoisinantes de la Chine.
La zone de Katmandou et ses alentours, où vivent plus de 5 millions de personnes, a été parmi les plus durement touchées. La mauvaise qualité des bâtiments, aggravée encore par l’absence de normes de construction imposées, signifiait que la majeure partie de la ville était menacée. De nombreux bâtiments anciens ont été transformés en ruines. Les neuf étages de la Tour Bhimsen, édifice historique reconstruit en 1832 après un tremblement de terre cette année, se sont effondrés, ce qui aurait tué ou piégé 250 personnes.
Une grande partie de la capitale est alors sans transport, électricité ou carburant. Selon un rapport de l’ONU, « Dans la vallée de Katmandou, les hôpitaux sont surpeuplés, manquent de place pour entreposer les cadavres et se trouvent aussi à court de fournitures d’urgence. Bir Hospital, un grand hôpital de Katmandou prodigue des soins aux gens dans les rues … La majorité de la population reste en dehors des maisons par crainte de répliques et des dommages structurels des bâtiments ».
Gary Shaye, un responsable de l’ONG Save the Children, a expliqué au New York Times que Katmandou était « densément, très densément peuplé. » Il a averti que les travailleurs humanitaires devaient livrer « une course contre le temps » car la mousson doit commencer en juin. « Même si nous avions toutes les bâches en plastique et tous les abris temporaires, est-ce que ce sera suffisant ? » a-t-il demandé.
En dehors de la capitale, de nombreux villages ne sont accessibles qu’à pied ou par hélicoptère. Matt Darvas, travailleur humanitaire de World Vision a déclaré au New York Times : « Des villages de ce genre sont régulièrement touchés par des glissements de terrain, et il n’est pas rare que des villages entiers de 200, 300, et jusqu’à 1000 habitants soient complètement enterrés sous des chutes de pierres. »
Une avalanche déclenchée par le tremblement de terre a tué au moins 18 personnes et en a blessé 61 au camp de base du Mont Everest.
La région de l’Himalaya, où est situé le Népal, est particulièrement sujette aux tremblements de terre. Le dernier séisme majeur à frapper la région eut lieu au Sichuan dans le sud-ouest de la Chine en 2008, où quelque 90.000 personnes ont été tuées. Le Népal a été frappé en 1934 par un séisme massif qui a tué plus de 10.000 personnes, plus 7000 personnes dans l’État de Bihar en Inde.
Si le séisme est le produit d’énormes forces naturelles, l’étendue de la mort et de la destruction a des racines sociales déterminées – elle résulte de l’absence de préparation et de planification, de bâtiments et d’une infrastructure qui ne sont pas antisismiques. Les zones les plus touchées et les plus négligées sont invariablement les plus pauvres.
Bien qu’il soit difficile de faire des prédictions précises sur quand, où et avec quelle intensité un tremblement de terre frappera, des prévisions plus générales ont été faites. En 2013, le sismologue Vinod Kumar Gaur a averti dans l’Hindou : « Les calculs montrent qu’il y a une énergie accumulée suffisante maintenant pour produire un séisme de magnitude 8. Je ne peux pas dire quand. »
Cependant, le gouvernement népalais a peu fait pour se préparer à cette éventualité. Le pays est embourbé dans une crise politique prolongée depuis une décennie après que la monarchie a été abolie et le Parti communiste du Népal maoïste (PCN-M) a été intégré dans l’establishment politique. De durs marchandages entre sections rivales de l’élite dominante ont bloqué les tentatives de rédiger une nouvelle constitution et aucun des principaux partis n’a la moindre préoccupation pour le sort des travailleurs et de la population rurale pauvre.
Le ministre de l’Information et de la Radiodiffusion Minendra Rijal a déclaré à la télévision indienne que le gouvernement avait « lancé un plan d’action massif de sauvetage et de réhabilitation et il y a beaucoup à faire. » Toutefois, en raison du manque d’équipement lourd et d’avions, les opérations de secours ont été lentes, ce qui risque d’entraîner de nombreux décès supplémentaires.
Le Népal est un des pays les plus pauvres du monde. La directrice générale d’Oxfam Winnie Biyanyima a expliqué que « la moitié de la population de 28 millions d’habitants du Népal n’a pas accès à un assainissement amélioré et vit en dessous du seuil de pauvreté, et environ un sur trois vit dans une pauvreté extrême. » Ce n’est pas seulement le gouvernement népalais qui porte la responsabilité du sort de la population mais les grandes puissances qui fournissent une aide financière dérisoire, y compris pour ce qui est de se préparer à un séisme majeur.
La revue d’affaires britannique, The Economist a fait remarquer : « Théoriquement, il y avait largement le temps pour que de nombreuses agences internationales et d’autres bailleurs de fonds fassent des plans pour un séisme au Népal, dont on dit qu’il a 92 lignes de faille actives. Le Népal pullule d’experts étrangers, recrutés pour se concentrer précisément sur ce genre de problème. Pourtant, mis à part le renforcement de quelques bâtiments scolaires et hospitaliers, très peu a été fait. »
Malgré leur solidarité de façade, les grandes puissances n’ont fourni que peu d’aide d’urgence dans les premiers jours. L’Inde a déployé 13 avions de transport militaires et une équipe d’intervention d’urgence de 40 personnes tandis qu’une équipe chinoise de recherche et de sauvetage est arrivée à Katmandou. Le gouvernement britannique a mis $7,5 millions à la disposition des organismes de bienfaisance travaillant au Népal et la Norvège a promis $4 millions.
Toutes ces promesses furent loin de ce qui aurait été nécessaire dans l’immédiat, sans parler de l’aide financière dont on aura désespérément besoin pour la reconstruction. Les États-Unis, par l’intermédiaire de leur ambassade à Katmandou, ont offert une aide misérable d’un million de dollars et envoyé une équipe d’intervention d’urgence de 62 personnes.
La principale motivation de cette offre d’aide était de promouvoir des intérêts économiques et stratégiques. Au cours de la dernière décennie, le Népal, qui borde la Chine et l’Inde, est devenu le centre de rivalités géopolitiques croissantes. Cela s’est intensifié par l’intervention des États-Unis qui, dans le cadre de leur « pivot vers l’Asie », cherchent à encercler la Chine par une série de partenariats et de liens militaires, y compris avec le Népal.
Ce n’est pas un hasard si, lorsque le séisme a frappé, deux équipes de forces spéciales américaines étaient déjà dans le pays effectuant un exercice d’entraînement. Washington a augmenté progressivement sa proposition d’aide dérisoire pour maintenir le Népal plus fermement dans la sphère d’influence américaine.6
Adoption de la constitution
La Constitution est adoptée le 15 septembre 2015 avec une entrée en vigueur prévue le dimanche 20 septembre. Son adoption a lieu à la suite du tremblement de terre qui a affecté le pays, et qui provoque un sursaut d'union de la part des trois principaux partis, en réaction à l'inertie du gouvernement lors de la catastrophe. Elle se fait toutefois dans un fort climat de violence, avec des manifestations provoquant la mort de 30 militants, de dix policiers et de deux enfants. Certaines minorités telles que les Madhesis s'estiment lésées par le redécoupage des frontières intérieures, et la nouvelle Constitution est dénoncée par les féministes comme entraînant une régression du statut des femmes. Il est prévu que Sushil Koirala, le premier ministre en place, laisse sa place de façon intérimaire à K. P. Sharma Oli, le leader du Parti communiste népalais (marxiste-léniniste unifié), qui formera un nouveau gouvernement en attendant l’organisation d’élections.
Le 28 octobre 2015, Bidhya Devi Bhandari a été élue présidente du pays.7
Le retour des maoïstes à Katmandou
Les marxistes-léninistes qui dirigeaient le gouvernement depuis septembre 2015, à la suite de l’adoption d’une nouvelle Constitution, ont été défaits par le Parlement. Le nouveau Premier ministre, investi le 4 août 2016, est l’instigateur de la guerre civile qui avait conduit, en 2006, à la chute de la monarchie.
Dix ans après la fin de la guerre civile dont il fut l’initiateur et qui fit 17 000 morts, Pushpa Kamal Dahal, dit Prachanda (“le féroce”), a ainsi prêté serment comme Premier ministre du Népal, le 4 août. Le leader maoïste avait déjà occupé ce poste entre 2008 et 2009, à la suite des premières élections libres organisées après la chute de la monarchie.
Entre temps, il a monté et démonté bien des alliances, devenant la “girouette politique” par excellence, estime le directeur du Nepali Times, Kunda Dixit, dans son édito hebdomadaire daté du 5 août. Ce retour, rendu possible par une alliance de circonstance avec le parti du Congrès népalais, illustre deux adages, selon lui : “Un : peu importe la chute, un homme politique finit toujours par rebondir. Deux : en politique, les ennemis ne sont jamais éternels.”
Valse des dirigeants
Le changement à la tête du petit Etat himalayen est “positif”, explique le Kathmandu Post, car Prachanda a le soutien des minorités madhesis qui ont bloqué le pays durant l’hiver précédent pour protester contre la nouvelle Constitution adoptée en septembre 2015. “Cette nouvelle configuration va probablement conduire à la résolution de la crise” liée au nouveau découpage administratif et institutionnel, dans lequel les Madhesis ne se reconnaissent pas, précise-t-il.
The Himalayan Times, lui, est moins enthousiaste. “La valse de nos dirigeants dure depuis vingt-cinq ans, aucun d’entre eux n’a montré de qualités d’homme d’État et il va falloir attendre encore dix-huit mois avant que le peuple népalais retourne aux urnes”, souligne l’un de ses éditorialistes.
Quant au quotidien República, il n’est pas aussi dur, rappelant que “la beauté d’une démocratie parlementaire est de pouvoir faire tomber un gouvernement lorsque celui-ci a perdu la confiance de la nation”. C’est, semble-t-il, ce qui est arrivé au Premier ministre sortant, Khadga Prasad Sharma Oli, qui n’est resté que neuf mois en fonction.8
Sources
(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_N%C3%A9pal
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_la_famille_royale_du_N%C3%A9pal
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_la_famille_royale_du_Népal
(4) Viviane Lafont http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/1969/dans-le-monde/article/2007/02/08/12924-nepal-le-pouvoir-royal-contraint-de-reculer.html
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_la_famille_royale_du_Népal
(6) W.A. Sunil http://www.mondialisation.ca/des-milliers-de-morts-dans-le-seisme-au-nepal-pays-devenu-le-centre-de-rivalites-geopolitiques-croissantes/5445905 Article original, WSWS, paru le 27 avril 2015
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9pal
(8) http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/nepal-le-retour-des-maoistes-katmandou