L'histoire de l'Égypte est d'abord marquée par les témoignages inestimables légués par l'Égypte antique, qui ont fasciné dès l'Antiquité et qui reste particulièrement marquante en dehors de l'Égypte. Après la période ptolémaïque, l'Égypte n'est plus, durant plusieurs siècles, qu'une partie d'empires plus vastes que sont l'Empire romain, l'Empire arabe puis l'Empire ottoman.
Période islamique (639 à 1517)
Mahomet puis son successeur Abou Bakr As-Siddiq, unifient l'Arabie musulmane. Le deuxième calife, Omar ibn al-Khattâb (634-644), se lance dans la conquête des territoires à l'extérieur de l'Arabie, notamment vers l'Ouest. Bénéficiant des divisions entre les Égyptiens monophysites et orthodoxes, le général Amr ibn al-As pénètre en Égypte en 639 s'empare de Péluse puis de Memphis et obtient la reddition d'Alexandrie en 641 contre une autorisation de liberté de culte pour les chrétiens. Même si les troupes byzantines parviennent à reprendre Alexandrie, celle-ci est réoccupée en 645.
Dans le Sud, les Arabes attaquent en 641 puis en 652 les royaumes chrétiens de Nobatie et de Makurie, mais échouent à prendre la ville de Dongola. Ils concluent alors le bakt, un traité qui prévoit une non agression réciproque, une liberté de circulation entre les territoires chrétiens et musulmans, une liberté respective de culte et des dispositions commerciales. La Makurie se renforce en absorbant la Nobatie sous Mercure de Dongola (règne de 697 à 710) qui rattache son Église au patriarcat d'Alexandrie et fonde la cathédrale de Faras à la frontière avec le Soudan.
En 661, à la suite de dissensions parmi les chefs musulmans, le pouvoir est pris par la dynastie omeyyade qui installe la capitale à Damas. Sous les Omeyyades, l'expansion territoriale est limitée, mais les califes contribuent à améliorer leur administration, à répandre l'usage de l'arabe et à mettre en place une économie plus prospère en améliorant la sécurité des échanges au sein de l'empire.
En 750, après leur défaite à la Bataille du Grand Zab, les Omeyyades sont remplacés par les Abbassides dans une grande partie orientale de l'empire, dont l'Égypte. Le transfert de la capitale de Damas à Bagdad en 762 éloigne l'Égypte du pouvoir central, ce qui contribue à l'affaiblissement de l'autorité des califes sur ce territoire.
La conversion à l'islam de la population reste limitée dans les premiers siècles de l'occupation arabe, mais se développe fortement vers le Xe siècle. La cause de cette conversion est mal connue, mais la formalisation du statut, inférieur, de dhimmi pour les Juifs et les chrétiens pourrait en être une raison principale.
En 831, une révolte copte éclate en Haute Égypte. Le roi de Makurie, Zacharie III Israël en profite pour cesser de payer tribut, mais il doit reprendre les versements à la suite d'une intervention armée du pouvoir de Bagdad. De même, en 854, des affrontements ont lieu entre l'Égypte et les nomades Bejas.
À partir de 832, l'Égypte est souvent administrée par des gouverneurs d'origine turque. Ahmad ibn Touloun, installé en 868, s'affranchit du contrôle de Bagdad et fonde la dynastie toulounide. Après la défaite des troupes de Bagdad, il prend la Syrie, la Cyrénaïque et Chypre. Après l'assassinat de Touloun en 896 à Damas, la dynastie peine à résister aux Abbassides qui la reprennent en 905.
À la fin du IXe siècle, les Fatimides chiites s'imposent au Maghreb en ralliant les Berbères. Pour résister à leur menées conquérantes qui tendent à renverser les Abbassides, le pouvoir de Bagdad désigne Muhammad ben Tughj comme gouverneur en 935. Comme un siècle plus tôt, ce gouverneur finit par exercer le pouvoir en son nom et par conquérir la Syrie et à fonder la dynastie des Ikhchidides qui règne en Égypte jusqu'en 969. Le 7 juillet 969, Jawhar al-Siqilli s'empare de Fostat pour le compte des Fatimides. En 973, le calife Al-Muizz li-Dîn Allah fonde, à proximité de Fostat, la ville du Caire qui absorbera ultérieurement Fostat et dont il fait la capitale de l'empire.
L'Égypte se retrouve alors non plus en marge, mais au cœur du pouvoir de la principale dynastie musulmane, ce dont elle bénéficie directement sur le plan économique : le port d'Alexandrie supplante en activité les places de Bagdad et de Bassorah. Les Fatimides bénéficient de la prospérité des terres fertiles du Delta ainsi que du commerce de la Méditerranée et de la mer Rouge, richesses qui leur permettent d'entretenir une armée composée de Berbères, de Turcs et de Soudanais. Le pouvoir du calife est affirmé notamment par un cérémonial très précis.
La période fatimide est interrompue par le chef kurde sunnite Saladin qui prend le pouvoir en Égypte en 1169 avec l'accord du calife de Bagdad. Repoussant les croisés, il gagne la Syrie et une partie de la Mésopotamie.Il fonde en Égypte la dynastie ayyoubide qui tient le pouvoir jusqu'en 1250.
Cette année-là, les Mamelouks, une milice d'origine servile, prend le pouvoir en Égypte. Le général Baybars remporte le 3 septembre 1260 la bataille d'Aïn Djalout et contient l'invasion mongole. Il attaque aussi les États latins, puis en 1271-1272 David Ier de Dongola qui tentait de faire diversion. En 1315, An-Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn dépose le dernier roi chrétien de Makurie et installe un souverain musulman, prélude à l'islamisation du Soudan.
- Période des califes orthodoxes (641-661)
- Période omeyyade (661-750)
- Période abbaside (750-868)
- Période toulounide (868-935)
- Période ikhchidite (935-969)
- Période fatimide (969 à 1171)
- Période ayyoubide (1171 à 1250)
- Période mamelouke (1250 à 1517)
Égypte ottomane (1517 à 1882)
À la bataille de Ridaniya, le 22 janvier 1517, les troupes de l'empereur ottoman Sélim Ier l'emporte sur les Mamelouks et met fin à leur domination. L'Égypte devient pour plusieurs siècle une province ottomane. Jusqu'en 1798, elle est gouvernée par des pachas désignés par le gouvernement de Constantinople, mais l'armée et l'administration sont dominés par les élites locales constituées des mamelouks et des janissaires qui se disputent le pouvoir et influent tour à tour sur les nominations de pachas.
En 1769, le bey El Kébir s'impose comme maître de l'Égypte, cesse de payer le tribut dû au sultan et soumet les janissaires.
Égypte sous domination française et britannique
Afin de couper à la Grande-Bretagne la route des Indes, la France engage en 1798 la campagne d'Égypte sous la direction de Napoléon Bonaparte. Après la prise d'Alexandrie, les troupes françaises remportent la bataille des Pyramides le 21 juillet 1798, mais la flotte britannique remporte le 1er août 1798 la bataille navale d'Aboukir, ce qui empêche les Français d'exploiter pleinement leur victoire. L'Égypte n'en devient pas moins française jusqu'en 1801 sous le contrôle de Bonaparte puis du général Kléber puis du général Jacques-François Menou. Devant les attaques ottomanes de Méhémet Ali et celles de l'armée britannique, la France doit renoncer à sa conquête en 1801 et l'Égypte est brièvement occupée par la Grande-Bretagne jusqu'en 1805, date à laquelle Méhémet Ali installe son pouvoir.
Dynastie Mohamed Ali (1805 à 1953)
Méhémet Ali, qui règne jusqu'en 1848 apparaît comme un grand réformateur du pays dont il modernise les structures et notamment l'armée, sur un modèle européen de conscription. Entre 1821 et 1823, il s'empare du territoire esclavagiste du Dongola, puis d'une partie du Soudan. Il intervient à Chypre à la demande du sultan ottoman en 1823. Il s'empare ensuite de la Syrie, d'une partie de l'Arabie (nord et côte de la mer Rouge) en 1832, d'une grande partie du Soudan dont Khartoum en 1835. Au nord, il défait à Konya l'armée ottomane, mais les puissances européennes s'inquiètent de son influence et le poussent à négocier un arrangement avec le sultan : en échange de la reconnaissance de son titre de khédive et d'une quasi-indépendance, il se retire de Syrie et d'Arabie.
Les successeurs de Méhémet Ali, affaiblis, acceptent une forme de protectorat britannique effectif à partir de 1882. Lors de la Guerre des Mahdistes entre 1881 et 1899, les troupes anglo-égyptiennes affrontent les Mahdistes esclavagistes qui se sont emparés du Soudan : leur victoire fait naître un Soudan anglo-égyptien dominé de fait par les Britanniques.1
De « l’indépendance » au coup d’État des « Officiers libres »
Dans la première moitié du 19e siècle, l’Égypte était encore sous la souveraineté nominale de l’empire ottoman, ce vaste ensemble qui comprenait l’Afrique du nord, à l’exception du Maroc, et tout le Moyen-Orient. Le dirigeant égyptien Mohamed Ali engagea une politique de réformes et de modernisation afin de faire de son État une puissance régionale. Mais il se lança dans cette entreprise au moment où le Moyen-Orient commençait à faire l’objet des convoitises de la France et du Royaume-Uni. Ces deux puissances mirent en échec ses efforts et parvinrent à soumettre l’Égypte à leur domination.
La construction du canal de Suez marqua une étape décisive dans cet assujettissement de l’Égypte. Pour financer les travaux, l’État égyptien s’endetta et se retrouva mis sous tutelle par ses bailleurs franco-anglais. Symbole de la domination impérialiste, le canal de Suez devint la propriété d’une compagnie franco-britannique. Par la suite, le débarquement de troupes britanniques en 1882 fit du Royaume-Uni le véritable maître de l’Égypte. Restée officiellement une province de l’empire ottoman jusqu’en 1914, l’Égypte devint un État formellement indépendant en 1922, avec à sa tête un roi. Mais en réalité, l’Égypte était une semi-colonie de la Grande-Bretagne dont le contrôle était garanti par une présence militaire permanente.
Ce sont les Britanniques qui ont favorisé le développement de la culture du coton en Égypte pour remplacer le coton américain qui faisait défaut à leurs filatures pendant la guerre de Sécession. Du coup, une industrie textile connut un certain essor mais l’ensemble de l’économie égyptienne resta peu développé et subordonné aux capitaux étrangers d’origine européenne.
À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, l’Égypte était un pays très majoritairement rural. Les campagnes étaient dominées par une minorité de grands propriétaires : 3 000 familles très riches se partageaient près de 20 % des terres pendant que la grande masse des paysans égyptiens devaient survivre en cultivant de petites parcelles avec des moyens archaïques. Ces grandes familles de grands propriétaires fonciers s’accommodaient très bien de l’ordre colonial. Elles fournissaient la base sociale de la monarchie et passaient plus de temps au Caire, à Alexandrie ou dans les capitales d’Europe que dans les campagnes déshéritées d’Égypte.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, comme dans le reste du Moyen-Orient, un sentiment de révolte contre la présence impérialiste se manifesta avec de plus en plus de virulence, gagnant presque toutes les couches de la société.
C’est dans ce contexte que, le 25 janvier 1952, des affrontements opposèrent des forces de police égyptiennes aux soldats britanniques. Le lendemain, le 26 janvier, eurent lieu dans toute l’Égypte des manifestations et des grèves. Des émeutes très violentes éclatèrent au Caire. Cela devait marquer le début de la fin du régime monarchique qui fut déposé par un coup d’État militaire quelques mois plus tard, en juillet 1952.
Le groupe d’officiers qui en était à l’origine, les « Officiers libres », dirigé par Mohamed Neguib, était inspiré par des idées nationalistes qui avaient gagné aussi une partie de l’armée, de son encadrement.
Dès leur arrivée au pouvoir, les « Officiers libres » lancèrent une réforme agraire. En fixant une limite maximum à la taille des propriétés, elle visait à faire disparaître la très grande propriété foncière, soutien traditionnel de la monarchie et des classes privilégiées liées à l’impérialisme. Cette réforme très limitée ne changea pas la situation de la grande masse des paysans. On estime que 13 % des terres furent redistribuées à seulement 8 % de la population rurale.
Au bout de deux ans, l’un de ces officiers, Gamal Abdel Nasser, évinça Neguib et s’imposa comme le principal dirigeant. L’objectif de Nasser était d’affirmer l’indépendance de l’Égypte vis-à-vis des grandes puissances impérialistes et, en particulier, vis-à-vis des Britanniques. En dirigeant nationaliste, il chercha à développer l’économie de l’Égypte et cela l’amena à s’affronter à l’impérialisme.
La construction d’un barrage sur le Nil, à Assouan, devait permettre de réguler les crues du fleuve et d’augmenter la production agricole. En 1956, devant le refus des États-Unis de prêter à l’Égypte l’argent nécessaire à la construction du barrage d’Assouan, Nasser se tourna vers l’URSS qui, en quête d’alliés face aux États-Unis, lui offrait son aide.
Pour trouver les ressources qui lui étaient refusées, le 26 juillet 1956, Nasser annonça la nationalisation du canal de Suez. En prenant cette mesure, il défiait ouvertement les puissances impérialistes qui avaient pendant plus d’un siècle soumis l’Égypte à leur domination. Les gouvernements français et britannique mirent sur pied, en concertation avec l’État israélien, une intervention militaire dans la plus pure tradition coloniale. En novembre 1956, un contingent franco-britannique débarqua à Port-Saïd, sur le canal de Suez. Mais l’impérialisme américain, qui n’était pas mécontent de voir des concurrents évincés du Moyen-Orient, exigea l’arrêt de l’opération. La France et le Royaume-Uni furent contraints d’évacuer piteusement leurs troupes.
Sorti vainqueur de cette épreuve de force, Nasser devint pour toute une période le symbole de la lutte anticolonialiste du monde arabe.
À partir des années soixante, l’État nationalisa la plus grande partie de l’économie. Malgré la phraséologie employée par Nasser, cette politique n’avait rien de « socialiste ». En dirigeant nationaliste cherchant à renforcer l’indépendance économique de son pays, Nasser avait recours à l’étatisme afin de suppléer la faiblesse de la bourgeoisie. L’Égypte put bénéficier de l’aide de l’URSS, qui lui achetait par exemple le coton à un prix supérieur au cours mondial, ainsi que de la présence d’ingénieurs et de techniciens soviétiques.
Cherchant à conforter son assise dans la population, le régime instaura une législation sociale qui permit une certaine amélioration des conditions de vie des travailleurs. La semaine de travail fut limitée à 42 heures dans l’industrie. Une loi établit que 25 % des profits d’une société devaient être distribués aux employés, dont 10 % directement et 5 % au travers d’avantages sociaux et de logements. Le gouvernement s’engagea à recruter dans l’administration ou le secteur public tous les jeunes diplômés sortant du lycée ou de l’université.
Mais, pour reprendre une formule de Nasser lui-même, si le gouvernement « accordait » certains avantages aux travailleurs, il ne leur reconnaissait pas le droit de revendiquer. Cette méfiance vis-à-vis de la classe ouvrière, le régime l’avait manifestée dès ses débuts. Peu après leur arrivée au pouvoir, les Officiers libres avaient fait exécuter deux dirigeants d’une grève des ouvriers du textile, montrant leur volonté d’intimider les travailleurs.
En 1957, une centrale syndicale unique, la Fédération générale des syndicats ouvriers d’Égypte, l’ETUF, fut créée. Mais c’était pour encadrer la classe ouvrière et la soumettre à la discipline que le régime voulait imposer. Significativement, de 1962 à 1986, le président de l’ETUF se voyait attribuer le poste de ministre du Travail.
Ce paternalisme s’accompagnait d’une répression sévère qui s’exerçait à l’encontre du mouvement communiste, dont les militants peuplèrent les prisons. Ce mouvement communiste était faible, divisé et son influence dans la classe ouvrière était demeurée réduite. Ce mouvement s’était constitué dans les années 1930. Ses militants n’avaient connu que l’école du stalinisme qui n’était plus du tout celle du communisme. Ils y avaient surtout appris à devenir des militants nationalistes au nom de la « lutte anti-impérialiste ». Une partie d’entre eux se rallièrent complètement au régime de Nasser, mais cela ne leur évita pas d’être emprisonnés. Car Nasser ne tolérait aucun mouvement, aucun courant indépendant susceptible de donner naissance, à un moment ou un autre, à une opposition.
Ainsi, c’est du fond de leurs cellules que les militants communistes purent continuer d’apporter leur soutien au régime car, à leurs yeux, Nasser, allié de l’Union soviétique, continuait d’être le représentant du « socialisme arabe ».
L’Égypte connut pendant quelques années un relatif développement industriel, mais ses ressources limitées ne lui permettaient pas de mettre fin au sous-développement auquel la condamnait la domination impérialiste sur l’économie mondiale. L’État égyptien se retrouvait dans une impasse économique, de plus en plus endetté.
À cela s’ajoutait la pression militaire exercée par l’État israélien. Celui-ci s’était édifié en 1948 en chassant plusieurs centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres et après une guerre qui l’avait opposé aux États arabes, et parmi eux à l’Égypte. En 1956, les troupes israéliennes avaient envahi l’Égypte aux côtés des Français et des Anglais. En 1967, l’État israélien attaqua l’Égypte, lui infligeant une défaite sévère au terme d’une guerre éclair qui a gardé le nom de « guerre des six jours ». Conséquence de cette guerre, l’Égypte perdait le désert du Sinaï et, du fait de l’état de guerre entre les deux pays, le canal de Suez resta fermé, privant l’Égypte d’importantes ressources.2
Après la défaite de l'Égypte lors de la guerre des Six Jours en 1967, Nasser démissionna avant de renoncer du fait des manifestations demandant son maintien au pouvoir. Après le conflit, il se nomma premier ministre, lança des attaques pour reprendre les territoires perdus, dépolitisa l'armée et promit une libéralisation politique.
Après la fin du sommet de la Ligue arabe en 1970, Nasser succomba à une crise cardiaque. Cinq millions de personnes assistèrent à ses funérailles au Caire et le monde arabe fut en deuil.
Nasser reste au début du XXIe siècle un symbole de la dignité arabe du fait de ses efforts pour une plus grande justice sociale et sa défense du panarabisme, de la modernisation de l'Égypte et de l'anti-impérialisme. Ses détracteurs ont critiqué son autoritarisme, son populisme, les violations des droits de l'homme par son régime et son échec à créer des institutions civiles durables. Les historiens considèrent Nasser comme une figure centrale de l'histoire moderne du Moyen-Orient et du XXe siècle.
Le panarabisme
En 1957, le panarabisme était devenu l'idéologie dominante dans le monde arabe et de nombreux habitants de la région considéraient Nasser comme son représentant incontesté. L'historien Adeed Dawisha attribue le statut de Nasser à son « charisme renforcé par la perception de sa victoire lors de la crise du canal de Suez ». La station de radio Voix des Arabes basée au Caire propageait les idées de Nasser d'une union des pays arabophones et l'historien Eugene Rogan écrivit que « Nasser conquit le monde arabe par la radio ». Il disposait également du soutien d'organisations nationalistes arabes à la fois civiles et paramilitaires dans toute la région. Les partisans du nassérisme étaient nombreux et bien financés mais manquaient d'organisation et d'une structure permanente.
En janvier 1957, le premier ministre jordanien et partisan de Nasser, Sulayman al-Nabulsi (en), fit entrer la Jordanie dans une alliance militaire avec l'Égypte, la Syrie et l'Arabie saoudite. Les relations entre Nasser et le roi Hussein de Jordanie se détériorèrent en avril quand ce dernier l'accusa d'avoir planifié deux tentatives de coup d'État contre lui. L'implication égyptienne ne fut jamais prouvée mais le gouvernement d'al-Nabulsi fut limogé. Sur la Voix des Arabes, le président égyptien accusa Hussein d'être un « suppôt des impérialistes ». De son côté, le roi Saoud d'Arabie saoudite s'inquiétait de la popularité croissante de Nasser dans son pays et de la menace qu'elle pourrait poser à la famille royale. Malgré une opposition grandissante des gouvernements jordanien, saoudien, irakien et libanais, le prestige de Nasser resta intact en Égypte et dans les autres pays arabes.
Également en janvier, les États-Unis adoptèrent la doctrine Eisenhower visant à empêcher l'expansion du communisme au Moyen-Orient en fournissant un soutien financier et militaire aux pays de la région. Même si Nasser était opposé au communisme dans la région, sa défense du panarabisme était vue comme une menace par les régimes voisins pro-occidentaux. Eisenhower tenta d'isoler Nasser et de réduire son influence en faisant de l'Arabie saoudite un contrepoids à l'Égypte. À la fin de l'année 1957, Nasser avait nationalisé les derniers intérêts français et britanniques en Égypte. Lorsque ses incitations fiscales visant à attirer les investissements étrangers ne rencontrèrent pas le succès escompté, il nationalisa de nouvelles industries pour les intégrer dans son organisation de développement économique. Le contrôle gouvernemental n'était pas total et deux tiers de l'économie restaient dans les mains d'acteurs privés. Les actions de Nasser permirent un accroissement de la production agricole et une accélération de l'industrialisation. Il décida également d'accorder la construction du barrage d'Assouan à l'Union soviétique après le retrait des offres occidentales.
Héritage
Nasser fit passer l'Égypte d'un protectorat britannique à une puissance influente du Tiers-Monde. Il se concentra sur l'idée de justice sociale qu'il jugeait nécessaire à la mise en place d'une démocratie libérale. Ses réformes permirent la mise en place d'un État-providence et à la fin de sa présidence, les conditions de vie s'étaient considérablement améliorées mais le pays était en pleine crise économique, la pauvreté restait importante et une part considérable des dépenses était consacrée à l'armée.
L'économie égyptienne profita de la réforme agraire, des efforts de modernisation comme le barrage d'Assouan ou les industries sidérurgiques d'Helwan et des programmes de nationalisation comme celui du canal de Suez. La croissance diminua néanmoins dans les années 1960 et resta faible jusqu'en 1970. L'Égypte connut un âge d'or de la culture et elle devint la référence culturelle dans le monde arabe pour la télévision, le théâtre, la littérature et la musique.3
L'ère Sadate (1970-1981)
Après la mort de Nasser le 28 septembre 1970, Anouar el-Sadate devient président et il fait prendre à l'Égypte une direction bien différente de celle prise sous Nasser.
Sur le plan intérieur, Sadate se montre plus libéral que Nasser tant d'un point de vue économique que politique. Il procède donc à l'infitah, l'ouverture économique, en encourageant l'investissement privé et désengage l'État de l'économie. Ceci a pour conséquence la création d'une classe de nouveaux riches mais aussi l'accroissement de la pauvreté.
Parallèlement, Sadate se montre plus tolérant à l'égard des mouvements islamistes avec lesquels il s'allie contre les socialistes et les nassériens.
En 1973, Sadate, de concert avec la Syrie, mène l'Égypte dans la guerre de Kippour contre Israël pour tenter de reprendre le Sinaï perdu en 1967 lors de la guerre des Six Jours. Il élabore dans ce but une manœuvre militaire afin de masquer ses plans : faisant passer ses mouvements de troupes le long du canal de Suez pour des exercices militaires - fréquents à l'époque dans l'armée égyptienne - il met ainsi l'armée égyptienne dans une position favorable sans éveiller les soupçons israéliens. En parallèle, il s'assure suffisamment de soutien militaire et logistique, sans que ses alliés ne soient au courant du jour où l'armée passerait à l'offensive. Seul Hafez el-Assad, président syrien, est informé afin de mener une offensive coordonnée avec l'assaut égyptien. Le 6 octobre, jour de Yom Kippour (jour du Grand Pardon, le jour le plus saint pour les Juifs), alors que Sadate ordonne le début des hostilités, avec l'opération Badr, l'état-major israélien est surpris et doit se rendre à l'évidence : malgré une nette supériorité militaire de Tsahal, les forces égyptiennes sont décidées à reprendre les territoires perdus en 1967, profitant de la diminution des effectifs du fait de la fête religieuse en Israël. Et même si l'effet escompté par Sadate est réussi, les Égyptiens, tout comme les Syriens, ne peuvent contenir les contre-attaques israéliennes. Finalement, un cessez-le-feu est négocié par les États-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques, alliés respectifs d'Israël et de l'Égypte, et des pourparlers de désengagement peuvent alors débuter au Kilomètre 101 de la route Le Caire-Suez. Sadate sort certes perdant sur le plan militaire et territorial, il n'en demeure pas moins le grand gagnant : il a prouvé que Tsahal n'est pas invincible - en parvenant à lui faire face quelques jours durant - tout en restaurant l'honneur arabe perdu en 1967 avec une défaite cinglante.
En novembre 1977, Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il y rencontre le premier ministre Menahem Begin, et prend la parole devant la Knesset à Jérusalem. Il effectue cette visite après avoir été invité par Begin et recherche un accord de paix permanent. Beaucoup d'autorités du monde arabe réagissent très défavorablement à cette visite, du fait qu'Israël est alors considéré comme un état « voyou » et un symbole de l'impérialisme.
Le 17 septembre 1978, les accords de Camp David sont signés, pour lesquels Sadate et Begin reçoivent le prix Nobel de la paix. Néanmoins, cet accord est extrêmement impopulaire dans le monde arabe et musulman. L'Égypte est alors la plus puissante des nations arabes et une icône du nationalisme arabe. De nombreux espoirs reposaient en effet dans la capacité de l'Égypte à obtenir des concessions d'Israël pour les réfugiés, principalement palestiniens, dans le monde arabe.4
Une étape importante fut la signature du traité de paix avec Israël en 1979. Cela permet à l’Égypte de rentrer en possession du Sinaï et des richesses pétrolières qui s’y trouvent. Mais surtout, l’Égypte put rentrer dans les bonnes grâces des États-Unis, au point de devenir un de ses alliés privilégiés dans la région et de bénéficier de ce fait de l’aide militaire américaine. Aujourd’hui, l’Égypte, avec plus de 1,3 milliard de dollars, arrive en deuxième position derrière Israël dans la liste des pays bénéficiaires de cette aide militaire.5
Mais en signant ces accords de paix en 1979, Sadate fait défection aux autres nations arabes qui doivent désormais négocier seules. Ceci est donc considéré comme une trahison du panarabisme de son prédécesseur Nasser, détruisant la vision d'un front arabe uni.
L'attentat du 6 octobre 1981
En septembre 1981, Sadate lance une offensive majeure contre les intellectuels et les activistes de tout le spectre idéologique. Sont ainsi emprisonnés des communistes, des nasséristes, des féministes, des islamistes, des professeurs d'université, des journalistes et des membres de groupes d'étudiants. Il fait également assigner le patriarche copte orthodoxe Chénouda III à résidence, dans le Monastère Saint-Bishoy et emprisonne aussi un grand nombre de prêtres et évêques de son Église. Au total, près de 1 600 personnes sont arrêtées. Parallèlement, le soutien interne de Sadate disparaît sous la pression d'une crise économique, et en réaction à la violence de la répression des dissidents.
Le 6 octobre, un mois après la vague d'arrestations, Sadate est assassiné durant une parade militaire filmée au Caire par des membres de l'armée qui appartiennent à l'organisation du Jihad islamique égyptien, fondée par d'anciens membres des Frères musulmans. Ils s'opposaient à la négociation entamée par Sadate avec Israël ainsi qu'à son usage de la force durant l'opération de septembre. Une fatwa approuvant l'assassinat avait été émise par Omar Abdel Rahman, un imam qui sera par la suite inculpé par les États-Unis pour son rôle dans l'attaque à la bombe du World Trade Center le 26 février 1993. Des règles de retrait des munitions lors de la parade avaient été mises en place afin de parer à tout risque de révolte, mais les officiers chargés de leur application étaient en pèlerinage à La Mecque.6
Déroulement de l'Attentat
Lors de la parade, au passage des avions de combat Mirage, un camion de transport de troupes, simulant une panne, s'arrête devant la tribune présidentielle, le lieutenant Khalid Islambouli (qui avait vu son frère cadet Mohamed el-islambouli arrêté au cours d'une rafle d'islamistes) en sort, et se dirige vers le président. Sadate se tient debout pour recevoir son salut, lorsqu'Islambouli jette une grenade fumigène, signal de l'assaut. Les trois autres conjurés sortent alors du camion, lancent des grenades et tirent à l'aide de fusils d'assaut. Khalid Islambouli fait feu à plusieurs reprises sur le président égyptien, secondé par d'autres assaillants, au cri de « Mort au Pharaon ». Il sera par la suite jugé coupable de cet acte et exécuté en avril 1982. Dans la fusillade qui s'ensuit, sept personnes sont tuées, dont l'ambassadeur de Cuba et un évêque copte orthodoxe, et vingt-huit blessées. Sadate est aérotransporté dans un hôpital militaire où onze médecins l'opèrent. Il est déclaré mort deux heures après son arrivée à l'hôpital. Le vice-président Hosni Moubarak, qui a été blessé à la main durant l'attaque, lui succède.7
Khalid Islambouli a tué Anouar el-SADATE en criant « J'ai tué le Pharaon ».
Dans l'Ancien Testament, Pharaon est l'ennemi des juifs, il les réduit en esclavage.
Anouar el-SADATE est né un 25 décembre.
Jésus est juif et il est né un 25 décembre : ce jour-là est SA DATE parce qu'une partie du monde célèbre chaque année son jour de naissance.
Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, Anouar el-SADATE succédait au président NASSER.
NASSER = NASSE
La NASSE est utilisée par les PÊCHEURS pour capturer les poissons.
Jésus est mort sur la croix pour pardonner les PÊCHÉS des hommes.
Jésus et Anouar el-SADATE symbolisent respectivement le prophète et le Pharaon, ils symbolisent la dualité entre le bien et le mal.
En Égypte, à sa mort, le corps du Pharaon était enfermé dans un SARKOPHAGE.
SARKOPHAGE = SARKOZY
Pharaon était le roi égyptien et SARKOZY était le serviteur de Pharaon, donc Dieu nous fait comprendre que Pharaon essaie de nous faire tomber dans sa NASSE en surmédiatisant ses meilleurs serviteurs dans ses médias afin que nous votions pour eux. Une fois tombés dans la NASSE le jour de l'élection présidentielle, les travailleurs sont réduits en esclavage par Pharaon pendant 5 ans. Lors de l'ancienne Alliance du VIN avec Jésus, le croyant pouvait sacrer Pharaon le jour de l'élection présidentielle sans risquer de perdre la vie éternelle, l'important était de croire en Dieu et de respecter la morale chrétienne mais le dogme à changé : nous devons désormais combattre Pharaon pour entrer dans le royaume de Dieu.
SADATE = SADAT E
SADAT = 19x1x4x1x20 = 1520
1520 = OT
O T se prononce OTER.
E = 5
Nous devons désormais OTER le pouvoir des mains de Pharaon avec les 5 doigts de notre main qui tiennent le bulletin de vote, afin d'obtenir un jour la vie éternelle.
15 = O = EAU
20 = VIN
Dieu remplace ainsi l'Alliance du VIN par celle de l'EAU, donc tu dois OTER le pouvoir des mains de Pharaon en votant pour L.O. ou le NPA.
Khalid ISLAMBOULI a tué Anouar el-SADATE en criant « J'ai tué le Pharaon ».
ISLAMBOULI = ISLAM OUBLI
N'OUBLI pas que l'ISLAM délivre un message de PAIX car Dieu a écrit le message « PEACE 5 » en toutes lettres avec les lettres détachées du Coran, et le chiffre 5 précise que tu dois tuer Pharaon avec les 5 doigts de la main qui tiennent le bulletin de vote.
Khalid ISLAMBOULI est né le 15 janvier 1955 et NASSER est né le 15 janvier 1918.
Dieu nous fait comprendre que Khalid est tombé dans la NASSE en ayant tué le Pharaon avec une arme à feu. N'OUBLI pas que tu iras en enfer si tu commets un MEURTRE.
Les initiales de Khalid ISLAMBOULI sont K I.
K I = 11 9
Le 11 9 (11 septembre), les terroristes d'Al-Qaïda ont tué 3 000 personnes en détruisant les TOURS du World Trade Center.
Désormais, Dieu transmet aux islamistes radicaux le message suivant : « N'OUBLI pas que l'ISLAM délivre un message de PAIX : tu dois dorénavant tuer pacifiquement Pharaon en construisant un monde égalitaire. »
Dieu nous demande ainsi de lutter pour détruire la TOUR de l'injustice sociale.
Alors ne tombe pas dans la NASSE des groupes terroristes.
Khalid ISLAMBOULI est né le 15 janvier 1955.
15 janvier 1955 = 15x1x1955 = 29325
29325 est l'un des codes postaux de la ville de QUIMPER.
QUIMPER = QU'UN PERE
Dieu, notre PÈRE, nous demande de ne faire QU'UN derrière le mouvement humaniste le jour de l'élection présidentielle afin de tuer Pharaon.
Nicolas Sarkozy est né le 28 janvier 1955, soit 13 jours après la naissance de Khalid Islambouli.
Dieu te conseille ainsi de ne pas tomber dans la NASSE, car si tu votes pour ces pêcheurs des Républicains, tu seras complice du MEURTRE de plus de 50 millions d'êtres humains en 5 ans.
13 = M
AIME ton prochain alors ne l'extermine pas, c'est-à-dire ne vote pas pour le sacre de Pharaon le jour de l'élection présidentielle.
N'OUBLI pas que le Pharaon Martin Bouygues, propriétaire de TF1 et témoin de mariage de Sarkozy, est un marchand de BÉTON, donc ne TOMBE pas dans la NASSE de Pharaon qui cache dans ses médias les millions de victimes exterminées chaque année par son règne afin que tu continues à le sacrer tous les 5 ans.
La maire actuelle de QUIMPER – Isabelle Assih – est née un 27 février (27 2).
27x2 = 54
Le département 54 est celui de la MEURTHE-et-MOSELLE.
MOSELLE se prononce MOTS AILES.
Dieu nous montre que pour obtenir les AILES qui mènent au paradis, la nouvelle Alliance nous impose de commettre un MEURTRE : celui de Pharaon – avec les MOTS qui seront écrits sur notre bulletin de vote le jour de l'élection présidentielle.
À travers la ville de QUIMPER – notre PÈRE nous demande ainsi de ne faire QU'UN – en nous unissant politiquement – afin de mettre un terme au pouvoir de Pharaon : le système capitaliste.
Lors du « Printemps arabe », les Égyptiens ont montré aux peuples qui vivent sous une dictature, la voie à suivre pour se libérer du pouvoir de la Bête : en 2011, ils ont tué pacifiquement Pharaon à partir du moment où ils n'ont fait QU'UN avec l'armée ; ils ont alors réussi à mettre fin à une dictature qui durait depuis 31 ans.
Ils sont le parfait exemple à suivre lorsque notre PÈRE nous demande de ne faire QU'UN pour nous libérer du pouvoir de la Bête.
Or en Égypte, l'appareil de l'armée est une véritable composante de la classe dominante et elle est le meilleur pion local des impérialistes, en particulier des États-Unis, qui sont ses fournisseurs en armement8. Depuis la révolution, l'armée a repris le pouvoir en main par un coup d'État en 2013 et les Égyptiens vivent de nouveau sous une dictature, armée par la France et les États-Unis. Alors pour qu'une révolution puisse aboutir, l'armée doit être unie avec le peuple, comme ce fut le cas en Tunisie, et la révolution doit s'accompagner du renversement de l'impérialisme et du capitalisme, afin que les peuples puissent enfin être libres et vivre dignement.
Le livre de l’EXODE est le second livre de la Bible et de l'Ancien Testament. Il raconte l'EXODE hors d'Égypte des Hébreux sous la conduite de Moïse, le don des Dix Commandements et les pérégrinations du peuple hébreu dans le désert du Sinaï en direction de la Terre promise.9
EXODE = 5x24x15x4x5 = 36000
Le code postal 36000 est celui de la ville de Châteauroux dont le maire est Gil AVEROUS.
AVEROUS = AVE
Gil AVEROUS est né un 12 juillet, comme Jules César.
Pour nous libérer du pouvoir de Pharaon, nous devons arrêter de dire « AVE César » le jour de l'élection présidentielle.
Dieu nous montre ainsi le chemin de l'EXODE afin d'arriver à la Terre promise, c'est-à-dire une Terre débarrassée de l'impérialisme et du capitalisme, pour que les richesses mondiales soient équitablement redistribuées entre chaque être humain ; donc pour y parvenir, tous les peuples doivent s'unir politiquement afin de ne former QU'UN seul peuple qui refusera de dire « AVE César ».
À travers la date du 25 décembre, Dieu associe Anouar el-Sadate à Jésus car ce dernier a donné les pleins pouvoir à Pharaon en nous demandant de « rendre à César ce qui appartient à César ».
Le slogan de l'Alliance du VIN avec Jésus est « On fabrique, on vend et on paie César ! » Désormais, le slogan de la nouvelle Alliance de L.O. est : « On fabrique, on vend, on se paie ! »
Il faut rendre aux travailleurs ce qui appartient aux travailleurs : tout est à NOUS !
« La ROUE tourne », Dieu remplace l'Alliance du VIN par celle de l'EAU afin de nous libérer du pouvoir de Pharaon.
JUIFS = 10x21x9x6x19 = 11340
Le code postal 11340 est celui de la commune de BELCAIRE.
BE L = 25 12
Anouar el-Sadate est né un 25 12 et il est mort au CAIRE.
Il a été assassiné par Khalid ISLAMBOULI car Sadate entamait des négociations avec Israël pour conclure le processus de PAIX.
N'OUBLI pas que l'ISLAM dévoile un message de PAIX donc Dieu fait comprendre aux musulmans palestiniens et aux JUIFS israéliens qu'ils doivent faire la PAIX, mais ce sera impossible tant que Pharaon – le roi Argent – sera au pouvoir en Israël. C'est la raison pour laquelle Khalid ISLAMBOULI et ses complices ont crié « mort au Pharaon ! » en tuant Sadate. Dieu demande ainsi aux JUIFS de se libérer du pouvoir de Pharaon, en tuant démocratiquement les criminels qui sont au pouvoir afin d'entamer le processus de PAIX avec les Palestiniens.
Les peuples du monde entier doivent suivre ce chemin pour réussir à instaurer la PAIX sur Terre.
De Sadate à Moubarak : l’ouverture économique et le rapprochement avec l’impérialisme
Le successeur de Sadate, Hosni Moubarak, était lui aussi issu de l’armée. D’une autre génération que Sadate, plus jeune, il avait gagné ses titres de gloire lors de la guerre de 1973. Il accentua la politique de libéralisation de l’économie qui était encore restée limitée, le secteur public demeurant largement dominant dans l’économie.
À partir du début des années 1990, les privatisations s’accélérèrent. En contrepartie d’un prêt accordé par le FMI, Moubarak s’engagea à démanteler le secteur public, les monopoles d’État et à diminuer les subventions aux produits de consommation.
En 1992, la réforme agraire était modifiée dans un sens plus favorable aux propriétaires qui se voyaient notamment reconnaître le droit d’augmenter les loyers des terres. Cette contre-réforme allait encore plus loin en permettant aux grands propriétaires fonciers expropriés en 1952 et à leurs descendants de faire valoir leurs droits sur leurs anciens domaines.
En 2004, un nouveau gouvernement, avec à sa tête Ahmed Nazif, accéléra encore le rythme des privatisations.
Cette politique de prétendue « libéralisation » de l’économie a eu pour résultat de faire du secteur privé le principal employeur. Mais cela n’a pas rendu l’économie plus « libre ». Elle a été livrée aux appétits de ceux qui se trouvaient dans les allées du pouvoir et pouvaient bénéficier en premier lieu de ces privatisations.
Cela commençait par Moubarak lui-même dont la fortune personnelle au moment de sa chute était estimée à 70 milliards de dollars. Une grande partie des immeubles construits dans la station balnéaire de Charm El-cheikh lui appartenaient, paraît-il.
On peut citer l’exemple du « roi de la sidérurgie » égyptienne, Ahmed Ezz, représentatif de ces hommes d’affaires appartenant au premier cercle du pouvoir. Son groupe est le premier producteur d’acier du monde arabe. Lui-même était aussi membre du secrétariat général du PND, le parti au pouvoir, député, président de la commission du budget, et aussi très proche de Gamal Moubarak, le fils du président.
Parmi ceux qui s’enrichissent grâce au poids de l’État dans l’économie, il y a les hauts dignitaires de l’armée. Celle-ci contrôle une fraction importante de l’économie pour laquelle les estimations varient entre 20 et 40 %. On ne sait pas trop car les informations ne sont pas sur la place publique : une grande partie des informations concernant le budget militaire ne sont pas publiées, pour des raisons de « sécurité d’État ». Mais ce que protègent les militaires, c’est leur mainmise sur l’économie !
L’armée contrôle des terres, des cimenteries, des boulangeries industrielles, des stations-service, des usines d’armement, mais aussi des usines textiles, des usines de conditionnement de bouteilles d’eau, des hôtels dans les stations balnéaires qui accueillaient des centaines de milliers de touristes chaque année.
Des militaires se retrouvent ainsi à occuper des postes de directeur d’usine, de grands magasins, qui fournissent autant de possibilités d’enrichissement personnel. L’armée peut ainsi disposer d’une main-d’œuvre gratuite, surtout sur les domaines agricoles, grâce aux 500 000 appelés dont une partie se voit contrainte de travailler pour rien, le temps de leur service.
Enfin, on ne peut parler de la bourgeoisie égyptienne sans citer la famille Sawiris, réputée pour être la plus riche d’Égypte, classée parmi les plus grandes fortunes du monde. Le patriarche, aujourd’hui retiré des affaires à plus de 87 ans, était issu d’une famille de grands propriétaires fonciers. Il avait vu son entreprise nationalisée du temps de Nasser. Après l’arrivée de Sadate au pouvoir, il revint en Égypte et constitua, avec l’entreprise Orascom, un empire dans le BTP. Les fils ont poursuivi l’œuvre du père. L’un d’entre eux est aujourd’hui le deuxième actionnaire du groupe cimentier français Lafarge. Un autre a développé un réseau de téléphonie, en alliance avec France Télécom. Et le dernier s’est tourné, lui, vers le tourisme en partenariat avec le Club Med et LVMH.
Ainsi, il y a une bourgeoisie qui s’est considérablement enrichie ces dernières années, en général en lien avec le capital occidental, comme le montre bien l’exemple de cette famille Sawiris. Des fortunes ont été bâties dans l’immobilier, avec la construction de centres commerciaux, de résidences pour riches, de complexes hôteliers dans des immenses stations balnéaires. Toutes ces activités ont permis à une minorité de s’enrichir énormément, mais cela n’a pas du tout permis à la grande majorité des Égyptiens de sortir de la pauvreté. Au contraire même, ces années pendant lesquelles cette minorité s’enrichissait ont été des années de régression pour le plus grand nombre, des années durant lesquelles les inégalités se sont accentuées.
Et ces inégalités sont fortes en Égypte. En 2014, 40 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. 30 % des Égyptiens sont analphabètes et ce taux atteint 60 % pour les femmes. Les femmes sont aussi davantage touchées par le chômage et la pauvreté. La presse a fait état d’une augmentation du nombre de femmes condamnées à la prison pour dettes. Parmi les causes de l’endettement des familles, il y a les cours particuliers que la majorité des Égyptiens payent à leurs enfants, même dans les milieux populaires, tant le système scolaire est en faillite. Des ONG ont constaté ces dernières années une augmentation du nombre d’enfants abandonnés et vivant dans les rues. Particulièrement frappées par la pauvreté, les femmes doivent subir le poids des traditions les plus archaïques : en Égypte, encore aujourd’hui, près de 90 % des femmes ont été victimes d’excision.
L’Égypte n’est plus le pays rural qu’il était en 1952. Aujourd’hui, 70 % des Égyptiens vivent dans les villes. Il y a eu un développement industriel, mais il y a eu surtout des millions de paysans fuyant la misère des campagnes.
Le Caire est devenu en quelques années une métropole de 19 millions d’habitants. Au moins 40 % des habitants ont recours à ce qu’on appelle « l’habitat informel ». Autrement dit, des gens s’installent où ils peuvent, comme ils peuvent, sans titre de propriété.
Un vaste projet de restructuration de l’urbanisme Le Caire 2050 prévoit de refouler ces habitants des bidonvilles vers des villes nouvelles construites en périphérie. Les habitants se refusent à aller vivre dans ces villes dépourvues d’équipements et mal desservies. Ces dernières années, des expulsions forcées ont eu lieu, suscitant des réactions et des affrontements régulièrement avec la police.
Ceux qui habitent dans ces quartiers informels vivent pour la plupart d’activités dites elles aussi « informelles », pour reprendre le vocabulaire qui a cours aujourd’hui. Ce « secteur informel » occuperait plus de 60 % des 27 millions de travailleurs que compterait l’Égypte. Autrement dit, la majorité des travailleurs doivent vivre de toutes sortes de petits boulots, dont beaucoup employés à la journée, dans l’incertitude du lendemain. Et puis il y a ceux qui, faute de trouver un employeur, doivent trouver des choses à vendre, des cigarettes, des téléphones, n’importe quoi du moment que cela se vend...
Plus de 50 % des jeunes sont au chômage et doivent donc se débrouiller de cette façon. Et ce n’est pas pour rien qu’ils ont été très nombreux à descendre dans la rue pour crier leur révolte à partir de 2011.
Mais il y a aussi une classe ouvrière, au sens moderne, en Égypte. Elle est constituée de 4 à 5 millions d’ouvriers employés dans des usines textiles, dans des usines sidérurgiques, dans des infrastructures portuaires le long du canal de Suez, dans des entreprises pharmaceutiques. En 2014, l’Égypte est le troisième producteur automobile en Afrique et les groupes General Motors, BMW, Toyota, Nissan y ont implanté des usines de montage employant des milliers d’ouvriers. Cette classe ouvrière est durement exploitée. Les journées de travail sont le plus souvent de 12 heures, 6 jours sur 7 pour des salaires de moins de 100 euros par mois.
Mais cette classe ouvrière, pour relativement faible qu’elle soit sur le plan numérique, représente une force sociale dont le poids n’est pas proportionnel à son nombre. La classe ouvrière tire sa force, en Égypte comme partout ailleurs, de sa concentration dans les grands centres urbains, dans une quarantaine de grandes zones industrielles où les travailleurs sont rassemblés par dizaines de milliers. Ces ouvriers, plus facilement que toutes les autres catégories de travailleurs, peuvent s’organiser, pour lutter, pour se défendre, pour contester l’exploitation. Cette classe ouvrière représente une force qui a plus d’une fois inquiété le régime ces dernières années.
La classe ouvrière a eu à se défendre car les privatisations, comme partout, se sont traduites par des licenciements, des remises en cause des primes, de la participation aux bénéfices instaurée à l’époque nassérienne, de divers autres « avantages sociaux » comme, parfois, la prise en charge de certains soins ou du logement.
Toutes ces attaques ne restèrent pas sans réaction de la part des travailleurs. Au cours de l’année 2006, il y aurait eu 220 grèves, d’après un quotidien égyptien. En 2007, une organisation a dénombré 580 actions revendicatives. Et surtout, le même année, il y a eu les grandes grèves des travailleurs de l’usine de textile Misr Filature et Tissage à Mahalla al-Koubra, dans le delta du Nil. Les 25 000 ouvriers de cette entreprise d’État défièrent le pouvoir, malgré la répression, exigeant et obtenant une augmentation de salaire. Cette grève, encore plus que les autres, a eu un retentissement national.
Oui, la classe ouvrière en Égypte représente une force qui a montré sa capacité à mener des combats, à se faire craindre du régime. Ses luttes ont rencontré un écho dans tout le pays, suscitant la sympathie des milieux populaires et de tous ceux qui étaient hostiles à la dictature.
Cette classe ouvrière a participé aux mobilisations qui ont commencé à partir de janvier 2011. Elle l’a fait aux côtés d’autres couches de la population, dont certaines, socialement plus favorisées, n’en étaient pas moins hostiles au régime de Moubarak. Toutes ces couches sociales aux aspirations et aux intérêts différents se sont donc retrouvées unies pour exiger le départ du dictateur et la démocratie. Cette revendication a été le ciment unificateur de tous les mécontentements à un moment donné, permettant ainsi à la mobilisation d’avoir son caractère massif.
Les mobilisations de janvier-février 2011
Le mécontentement était de plus en plus fort dans de larges couches de la petite bourgeoisie. Beaucoup vivaient de plus en plus mal le cynisme avec lequel Moubarak truquait ouvertement chaque élection, faisait la chasse aux opposants, exerçait une censure tatillonne et imbécile, dont même un écrivain internationalement reconnu comme Naguib Mahfouz avait été victime. En 2005, après une nouvelle élection truquée, des avocats et des juges avaient engagé des mouvements de protestation.
Dans ces milieux de la petite bourgeoisie libérale, une opposition essayait de s’organiser. À partir de 2005, le mouvement Kefaya (« ça suffit ») avait tenté de regrouper ceux qui revendiquaient une démocratisation du régime.
Il existait aussi toute une mouvance de blogueurs, de « cybermilitants », qui contestaient la dictature sur internet. On y retrouvait de nombreux étudiants, sans travail et ayant le sentiment de n’avoir aucune perspective dans la société égyptienne.
Mais parmi ceux que les méthodes de la dictature révoltaient, il y avait aussi des éléments issus de couches plus favorisées comme, par exemple, Waël Ghonim. Celui-ci était administrateur de la page Facebook Nous sommes tous Khaled Saïd, du nom d’un jeune homme battu à mort par la police à Alexandrie en juin 2010. Mais il était par ailleurs chef du marketing de Google au Proche-Orient.
Un de ces groupes de « blogueurs », le Mouvement du 6 avril, fut à l’initiative de l’appel à la première manifestation le 25 janvier 2011. C’était un jour férié, le « jour de la police », dédié à la commémoration de la révolte des policiers égyptiens en 1952 contre l’occupant britannique. Ce n’était pas leur première tentative de mobiliser contre le régime. Ils cherchèrent à juste titre à profiter du climat politique créé par le départ de Ben Ali en Tunisie. Et cette fois-ci, leur appel rencontra un large écho. Ce jour-là, des dizaines de milliers de manifestants, surtout des jeunes, occupèrent les rues et défièrent la police.
Puis le vendredi 28 janvier, « jour de la colère », comme l’ont appelé les initiateurs de la mobilisation, des manifestations dans la plupart des villes d’Égypte montrèrent que le mouvement se développait. Des affrontements eurent lieu avec la police, des commissariats furent incendiés et, au Caire, des manifestants mirent le feu au siège du parti au pouvoir. La répression aurait fait au moins 300 morts. En fin de journée, l’armée était déployée dans les principales villes, prenant la place de la police.
C’est à partir de ce jour que des groupes de manifestants prirent possession de la place Tahrir, qui signifie « Libération » et qui est la principale place du Caire. Dans les jours suivants, la mobilisation prit encore de l’ampleur. Dans toutes les couches de la société, on aspirait au changement. Et cela se voyait sur cette place Tahrir où se retrouvaient des étudiants qui avaient installé un campement, rejoints ponctuellement par des manifestants issus aussi bien de milieux aisés, que de milieux plus populaires, tous ceux qui avaient vu leurs conditions de vie se détériorer avec les hausses de prix, le manque de travail, le manque de logements…
Dès le début, les dirigeants américains prirent leurs distances avec le régime de Moubarak, parlant de la nécessité de faire des « réformes démocratiques ».
Moubarak, à la différence de Ben Ali en Tunisie, ne fut pas limogé tout de suite. Peut-être a-t-il eu davantage les moyens de s’accrocher au pouvoir ? Peut-être les dirigeants américains lui ont-ils laissé sa chance ? Ce qui est certain, c’est qu’ils lui interdirent d’utiliser l’armée contre les manifestants. Le Pentagone lui-même appela l’armée égyptienne à faire preuve de « retenue ». Et quand on connaît l’étroitesse des liens qui existent entre l’armée égyptienne et les dirigeants américains, on comprend qu’il ne s’agissait pas seulement d’un conseil. Au moment où commençaient les manifestations, le chef d’état-major, Sami Anan, était d’ailleurs en déplacement à Washington, et il reçut certainement des consignes dans le même sens avant de regagner l’Égypte.
La préoccupation des dirigeants américains était de préserver l’avenir : ils voulaient empêcher l’armée de se discréditer à son tour en défendant Moubarak. Et en effet, de cette façon, l’armée a pu conserver la maîtrise de la situation. Elle s’est placée en position d’arbitre en annonçant qu’elle ne réprimerait pas les manifestations et qu’elle se cantonnerait à son rôle de « garant de l’ordre public » contre les violences, d’où qu’elles viennent.
Du côté des manifestants, du coup, son déploiement fut accueilli avec soulagement, et même avec joie, car beaucoup pensaient que l’armée allait les protéger de la police.
Et en effet, c’était le début d’une opération politique des chefs de l’armée visant à se présenter comme les amis du peuple, quitte à désavouer Moubarak.
Moubarak tenta de se maintenir au pouvoir jusqu’au bout, annonçant des concessions, un nouveau gouvernement, des élections auxquelles il promettait de ne pas se présenter. Mais fidèle à ses pratiques habituelles, il tenta aussi d’intimider les occupants de la place Tahrir en envoyant des hommes de main, des voyous tabasser des manifestants. Il y eut aussi l’épisode des chameliers de Gizeh envoyés donner la chasse aux manifestants à dos de chameau... Mais rien n’y a fait : les manifestants proclamaient leur détermination à continuer leur mobilisation jusqu’au départ de Moubarak.
Dans les premiers jours de février 2011, la mobilisation gagna la classe ouvrière et des grèves éclatèrent, mêlant revendications sociales et politiques. Moubarak, le 7 février, tenta de mettre fin à la mobilisation des travailleurs en annonçant une augmentation de 15 % des salaires et des pensions des travailleurs du secteur public. Mais cela ne fit qu’encourager encore davantage les travailleurs à entrer en grève et à manifester. Le 9 février, les mobilisations regroupèrent plus de 300 000 travailleurs, selon une estimation. Le 10 février, les luttes ouvrières continuèrent de se développer.
Un quotidien, Al-Masri al-Youm, rapporte : « Une nouvelle vague de sit-in, protestations et manifestations ouvrières, comprenant des centaines de milliers de personnes, s’est répandue hier au Caire et dans les gouvernorats. Revendications sociales, demandes d’augmentation des salaires et d’amélioration des conditions de vie s’y sont mêlées aux revendications de réforme politique ».
Ces grèves touchèrent les transports publics du Caire, la compagnie de chemin de fer, les employés de la société du Canal de Suez, les employés de la compagnie d’électricité.
Du côté des dirigeants américains, la pression pour pousser Moubarak hors de la scène politique se fit de plus en plus forte et ils affichèrent leur volonté de voir se mettre en place une « transition ordonnée ». Ce fut certainement en liaison avec Washington que les dirigeants de l’armée prirent l’initiative de réunir, le 10 février, le Conseil suprême des forces armées (CSFA). Cette instance, dans ce qui ressemblait à un coup d’État, affirma, dans un « communiqué n° 1 », sa volonté de se réunir en permanence jusqu’à nouvel ordre. Dans un second communiqué, publié le lendemain alors que Moubarak était encore officiellement au pouvoir, les militaires promirent l’organisation d’élections libres et la levée de l’état d’urgence imposé en Égypte depuis 1967, avec une parenthèse de dix-huit mois avant l’assassinat de Sadate en 1981.
Il fallut quelques heures encore pour que Moubarak se résigne à son éviction et accepte d’être évacué par avion jusqu’à sa résidence de Charm el-Sheikh dans le Sinaï. Le soir du 11 février, le vice-président lisait en son nom à la télévision une brève déclaration annonçant qu’il renonçait au pouvoir et chargeait le Conseil suprême des forces armées de « gérer les affaires du pays ».
À la tête de ce Conseil suprême se trouvait le maréchal Tantaoui qui était ministre de la Défense du dernier gouvernement de Moubarak. Sa fidélité au régime lui avait valu, paraît-il, d’être surnommé, dans les cercles militaires, « le caniche de Moubarak ». La « transition ordonnée » souhaitée par les dirigeants américains avait donc lieu, mais elle montrait aussitôt ses limites étroites.
Moubarak était évincé dans l’espoir que cela permettrait de désamorcer la contestation, qu’il serait possible de convaincre les manifestants qu’une « transition démocratique pacifique » allait commencer et qu’il fallait laisser le temps aux nouveaux dirigeants de l’organiser.
Le rôle des Frères musulmans
Pour en convaincre les masses, les dirigeants de l’armée eurent besoin de la collaboration des forces d’opposition, et parmi elles, ils purent compter sur l’organisation des Frères musulmans qui était celle qui avait le plus de poids dans la population.
Depuis sa création en 1928, la confrérie des Frères musulmans lutte pour l’instauration de la loi islamique comme fondement de l’organisation politique et sociale. Mais le fondateur et « guide suprême » des Frères musulmans, le prédicateur Hassan Al-Banna, ne cherchait ni à s’opposer aux pouvoirs en place ni à les renverser. La confrérie islamiste apporta son appui à la monarchie égyptienne. Les Frères musulmans bénéficièrent, au moins au début, du soutien et du financement des occupants britanniques qui cherchaient à contrer l’essor des forces nationalistes. Le mouvement, en gagnant en influence, devint une force politique, avec des milices et des cellules dans l’armée égyptienne. Les Officiers libres, Nasser lui-même, ont sans doute été proches, sinon membres de cette organisation des Frères au sein de l’armée.
Du simple fait qu’ils constituaient une force organisée et, dans une certaine mesure, indépendante de l’appareil d’État, les Frères musulmans devenaient suspects aux yeux des dirigeants égyptiens. Ils étaient susceptibles, dans une période de crise, de devenir une menace politique en fournissant un cadre à la contestation.
C’est ce qui explique que toute l’histoire des relations entre les Frères musulmans et le pouvoir égyptien est faite d’une succession de périodes de répression, parfois très dure, et de collaboration.
En 1948, alors que la monarchie était de plus en plus contestée, la confrérie fut interdite une première fois et son dirigeant, Al-Banna, assassiné. Après le coup d’État des Officiers libres, les Frères apportèrent leur soutien au nouveau régime. Mais Nasser, qui ne tolérait aucun mouvement indépendant, décréta en 1954 la dissolution des Frères musulmans. La répression s’accentua encore entre 1965 et 1967. Ils furent massivement internés dans des prisons ou des camps de travail. Nombreux furent ceux qui y furent torturés, assassinés. Ils furent contraints à une totale clandestinité ou à l’exil.
Dans les pays arabes où ils trouvèrent refuge, les Frères musulmans contribuèrent à développer des courants islamistes appartenant à la même mouvance et ils purent compter, à ce moment-là, sur le soutien et le financement de l’Arabie saoudite qui combattait l’influence du nassérisme et du nationalisme arabe.
Avec l’arrivée au pouvoir de Sadate, l’attitude du pouvoir changea. Les Frères musulmans qui étaient emprisonnés furent libérés et l’organisation, si elle ne fut pas légalisée, fut tolérée.
Sadate, pour renforcer son pouvoir, se tournait vers les forces les plus conservatrices, vers la religion. En 1971, il fit inscrire dans la constitution un article, l’article 2, qui déclarait que la charia, la loi islamique, était l’une des sources importantes de toute législation. Avec la révision de la constitution en 1980, la charia devint cette fois « la source principale ». Ces subtilités sémantiques recouvraient une politique qui allait avoir à long terme des conséquences graves pour la société égyptienne.
À partir de 1972, la création dans les universités d’unions islamiques fut encouragée pour contrer dans les milieux étudiants l’influence des mouvements communistes qui, eux, continuaient d’être pourchassés. Cette politique reçut un coup d’arrêt après l’assassinat de Sadate par un groupe islamiste en 1981. Le régime se montra de nouveau plus répressif à l’égard de la mouvance des Frères. Ensuite, à une période de tolérance succéda de nouveau une vague de répression à la fin des années 1990, après une série d’attentats.
En 2005, Moubarak laissa les Frères musulmans présenter des candidats aux élections législatives sous l’étiquette « indépendants » et ils obtinrent 88 élus, soit 20 % des députés.
Mais surtout, au-delà de cette concession politique limitée, le pouvoir accepta de laisser aux Frères musulmans un rôle social d’encadrement en leur permettant de développer dans la société un important réseau d’institutions religieuses et d’associations caritatives. Dans les quartiers populaires complètement délaissés par les services de l’État, cela arrangeait bien le régime que les Frères musulmans s’occupent de l’aide sociale aux plus pauvres. Ainsi ce sont les militants islamistes qui organisaient des soupes populaires, donnaient des cours du soir aux enfants des familles qui ne pouvaient payer des cours particuliers ; les médecins de la confrérie soignaient gratuitement les plus pauvres. Toutes ces activités leur permettaient de gagner une influence et un soutien importants dans les milieux populaires.
Au fil des années, l’influence des islamistes sur l’ensemble de la société s’est fait de plus en plus sentir. Les censeurs de l’université islamique d’Al-Azhar, au Caire, pouvaient, dans les années 1990, mettre des livres à l’index. Un musulman qui avait abandonné sa religion pouvait être jugé et condamné pour « apostasie ».
Mais c’est surtout par rapport aux droits des femmes que la régression a été la plus dramatique. En quelques années, le port du voile leur a été imposé. Et les femmes qui s’y refusent sont rares, tant la pression, y compris physique, est devenue forte. Et cela dans le pays arabe qui avait vu la première femme enlever son voile publiquement en 1919.
L’influence et le poids des Frères musulmans se sont énormément accrus durant les dernières années du régime. Ils bénéficiaient de l’aura que leur donnaient les années de persécution dont ils avaient été victimes. Ils bénéficiaient du discrédit des mouvements nationalistes laïques, comme celui de Nasser, dont les masses avaient pu voir à quel régime de dictature ils pouvaient donner naissance.
Les Frères musulmans apparaissaient comme les principaux opposants au régime, dont ils dénonçaient la corruption. Mais tout en ayant une politique vis-à-vis des plus pauvres pour se gagner leur soutien, ils se montraient très respectueux de l’ordre social.
En 1992, les Frères musulmans approuvèrent la remise en cause de la réforme agraire au profit des propriétaires, condamnant les mouvements de protestation dans les campagnes au nom de la défense de la propriété privée. Pour la même raison, ils condamnaient aussi les grèves.
La véritable base sociale des Frères musulmans se situe avant tout dans la petite bourgeoisie, voire dans la bourgeoisie, dans les milieux les plus conservateurs de la société égyptienne. Beaucoup de leurs dirigeants sont des notables, des patrons, petits ou gros.
Leurs liens avec la bourgeoisie se reflètent dans la composition des membres les plus éminents de la confrérie. Le n° 2 des Frères, Khairat al-Shatir, est un richissime homme d’affaires. Un autre membre dirigeant, Hassan Malek, dirige avec son fils un réseau d’entreprises dans le textile, l’ameublement et le commerce.
Malgré leur démagogie, leurs discours sur la justice sociale, les Frères musulmans représentent une variante de parti bourgeois, anti-ouvrier et anti-pauvres, l’une des variantes les plus réactionnaires.
Les Frères musulmans ne furent pas du tout à l’initiative des premières manifestations en 2011 et ils n’y participèrent même pas. Ce n’est qu’au bout de plusieurs jours qu’ils firent leur apparition dans les cortèges.
Quelques jours avant le départ de Moubarak, le vice-président les avait invités à participer aux tractations engagées avec les autres partis d’opposition. À l’issue de cette rencontre, les Frères musulmans avaient cessé de revendiquer le départ immédiat de Moubarak. Le plus important, expliquèrent-ils, était de favoriser l’organisation d’élections dans de bonnes conditions.
Ils donnèrent même des gages de leur bonne volonté en s’engageant à ne pas présenter de candidat à la future élection présidentielle et à limiter leur nombre de candidats à de prochaines élections législatives.
Les Frères musulmans mirent donc tout leur poids pour appuyer la « transition ordonnée » souhaitée par tous ceux qui se méfiaient des mobilisations.
La prétendue « transition démocratique »… pour tenter de garder l’essentiel
Le premier gouvernement mis en place après le départ de Moubarak était dirigé par un militaire, Ahmed Chafik, désigné par Moubarak lui-même avant son départ. Il dut démissionner rapidement, mais celui qui lui succéda avait été lui aussi un ministre de Moubarak. À part Moubarak, la plupart de ceux qui avaient dirigé le pays sous sa direction restaient à la tête de l’État.
Il y eut quelques arrestations : quelques ministres, les plus compromis aux yeux de la population, quelques affairistes comme Ahmed Ezz, le « roi de la sidérurgie ». Le parti de Moubarak fut dissous et ses biens furent mis sous séquestre.
Mais l’appareil d’État, son armée, l’appareil judiciaire, la police, tout restait en place. Jusqu’à la Sécurité d’État, la police politique du régime. Le 15 mars, elle fut officiellement dissoute mais elle continua d’exister sous le nom à peine changé de Sécurité nationale.
Les hommes au pouvoir étaient les mêmes. Les méthodes du pouvoir étaient les mêmes, toujours aussi répressives, avec des arrestations arbitraires, avec le recours aux tribunaux militaires pour plus de 10 000 opposants, car la levée de l’état de siège, contrairement à ce qui avait été promis, ne fut annoncée que le 31 mai.
Et on retrouvait aussi les mêmes manœuvres particulièrement abjectes de la dictature en Égypte, qui consistent à chercher à dresser les musulmans contre les chrétiens coptes, qui représentent environ 10 % de la population. Des exactions, probablement orchestrées par le pouvoir, furent commises contre des chrétiens et ceux-ci furent durement réprimés quand ils manifestèrent pour protester.
Alors, à partir de novembre 2011, les manifestations sur la place Tahrir reprirent, ainsi que dans de nombreuses villes d’Égypte. Au slogan « Moubarak, dégage » avait succédé le slogan : « Tantaoui, dégage ». La répression fut violente, faisant des dizaines de morts, des milliers de blessés.
Ainsi les dirigeants de l’armée mis à la tête du gouvernement après le départ de Moubarak avaient bien du mal à mettre fin à la contestation, sur le plan politique et sur le plan social. Car pendant toute cette période, la classe ouvrière continua de se manifester, la chute de Moubarak donnant un élan supplémentaire au mouvement gréviste.
Grèves et mobilisations ouvrières après la chute de Moubarak
Les travailleurs qui se mobilisaient revendiquaient le plus souvent en premier lieu une augmentation du salaire de base ou, le plus souvent encore, des primes que les entreprises sont légalement obligées de verser et qui peuvent représenter jusqu’à 80 % du revenu d’un salarié. Les travailleurs, dont les salaires permettaient à peine de vivre, étaient de plus confrontés à une inflation officiellement supérieure à 10 %, bien plus forte encore pour bien des produits de première nécessité.
Très rapidement, la préoccupation des militaires fut de faire cesser les grèves, qualifiées de « catégorielles », durcissant la législation anti-grève dès avril 2011 : quiconque organisait « une manifestation ou une activité pouvant ralentir ou empêcher le travail d’une institution de l’État, une autorité générale ou une place de travail publique et privée » était désormais passible de peines de prison et de très fortes amendes. Mais cela ne suffit pas à dissuader les travailleurs de se battre.
En juin 2011, le gouvernement tenta aussi de calmer le mécontentement en annonçant une augmentation du salaire minimum. Mais celle-ci était d’un montant inférieur à ce qui était en général revendiqué. En outre, comme rien n’obligeait les patrons du privé à l’appliquer, elle ne concerna que le secteur public. Souvent, seuls les travailleurs ayant un contrat fixe en bénéficièrent, ce qui écartait une partie importante de ceux qui, dans les entreprises, même les plus grandes, n’ont aucun contrat. C’est d’ailleurs pourquoi une des revendications qui revenait fréquemment était l’embauche de ces travailleurs, non « permanents » d’un point de vue juridique, mais employés souvent depuis très longtemps dans les entreprises.
La mobilisation d’une partie de la classe ouvrière s’est manifestée aussi par l’émergence de syndicats indépendants cherchant à s’affranchir de la tutelle de la centrale syndicale officielle. Un an après le départ de Moubarak, deux confédérations se sont constituées, regroupant ces syndicats indépendants. Elles revendiquaient ensemble 3 millions d’adhérents. Quasiment autant que le nombre de travailleurs que le syndicat officiel prétendait organiser du temps de Moubarak.
Mais ces syndicats indépendants, à la différence du syndicat d’État, se sont constitués en opposition à la direction des entreprises, ont été en butte à la répression et nombre de travailleurs ont payé cette lutte en perdant leur emploi, en étant dans certains cas condamnés à de lourdes amendes, voire à des peines de prison.
Durant ces mois qui ont suivi le départ de Moubarak, les dirigeants de l’armée n’ont pas osé réprimer brutalement les grèves ouvrières. Ils ont considéré qu’ils n’avaient pas les moyens d’interdire aux travailleurs de constituer des syndicats. Mais ils se refusèrent à donner à ces syndicats une reconnaissance légale. Car il ne s’agissait, à leurs yeux, que d’une concession provisoire, en attendant le moment favorable permettant de revenir dessus.
Depuis le début des mouvements contre Moubarak, l’armée a cherché à se présenter comme étant du côté du peuple, comme une force défendant celui-ci contre les « abus » et voulant aller vers le changement. Mais c’était évidemment un piège. Les dirigeants de l’armée ne faisaient qu’attendre le moment favorable pour se retourner contre les travailleurs et rétablir en fait le régime précédent, c’est-à-dire sa dictature plus ou moins ouverte.
Victoire des islamistes aux élections législatives et présidentielles
À partir de février 2011, une concurrence pour le pouvoir s’engagea entre les dirigeants de l’armée et les Frères musulmans. Ceux-ci s’étaient engagés, dans un premier temps, à limiter leurs ambitions. Rapidement, ils changèrent d’attitude. La hiérarchie militaire, quant à elle, n’entendait pas se laisser déposséder du contrôle qu’elle exerçait sur les sommets de l’appareil d’État.
Dans le cadre d’une concurrence électorale, les Frères musulmans bénéficiaient d’un avantage sur les dirigeants de l’armée. Ils apparaissaient comme la force du changement face à ceux qui défendaient leurs privilèges et le système mis en place du temps de Moubarak.
Cette image leur permit de remporter les élections législatives qui se déroulèrent entre la fin de novembre 2011 et le début de l’année 2012. La coalition dirigée par le Parti de la liberté et de la justice, l’organisation politique créée par les Frères musulmans, arriva en tête avec 37,5 % des suffrages exprimés.
Un autre groupe islamiste, les salafistes du Bloc islamique dirigé par le parti Al-Nour, arriva en deuxième position avec 27,8 % des suffrages. Ces salafistes, souvent issus eux-mêmes des Frères musulmans, avaient cherché à se donner une image plus « radicale » par leur langage et par leur costume. Ils préconisaient pour les hommes, pour marquer leur rejet des « mœurs occidentales », le port de la longue barbe et celui d’une tunique flottante. Mais ils devaient leur influence aux mêmes méthodes que la confrérie, c’est-à-dire à leur contrôle d’une partie des mosquées et à leurs réseaux d’aide aux plus pauvres dans les quartiers populaires. Cherchant à contrebalancer l’influence des Frères musulmans, Moubarak leur avait permis de développer leur propagande, les laissant par exemple disposer de six chaînes de télévision.
Ainsi, les islamistes, toutes tendances confondues, recueillirent plus de 60 % des suffrages. Ils apparaissaient comme ayant été les opposants les plus radicaux à la dictature, tout en disposant de l’organisation nécessaire pour s’adresser le plus efficacement aux milieux populaires.
Et, dans ces élections, ils furent même les seuls à s’adresser vraiment aux couches les plus pauvres. La seule alternative « de gauche » aux islamistes était constituée par une coalition de partis, le Bloc égyptien, se présentant comme laïque. Elle incluait le Tagammou, l’ancienne opposition de gauche autorisée par Moubarak. Mais le dirigeant du principal parti de cette alliance électorale était l’un des hommes les plus riches d’Égypte, Naguib Sawiris, appartenant à cette famille de milliardaires évoquée précédemment. Il était chrétien copte, partisan d’un État laïc et hostile aux Frères musulmans. Mais il était aussi un adversaire résolu et déclaré des grèves ouvrières, et avait apporté son soutien au durcissement de la législation anti-grève décidée par les militaires. Ce milliardaire pouvait difficilement trouver l’oreille des travailleurs.
Il faut toutefois nuancer l’image de « raz de marée » islamiste qui a souvent été donnée de cette élection. Si la majorité des 27 millions de personnes qui se sont déplacées pour voter leur ont apporté leurs voix, le corps électoral est estimé en Égypte à environ 50 millions de personnes. « Estimé » car, en Égypte, comme dans beaucoup de pays pauvres, on n’est jamais sûr des statistiques. Et la majorité de ceux qui ne sont pas allés voter appartiennent à coup sûr aux couches les plus pauvres de la société égyptienne.
Que ce soit ici, dans un pays riche comme la France, ou encore plus dans un pays pauvre comme l’Égypte, dans ces systèmes politiques dont le caractère prétendument « démocratique » se limite à l’organisation de scrutins à intervalles plus ou moins réguliers, les plus exploités restent spectateurs et se tiennent loin de la vie politique.
Les mois qui suivirent furent marqués par la campagne pour l’élection présidentielle et par une série d’épreuves de force avec les dirigeants de l’armée. Le Conseil suprême des forces armées fit annuler l’élection législative remportée par les islamistes au début 2012 et s’attribua le pouvoir de légiférer.
Le premier tour de l’élection présidentielle eut lieu les 23 et 24 mai 2012. Le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, arriva en tête, avec plus de 24 % des voix, talonné par celui qui avait été le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmed Chafik, et qui apparaissait comme l’homme des militaires.
Les résultats de ce premier tour montrèrent qu’une fraction importante des milieux populaires n’apportait pas son soutien à Morsi. La participation fut moindre qu’aux législatives puisque le nombre de votants passa de 27 à 23,7 millions de personnes. Morsi et le candidat soutenu par les salafistes, un membre paraît-il « moderniste » des Frères musulmans, obtinrent moins de dix millions de voix, alors que l’ensemble des islamistes avaient réuni, quelques mois plus tôt, 17,7 millions de voix.
Au second tour, le 17 juin 2012, Morsi fut élu, mais avec seulement 51,7 % des voix face à son adversaire. Une partie de l’électorat de gauche s’était reportée sur le candidat opposé à Morsi, choisissant ce qui apparaissait à ses yeux comme un moindre mal.
Ainsi se mettait en place une nouvelle situation politique. Les dirigeants de l’armée, désavoués, confrontés à la montée du mécontentement, avaient été contraints de se mettre en retrait. Et deux camps se constituaient, se faisant face, avec d’un côté, les islamistes au pouvoir et, de l’autre, un camp se disant « moderniste » et partisan du maintien de la laïcité, auquel se joignait une partie des dirigeants de l’armée.
Les Frères musulmans au pouvoir
Une fois arrivé au pouvoir, Morsi chercha à pousser son avantage dans la rivalité qui l’opposait aux dignitaires de l’armée. En août 2012, il évinça le maréchal Tantaoui, dirigeant du Conseil des forces armées et ministre de la Défense du gouvernement, et Sadi Anam, le chef d’état-major, tous deux se retrouvant nommés à d’autres fonctions.
Le « coup de force » était très limité, car il se fit avec l’assentiment du reste de l’état-major. Certains, dans les sommets de l’armée, n’étaient pas mécontents de voir enfin se libérer des places très recherchées. Cette opération permit des évolutions de carrière attendues depuis longtemps… Au poste de ministre de la Défense fut nommé le général Al-Sissi, celui qui devait renverser Morsi un an plus tard.
Morsi s’attribua les pouvoirs législatifs détenus depuis la dissolution de l’Assemblée par le Conseil des forces armées. Morsi reprenait ainsi l’avantage dans la rivalité qui l’opposait aux cercles militaires au sommet de l’État.
Mais cette rivalité au sommet ne les empêchait pas d’avoir une même préoccupation : venir à bout de la contestation et rétablir un pouvoir fort. Le 22 novembre 2012, Morsi prit un décret qui lui permettait de s’adjuger une partie des pouvoirs judiciaires. Cette concentration des pouvoirs entre les mains de Morsi fit craindre, à juste titre, à une partie de la population le retour d’un régime dictatorial, moins de deux ans après la chute de Moubarak.
Dans plusieurs régions, des juges se déclarèrent en grève. Des manifestations importantes eurent lieu pour s’opposer à ce décret. En plus de la police, les manifestants eurent à affronter des partisans de Morsi. Car celui-ci disposait d’un atout qui avait manqué à ses prédécesseurs : il pouvait compter sur la mobilisation des membres de l’organisation des Frères musulmans et sur l’influence qu’elle lui donnait au sein d’une partie de la population.
Mais devant l’importance de l’opposition à son décret, Morsi fut obligé de faire marche arrière et de l’annuler en grande partie.
Morsi rencontra aussi une opposition de plus en plus forte dans sa tentative d’instaurer un régime fondé sur les préceptes religieux.
Dans la constitution qu’il fit adopter, à la notion « d’égalité hommes-femmes », qui serait contraire à la charia, se substituait une vague formule « d’égalité entre tous les Égyptiens, au sein de laquelle la femme doit trouver un équilibre entre ses devoirs familiaux et professionnels ».
Était invoquée aussi « la vraie nature de la famille égyptienne, (...) sa morale et ses valeurs », que protégerait l’État. Un article garantissait « la liberté d’opinion et d’expression », tandis que le suivant interdisait « d’insulter les prophètes des religions monothéistes », religions qui étaient censées définir obligatoirement le statut personnel de tout Égyptien.
Le régime que Morsi et les islamistes se proposaient d’établir, c’était la dictature des religieux avec une police des mœurs pour faire la chasse à tous les contrevenants, aux femmes ne portant pas le voile, à ceux dont le comportement aurait été considéré comme « déviant » et contraire aux préceptes islamiques. C’était la menace d’une régression sociale et politique pour l’ensemble de la société.
Cette menace était ressentie en particulier dans les milieux intellectuels, démocrates, au sein de la petite bourgeoisie, qui voyait se profiler la perspective d’une dictature religieuse à l’image du régime des ayatollahs iraniens.
Mais dans les milieux populaires aussi, beaucoup n’avaient pas envie de voir les faits et gestes de leur vie quotidienne contrôlés par les religieux et les intégristes. En fait, ni les travailleurs ni les femmes n’acceptaient d’être soumis à cette espèce d’ordre moral et ils l’ont montré.
Pendant un an, sous la présidence de Morsi, les travailleurs ont pu constater que l’arrivée des islamistes au pouvoir n’avait rien changé. Face à la dégradation de la situation économique, Morsi, comme Moubarak avant lui, a dû engager des négociations avec le FMI et la Banque mondiale. Pour obtenir un prêt de 4,8 milliards de dollars, tout comme son prédécesseur, il a dû s’engager à imposer des sacrifices aux plus pauvres, et en particulier à diminuer les subventions aux produits de première nécessité. Le gouvernement a donc annoncé des augmentations de prix des produits subventionnés qui ont été ensuite reportées devant la crainte des réactions populaires.
Les classes populaires ont dû faire face à des pénuries d’essence, de pain et de nombreux autres produits alimentaires, à une flambée des prix. Les conditions de vie se sont énormément aggravées en quelques mois.
Sous la présidence de Morsi, le gouvernement, comme les gouvernements précédents, a envoyé la police contre les travailleurs qui faisaient grève et qui manifestaient. Et ils ont été nombreux à le faire pendant toute l’année 2012, qui a connu une forte augmentation des mobilisations : on en a recensé 1 969 cette année-là, et 2 400 au premier trimestre 2013.
Contre les travailleurs en lutte, Morsi a cherché à s’appuyer sur les bureaucrates de l’ancienne centrale syndicale unique, l’ETUF, qui sous Moubarak encadrait les travailleurs. La constitution élaborée par les islamistes confirmait le monopole syndical de cette organisation qui avait fait ses preuves en matière de flicage des travailleurs.
Pendant un an à la tête de l’État, Morsi a pu faire la démonstration que son gouvernement était un adversaire résolu des travailleurs. En septembre 2012, cinq syndicalistes d’une entreprise d’Alexandrie ont été condamnés à trois ans de prison pour avoir organisé en octobre 2011 une grève à laquelle 600 travailleurs participèrent. C’était la plus lourde condamnation prononcée contre des grévistes depuis l’époque de Sadate !
Pour beaucoup de ceux qui avaient espéré un changement après le départ de Moubarak, il apparaissait clairement que le nouveau pouvoir qui tentait de s’établir ressemblait beaucoup à l’ancien. Et ils avaient toutes les raisons de redescendre dans la rue.
Constitution d’une coalition anti-Morsi
Mais un nouveau piège se mettait en place pour les travailleurs et la population pauvre, car l’opposition à Morsi s’organisa sur le seul terrain du refus d’une dictature islamiste. Et dans cet affrontement, aucun des deux camps ne représentait les intérêts des travailleurs.
En novembre 2012, un « Front de salut national » destiné à rassembler les opposants à Morsi se constitua, regroupant des partis allant de la droite à l’extrême gauche. Parmi les principaux porte-parole, on retrouvait un ancien ministre des Affaires étrangères de Moubarak et ancien secrétaire de la Ligue arabe, Amr Moussa. L’autre figure connue était l’ancien dirigeant de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Mohamed El Baradei, qui fut, lui, un opposant très modéré des dernières années du régime de Moubarak.
Dans cette coalition hétéroclite se retrouvaient des gens qui n’avaient en commun que leur opposition à Morsi. Et jusqu’à un certain point d’ailleurs. L’ancien ministre Amr Moussa proposa un plan en cinq points qui comprenait la mise en place d’un gouvernement d’union nationale sous la direction de Morsi.
En attendant, cette coalition anti-Morsi se gardait bien de proposer quoi que ce soit aux travailleurs sur le plan social. D’ailleurs, le plan de Moussa comprenait aussi « un moratoire des grèves ». Sur la place de l’Islam dans la vie politique, il y avait une différence de point de vue entre ce politicien et les Frères musulmans. Mais sur l’attitude par rapport aux travailleurs, ils étaient tout à fait d’accord et susceptibles de s’entendre.
À partir d’avril 2013, fut lancée la campagne Tamarod (rébellion) qui consistait à faire signer une pétition appelant à la destitution du chef de l’État et à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. À l’origine de cette campagne se trouvaient ceux qui furent les initiateurs des manifestations de janvier 2011. Leur appel fut repris très vite par tous les opposants à Morsi. En fait, presque tous les partis, à part les Frères musulmans, se mobilisèrent pour faire signer cette pétition. La chaîne de télévision appartenant au milliardaire Sawiris y fit campagne en faveur de la pétition.
L’objectif affiché était d’atteindre au moins 15 millions de signatures, c’est-à-dire plus que le nombre de voix obtenues par Morsi pour se faire élire. Et cela avant le 30 juin, jour anniversaire de son élection, date à laquelle seraient organisées des manifestations marquant le point d’orgue de la campagne.
Cette mobilisation fut un succès et rencontra un écho important dans la population. Les organisateurs affirment que la pétition aurait recueilli 22 millions de signatures.
Les deux centrales syndicales indépendantes participèrent à la collecte de signatures, faisant signer la pétition sur les lieux de travail, dans les zones industrielles. Beaucoup de travailleurs apportèrent leur soutien à cette mobilisation. La presse rapporte par exemple que, le 27 juin 2013, à Mahalla al-Koubra, des milliers de travailleurs quittèrent leur usine pour protester contre un discours prononcé la veille par Morsi, manifestant dans la ville en criant des mots d’ordre exigeant sa démission.
Le 30 juin 2013, les manifestations furent massives, plus massives que celles de janvier 2011, et les travailleurs furent nombreux à y participer. Le nombre des manifestants a été estimé à deux millions.
On ne peut pas dire quels étaient le poids et l’influence de chacune des organisations ayant appelé à ces manifestations. Les dirigeants de Tamarod avaient imposé, au nom de l’unité du mouvement, qu’aucune ne manifeste avec son drapeau ou quoi que ce soit qui la distingue. Le seul drapeau accepté était le drapeau national.
Mais il est également certain que Tamarod a bénéficié du soutien plus ou moins occulte d’un certain nombre d’éléments de l’armée, voire d’anciens partisans de Moubarak qui voyaient là l’occasion de prendre leur revanche contre les Frères musulmans.
Au soir du 30 juin, les organisateurs de la mobilisation appelèrent les manifestants à occuper la rue jusqu’à la démission de Morsi. Un ultimatum lui avait été adressé et, en cas de refus de sa part, une campagne de désobéissance civile devait être lancée. Des affrontements souvent meurtriers avaient lieu quotidiennement entre partisans et adversaires de Morsi.
Une épreuve de force ouverte était engagée dont le résultat dépendait de l’attitude de l’armée. Mais celle-ci était assez prévisible.
Le ministre de la Défense, le général Al-Sissi, une semaine avant la manifestation du 30 juin, avait déclaré : « Les forces armées ont le devoir d’intervenir pour empêcher l’Égypte de plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles ». Le 30 juin, l’armée avait clairement montré de la bienveillance à l’égard des manifestations. Dans la journée, des hélicoptères avaient survolé les cortèges, au Caire, laissant flotter derrière eux d’immenses drapeaux égyptiens. C’était visiblement un soutien apporté aux anti-Morsi.
C’était aussi, de la part des généraux, la poursuite d’une opération politique visant à présenter l’armée comme le défenseur et le sauveur du peuple égyptien.
Les appels se multiplièrent de la part de nombreux représentants de partis pour demander une intervention de l’armée pour dénouer la situation. Et quand finalement, le 3 juillet, le général Al-Sissi démit Morsi de ses fonctions, la nouvelle fut fêtée par les manifestants dans les rues du Caire.
Toute la politique menée par les organisateurs de Tamarod conduisait à ce résultat. Une grande partie d’entre eux souhaitait cette intervention de l’armée et il est sûr que certains ont entretenu des contacts étroits avec l’état-major.
Le discrédit de Morsi avait donné l’occasion aux dirigeants de l’armée de reprendre entièrement les rênes du pouvoir entre leurs mains, en écartant des concurrents qu’ils avaient acceptés avec réticence.
Morsi s’était révélé incapable, malgré ses tentatives, de mettre fin à l’instabilité sociale. Et le rejet qu’il avait fini par susciter était devenu au contraire un facteur supplémentaire de troubles. En définitive, les dirigeants de l’armée écartèrent Morsi pour les mêmes raisons qui les avaient amenés à se débarrasser de Moubarak deux ans et demi auparavant.
L’armée de nouveau au pouvoir
Le nouvel homme fort du pouvoir était donc le général Al-Sissi. Il désigna un président par intérim en choisissant pour cette fonction le président de la Haute Cour constitutionnelle. Celui-ci forma un gouvernement dirigé par un ancien ministre des Finances d’un des gouvernements qui s’étaient succédé après le renversement de Moubarak. Et une nouvelle période de prétendue « transition démocratique » pouvait s’ouvrir.
Mais, cette fois-ci, l’armée bénéficiait du soutien de la plupart des partis, de la droite à la gauche, et de l’assentiment d’une partie de la population, y compris pour organiser la répression.
En effet, aux yeux de cette petite bourgeoisie qui avait manifesté en janvier 2011 contre Moubarak, l’armée apparaissait comme l’ayant « sauvée » de la menace islamiste.
La répression visa d’abord les Frères musulmans. La confrérie appela à manifester contre le nouveau pouvoir et chaque fois, ces manifestations se conclurent par des dizaines de morts sous les balles de l’armée. Le 14 août marqua une escalade dans la répression après que l’armée eut dispersé d’une façon particulièrement sanglante l’un de ces rassemblements, causant plus de 500 morts.
Les Frères musulmans ont choisi à ce moment-là une attitude d’opposition frontale au coup d’État en envoyant délibérément à la mort ceux qui suivaient leurs appels. Ils ont certainement fait le calcul qu’à long terme cette attitude leur permettrait de se renforcer dans l’opinion populaire en leur conférant l’image de martyrs et d’opposants à un pouvoir qui ne peut que se discréditer à son tour.
Aujourd’hui, Morsi, tous les dirigeants de la confrérie et plus de 2 000 militants sont en prison. L’organisation a été interdite et ses biens saisis. Mais les Frères musulmans ont déjà connu dans le passé des périodes de répression. Il est certain que cette organisation, une fois de plus, pourra continuer d’exister dans la clandestinité. D’autant qu’il n’est pas dit que la répression les visant ne finira pas par s’atténuer. Rien n’exclut le retour à une situation de compromis, comme dans le passé, entre l’armée conservant la mainmise sur les leviers gouvernementaux et les Frères musulmans cantonnés à un rôle d’encadrement de la population.10
Un président mal élu
Le maréchal Sissi recherchait un certain vernis démocratique pour asseoir sa légitimité face à ses bailleurs étrangers. Le résultat étant connu d’avance, le seul élément déterminant était le taux de participation...
Les semaines qui ont précédé l’élection du 26 mai 2014 ont été marquées par un matraquage effréné en faveur de Sissi. Le premier jour des élections, on a assisté à des mesures absolument grotesques en réaction à un taux de participation très faible. Ainsi on a annoncé le lundi soir que le mardi serait jour de congé pour les institutions gouvernementales et privées. Résultat : des rues vides et des bureaux de vote aussi déserts que la veille. La menace d’une amende pour les fonctionnaires n’ayant pas voté n’a manifestement pas suffi. Du coup, le mardi, grande surprise, on annonce que les bureaux de vote seront ouverts jusqu’à 22 heures et que le vote sera prolongé au mercredi !
Résultat des courses, des chiffres officiels manifestement truqués, impossibles à vérifier et auxquels personne ne croit : un taux d’abstention de 52 % (à comparer avec les 48 % du deuxième tour des présidentielles précédentes), 93 % des voix pour Sissi, 3 % pour Sabbahi (nassérien de gauche) et 4 % de votes nuls.
Boycott des urnes
En fait, le public n’est pas dupe et se rend compte de la grossièreté de la manœuvre. Celles et ceux qui ne sont pas allés voter se fichent bien de ce que les médias entièrement inféodés aux militaires ne cessent de seriner : « Ce sont des traîtres, ils sont vendus à l’étranger... ». Ils ont l’impression de se retrouver au temps de Sadate ou Moubarak. D’ailleurs, la multiplication des arrestations de militantEs révolutionnaires avant les élections, l’utilisation de la torture dans les prisons, l’attaque systématique de tout rassemblement des forces révolutionnaires, l’absence de débat et la prévisibilité du scrutin l’indiquaient déjà.
Le refus de beaucoup d’Égyptiens de voter s’explique par le boycott appelé à la fois par les Frères musulmans et des forces révolutionnaires. Celui-ci a été particulièrement efficace dans la jeunesse. Il s’explique aussi par la situation difficile à laquelle beaucoup ne voient pas d’issue. Les militaires sont bien là, vote ou pas, et ce sont eux qui décideront. La préoccupation principale de la population, c’est la survie au quotidien avec la hausse du chômage due à une économie sinistrée, une hausse des prix vertigineuse, des coupures d’eau et d’électricité très fréquentes.11
Climat de peur et répression
Depuis la prise de pouvoir du maréchal Sissi le 3 juillet 2013, une répression féroce s’est abattue sur tous les opposants, qu’ils soient des partisans du président islamiste déchu Morsi ou des laïcs.
En moins d’un an, plus de 40 000 Égyptiens ont été emprisonnés, alors que Moubarak, jugé pour la mort en 2011 de 900 manifestants, était acquitté. Au nom de la sécurité, l’état d’urgence a été réinstauré et une loi interdisant tout rassemblement de plus de 10 personnes a été promulguée. La loi permet de punir de 10 ans d’emprisonnement toute personne accusée d’atteinte à l’unité nationale et à la paix sociale...
Pour faire bonne mesure, le 5 janvier 2015, dans la crainte évidente de manifestations commémorant le 25 janvier, les avoirs et les biens de 112 membres des Socialistes révolutionnaires, du Mouvement du 6 avril et des Jeunes pour la justice et la liberté ont été saisis. On donne des gages aux salafistes en poursuivant les homosexuels, et le ministère de l’Éducation mène une campagne contre l’athéisme. Les femmes hésitent à sortir seules de chez elles, même si certaines d’entre elles, peu encore, ont quitté le voile.
Un climat général de peur s’est installé : plus aucune discussion politique dans les lieux publics, puisque n’importe qui peut dénoncer toute discussion qu’il juge tendancieuse, avec arrestation immédiate des contrevenants.12
Personne n’est à l’abri d’une arrestation arbitraire, de tortures, de procès iniques. Les magistrats sont aux ordres d’un pouvoir tyrannique qui ne tolère aucune voix dissidente au nom de la lutte contre le terrorisme, ce qui est toujours bien vu par les donateurs occidentaux ou des pays du Golfe. Un rapport de la FIDH dénonce les violences sexuelles utilisées par les forces de l’ordre à l’encontre des personnes arrêtées. De 2013 (arrivée de Sissi au pouvoir) à 2015, le bilan est très lourd : 2 600 morts, 17 000 blessés, 16 000 arrestations, 1 500 condamnations à mort dont celle de Morsi. Les prisonniers politiques sont plus de 40 000. D'avril à juin 2015, le mouvement « Liberté pour les braves » a recensé 163 disparitions de démocrates, la plupart de gauche, dont 66 restent introuvables.
Il y a l’abcès du Sinaï, la seule région que le pouvoir n’arrive pas vraiment à contrôler. Malgré tous ses efforts, il n’est pas venu à bout du groupe Ansar Beit El Makdess qui a fait allégeance à Daech. De janvier à mai, 643 personnes ont été tuées. Chaque jour, on y parle d’attaques terroristes, et certaines estimations sérieuses mais peu répercutées font état de 10 à 12 000 hommes armés dont les motivations ne sont pas toutes politiques.
Pain, liberté, dignité et justice sociale ?
Au niveau international, Sissi, qui ambitionnait d’occuper un rôle central dans la région, est vite apparu comme le soutien de la politique US, ainsi que le complice du Premier ministre israélien Netanhyaou, fermant le terminal de Rafah aux secours, ainsi qu’aux blessés, et cela au plus fort de l’offensive israélienne contre Gaza.
Dans le pays, aucun des problèmes sociaux qui avaient abouti à la révolution du 25 janvier n’est réglé. Les investissements étrangers sont taris à cause de l’instabilité du pays, du manque de transparence et surtout de la corruption généralisée, et le tourisme est moribond. Les salaires sont bas, et le coût de la vie de plus en plus élevé à cause de l’inflation et de la baisse des subventions étatiques.
Les États-Unis versent annuellement à l’Égypte plus de 1 milliard de dollars pour contribuer à la sécurité d’Israël. Hormis le Qatar, les monarchies pétrolières allouent des sommes considérables dans le souci de leur propre stabilité. Ces subventions ne sauraient suffire. Les premières couvrent les dépenses des forces de l’ordre et de répression ; les secondes, les salaires d’une pléthore de fonctionnaires sous, ou mal employés. La dette extérieure et intérieure atteignant le niveau abyssal de 200 milliards de dollars, la possibilité d’une cessation de paiements n’est pas à exclure.
Des luttes ouvrières pour la défense des acquis continuent dans de grands centres industriels, mais au niveau politique, on assiste à un très fort émiettement des forces révolutionnaires, avec un grand sentiment d’impuissance à cause de la répression.
Le chômage qui frappe particulièrement la jeunesse ne peut que devenir de plus en plus insupportable. Pain, liberté, dignité et justice sociale restent des mots d’ordre toujours plus d’actualité et la question d’une alternative politique révolutionnaire comme au lendemain du 25 janvier 2011 reste la question clé.13
Vente de rafales à l’Égypte : « La France, une République qui se prostitue sur le banc des dictateurs »
Trois mois, c'est le temps qu'auront mis la France et l’Égypte pour conclure un accord sur la vente de 24 avions rafales, une vente historique à un régime dictatorial et corrompu. Encore une fois, les intérêts économiques ont pris le dessus sur les discours à la gloire de la démocratie et de l'État de droit.
Après des années d’échec, le groupe Dassault Aviation soutenu de manière inconditionnelle par l’État français a décroché son premier contrat à l’export. Après l’échec cuisant du Brésil qui avait préféré se tourner vers des avions de chasse suédois et les difficiles négociations en cours avec l’Inde pour la vente de 126 rafales, le président François Hollande s’est réjoui de l’accord trouvé avec l’Égypte. Le contrat signé par le Maréchal et Président égyptien Abdel Fatah Al Sissi et le Ministre de la Défense française Jean Yves Le Drian prévoit, outre l’achat des 24 rafales, la livraison de deux frégates ainsi que d’un lot de missiles de courte et longue portée, le tout pour un total de 5,3 milliards d’euros. Le groupe Dassault, propriété du richissime Serge Dassault, à la fois homme d’affaires, sénateur et propriétaire du principal quotidien français, Le Figaro, a remercié l’État français pour son « soutien » et l’Égypte pour sa « confiance ». (Notons au passage que les grandes entreprises qui somment perpétuellement l’État « prédateur » de ne pas intervenir dans l’économie sont bien heureuses quand ce même État s’emploie pour que soient signés de juteux contrats à l’étranger. Fermons la parenthèse). Cette vente conclue en un temps record a été menée de bout en bout par le dictateur égyptien. Il a en effet négocié d’abord en novembre 2013 avec le Président Hollande puis avec le Ministre de la Défense et enfin avec les dirigeants de Dassault sans jamais utiliser d’intermédiaires dans les tractations.
Les rafales seront ainsi livrés très rapidement au dirigeant égyptien qui pourra les faire voler en août 2014 lors de l’inauguration de l’élargissement du Canal de Suez. Le Président français a par ailleurs déclaré que « ces équipements permettront à l’Égypte d’accroître sa sécurité et de jouer tout son rôle au service de la stabilité régionale ». Décidément, la sécurité a bon dos. L’argument sécuritaire répété une millième fois par nos dirigeants occidentaux s’avère bien évidemment un prétexte pour exporter son industrie militaire. Et ainsi faire oublier le régime sanglant qui sévit en Égypte...
Le maréchal Al Sissi a décidé de fournir à l’armée égyptienne des rafales et autres technologies militaires de pointe pour lutter contre le « terrorisme ». Un paravent qui sert à occulter les vraies motivations du Caire : lutter contre toute contestation intérieure qui tendrait à menacer le pouvoir en place. Un an et demi après son arrivée à la tête de l’État, le maréchal Al-Sissi reconstruit petit à petit un régime à l’image de celui de Hosni Moubarak. Un État centralisé, corrompu et violent. Et, pour cela, il peut compter sur le soutien inconditionnel des États-Unis qui en ont fait, avec l’Arabie Saoudite, un pilier de sa politique étrangère au Moyen-Orient. Mais le Maréchal peut également compter sur les autres chancelleries occidentales et notamment sur Paris qui vient de lui vendre ses beaux rafales, faisant ainsi fi de ses propres leçons de morale sur le respect des droits de l’homme et de la démocratie. Quand les intérêts économiques prennent le dessus sur les considérations humanistes...
« Si nous devons choisir entre nos intérêts et la démocratie, nous choisirons toujours nos intérêts »
Le terme « hypocrite » est sans doute un de ceux qui définit le mieux la nature des régimes occidentaux. En effet, toute la stratégie impérialiste et néocoloniale des puissances comme la France ou les États-Unis tourne autour de l’hypocrisie et par conséquent du cynisme le plus absolu. Il y a d’un côté la théorie, les discours, les envolées lyriques en faveur de la liberté, de l’égalité, de la démocratie... Malheureusement, ces nobles théories ne se traduisent point dans la réalité. Car, ce qui détermine la politique étrangère et la stratégie des pays occidentaux à l’étranger, ce n’est sûrement pas le degré de démocratie, encore moins ce qui a trait au respect des droits de l’homme. Non, ce qui conditionne l’établissement de relations avec un pays tient exclusivement aux aspects économiques, géopolitiques et énergétiques. Ce qui signifie qu’une nation étrangère, notamment du Sud, est libre de commettre les pires atrocités tant qu’elle applique les lois du commerce international, qu’elle se soumet aux diktats du FMI et de la Banque Mondiale et qu’elle ouvre son territoire aux multinationales. Un dirigeant du « Sud » qui suit cette voie sera ainsi traité comme un roi par Londres, Madrid ou Washington. Jusqu’à ce qu’il deviendra inutile ou encombrant et qu’on le jette comme un vulgaire objet. Henry Kissinger, l’homme qui prépara le coup d’État au Chili en 1973, déclara un jour : « Si nous devons choisir entre nos intérêts et la démocratie, nous choisirons toujours nos intérêts ». Au moins, ça a le mérite d’être clair. Et la vente d’armes aux régimes dictatoriaux ne date pas d’aujourd’hui, comme en témoigne le soutien militaire occidental à la sanglante et barbare tyrannie de Suharto en Indonésie, un règne qui dura plus de 30 ans et qui déboucha sur l’assassinat de plus de 500 000 communistes, « un des plus grands crimes de masse » dira même la CIA, fidèle alliée du dirigeant indonésien. De son côté, la France ne fut pas en reste. En effet, après l’invasion du Timor Oriental en 1975 qui fit plus de 200 000 morts sur une population de 800 000 personnes, Paris vendit énormément d’armes à la nation asiatique. Les pays occidentaux ont ainsi fermé les yeux sur les violations des droits de l’homme dans le pays. La raison ? L’Indonésie avait ouvert le pays aux multinationales qui se mirent aussitôt à exploiter les riches gisements pétroliers.
Et puis nous pourrions évoquer le rôle qu’a joué la France dans le génocide au Rwanda en armant les milices Hutus ou encore le soutien militaire au régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud.
Ainsi, la vente d’armes à un régime tyrannique est monnaie courante pour la France. Peu importe que la presse soit muselée, que la justice ne soit pas indépendante, que les opposants soit torturés, que les mouvements sociaux soit criminalisés, l’essentiel est ailleurs. L’essentiel, c’est l’aspect économique et financier. Le reste n’a que peu d’importance. Voilà le vrai visages de nos « grandes démocraties ». Démocratie à géométrie variable. Pour l’Occident, le message qu’il adresse aux despotes des pays du « tiers-monde » pourrait être le suivant « Laissez-nous vous piller et vous pourrez torturer ». Mais François Hollande a néanmoins insisté sur un autre facteur pour justifier cette vente d’armes à l’Égypte : la sécurité intérieure et la stabilité régionale.
L’Occident : le pompier pyromane
S’agissant de la sécurité intérieure, le président Hollande a déclaré que cette vente d’armes au Caire devait permettre au régime d’ « accroître sa sécurité ». Mais sa sécurité face à qui ? L’Égypte serait- elle en guerre contre un pays ? En fait, ce que Hollande veut dire, c’est que le pouvoir égyptien a le feu vert de Paris pour réprimer les manifestations intérieures. La sécurité de l’Égypte, c’est ainsi se protéger des éléments subversifs qui menacent le pouvoir en place, c’est-à-dire la société civile dans son ensemble, composée des travailleurs, des syndicats, des opposants politiques... Bref, l’argument sécuritaire prôné par le Président français sert et servira de prétexte au pouvoir des militaires égyptiens dans leur croisade contre la démocratie et les libertés.
Et puis vient l’argument de la « stabilité régionale ». Ce même argument a été utilisé pour soutenir le pouvoir saoudien. Résultat : ce pays est en grande partie responsable de l’instabilité régionale et ce, après avoir financé les groupes djihadistes en Syrie et réprimé dans le sang la révolution à Bahreïn. La stabilité dans le sang et les larmes ! Voilà le résultat de la politique étrangère des pays occidentaux au Moyen-Orient.
Ainsi cet argument de la « stabilité régionale » permet de faire perdurer le statu quo et de pointer du doigt toute contestation en la qualifiant de « menace terroriste ». Mais ce que souhaite Paris avant tout c’est utiliser Le Caire pour lutter contre les djihadistes qui sévissent actuellement en Libye. Des fondamentalistes qui ont été financés en partie par...La France quand cette dernière voulait se débarrasser du colonel Kadhafi. D’où le terme de « pompier pyromane » pour qualifier les agissements des nations occidentales au Moyen-Orient notamment : financement des talibans en Afghanistan puis guerre contre l’Afghanistan, financement des groupes djihadistes en Irak et en Syrie puis guerre contre l’État Islamique, soutien militaire et financier apporté par l’Otan à la section libyenne d’Al-Qaïda et utilisation de l’Égypte pour lutter contre ces mêmes fanatiques djihadistes grâce à la vente des rafales. Bref, la liste est longue. Paris, Washington, Londres créent des monstres providentiels qui se retournent contre eux, ce qui justifie par la suite des interventions militaires dans le but de conquérir le monde et ses matières premières. On crée artificiellement des « ennemis extérieurs » et on se présente ensuite comme victime du « terrorisme », victime d’ « une guerre de civilisation ». Victime de tout et responsable de rien.
Conclusion
Si nous réfléchissons un instant et si nous décidons de replacer les événements dans une chronologie qui part de l’intervention de l’OTAN en Libye jusqu’à la vente des rafales à l’Égypte, nous nous apercevons que tous ces événements tragiques pour les peuples concernés ont néanmoins profité aux grandes multinationales et à l’État français. En effet, le 3 avril 2011, le Conseil National de Transition (CNT) libyen écrit noir sur blanc dans un document : « S’agissant de l’accord sur le pétrole passé avec la France en échange de la reconnaissance de notre Conseil, lors du sommet de Londres, comme représentant légitime de la Libye, nous avons délégué le frère Mahmoud [Shammam, ministre en charge des médias au CNT, NDLR] pour signer cet accord attribuant 35 % du total du pétrole brut aux Français en échange du soutien total et permanent à notre Conseil. » Ce fut le jackpot pour la multinationale Total qui a fait en 2014 un bénéfice net consolidé de plus de 10 milliards d’euros...sans payer un centime d’impôt en France. Et puis, maintenant que la Libye est en plein chaos, on fait marcher la machine militaro-industrielle pour lutter contre ceux qu’on a mis au pouvoir. Morale de l’histoire, la guerre est un juteux business que la France manie à la perfection et dont elle fait profiter ses plus grandes entreprises nationales.
Quant au peuple égyptien, il semble vivre un cauchemar éveillé. Un cauchemar qui ne finit plus et qui ne semble pas prêt de s’arrêter. L’espoir qu’a suscité la révolte de 2011 n’aura duré que deux ans et demi. Le temps pour l’armée de se réorganiser et de passer de nouveau à l’attaque. L’Égypte est aujourd’hui un des pays où la violence policière et militaire est la plus féroce et il est économiquement exsangue. Le tourisme peine à repartir et les recettes néolibérales concoctées par le FMI et la Banque Mondiale détruisent tous les jours un peu plus l’économie du pays. Le chômage a atteint les 13,4% en 2014 et la pauvreté est endémique. L’ultralibéralisme des militaires et des Frères Musulmans a fait de l’Égypte le paradis des investisseurs et l’enfer du peuple.
Mais, malgré la tragique situation à laquelle fait face le peuple égyptien, l’espoir n’a pas disparu. Cette grande nation de plus de 80 millions d’habitants n’a pas dit son dernier mot. Le peuple égyptien a prouvé à travers sa tumultueuse histoire qu’il était un peuple digne. La révolte de janvier 2011 qui a fait plus de 800 morts a montré au monde entier que l’Égypte n’était pas morte. Depuis la reprise au pouvoir par l’armée, le peuple égyptien a perdu une bataille, pas la guerre. Les jeunes qui se sont soulevés en 2011 sont déterminés à en finir avec un État sanguinaire et corrompu. La révolte gronde et cette nouvelle Égypte qui s’est levée en 2011 n’est pas prête à abandonner le combat.14
Pénuries alimentaires, crise et répression
« Avant l’élection présidentielle, nous avions du riz, du sucre », a dit un chauffeur de taxi du Caire, interviewé par une chaîne privée début octobre 2016. Il faisait écho à la raréfaction de certaines denrées alimentaires de base dans les magasins populaires, et à leur exorbitante augmentation de prix.
Après le riz, puis l’huile alimentaire, la pénurie de sucre a récemment cristallisé l’inquiétude des ménagères ne parvenant pas à s’approvisionner, ni en sucre subventionné, ni même en sucre non subventionné. Dans les beaux quartiers, les rayons en disposent, à prix élevé, mais la chaîne Carrefour en a néanmoins limité la vente à deux kilos par client. Le gouvernement égyptien a saisi des milliers de tonnes de sucre stockées chez Edita Food, un des grands groupes agroalimentaires du pays, et chez PepsiCo, afin de constituer des réserves. Le pays doit en effet importer au moins un tiers de sa consommation, et les devises manquent. Quelques mois auparavant, c’est le lait infantile qui avait disparu des rayons ; l’armée avait alors annoncé qu’elle en importerait directement, pour le revendre à moitié prix.
Outre les pénuries alimentaires sporadiques, la hausse des prix rend la vie quotidienne de plus en plus pénible. À deux pas des champs, les tomates se vendent à 10 livres égyptiennes (10 LE = 1 euro) sur les marchés de la capitale, alors que le salaire moyen – de ceux qui ont un salaire – est de 868 LE par mois. Le prix du riz, denrée de base, a été multiplié par deux en un an ; le pain, aliment essentiel des plus pauvres, agrémenté de purée de fèves, ne reste accessible que parce qu’il est largement subventionné.
Mais justement, le président al-Sissi a de nouveau annoncé mi-octobre 2016 des réformes « difficiles mais inévitables », en échange du prêt de 12 milliards de dollars accordé par le FMI. Alors que les prix de l’électricité et du carburant ont déjà augmenté, les subventions sur ces produits indispensables devraient être réduites de façon drastique. Les impôts, pour ceux qui en paient, et les taxes sur le tabac et l’alcool devraient augmenter. Une forme de TVA, longtemps repoussée, devrait être mise en place. Concernant les 6 millions d’employés de la fonction publique, les économies se porteraient sur les congés, qui seraient rognés, avec des pressions pour des démissions et départs anticipés en retraite, sachant que les pensions ne permettent pas de vivre. L’inflation est telle qu’une deuxième dévaluation de la livre devrait être décidée en 2016, qui renchérirait le prix de tous les produits importés. Les loyers, sujet abordé par Sissi dans ses discours, ont tant augmenté que, le 18 octobre 2016, à Port-Saïd, des milliers de manifestants se sont rassemblés aux cris de « Donnez-nous un toit ou tuez-nous ! ». La banque de financement immobilier venait d’annoncer par SMS que le prix de la réservation nécessaire à l’obtention d’un logement social passait de 10 000 LE (plus d’un an de salaire) à 47 000 ! Après la manifestation, le gouvernorat a annulé la mesure.
Depuis qu’il est président, Sissi, qui s’était vanté de parvenir à doper la croissance économique et à restaurer l’Égypte dans son ancienne position de puissance régionale, doit affronter le mécontentement de la population. Les illusions liées à son arrivée au pouvoir à la suite du coup d’État qui a chassé le président frère musulman Morsi, sont en grande partie tombées. Toute voix critique est étouffée, et la répression s’abat sur les militants ouvriers et les contestataires. Les effets de la crise n’ont pas été atténués par les grands travaux entrepris. Gouffre pour l’État, le doublement du canal de Suez a enrichi les entreprises du BTP mais ne tient pas ses promesses de rentabilité avec le ralentissement du commerce maritime. Maintenu à flot uniquement par les milliards d’aides des puissances du Golfe, le pays reste un eldorado pour une couche de riches bourgeois et pour la clique militaire qui gouverne et fait des affaires mais, selon ses propres statistiques, plus de la moitié des 90 millions d’habitants vivent dans la pauvreté.
Par peur d’une explosion sociale, le pouvoir égyptien voudrait éviter de supprimer les subventions aux produits de base, mais il obéit aussi aux grandes puissances, qui exercent leurs pressions par FMI interposé. Même en maintenant sous les verrous quelque 60 000 prisonniers d’opinion, même en muselant la contestation sous les menaces d’arrestations, de disparitions forcées, de procès arbitraires, Sissi et l’armée au pouvoir ne peuvent empêcher les protestations.15
Attentat meurtrier
Le 24 novembre 2017, une mosquée d’al-Rawdah, un village situé à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’al-Arish, capitale de la province du Nord-Sinaï, a été la cible d’un terrible attentat : plus de 300 morts dans une explosion suivie d’une fusillade, après qu’une trentaine d’hommes masqués et armés ont encerclé le bâtiment.
Cet attentat, le plus meurtrier qu’ait connu l’Égypte, confirme la situation sécuritaire catastrophique du pays, et l’incapacité du pouvoir central à juguler les groupes jihadistes qui se développent, notamment dans le Sinaï, depuis le putsch contre Mohammad Morsi en juillet 2013.
La « réponse » du pouvoir militaire ne s’est pas fait attendre, avec des bombardements qui auraient fait près d’une vingtaine de victimes. La fuite en avant du dictateur Sissi se poursuit donc, confirmée par des déclarations dans lesquelles il affirme que l’armée va continuer d’avoir recours à la « force brutale ».16
Sinistre farce électorale
Les 26, 27 et 28 mars 2018, les ÉgyptienEs étaient appelés à voter pour élire leur futur président.
Khaled Ali, avocat des droits humains qui avait eu l'audace de vouloir se présenter, a été menacé d'invalidation à cause d'un soi disant geste obscène avec pour preuve une vidéo trafiquée où sa main comporte 6 doigts. Curieusement, depuis qu'il a renoncé à se présenter on ne parle plus de procès. Ahmed Chafik, ancien Premier ministre de Moubarak, seul opposant crédible, arrêté à sa descente d'avion, n'a été relâché que lorsqu'il a annoncé son désistement. Tous les candidats qui ont suivi ont été soit arrêtés, soit assignés à résidence. Mais à quelques semaines du scrutin un nouveau candidat, Moussa Moustafa Moussa, a fait son apparition. Absolument inconnu du public, il n'a pas eu à se démettre puisqu'il n'a pas hésité à dire que, s'il était battu, « [il] soutiendrait de toutes ses forces la politique de Sissi ».
Dans toutes les villes d’Égypte les portraits et les banderoles appelant à voter Sissi occupaient le moindre espace libre, mais par contre on ne trouvait pas une affiche appelant à voter pour son rival, dont on ne connaîtrait ni le visage ni le nom s'il n'y avait la presse.
Un second mandat pire que le premier
Le 2 avril 2018, les autorités proclamaient la victoire du Maréchal Sissi avec 97,08% des voix dès le premier tour, pour une participation annoncée de 41,5%.
On a remarqué que très peu de jeunes sont allés voter, par contre les femmes ont été relativement nombreuses. Par ailleurs un nombre non négligeable d'électeurEs (on évoque le chiffre de 1 700 000, soit 7% des votantEs) ont voté nul. Soumis à de très fortes pressions pour aller voter c'est le seul moyen qu'ils aient trouvé pour exprimer leur désaccord.
Fragilisé sur le plan économique et social et malgré le score annoncé, Sissi n'a pas d'autre choix que de poursuivre sa politique actuelle. La répression sera toujours aussi féroce contre la moindre voix dissidente, sociale ou politique. Et comme il l'a déjà fait avec l’homosexualité, il se focalisera sur des questions morales comme la pénalisation de l'athéisme pour faire l'unanimité d'une société majoritairement ultra conservatrice.17
Sources