Préhistoire
Des fouilles archéologiques ont livré des outils, des armes et des mégalithes datant de 2000 ans avant J.-C. mais ne permettent pas de conclure à l'existence d'une civilisation préhistorique aussi haut dans le temps.
Selon certains, le Bhoutan aurait été peuplé entre 500 et 600 avant J.-C. par l'ethnie Monpa, pratiquant la tradition animiste du Bön.
Arrivée du bouddhisme
En 747, le maître indien Padmasambhava, connu sous le nom de Guru Rimpoche (« précieux maître »), se rend au Bhoutan et y apporte le bouddhisme tantrique ou Vajrayana. Il fonde de nombreux temples et monastères, notamment le célèbre monastère de Taktshang, construit au sommet d'une falaise surplombant la vallée de Paro, et Kurjey Lhakhang au Bumthang. Padmasambhava fondera l'école Nyingmapa du bouddhisme tibétain quelques années plus tard.
Établissement des principautés féodales
Au XIe siècle, le Bhoutan est occupé par des forces militaires tibéto-mongoles.
Du XIe au XVe siècle, des populations tibétaines émigrent au Bhoutan. De petites principautés féodales se créent, qui accueillent des représentants des principales sectes bouddhistes. Les kagyupas dominent à l'ouest, les nyingmapas à l'est.
Émergence du Bhoutan en tant que pays
Au XVIIe siècle, le Bhoutan est unifié par le lama tibétain drugpa et chef guerrier le shabdrung Ngawang Namgyal. Fuyant des ennemis politiques au Tibet, il arrive au Bhoutan en 1616 et lance un programme de construction de forteresses, les (dzongs).
Le Shabdrung institue un système de gouvernement double qui partage le contrôle du pays entre un chef spirituel (le Je Khempo) et un chef administratif (le Desi Druk). Ce système prospéra jusqu'à l'avènement de la monarchie en 1907.1
Les jésuites portugais Cacella et Cabral sont les premiers Européens dont on peut attester la présence au Bhoutan. Ils y passent avant d'arriver au Tibet. Ils rencontrent Ngawang Namgyal, lui donnent des armes à feu, de la poudre à canon et un télescope, et offrent leurs services dans la lutte contre les Tibétains, ce que le Shabdrung décline. Suite à presque huit mois dans la région, Cacella écrit une longue lettre du monastère de Chagri sur ses voyages. Elle contient une des rares références contemporaines au Shabdrung. La mort de Ngawang Namgyal en 1651 reste secret pour 54 ans. Après une période de consolidation, le Bhoutan revoit des conflits armés internes. En 1711 commence une guerre contre l'empire moghol et ses subedars, qui restaurent Cooch Behar dans le sud. Dans le chaos qui s'ensuit, les Tibétains attaquent le Bhoutan en 1714, sans succès.
Traité de 1774 avec la Grande-Bretagne
Au XVIIIe siècle, les Bhoutanais envahissent et occupent le royaume de Cooch Behar au sud. En 1772, Cooch Behar fait appel à la Compagnie anglaise des Indes orientales, qui l'aide à expulser les Bhoutanais et à attaquer le Bhoutan lui-même en 1774. Un traité de paix est signé et le Bhoutan se replie sur ses frontières de 1730. La paix est fragile : les escarmouches avec les Britanniques continuent pendant encore un siècle. Ces escarmouches mènent à la guerre du Bhoutan (1864-65) pour le contrôle des duars. Après sa défaite, le Bhoutan signe le traité de Sinchula avec l'Inde britannique. L'indemnité de guerre inclut la cession des Duars au Royaume-Uni en échange d'une rente de 50 000 roupies.2
Guerre civile
Les années 1870 et 1880 sont marquées par une guerre civile entre les centres de pouvoir rivaux des vallées de Paro et de Trongsa. En 1885 Ugyen Wangchuk, le penlop (gouverneur) pro-anglais de Trongsa, gagne le contrôle du pays et met un terme à la guerre civile avec l'aide des Britanniques (le penlop de Paro était allié aux Tibétains).
Établissement de la monarchie
Avec le soutien britannique, une monarchie héréditaire, la dynastie Wangchuck, est instaurée le 17 décembre 1907, dont le 1er monarque est Ugyen Wangchuk, ancien gouverneur du Bhoutan, qui avait servi d'intermédiaire entre les Britanniques et les Tibétains lors de l'expédition Younghusband de 1903-1904. La lignée des Shabdrung continue mais la 6e réincarnation, Jigme Dorje, devait rendre le dernier souffle en 1930, à l'âge de 26 ans, étouffé par des soldats royalistes.
Protectorat britannique (1910-1949)
Le 8 janvier 1910, le pays est placé sous protectorat britannique par le traité de Punakha : le pays abandonne à la Grande-Bretagne le contrôle de ses relations extérieures (avant de le laisser à l'Inde en 1949).
Durant son règne, qui s'achève en 1926, Ugyen Wangchuck améliore les transports et les communications, encourage le commerce, réduit les impôts. Il incite les chefs bouddhistes à renforcer l'éducation religieuse de la population.
Règne de Jigme Wangchuck
Avec le second roi du pays, Jigme Wangchuck, s'ouvre en 1926 une ère de consolidation. Il centralise les pouvoirs et modernise l'État, créant un mécanisme moderne de perception des taxes ; il lance de grands chantiers de construction (écoles, dispensaires, routes), envoie des Bhoutanais étudier la médecine à l'étranger.
À la suite de l'accession de l'Inde à l'indépendance, le 15 août 1947, le Bhoutan passe de fait sous protectorat indien, qui sera établi formellement le 8 août 1949, l'Inde se chargeant de guider les relations extérieures du royaume.
Règne de Jigme Dorji Wangchuck
Le troisième roi, Jigme Dorji Wangchuck, monte sur le trône en 1952. Considéré comme le père du Bhoutan moderne, il institue, en 1953, le Tshogdu, une assemblée nationale de 130 membres qui restreint les pouvoirs royaux. Il établit un code juridique en 12 volumes, une haute cour de justice, une armée et une police nationales. Il abolit le servage et l'esclavage en 1956 et opère une réforme agraire.
En 1959, le Bhoutan accorde l'asile à plusieurs milliers de réfugiés tibétains. Il adopte une politique d'ouverture sur le monde extérieur à partir de 1961. L'année 1962 voit la création d'un service postal et l'adhésion à l'Union postale universelle.
En 1964, le premier ministre Jigme Dorji, adepte du changement, est assassiné. Le premier conseil des ministres est formé en 1968. La même année voit la création d'une monnaie nationale, le ngultrum, et l'ouverture de la Banque nationale.
Le Bhoutan est reconnu comme pays souverain et devient membre de l'ONU le 21 septembre 1971 mais ses relations extérieures restent confiées à l'Inde.
Règne de Jigme Singye Wangchuck
Jigme Singye Wangchuck, le 4e roi, accède au trône en 1972 à l'âge de 17 ans après la mort de son père. Son couronnement en juin 1974 est l'occasion de réunir un petit nombre de diplomates et d'invités du monde entier, marquant le début d'une interaction régulière avec les visiteurs extérieurs.
En juin 1992, le pays reconnaît la souveraineté de la Chine sur le Tibet et reprend l'année suivante des négociations frontalières. En 2002, le Bhoutan et la Chine n'avaient toujours pas établi de relations diplomatiques.
Tensions entre le Bhoutan et le gouvernement tibétain en exil (1974-1979)
En 1974, 28 Tibétains, dont le représentant du dalaï-lama à Thimphu, sont arrêtés et accusés d'avoir conspiré pour assassiner le roi Jigme Singye Wangchuck. Les demandes de preuves émanant du gouvernement tibétain en exil se voient opposer un refus et le procès se tient à huis clos. Dharamsala proteste après les arrestations, déclarant que les 28 Tibétains sont innocents des accusations portées contre eux, et demandant un procès international. En 1979, le gouvernement du Bhoutan annonce que tout Tibétain présent dans le pays et qui ne prendra pas la nationalité bhoutanaise sera rapatrié en Chine. Environ 3 000 Tibétains décident de quitter le pays, les 1 000 restants étant vraisemblablement, pour nombre d'entre eux, des immigrants déjà installés avant 1959.
Loi sur la citoyenneté de 1985
En 1985, la loi sur la citoyenneté prive arbitrairement de la nationalité bhoutanaise nombre de Lhotshampa, habitants d'origine népalaise vivant dans le Bhoutan méridional. Seuls ceux arrivés avant 1958 peuvent en bénéficier.
Mesures pour imposer la langue et la tenue nationales
Devant l'installation d'un régime démocratique au Népal (1990-1991), Jigme Singye Wangchuck interdit l'enseignement du nepali au profit du dzongkha (la langue tibétaine) et rend obligatoire, par édit, en 1989, le port du costume national (ko pour les hommes, kira pour les femmes), y compris pour les minorités hindoue et népalaise.
En réponse à la politique de « drukpanisation » du gouvernement visant à éradiquer la culture, la langue, la religion et les tenues vestimentaires non drukpa, au début des années 1990 des manifestations réclamant des droits pour les minorités sont réprimées et se soldent par de nombreuses victimes.
Exode des résidents népalais
Des violences (vols, agressions, viols et meurtres) visant des citoyens bhoutanais d'origine népalaise, répandent un climat de peur et d'insécurité qui déclenche, à partir de 1992, un exode des Lhotshampa vers l'Assam et le Bengale occidental en Inde. Plus de 100 000 résidents de langue népalaise des districts du sud du pays, forment une vaste communauté de réfugiés retenus depuis dans sept camps temporaires de réfugiés des Nations unies au Népal et au Sikkim. Cet exode provoque dans certains secteurs de l'administration une hémorragie de cadres. On estime à 150 000 le nombre de Lhotshampa restés dans le pays.
Après plusieurs années de négociation entre le Népal et le Bhoutan, ce dernier accepte en 2000 le principe du retour d'une certaine classe de réfugiés. Toutefois aucun d'eux n'y a encore été autorisé. On signale en 2008 une agitation significative dans ces camps, surtout depuis que les Nations unies ont mis un terme à de nombreux programmes d'éducation et d'assistance dans le but de forcer le Bhoutan et le Népal à s'entendre sur la question.
Modernisation du pays
Sous le règne de Jigme Singye Wangchuck, le pays modernise son économie, acquiert un réseau routier, introduit les télécommunications et développe son réseau électrique. Le roi instaure la gratuité de l'enseignement et invente, à côté du classique produit national brut, le concept de bonheur national brut qu'il préconise pour son pays. En octobre 1989, la consommation d'alcool est interdite pour les moins de 18 ans. Longtemps un des rares pays où la télévision n'a pas droit de cité, le Bhoutan inaugure sa première chaîne de télévision nationale en 1999 : le Bhutan Broadcasting Service.
Menaces sur la stabilité
Séparatistes assamais
Plusieurs groupes de rebelles, dont le plus important est le Front uni de libération de l'Assam ou FULA, cherchaient à créer un État assamais indépendant au nord-est de l'Inde et avaient établi leurs bases dans les forêts du sud du Bhoutan depuis lesquelles ils lançaient des attaques sur des cibles en Assam. Des négociations ayant pour but la suppression pacifique de ces bases ayant échoué au printemps 2003, l'armée royale du Bhoutan entama, le 15 décembre 2003, des opérations militaires contre les camps rebelles, en coordination avec les forces armées indiennes positionnées au sud de la frontière afin de prévenir la dispersion des rebelles en Assam. Sur les 30 camps ciblés, 13 étaient contrôlés par le FULA, 12 par le front démocratique national de Bodoland (FDNB) et 5 par l'Organisation de libération du Kamatapur (OLK). À partir de janvier des rapports gouvernementaux indiquaient que les rebelles avaient été délogés.
Parti communiste bhoutanais (PCB)
Les camps de réfugiés de l'ONU semblent avoir été le terrain d'émergence du nouveau Parti communiste bhoutanais, le PCB, qui se fit connaître en 2003 en appelant au renversement de la monarchie et peut-être à une guerre du peuple, semblable à la proche guerre du peuple népalais. Une organisation apparentée, l'Union des étudiants révolutionnaires bhoutanais (UERB), revendique en septembre 2001 l'assassinat en Inde de R K Budhathoki, le fondateur exilé du parti du peuple bhoutanais, un groupe anti-monarchiste rival.
Transition vers la monarchie parlementaire
En mars 2005, le roi Jigme Singye Wangchuck distribue aux Bhoutanais des exemplaires d'un modèle de la nouvelle constitution censée transformer la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle et parlementaire. Il y aura un parlement composé de deux chambres, une assemblée nationale de 47 membres (élus au suffrage universel direct) et un conseil national comptant 25 sièges (dont 20 élus au suffrage universel direct et 5 nommés par le roi). Le 15 décembre 2006, le roi abdique en faveur de son fils aîné, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, diplômé d'Oxford, et le charge de mettre en œuvre la démocratisation du pays.
Le 31 décembre 2007 et le 28 janvier 2008 ont lieu les premières élections parlementaires de l'histoire du pays, pour le conseil national, et le 24 mars 2008 pour l'assemblée nationale. Jigme Thinley, du parti Vertueux du Bhoutan, remporte les élections. Le taux de participation à ces élections approche des 80 %, mais un grand nombre de citoyens paraissent peu convaincus de leur nécessité. Des médias étrangers soulignent cette situation peu commune : un roi qui « a forcé la main à ses sujets pour qu’ils acceptent de passer à la monarchie constitutionnelle », et qui « a dû convaincre son peuple que la démocratie est une bonne idée ».
Règne de Jigme Khesar Namgyel
Le 6 novembre 2008, Jigme Khesar Namgyel devient le cinquième souverain de la dynastie Wangchuck. Le 13 octobre 2011, il épouse une roturière, Jetsun Pema.
Le 22 novembre 2011, le Maroc signe des accords diplomatiques avec le Bhoutan.3
Le pays du « bonheur national brut »
L’une des particularités du Bhoutan est sa recherche du bonheur à travers l’amélioration de ce qu'il appelle le « bonheur national brut » ou BNB. Là où la majorité des gouvernements se basent sur la valeur du produit national brut (PNB) pour mesurer le niveau de richesse des citoyens, le Bhoutan a substitué le BNB pour mesurer le niveau de bonheur de ses habitants. Cet indice, instauré par le roi Jigme Singye Wangchuck en 1972, se base sur quatre principes fondamentaux, piliers du développement durable, à savoir :
- la croissance et le développement économiques responsables ;
- la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise ;
- la sauvegarde de l'environnement et la promotion du développement durable ;
- la bonne gouvernance responsable.
Une première rencontre internationale sur la définition de la prospérité a eu lieu en 2004 à l’Université Saint-Francis-Xavier, au Canada. Sur les 400 personnes venant de plus de dix pays différents, plus d’une trentaine étaient bhoutanaises, dont des enseignants, des moines et des responsables politiques. Elle a été suivie de rencontres en 2007 (en Thaïlande), en 2008 (au Bhoutan) et en 2011 (à l'ONU).
Le discours sur le Bonheur national brut est remis en cause par le Premier ministre nommé en juillet 2013, Tshering Tobgay, qui explique que le gouvernement précédent a passé beaucoup plus de temps à en parler qu'à agir, et relève que le pays est confronté à quatre grands défis : l'endettement, la monnaie, le chômage, dont celui des jeunes, et la perception d'une corruption croissante.
Économie
L'économie du Bhoutan est une des moins développées au monde ; elle est fondée sur l’agriculture, l'élevage, l’exploitation forestière, la vente à l’Inde d’électricité d’origine hydrodynamique, et le tourisme.
L'élevage du yak perd en rentabilité pour les éleveurs. Cette activité, en 2010, ne représente plus que 3 % de la production du beurre, du fromage et de la viande du pays. Elle a, par contre, l'avantage d'être utilisée pour les fêtes traditionnelles et surtout d'être un attrait touristique.
Caractéristiques
L'agriculture est en grande partie vivrière et pratique l'élevage. Les montagnes dominent le territoire et rendent la construction de routes et de toute autre infrastructure difficile et chère. L'économie est étroitement alignée sur celle de l'Inde par de forts liens commerciaux et monétaires et dépend fortement de l'aide financière de ce pays. Le secteur, très délaissé, de la technologie industrielle n'est pas une priorité et la plupart des productions proviennent d'ateliers familiaux.
La majorité des projets de développement, tels que la construction de routes, est tributaire de la main-d'œuvre saisonnière indienne. Le potentiel de production hydro-électrique et l'activité touristique sont les ressources principales en capitaux du pays.
Les programmes modèle sociaux, d'éducation, et d'environnement en cours se font avec l'appui d'organismes multilatéraux de développement. Chaque programme économique doit tenir compte de la politique gouvernementale de protection de l'environnement et des traditions culturelles du pays.
Les contrôles poussés et les politiques dans les domaines de l'industrie, du commerce, du travail et des finances constituent une maîtrise de l'investissement étranger.
Le pays ne s'est ouvert aux touristes qu'en 1974. Cette ouverture reste très mesurée et exclut le tourisme de masse par le prix élevé des séjours organisés, culturels et de randonnée. Le tourisme en 2002 fournissait un cinquième des ressources du pays.4
Médias
Le Bhoutan est le dernier pays du monde à avoir reçu la télévision. En 1998, le roi du Bhoutan — déclarait que l’objectif du pays était d’augmenter le bonheur national brut (le BNB, plus important que le PNB). En 1999, il autorisa l’introduction de la télévision dans le pays et accorda 30 permis de câblodistribution. Les habitants eurent la « chance » de voir le mélange habituel de football, de violence, d’infidélités conjugales, de comportements sexuels osés et toute la panoplie des publicités commerciales. Le Bhoutan était entré dans la « civilisation » ! Peu de temps après, on notait une augmentation des crimes, des divorces, des problèmes de drogues et de la violence à l’école, autant de facteurs qui exercent une « pression à la baisse » sur le niveau de bonheur, selon l’expression de Layard (2005).
Il serait imprudent de conclure à une relation causale (télévision/problèmes sociaux) sur la base d’un seul cas. Cependant, cette anecdote illustre ce qui a été prouvé et documenté depuis longtemps : cet instrument de divertissement et (parfois) de culture a profondément changé nos vies. Malheureusement, la télévision et les autres médias ont encouragé la consommation et la surconsommation, exercé une influence pour des relations sexuelles hâtives (Brown, Greenberg et Buerkel-Tothfuss, 1993), provoqué une véritable obsession de la minceur (Bourque, 2004 ; Kilbourne, 2004) et contribué à une augmentation de la violence dans nos sociétés.5
Sources