Période préislamique
Le nord-ouest de l'Afghanistan, la Bactriane est occupée dès l'Âge du bronze. La région est célèbre dès l'Antiquité grâce à ses ressources minérales et à ses terres fertiles.
Ceci explique pourquoi de nombreux conquérants d'alors et d'aujourd'hui, encore, veulent s'en emparer.
Outre le site de Kara Kamar qui émane du Paléolithique, plusieurs sites archéologiques datant pour les plus anciens du Néolithique attestent de l'ancienneté du peuplement sédentaire et de la domestication en Afghanistan : Aq Köprük (Néolithique) dans la région de Balkh, Mundigak (Chalcolithique, Âge du bronze), Shortugaï (Âge du bronze, Bactriane), certains sites du Complexe archéologique bactro-margien.
C'est par l'Afghanistan que passent les populations indo-aryennes qui vont s'installer dans la vallée de l'Indus vers le milieu du IIe millénaire av. J.-C.
Au Ier millénaire, une partie de l'Afghanistan est peut-être intégrée au royaume des Mèdes.
La région est intégrée à l'Empire des Perses achéménides aux VIe et Ve siècles, entre les règnes de Cyrus II et de Darius Ier.
Des statues, des pièces de monnaies et des inscriptions témoignent du passage d'Alexandre le Grand vers 323 av. J.-C.
En dépit du caractère éphémère de l'Empire d'Alexandre, certains royaumes grecs comme le royaume gréco-bactrien de Bactriane dans le nord-est lui succèdent environ deux cents ans et sont à l'origine de la culture dite gréco-bouddhiste.
Période islamique
Bouddhisme et Route de la soie
Jusqu'à l'arrivée des Arabes en 637, le bouddhisme est présent partout en Afghanistan avec le zoroastrisme, comme s'en font l'écho les voyageurs chinois, comme Xuanzang, qui visitent cette zone lors de leur séjour en Inde.
Les deux bouddhas de Bâmiyân, vus par Xuanzang, mais détruits par les Talibans en 2001 datent de cette période, également marquée par l'établissement de la Route de la soie reliant l'Empire romain à la Chine et à l'Inde.
Khorasan
Le Khorasan est l'une des principales provinces du grand Iran depuis l'époque des Sassanides. Il se rend indépendant du califat Islamique auquel il était rattaché depuis l'invasion des arabes. C'est sous la dynastie des Samanides originaires de Boukhara que le Khorassan et la culture persane renaissent. Peu avant l'an 1000 est fondé par Subuktigîn, beau-fils d'un esclave turc, un empire ayant pour capitale Ghaznî. Son fils Mahmûd est à l'origine d'une véritable expansion de l'islam: toute la région, de l'Afghanistan à Bénarès et du Panjâb au Goujerat, est convertie par les armes et pillée au cours de dix-sept campagnes.
Mahmûd de Ghaznî ambitionnait de réunir à sa cour les plus grands esprits de l'époque et patronna le poète Firdawsi, rédacteur du Shâh Nâmâ, l'épopée mythologique persane, et le grand savant encyclopédiste Al-Biruni, mais le "prince des médecins" Avicenne refusa d'entrer à son service et s'enfuit à Hamadan.
Ensuite vint le bref mais dévastateur passage de Gengis Khan. Une délégation de Gengis Khan envoyée à Ghaznî pour obtenir allégeance fut renvoyée après avoir eu la barbe brûlée. Humilié, Gengis Khan donna l'ordre de détruire tout ce qui vivait, hommes, bêtes et arbres.
Tamerlan engloba l'Afghanistan dans son empire, dont la capitale était Samarcande. Sous ses successeurs, les Timourides, Hérat fut, avec Samarcande, l'un des phares de la période culturelle et artistique brillante, qui couvre le XVe siècle, appelée Renaissance timouride.
Hérat fut la capitale de Shah Rukh, plus jeune fils de Tamerlan et père d'Oulough Beg, le prince-astronome de Samarcande, puis de Husayn Bayqara, grand mécène qui fit travailler le poète et mystique persan Djami, le poète et ministre turc Mir Alisher Navoï et le miniaturiste Behzad, père de la miniature indo-persane.
Le petit fils de Tamerlan, Babur fonde un royaume à Kaboul puis se lance à l'invasion de l'inde du nord. Il sera à l'origine de la dynastie des Moghols et désignera deux capitales à son vaste empire : Dehli et Kaboul où il est aujourd'hui enterré aux jardins de Babur. C'est sous la dynastique Moghole que fleurit un échange entre les civilisations persanes et indiennes. À titre d'exemple le sitar indien est créé par Amir Kushro, persan originaire de Balkh au XIVe siècle. Dérivé du Tambur Khorsanais, une quatrième corde et moult cordes sympathiques lui sont ajoutés pour l'adapter à la musique indienne..
Naissance de la dynastie Durrani
Les siècles suivants furent dominés par les Moghols et les Perses, se combattant les uns les autres pour le contrôle de l'Afghanistan. La fin de cette période fut marquée par un perse, Nadir Shah, au milieu du XVIIIe siècle, qui envahit Delhi et pilla les trésors des Moghols, en particulier le fameux diamant Koh-I Nor, la montagne de lumière.
Les tribus afghanes, en particulier les Ghilzai et les Abdali, en dépit de guerres perpétuelles, trouvèrent une bonne raison avec un envahisseur perse de s'allier mais elles furent défaites et se soumirent à Nadir Shah. Mais quand finalement ce dernier fut tué, elles étaient libérées de la domination perse, indienne ou ouzbèque. En 1747, elles trouvèrent en Ahmad Khan, un jeune commandant de Nadir Shah, le leader dont elles avaient besoin et qui prit le nom de Ahmad Shah.
Ahmad Shah, un guerrier poète, caractère afghan idéal, passa sa vie à combattre les autres tribus et sous-tribus et étendit son empire du Khorasan perse jusqu'à Lahore. Après sa mort, le pays plongea dans la chaos pour plus de 150 ans, chaos ponctué par les guerres anglo-afghanes.1
L’Afghanistan, une mosaïque de peuples
L’Afghanistan occupe la position d’un carrefour géographique, au confluent du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et de l’Asie du sud. Au nord, il a des frontières communes avec le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, trois ex-républiques soviétiques ; à l’est, c’est avec la Chine, au sud, avec le Pakistan et à l’ouest avec l’Iran.
L’Afghanistan est un haut plateau traversé d’Est en Ouest par les chaînes montagneuses du Pamir et de l’Hindou Kouch, extensions de l’Himalaya, qui ont fait du pays un obstacle naturel. Le climat aride et très continental a fortement marqué le mode de vie des peuples essentiellement nomades et agriculteurs qui y ont cohabité. Des vagues d’envahisseurs ont traversé l’Afghanistan pour fondre sur l’Inde fort riche qui se trouvait à sa porte, laissant chacun derrière eux, des traces de leurs civilisations, de leurs coutumes, de leurs langues, à l’origine de la mosaïque des peuples qui composent le pays. Aryens, Grecs, Chinois, Perses, Arabes, Mongols et bien d’autres peuples d’Asie centrale, ont laissé des descendants à l’origine de la grande diversité du peuple afghan.
L’Afghanistan actuel partage avec les pays qui l’entourent plus d’une dizaine d’ethnies, la plupart de rite musulman sunnite et dont quatre comptent plusieurs millions d’individus.
Les Pachtounes sont l’ethnie la plus importante avec 40 % de la population. Ils sont aussi le deuxième groupe ethnique du Pakistan, où ils sont deux fois plus nombreux qu’en Afghanistan. Les Tadjiks, qui forment près de 30 % de la population afghane et les Ouzbeks qui en forment 10 %, sont présents dans plusieurs pays d’Asie centrale. Les Hazaras, d’origine mongole et de rite musulman chiite, comme les Iraniens, représentent près de 10 % de la population. Considérés comme « Infidèles » parce que chiites, ils étaient et sont encore traités comme des parias et persécutés par tous. Quant aux Baloutches, moins nombreux, ils sont dispersés entre l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan.
Deux langues dominent le pays. Le pachto, langue indo-iranienne, est parlé par les Pachtounes. Le dari, une variante du persan, est parlé par plus de 60 % de la population.
Aujourd’hui, c’est cette position de plaque tournante régionale qui fait de l’Afghanistan, pour son malheur, un enjeu géostratégique pour les dirigeants américains. Mais ce n’est pas nouveau. Cela fait longtemps que l’Afghanistan se trouve au centre des convoitises et des rivalités entre les grandes puissances dans cette partie du monde, en fait depuis ce que les historiens ont appelé le « Grand Jeu » au 19ème siècle dont la population afghane continue d’être l’otage et avec elle, tous les peuples de la région.
Entre le tsar et le bull dog
C’est à un admirateur du colonialisme, le romancier anglais Rudyard Kipling, que l’on attribue le terme de « Grand Jeu », pour décrire le jeu d’échecs auquel se livrèrent les empires britannique et russe avec la peau des peuples.
Ayant achevé la conquête de l’Inde et du Pakistan actuel dès le début du 19ème siècle, les Anglais entreprirent d’anticiper la menace que représentait pour eux l’expansion vers le sud de l’empire des tsars. Les Anglais étant arrivés les premiers, l’Afghanistan, situé, entre ces deux empires, se trouva d’office dans leur sphère d’influence. Et ils allaient de plus en plus s’immiscer dans les affaires intérieures du pays dans le but de contrôler les défilés montagneux qui menaient aux portes de l’empire britannique.
Dans un premier temps, les Anglais tentèrent d’annexer l’Afghanistan. En 1838, ils marchèrent sur Kaboul pour installer l’une de leurs créatures sur le trône. Mais ils ne parvinrent pas à occuper durablement le pays. En janvier 1842, la retraite d’une partie de leurs troupes, harcelées par la guérilla afghane, le long de la passe de Khyber, dans le froid et la neige de l’hiver, se solda par un désastre : 16 500 hommes moururent dans les défilés, dont 4 500 soldats et 12 000 civils qui les accompagnaient. Il n’y eut qu’un seul survivant anglais.
À l’issue de cette première guerre, la Grande-Bretagne dut tout de même retirer toutes ses troupes d’Afghanistan, même si elle imposa au nouvel émir afghan d’aligner sa politique étrangère sur la sienne et de rompre toute relation avec les Russes.
Trente-cinq ans plus tard, en 1878, face à l’avance russe vers le sud, aux portes de son empire, la Grande-Bretagne chercha à imposer le stationnement de troupes britanniques dans les grandes villes d’Afghanistan. L’émir afghan essaya de négocier son allégeance à la Grande-Bretagne en échange d’avantages pour le pays, dont la construction d’une voie de chemin de fer. Mais le Parlement britannique refusa, sous prétexte que cela faciliterait l’acheminement des troupes russes en Afghanistan. Lorsque l’émir afghan se tourna vers les Russes pour leur demander une aide économique, ceux-ci se dérobèrent car ils ne souhaitaient pas aller jusqu’à l’affrontement avec les Britanniques. Mais cette tentative suffit à déclencher la deuxième guerre anglo-afghane en 1878. Malgré leur victoire, les Britanniques renoncèrent à occuper l’Afghanistan tout en établissant une sorte de protectorat sur le pays.
Cherchant avant tout à se neutraliser plutôt qu’à s’affronter militairement, la Russie tsariste et la Grande-Bretagne firent de l’Afghanistan un État tampon, pris entre leurs deux empires, le condamnant ainsi à l’isolement.
Une indépendance empoisonnée
Bien des traits moyenâgeux ont perduré en Afghanistan du fait de cet isolement et du poids de l’oppression coloniale dans la région. Non seulement le colonialisme anglais renforça les forces féodales les plus conservatrices en s’appuyant sur elles, mais il donna la possibilité au clergé islamique des mollahs de prétendre incarner la résistance afghane face aux « infidèles » européens, contribuant ainsi à renforcer l’emprise de l’Islam.
En 1919, un émir afghan réformateur, Amanullah, voulut affranchir l’Afghanistan de la tutelle anglaise qui dictait encore au pays sa politique étrangère. Il déclara la guerre à la Grande-Bretagne et proclama l’indépendance du pays. Tout juste sortie de la première guerre mondiale et devant déjà faire face à une mobilisation nationaliste en Inde, la Grande-Bretagne préféra signer rapidement le cessez-le-feu de la troisième guerre anglo-afghane.
Les frontières de l’Afghanistan indépendant avaient déjà été définies à la fin du XIXème siècle, sur la base du rapport des forces résultant du « Grand Jeu ».
Des lignes artificielles avaient été tracées par Londres et Moscou sans égard pour les intérêts des peuples, qui se trouvèrent divisés, ni pour leurs histoires, leurs langues ou leurs besoins matériels. Au nord-est, dans les montagnes du Pamir, l’Afghanistan se trouva même affublé d’une protubérance en forme de doigt, pour éviter une frontière entre l’empire russe et l’empire britannique.
Outre son arriération, l’Afghanistan indépendant avait donc tout d’une pièce arrachée au patchwork ethnique régional. Tous les éléments qui, par la suite, devaient faire de ce pays un facteur de déstabilisation dans la région s’y trouvaient d’ores et déjà réunis.
Un autre legs empoisonné : la fin de l’empire britannique
Un quart de siècle plus tard, l’explosion anti-coloniale et sociale qui éclata au sortir de la deuxième guerre mondiale dans tout l’empire britannique des Indes, imposa à la Grande-Bretagne d’accélérer le processus de négociation en cours avec les nationalistes. Les Britanniques, qui avaient toujours soufflé sur les braises des antagonismes ethniques et religieux, quand ils ne les avaient pas créés de toutes pièces, présidèrent en 1947 à la partition de l’Inde coloniale, entre un État hindou (l’Inde) et un État musulman (le Pakistan).
Cette partition permit à l’impérialisme non seulement de jouer sur l’antagonisme entre les deux pays, mais aussi d’éviter l’émergence d’une grande puissance régionale dans le sud-est asiatique. Mais la population paya cette politique d’un bain de sang terrifiant. Selon les estimations, les pogroms firent près de 3 millions de morts de part et d’autre. Il y eut près de 12 millions de réfugiés contraints à fuir l’un des pays pour se réfugier dans l’autre.
Le terrible traumatisme collectif qui en résulta servit aussi à tuer dans les masses populaires indiennes et pakistanaises, l’immense espoir de liberté et de progrès qu’avait soulevé le départ des Britanniques, en les enfermant dans l’impasse sanglante des antagonismes religieux. Le fossé de sang creusé à cette occasion permit aux dirigeants des deux pays de dresser leur population l’une contre l’autre et de faire de cet antagonisme le fondement de leur vie politique.
À l’issue de cette partition, la situation était la suivante. D’un côté il y avait l’Inde actuelle, dirigée par le parti du Congrès du premier ministre Nehru, et qui comptait à l’époque 260 millions d’hindous et 40 millions de musulmans. De l’autre, il y avait le Pakistan, dirigé par la Ligue Musulmane de Muhammad Ali Jinnah, avec 80 millions de musulmans et 9 millions d’hindous. Le Pakistan, qui était formé de deux territoires distants l’un de l’autre de 2 000 km, était de toute évidence non viable et devait éclater 24 ans plus tard, en 1971, pour donner naissance au Bangladesh actuel.
Le nom du nouvel État pakistanais était à lui seul tout un programme. Le « P » représentait le Penjab, le « A » les Afghans Pachtouns du nord-ouest, le « K » le Cachemire, le « S » le Sind et le « Tan » le Baloutchistan. Dès sa formation, le Pakistan actuel fut donc, comme l’Afghanistan voisin, un patchwork de minorités linguistiques et ethniques multiples.
Muhammad Ali Jinnah, prétendait construire le Pakistan selon le principe, je le cite, d’« une nation, une culture, une langue », en imposant une unique langue nationale à l’ensemble des minorités du pays, mais surtout en pariant sur le fait que la religion musulmane commune à la majorité des ethnies pakistanaises parviendrait à les unifier.
Tous les régimes qui suivirent firent de même, utilisant l’islam comme ciment nationaliste. Mais en se servant de la religion, à la fois pour faire contrepoids aux forces ethniques et pour maintenir l’ordre dans la population pauvre, ils facilitèrent le développement d’un intégrisme musulman qui sut utiliser le statut officiel conféré à la religion et les carences de l’État en matière sociale pour asseoir son influence.
Le « Grand Jeu » dans la Guerre Froide
Avec le début de la Guerre Froide, le « Grand Jeu » reprit mais cette fois entre l’impérialisme américain et l’Union Soviétique. Il mit également en scène d’autres acteurs dont l’importance varia suivant les périodes, tels l’Inde, l’Iran et après 1949, la Chine de Mao. Sans entrer dans tous les détails, on peut donner quelques points de repère indispensables à la compréhension des événements ultérieurs.
Après 1947, l’Inde étant désormais la principale puissance régionale, Washington chercha à s’en faire une alliée.
Mais la montée des forces nationalistes au Moyen-Orient fut vite ressentie comme une menace par les trusts pétroliers. Il faut se souvenir qu’en 1951, un premier ministre iranien, Mossadegh, pourtant bien respectueux de l’ordre impérialiste, ordonna la nationalisation des exploitations pétrolières étrangères. Cela conduisit les dirigeants américains à débarquer Mossadegh mais aussi à chercher à resserrer leur emprise en trouvant de nouvelles têtes de pont face à un Moyen-Orient travaillé par une certaine agitation nationaliste et sociale. Le Pakistan, petite puissance régionale, constituait une proie idéale et d’autant plus fiable aux yeux des États-Unis que c’était une dictature militaire. En 1954, un accord d’assistance mutuelle de défense entre les États-Unis et le Pakistan donna le feu vert aux livraisons d’armes et à l’implantation de bases militaires américaines, ainsi qu’à la formation d’officiers pakistanais dans les écoles militaires des États-Unis. L’année suivante, Washington obtint du Pakistan qu’il signe avec l’Irak, l’Iran, la Turquie et la Grande-Bretagne, le pacte dit de Bagdad, destiné à protéger les intérêts pétroliers occidentaux contre l’influence soviétique et surtout contre les populations.
Après un conflit, en 1962, entre la Chine et l’Inde, à propos des frontières du Tibet, le Pakistan, appliquant le vieil adage, « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », se rapprocha de la Chine. Par la suite, ces liens entre le Pakistan et la Chine servirent aux États-Unis pour maintenir ouvert un canal de communication avec les dirigeants chinois. Ainsi fut formé un axe Washington/Karachi/Pékin qui, en réaction, donna naissance à un axe Moscou/Kaboul/Delhi.
L’Afghanistan dans l’orbite de l’URSS
Arrêtons-nous un instant sur l’alliance Kaboul/Moscou. De 1947, date de l’indépendance de l’Inde et de la formation du Pakistan, à 1978, l’Afghanistan se retrouva dans l’orbite de l’URSS.
Ce ne fut pas faute, pour la monarchie afghane des années cinquante, d’avoir essayé de jouer la carte des États-Unis. En octobre 1954, le prince Daoud, premier ministre afghan, sollicita l’assistance militaire américaine pour équiper et moderniser l’armée afghane face disait-il à la « dangereuse proximité de l’URSS ». Mais les États-Unis refusèrent, ne voulant pas compromettre leur influence naissante sur le Pakistan, voisin rival des Afghans.
Cela força Daoud à se tourner vers l’URSS. Les États-Unis laissèrent faire, considérant l’Afghanistan comme un État tampon qui pouvait bien avoir les relations qu’il voulait, tant qu’il restait militairement vierge de toute implantation soviétique. Et ce, d’autant plus qu’il ne présentait à cette époque aucun attrait économique pour les trusts impérialistes. Jusqu’à la fin des années soixante, l’aide militaire et technique soviétique représenta les deux tiers du total de l’aide étrangère reçue par l’Afghanistan. Entre 1955 et 1978, 20 000 jeunes militaires afghans furent formés dans les académies militaires soviétiques. Des travaux de modernisation furent aussi entrepris sous l’égide soviétique. Après le pavement des rues de Kaboul et la construction de son aéroport, un tunnel percé dans le massif montagneux de l’Hindou-Kouch permit d’établir une route directe entre la capitale et le nord du pays. Ce fut d’ailleurs par cette route que les troupes soviétiques devaient marcher sur Kaboul en décembre 1979.
La montée de l’agitation politique
Quelle était la vie politique et sociale en Afghanistan avant l’invasion du pays par les troupes soviétiques ?
De l’indépendance en 1919 à 1973, le pays avait connu un régime monarchique, hésitant selon les périodes, entre la volonté de moderniser la société par en haut, notamment en matière de religion et de droit des femmes, et celle de se concilier les milieux conservateurs, religieux et féodaux.
Au début des années soixante, on assista à une montée de l’agitation politique dans le pays. Bon nombre de petits fonctionnaires, de policiers, d’instituteurs critiquaient l’ordre social injuste, dominé par l’aristocratie qui monopolisait la vie politique et sociale, interdisant par exemple aux conscrits d’origine paysanne de devenir officiers. Un vent de contestation se leva, animé par la petite-bourgeoisie estudiantine. Le règne du roi Zaher Chah qui débuta en 1964, fut ainsi marqué par des manifestations et des heurts entre étudiants à l’université de Kaboul. Face à l’immobilisme social du pays, quelques dizaines de milliers de jeunes gens qui avaient le sentiment de ne pas avoir d’avenir, s’intéressèrent à la politique. Certains se tournèrent vers les idées marxistes tandis que d’autres, mus par un anticommunisme viscéral, se tournèrent vers l’intégrisme islamiste. L’agitation gagna les officiers subalternes de l’armée et le corps des fonctionnaires.
Cette opposition se retrouva partagée entre un nouveau parti, le PDPA (Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan) et les groupes intégristes naissants.
Le PDPA, fut formé en 1965, à l’initiative de trois intellectuels nationalistes, Taraki, Karmal et Amin, qui avaient découvert les idées marxistes lors de leurs études à l’étranger ou en prison. Le parti se divisa très tôt en deux tendances, mais sur le fond, bien que prônant la collaboration avec l’Union Soviétique, elles n’avaient ni l’une, ni l’autre pas grand-chose à voir avec le communisme. Le PDPA, qui compta jusqu’à 40 000 partisans, était une organisation nationaliste faite, à l’image de ses dirigeants, de petits-bourgeois des villes, indifférents aux sentiments des classes populaires, dans lesquelles ils ne voyaient qu’une simple masse de manœuvre pour conquérir le pouvoir dont ils s’estimaient écartés.
Quant aux groupes islamistes, le premier fut fondé à la fin des années 1960, sous le nom de Jamiat-e Islami (Union de l’islam), par Rabbani, un professeur de droit coranique, et deux ingénieurs issus de l’école polytechnique de Kaboul, Hekmatyar et Massoud.
En juillet 1973, l’ex-premier ministre Daoud, déposa le roi Zaher Chah lors d’un coup d’État militaire réalisé avec l’aide d’officiers membres du PDPA. Daoud proclama la république et, dans un premier temps, nomma ministres plusieurs responsables du PDPA. Ce fut à cette époque que se formèrent les premiers maquis intégristes, sous l’impulsion de Rabbani, Hekmatyar et Massoud.
Ces derniers furent accueillis à bras ouverts par le gouvernement pakistanais alors dirigé par Ali Bhutto. Ce dernier voulait gêner le régime de Daoud qui soutenait les revendications des nationalistes baloutches avec lesquels Ali Bhutto était en guerre. Ce fut d’ailleurs avec le soutien d’Ali Bhutto que les partis intégristes afghans organisèrent contre Daoud un soulèvement manqué dans la vallée du Panchir, en juillet 1975.
Mais déjà, la résistance intégriste afghane se fracturait suivant des clivages ethniques. Le pachtoune Hekmatyar constitua un nouveau parti, le Hezb-e Islami (parti de l’islam) tandis que les tadjiks Rabbani et Massoud restaient à la tête du Jamiat-e Islami. Repliés dans le « sanctuaire » de Peshawar, grande ville pakistanaise proche de la frontière afghane, ces groupes végétèrent jusqu’à ce que l’invasion soviétique et l’aide américaine leur donnent une nouvelle chance de reprendre leurs activités en Afghanistan en 1979.
Le PDPA au pouvoir
Les promesses de Daoud sur la fin des privilèges royaux, la réforme agraire ou l’accès à la santé et à l’éducation pour tous, restèrent largement lettre morte. Il tenta de prendre ses distances avec l’URSS et de se rapprocher des États-Unis, écartant les membres du PDPA des postes de responsabilité. De nombreux militants de gauche ainsi que des militants islamistes se retrouvèrent en prison. Le 18 avril 1978, l’un des dirigeants du PDPA fut assassiné. Le PDPA riposta par une grande manifestation à Kaboul, à l’occasion des obsèques, qui réunit 10 à 15 000 participants. C’était aussi l’occasion de protester contre le régime conservateur et corrompu de Daoud, qui faisait l’unanimité contre lui.
Dans la nuit du 25 au 26 avril 1978, suite à une nouvelle vague d’arrestations, un groupe d’officiers liés au PDPA renversa le régime de Daoud, avec, semble-t-il l’assentiment d’une grande partie de la population. Le 30 avril 1978, Taraki, le secrétaire général du PDPA, fut déclaré président de la République, Karmal vice-président et vice-premier ministre, Amin ministre des Affaires Étrangères.
Le nouveau régime entreprit aussitôt de renouer des rapports plus étroits avec l’URSS. Il tenta de lancer un programme de modernisation incluant par exemple l’éducation obligatoire pour les femmes adultes et une réforme agraire, mais qui se heurta vite aux pesanteurs sociales du monde rural et surtout à l’opposition des forces conservatrices.
Pour surmonter cet obstacle, il aurait fallu s’appuyer sur l’adhésion consciente et la participation active de la population. Au lieu de cela, les méthodes brutales du régime attisèrent l’hostilité de couches populaires, travaillées par les notables et les mollahs.
Le mécontentement gagna l’armée. Beaucoup d’officiers afghans, bien que formés en URSS, désiraient établir un régime islamiste, neutre vis-à-vis de l’Union Soviétique et plus tourné vers l’impérialisme. L’armée vit ses effectifs fondre, tombant de 80 000 en 1978 à 30 000 fin 1979. La désintégration pure et simple d’une partie de l’appareil d’État rendait la situation de plus en plus incontrôlable. Les dissensions entre les dirigeants du PDPA, en lutte pour le contrôle du pouvoir, constituaient un facteur supplémentaire de déstabilisation. Le danger était de voir cette déstabilisation faire tâche d’huile dans les pays voisins par le biais des liens ethniques ou religieux et en particulier dans les républiques soviétiques d’Asie centrale. Sans parler du risque que l’Afghanistan bascule dans l’orbite impérialiste. Pour parer à tous ces dangers, l’URSS fit le choix d’intervenir militairement et le 25 décembre 1979, les troupes soviétiques envahirent l‘Afghanistan.
L’occupation soviétique
En choisissant cette politique, les dirigeants soviétiques purent estimer que les dirigeants américains leur laisseraient les mains libres. Et c’est en tout cas un fait, les États-Unis n’intervinrent pas pour empêcher l’invasion soviétique en Afghanistan. Laisser les dirigeants soviétiques jouer le rôle de gendarme dans la région n’était pas pour déplaire aux dirigeants américains. Et puis ces derniers n’avaient pas forcément intérêt à abandonner le statu quo en Afghanistan, qu’ils considéraient toujours comme un État tampon, faisant partie de la zone d’influence soviétique.
La guerre que mena l’armée russe en Afghanistan entraîna des destructions sans nombre. Pour affaiblir la résistance, l’armée soviétique chercha à isoler les maquis des populations. Elle investit les villages, bombardant les maisons, obligeant ainsi les habitants à fuir. Elle usa de bombes au phosphore ou à fragmentation, enterra morts et blessés encore vivants dans des fosses communes. Poussant l’horreur à l’extrême, les experts militaires allèrent jusqu’à concevoir des mines ressemblant à des jouets en plastique, destinées à attirer l’attention des enfants, des mines qui ne pouvaient remplir aucune fonction militaire mais qui contribuaient à terroriser la population et à l’inciter à fuir. De 1980 à 1986, les campagnes afghanes furent dépeuplées, les terres autrefois cultivées redevinrent arides. Cinq millions de personnes, soit près du tiers de la population à l’époque, durent s’exiler, en Iran ou au Pakistan.
La guerre froide, tremplin de l’intégrisme
Si l’invasion soviétique galvanisa l’opposition au régime du PDPA dans la population, la responsabilité de la montée de l’intégrisme islamique en Afghanistan incombe avant tout à l’impérialisme américain. En effet, il n’était pas fatal que la résistance afghane revête les habits du jihad islamique. Il y avait bien d’autres forces politiques, pas plus insignifiantes que les petits groupes intégristes d’alors. Mais comme toujours dans les pays pauvres, l’impérialisme choisit de se servir des forces les plus réactionnaires pour promouvoir ses intérêts, à la fois contre l’Union Soviétique mais aussi contre les peuples. Ce furent donc les groupes islamistes que Washington propulsa sur le devant de la scène.
Pour mener cette politique, les États-Unis se servirent du Pakistan, devenu encore plus précieux comme allié dans la région depuis la défection de l’Iran en 1979 après le renversement du régime du Shah, qui avait été jusque-là le principal pilier régional de l’ordre impérialiste. Le Pakistan devint le troisième bénéficiaire de l’aide militaire des États-Unis dans le monde, après Israël et l’Égypte. L’armée pakistanaise et surtout ses services secrets, l’ISI (Inter Service Intelligence), devinrent les instruments de sa politique.
Bien que n’étant pas le plus important, ce fut le parti islamiste pachtoun d’Hekmatyar, le Hezb-e Islami, le plus intégriste et le plus anti-occidental, qui, grâce à ses liens anciens avec l’armée pakistanaise et en particulier avec les services secrets de l’ISI, fut le principal bénéficiaire de cette situation. Il reçut plus de la moitié de l’aide américaine et devint le parti le plus riche, le mieux armé et le mieux organisé de la résistance afghane. On peut néanmoins penser que les responsables américains ne suivirent pas l’ISI aveuglément et que, tout comme celles-ci, ils voulurent jouer la carte du nationalisme pachtoune.
L’ISI fut chargée de la distribution à la « résistance afghane » des armes américaines et des quelque cinq milliards de dollars versés par les États-Unis entre 1980 et 1992.
Le flot de dollars et des armes entraîna l’apparition d‘une multitude de groupes de résistants afghans en compétition pour le contrôle des zones de guérilla, pour le recrutement de volontaires parmi les millions d’Afghans exilés et surtout pour la répartition des fonds et des armes.
Ces groupes avaient une base plus ou moins ethnique et en général locale, à laquelle certains ajoutaient une allégeance à telle ou telle version de l’Islam. Ceux qui avaient une réelle présence sur le terrain étaient probablement aussi soucieux, sinon plus, de défendre leurs territoires contre des groupes de résistants rivaux que de lutter contre l’occupation soviétique. Ces soi-disant « résistants », armés et financés par l’impérialisme étaient avant tout des seigneurs de guerre, doublés bien souvent de gangsters pour lesquels la religion n’était qu’un instrument destiné à encadrer les populations et à couvrir leurs trafics.
Face à la résistance afghane mais surtout à l’hostilité de la population, l’URSS avait dû engager toujours plus de troupes. Une armée moderne, forte de 120 000 hommes et dotée de puissants moyens aériens dut payer de plus de 13 000 morts, le seul fait de contrôler les principales villes du pays et les principaux axes de communication, sans jamais réussir à prendre pied dans les zones montagneuses. Et lorsque l’administration Reagan livra aux résistants afghans des armes antiaériennes individuelles portables, les Russes perdirent même la maîtrise totale du ciel qu’ils avaient eue auparavant.
L’armée russe connut finalement le même sort que l’armée française en Algérie ou que l’armée américaine au Vietnam. Elle dut battre en retraite, incapable de vaincre militairement une résistance armée, s’appuyant sur l’hostilité de toute une population. Finalement, Gorbatchev organisa le départ des troupes soviétiques qui quittèrent définitivement l’Afghanistan le 15 février 1989.
Une guerre civile entre appareils militaires
Avec la fin de la guerre froide s’ouvrit une nouvelle période. Un nouveau « Grand Jeu » débuta autour de l’Afghanistan, dans lequel, cette fois, l’impérialisme américain était la seule grande puissance, face à de multiples candidats au rôle de puissance régionale, tels le Pakistan, l’Iran, l’Inde et la Chine, et plus loin derrière, les cinq Républiques d’Asie centrale issues de l’éclatement de l’URSS.
En Afghanistan, Najibullah, membre du PDPA et ancien chef des services spéciaux afghans, avait été nommé président en 1987 par les Russes. La fin de l’URSS en 1991 affaiblit son pouvoir. En avril 1992, son régime se désintégra après que, par pans entiers, une grande partie de l’armée et de la police se soit finalement ralliée à l’une ou l’autre des factions islamistes. Celles-ci entrèrent alors dans Kaboul. Les Nations Unies célébrèrent la formation d’un gouvernement, baptisé « démocratique » pour la circonstance, alors qu’il ne devait le pouvoir qu’aux armes que lui avait fournies l’impérialisme.
Le nouveau pouvoir, qui se proclama « gouvernement islamiste » s’appuyait sur une coalition des dix principales organisations de l’ex-résistance islamiste. Mais à peine installée dans Kaboul, cette coalition éclata, déchirée par les luttes de clans. Ce fut le début d’une guerre - non pas civile dans le sens où la population afghane aurait pris part aux combats – mais une guerre entre appareils militaires rivaux. Cette guerre dont la population fut l’otage et la victime, allait durer quatre ans, plongeant de nouveau le pays dans un chaos sanglant.
Quatre principaux clans aux contours mal définis s’affrontaient parmi lesquels on trouvait les Tadjiks Rabbani et Massoud, le pachtoune Hekmatyar et Dostom, seigneur de guerre ouzbek, ancien général du PDPA, qui, après avoir lâché Najibullah, s’était constitué, à titre privé, un véritable État indépendant au nord du pays.
Chacun de ces clans ne cessa de combattre les trois autres, formant toutes les combinaisons d’alliances imaginables pour tenter d’écraser leurs rivaux. Les combats pour le contrôle de la capitale, devenue l’enjeu de la lutte pour la conquête du pouvoir, opposèrent une coalition formée par Rabbani, Massoud et Dostom aux troupes d’Hekmatyar. Kaboul, épargnée jusque-là, malgré les dix années de guerre contre l’occupation soviétique, fut presque totalement détruite. 40 à 50 000 civils périrent sous les bombardements pendant que des centaines de milliers d’autres durent fuir la ville. Massoud s’y illustra en particulier par le massacre de la minorité Hazara de la ville.
Une odeur de pétrole
Depuis le départ des troupes soviétiques en 1989, l’Afghanistan semblait avoir cessé d’intéresser l’impérialisme. Mais l’interminable guerre entre les appareils militaires des seigneurs de guerre afghans commençait à inquiéter les dirigeants américains. Chaque ethnie afghane avait des liens avec un ou plusieurs des pays voisins, marqués eux-mêmes par une certaine instabilité politique et ayant chacun sa carte politique à jouer et ses intérêts à défendre.
Outre ce risque réel de contagion pour les pays voisins, la région présentait un nouvel enjeu sur le plan économique. En effet, la disparition de l’URSS ouvrait la possibilité aux trusts occidentaux d’accéder au gaz du Turkménistan et au pétrole du Kazakhstan. De nombreuses compagnies pétrolières se bousculaient sur les rangs, telle l’américaine Unocal, la saoudienne Delta Oil Company, ou l’argentine Bridas, sans compter les sociétés chinoises. Or, pour amener cette manne vers les marchés occidentaux, il n’y avait que trois voies de transit économiquement viables. Deux d’entre elles, la Russie et l’Iran, étaient politiquement inacceptables pour les dirigeants américains. Restait la troisième, via l’Afghanistan et le Pakistan.
Mais pour cela, encore fallait-il que règne une certaine sécurité en Afghanistan. Le problème de la stabilisation politique du pays prit donc une nouvelle importance pour l’impérialisme qui souhaitait réserver les possibilités de pillage des trusts occidentaux. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la montée des talibans dont le régime allait dans un premier temps être bien accueilli par les dirigeants américains.
La montée des talibans
À l’origine, le terme taliban désigne des « étudiants en religion » (de l’arabe taleb qui signifie étudiant). Les talibans afghans étaient originaires des camps de réfugiés au Pakistan, situés près de la frontière afghane. Des centaines d’écoles coraniques, ou « madrasas », gratuites, y avaient été créées par le parti intégriste pakistanais Jamiat Ulema-e-Islami (JUI). Les élèves, pauvres, souvent orphelins, la plupart pachtouns, y étaient encadrés et formés aux préceptes du Coran. La guerre contre l’occupation soviétique contribua à politiser et militariser les madrasas. C’est parmi ces étudiants des madrasas que les services secrets pakistanais de l’ISI avaient trouvé des recrues pour rejoindre les forces d’Hekmatyar. Et ce fut parmi les anciens jihadistes et des jeunes issus des madrasas, à qui l’on avait inculqué l’envie d’en découdre au nom de la guerre sainte, qu’un nouveau mouvement pachtoune apparut en 1994, dirigé par un certain mollah Omar.
En choisissant le nom de « taliban », ce mouvement voulait se présenter comme un mouvement neuf, désireux de réformer la société conformément aux principes islamiques par opposition à la corruption des seigneurs de guerre. Devant les succès des talibans, portés par le nationalisme pachtoune, les services secrets pakistanais de l’ISI mirent leurs ressources à leur service. Le gouvernement pakistanais, dirigé alors par la fille d’Ali Bhutto, Bénazir Bhutto, et soutenu par le parti intégriste Jamiat Ulema-i-Islami (JUI) appuya cette politique. Mais le soutien du Pakistan aux talibans fut forcément apporté avec l’assentiment, sinon l’aide directe des États-Unis, d’autant que les talibans bénéficièrent des subsides d’autres alliés de Washington, comme l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe.
Le régime des talibans
Si les talibans parvinrent relativement aisément à s’emparer du pouvoir – en moins de deux ans - c’est qu’ils n’eurent pas à affronter de véritable appareil d’État, mais des forces atomisées. Grâce aux moyens matériels fournis par le Pakistan, ils purent acheter le ralliement de bien des chefs de guerre et remporter des succès militaires qui leur permirent de recruter de nouvelles troupes, de les armer, de les nourrir.
Mais dans un pays où tout le monde avait des armes et où la population s’était endurcie par tant d’années de guerre, les talibans, relativement faibles numériquement puisqu’ils ne comptaient pas plus de 25 000 combattants, ne purent asseoir leur contrôle sur des régions entières contre la volonté d’une population hostile. Ils se présentaient comme les champions de la lutte contre la corruption, la rapacité des propriétaires féodaux et les exactions des seigneurs de guerre. En soignant leur image austère de combattants désintéressés, ils purent recueillir, tout au moins au départ, l’assentiment résigné d’une population exténuée par la guerre. Leur progression fut cependant plus facile en milieu pachtoune qu’ailleurs.
De nombreux témoignages rapportés par les médias occidentaux ont révélé avec quelle brutalité le régime taliban a imposé à la population une bigoterie fanatique visant à instaurer une dictature digne du Moyen-Age. Du jour au lendemain, il fut interdit aux femmes de travailler alors qu’elles représentaient le quart des fonctionnaires de la capitale, l’ensemble du corps enseignant des écoles élémentaires ainsi qu’une grande partie des professionnels de la santé. C’en était fini de l’école, non seulement pour les filles mais aussi bien souvent pour les garçons. Le port de la burqa devint obligatoire. Bientôt les organismes humanitaires dont dépendaient pourtant des dizaines de milliers de familles furent chassés. La misère voire la famine s’abattit sur la population afghane. Les femmes ne pouvaient plus se faire soigner puisqu’elles n’avaient pas le droit de consulter un médecin homme. Télévision, cassettes vidéo, antennes paraboliques, musique et jeux dont les échecs, le football et même le cerf-volant, jeu très populaire en Afghanistan, furent interdits.
La nouvelle police religieuse des talibans entreprit de faire respecter la charia à la lettre. Les flagellations, les amputations, les décapitations, les pendaisons ou les lapidations étaient infligées en public, et les corps des condamnés, souvent exposés à la vue de tous. À Kaboul, le stade de Ghazi devint tristement célèbre comme le lieu d’horribles exécutions où les talibans forçaient les hommes à assister à d’odieux spectacles, voire à y participer en lapidant les victimes.
Les femmes n’avaient le droit de sortir qu’accompagnées par un parent proche, de sexe masculin. Si les nervis des talibans trouvaient une femme seule dans la rue, ils la fouettaient sur place.
Mais une résistance silencieuse a permis de braver certains interdits. Beaucoup d’hommes afghans ont sauvé des femmes s’étant fait arrêter en se faisant passer pour un parent proche. Des infirmières et des femmes médecins, interdites de travail, ont pu soigner clandestinement les femmes et les petites filles. Des écoles clandestines se sont installées dans les maisons et les appartements. Sous les burqas, les femmes ont caché des manuels scolaires et bien d’autres objets prohibés tandis qu’on se passait sous le manteau des cassettes vidéo. Une nationaliste afghane du nom de Malalaï Joya, réfugiée par la suite au Canada, rapporte dans son livre « Au nom de mon peuple », ce qu’elle observa à ce sujet, en 1999 à Kaboul : « On n’imagine pas le succès qu’eut chez nous le film Titanic. Les gens s’échangeaient des copies pirates….passées en contrebande par la frontière avec l’Iran… Il paraît qu’un mollah aurait fait un sermon dans lequel il disait que ceux qui désobéissaient à Dieu seraient détruits comme le Titanic. Du coup, tout le monde comprit que même ceux qui interdisaient les films les regardaient. »
Les Américains et les talibans
Quant à l’impérialisme américain, il salua la victoire des talibans avec satisfaction, comme l’annonce du rétablissement de l’ordre dans le pays. Le quotidien américain Washington Post, proche du parti du président d’alors Bill Clinton, écrivait, au lendemain de la prise de Kaboul : « La capture étonnante de Kaboul par l’organisation de la milice radicale des talibans représente la meilleure occasion qu’on ait connue depuis des années de mettre un terme à l’anarchie qui accule l’Afghanistan à la ruine depuis l’invasion soviétique de 1979 ». La compagnie pétrolière américaine Unocal félicita même le nouveau régime, lui promettant l’aide financière internationale s’il ramenait le calme.
Avec les talibans, l’impérialisme américain pensait donc régler le problème de l’instabilité politique de l’Afghanistan et disposer en prime d’un contrepoids face à l’Iran. Cette attitude ne changea pas lorsque Georges Bush Junior accéda à la présidence en janvier 2001. Que le régime des talibans aient été une dictature obscurantiste importait peu aux dirigeants impérialistes, pas plus que cela leur importe dans bien d’autres pays, tant il est vrai que l’oppression des peuples est partie intégrante de l’ordre impérialiste lui-même.
Neuf mois après son élection, suite aux attentats du 11 septembre 2001, l’attitude de Bush changea du tout au tout, justifiant la nécessité d’envahir l’Afghanistan et de renverser le régime des talibans par le fait qu’il servait de base arrière aux terroristes d’Al-Qaïda et de leur chef, Ben Laden. Les États-Unis ne furent pas seuls pour mener cette guerre. Dès la fin de l’année 2001, ils réunirent derrière eux une coalition de seize pays, histoire de donner plus de légitimité à cette guerre aux yeux de la population américaine et d’en partager les risques et les coûts financiers. Le président Chirac et son premier ministre socialiste Lionel Jospin décidèrent, d’un commun accord, d’emboîter le pas à Bush en envoyant des troupes françaises en Afghanistan.
L’occupation de l’Afghanistan : une guerre contre le peuple afghan
L’expédition américaine ne mit que cinq semaines à réduire à néant le régime des talibans. Les porte-parole du gouvernement des États-Unis osèrent appeler leur terrorisme d’État « Opération Liberté immuable ». Mais ce qui fut présenté initialement comme une intervention éclair en Afghanistan, se transforma en une véritable occupation qui dure depuis plus de 15 ans. Loin d’amener « le retour à la paix » ou « à la démocratie », elle n’a fait qu’aggraver le sort de la population, y compris des femmes, sans parler de ses conséquences pour toute la région.
Cette guerre qui a coûté plus de 1000 milliards de dollars en 13 ans -et qui a mis en jeu près de 130 000 soldats de l’OTAN- a déjà fait, parmi la population, des dizaines de milliers de victimes, tuées ou blessées par les bombardements américains et alliés. Des villages, des dépôts de ravitaillement, des hôpitaux, ont été dévastés par des frappes dites « chirurgicales ». Les bombes à fragmentation ont réapparu, semant la terreur. Des enfants naissent handicapés à cause de la contamination de l’environnement par l’uranium appauvri présent dans beaucoup de munitions. Des tonnes de napalm ont été déversées sur des forêts ou des vallées entières. Lorsqu’un village est soupçonné d’aider des forces de guérilla ou de leur servir de refuge, il est simplement écrasé sous une pluie de bombes qui ne laisse aucun survivant. Usant des mêmes artifices que les militaires soviétiques, les armées impérialistes ont utilisé des mines antipersonnel ressemblant à de petits jouets. À tel point qu’en 2002, la Croix-Rouge dut faire des campagnes de prévention en direction des enfants… Le pays est truffé de mines et des millions d’Afghans ont été mutilés au cours de toutes ces années de guerre, ce qui fait que dans bien des magasins, des chaussures sont vendues à l’unité, car destinées aux unijambistes…
Ainsi, au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, l’impérialisme le plus puissant du monde déploie contre le peuple afghan un terrorisme d’État, mille fois plus meurtrier.
Le régime de Karzaï : la corruption au pouvoir
Hamid Karzaï, ancien seigneur de guerre et chef de clan pachtoune, fut nommé président par intérim par les États-Unis en décembre 2001. Il fut choisi pour les liens qu’il avait maintenus avec le régime des talibans autant qu’avec les milieux royalistes. Le gouvernement qu’il présida fut d’emblée un régime fantoche. Il coopta et recycla d’ex-talibans et des seigneurs de guerre qui étaient surtout déterminés à défendre leur propre parcelle de pouvoir, sur leur propre territoire, à la tête de leurs propres troupes.
Karzaï s’est fait élire président à deux reprises, en 2004 et en 2009, à chaque fois dans des conditions frauduleuses. Ses gouvernements successifs n’ont réussi qu’à susciter la haine de la population à force de corruption et de gangstérisme. Des villas et des immeubles luxueux sortent de terre à Kaboul pour les privilégiés du régime, alors que bien des villages n’ont toujours ni eau potable, ni électricité, ni même de routes carrossables.
Quant à la culture du pavot, dont la sève sert dans la fabrication de l’opium, elle est florissante. Les talibans l’avaient interdite pour priver les seigneurs de guerre de leurs principales ressources. Mais elle a repris de plus belle suite au choix des États-Unis de s’appuyer sur ces mêmes seigneurs de guerre. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’Afghanistan soit l’un des premiers fournisseurs du monde d’opium ni que le régime de Karzaï soit notoirement impliqué dans ces trafics jusqu’au plus haut niveau.
Au final, l’intervention impérialiste a remplacé le pouvoir rétrograde des talibans par le pouvoir réactionnaire d’un État corrompu et de seigneurs de guerre tout aussi intégristes que les talibans et tout aussi impitoyables pour la population qu’ils maintiennent sous leur coupe. Cette prétendue démocratie sent la pourriture et la mort.
Les droits des femmes sous le régime de Karzaï
En matière de droits des femmes, le régime de Karzaï ne diffère pas beaucoup de celui des talibans. Un certain nombre des lois et institutions misogynes en vigueur à l’heure actuelle datent de l’arrivée au pouvoir des factions jihadistes en 1992 et sont restées intactes depuis, sous les talibans comme sous Karzai. C’est le cas du fameux ministère pour « la promotion de la vertu et la répression du vice ». Plusieurs seigneurs de guerre à l’origine de ces lois rétrogrades sont au pouvoir dans le gouvernement Karzaï. Certains sont même responsables des pires crimes contre les femmes et la population en général sans qu’ils aient jamais été le moins du monde inquiétés.
Mais il faut dire que Karzai, les talibans et autre seigneurs de guerre afghans, ne sont pas seuls à porter la responsabilité des conditions de vie odieuses imposées aux femmes afghanes. Le colonialisme, qui a bloqué le développement économique, social et culturel du pays, puis l’impérialisme qui a aggravé ce blocage, ont eu, eux aussi, une lourde responsabilité.
Car pour l’essentiel, le statut des femmes afghanes est resté le même pendant très longtemps - celui d’une marchandise comme les autres, avec un « prix » qu’il fallait payer pour en prendre possession. Ainsi, le futur mari devait-il fournir à son futur beau-père de l’argent, des bêtes, des tapis voire des lopins de terre en échange de la femme que sa belle-famille allait lui céder. La « valeur » de la femme devait donc être jalousement préservée. Du même coup, si une femme n’était plus vierge avant le mariage, elle perdait toute « valeur ». La « vertu » d’une femme était donc considérée comme un capital par les hommes qui leur interdisaient le moindre contact avec d’autres mâles que ceux de leur famille immédiate. Le châtiment d’une femme qui avait perdu sa virginité avant le mariage était la mort. Son père, son frère comme son fiancé avaient le droit de vie et de mort sur elle. L’accusation ou même le soupçon d’adultère condamnaient la femme à mourir, avec le consentement du mari et du père. Le divorce n’existait pas car cela aurait été considéré comme une insulte par la belle-famille.
Et même si de timides réformes virent le jour, telle celle qui, en 1959, rendit facultatif le port de la burqa et favorisa l’éducation des filles, la situation des femmes afghanes ne changea guère. Ces mesures ne touchèrent vraiment que les couches aisées des villes tandis que les campagnes afghanes restèrent marquées par la même arriération.
Aujourd’hui, sans doute, une minorité de femmes, essentiellement parmi les classes aisées à Kaboul et dans le nord du pays, a connu une certaine amélioration après la chute des talibans, limitée cependant par la menace permanente des milices intégristes. Mais les droits de l’écrasante majorité des femmes sont revenus à ce qu’ils étaient il y a un siècle - inexistants. Dans la plupart des cas, il est toujours dangereux pour elles de sortir sans burqa et sans être accompagnées. D’après le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), 25 % des femmes afghanes sont victimes de violences sexuelles. Les mariages forcés sont le lot de la majorité, les jeunes filles restant échangées et vendues comme des marchandises. Telles par exemple, ces tristement célèbres « fiancées de l’opium » que les familles de paysans, réduites à cultiver du pavot pour ne pas mourir de faim, sont obligées de céder aux seigneurs de la drogue, en réparation de leurs dettes lorsque les récoltes sont mauvaises. Pour échapper à leurs souffrances, des centaines de femmes se font brûler vives.
Hamid Karzaï gouverne avec des intégristes qui continuent de prêcher, je cite, « qu’une femme doit être dans sa maison ou dans la tombe ». Parfois la bêtise le dispute à l’arriération, telle celle de ce mollah, Shinwari, nommé président de la Cour suprême par Karzaï, de 2001 à 2006, qui déclara dans une interview que les femmes n’étaient pas à leur place à la dite Cour suprême. Car pour cet intégriste pur et dur, mais quelque peu sénile, je le cite : « Si une femme devenait un juge de premier plan, que se passerait-il tous les mois, quand elle aurait son cycle menstruel et ne pourrait aller à la mosquée ? »…
En mars 2009, Karzaï signa, sous la pression des dignitaires religieux chiites dont il espérait le soutien, un « Code familial chiite » destiné aux seules familles de cette obédience religieuse. Ce code était si réactionnaire, en particulier du point de vue du droit des femmes, qu’elles descendirent dans les rues. Du coup, les puissances occidentales se sentirent obligées d’exiger que ce code soit amendé. Mais la nouvelle version ne comportait que des changements de détail et ôtait aux femmes chiites la plupart des droits que leur reconnaît la Constitution. Ainsi, elles n’ont plus de droits sur leurs enfants ; leurs maris peuvent les priver de tout, y compris de nourriture, si elles refusent de se soumettre à leurs exigences sexuelles ; elles doivent obtenir leur permission pour avoir le droit de travailler ; un violeur peut même payer un « droit du sang » à la famille pour éviter des poursuites si sa victime est blessée au cours du viol.
Le bilan de l’occupation impérialiste
Alors quel est le bilan de l’occupation américaine de l’Afghanistan.
Tout d’abord il faut dire que malgré tout le tintamarre médiatique fait autour de l’exécution de ben Laden, les dirigeants américains n’ont pas de quoi se vanter. Il leur aura quand même fallu près de dix ans de guerre pour qu’ils arrivent à leurs fins. C’est-à-dire qu’ils réussissent à repérer celui qu’ils avaient désigné comme l’ennemi public numéro 1 de leur « guerre contre le terrorisme », installé sur le territoire du Pakistan, leur principal allié régional, dans une ferme située à moins d’une heure de voiture du quartier général de l’ISI ! Si le ridicule pouvait tuer, les Bush, les Obama et tous les galonnés qui dirigent l’armée américaine ne seraient plus de ce monde.
Mais malheureusement les seuls qui auront payé de leur peau la folie meurtrière de leurs dirigeants, ce sont les 2 700 soldats américains morts et les 14 000 blessés. Et surtout, un nombre bien plus grand de victimes afghanes, 10 ou 20 fois, sinon plus.
Mais bien sûr, même à supposer que ben Laden et Al-Qaïda aient été leurs principales cibles au départ, cela fait bien longtemps que les dirigeants impérialistes ont à faire face à de tout autres problèmes. À commencer par la montée en puissance des opérations des groupes insurgés au fil des années, qui n’a cédé ni aux opérations de bombardements, ni aux opérations de quadrillage au sol qui ont été employées tour à tour. De sorte que contrairement à ce que répétaient les dirigeants occidentaux, nous étions loin d’un « rétablissement de la paix » ou d’une « stabilisation du pays ».
On a même assisté à une aggravation de la situation. Des attentats survenus en 2011 ont visé de hauts dignitaires tel le frère d’Hamid Karzaï, personnalité influente du régime, assassiné en juillet dans son fief de Kandahar, au sud du pays. Ou encore l’ancien président Rabbani, tué dans un attentat suicide à Kaboul, le 20 septembre 2011 alors qu’il était chargé depuis 2010, au nom du « Haut Conseil pour la paix », de discuter avec les groupes de la résistance. Ces faits suggèrent que les terroristes ont bénéficié de complicités aux plus hauts sommets de l’État afghan, y compris au sein de l’armée elle-même.
Quant aux troupes d’occupation, si elles ont subi moins de pertes en 2011 qu’en 2010, elles en ont eu plus que dans chacune des huit premières années de la guerre.
Enfin, pour la population afghane, le bilan est terrifiant. Quelques chiffres en donnent une idée. L’espérance de vie ne dépasse pas 44 ans, c’est-à-dire moins qu’au Mali par exemple où elle est de 49 ans. Le taux de mortalité infantile est de 149 pour mille alors que celui des États-Unis est de 6 pour mille. 20 % des enfants meurent avant l’âge de 5 ans. Au moins 60 % de la population active est au chômage. 70 % des Afghans survivent avec moins de 1 euro et demi par jour. Plus de la moitié des hommes et 80 % des femmes sont illettrés. 70 % de la population rurale n’a pas accès à l’eau potable. L’augmentation des prix est telle que beaucoup de femmes, notamment les centaines de milliers de veuves (près d’1 million et demi), en sont réduites à abandonner leurs enfants à l’orphelinat ou à vendre leur bébé pour survivre et nourrir leurs autres enfants.
Le business militaro-humanitaire
L’Afghanistan a pourtant reçu entre 2001 et 2011, près de 26 milliards de dollars, destinés au développement du pays. Sauf qu’un seul milliard a été consacré à l’éducation et un autre à la santé… Où sont passés les autres milliards ? Et bien ils se sont perdus dans les méandres du business militaro-humanitaire et de la corruption.
Des sommes astronomiques, provenant à la fois des budgets militaires des puissances belligérantes et de l’aide humanitaire, paient les services de multiples entreprises de sécurité et compagnies de mercenaires. Depuis la fin de la guerre froide, ces dernières remplacent dans bien des pays impérialistes, l’armée professionnelle, avec l’avantage, dans le cas des États-Unis, de n’être pas responsables devant le Congrès. Par ailleurs, leurs pertes ne sont pas comptabilisées.
En Afghanistan, ces mercenaires peuvent protéger les responsables afghans ou occidentaux. Ils peuvent être employés à faire de l’humanitaire comme à monter des opérations militaires, gérer des prisons privées, des salles de torture, y mener des interrogatoires... Tel le centre de détention situé à proximité de la base aérienne américaine de Bagram et dans lequel des centaines de détenus sont incarcérés sans inculpation ni assistance d’aucune sorte. Parmi les sociétés militaires privées en activité en Afghanistan, on peut citer la société britannique Saladin, qui emploie 2 000 hommes chargés de la sécurité de l’ambassade canadienne à Kaboul. Ou la société américaine Dyn Corp qui assure la protection du président Hamid Karzaï. Le nombre de ces mercenaires employés en Afghanistan s’élevait en 2011 à plus de 100 000. Autant dire que même si l’armée américaine retirait ses troupes en 2014 comme prévu, l’Afghanistan n’était pas prêt d’être débarrassé de l’occupation occidentale !
Beaucoup d’ONG sont en place en Afghanistan depuis maintenant plusieurs décennies. Bon nombre d’entre elles rendent de grands services à la population afghane. Mais il s’avère qu’une bonne part des milliards dont les ONG disposent disparaît dans les poches de fonctionnaires corrompus et de parasites en tout genre ou de sociétés spécialisées qui profitent de la guerre et des souffrances qu’elle engendre pour faire du business. D’après Integrity Watch Afghanistan, certains membres du personnel de l’agence américaine pour le développement international (USAID), gagnent… 22 000 dollars par mois, ceci dans un pays où les fonctionnaires ne gagnent pas plus de 70 dollars par mois... L’ONG britannique Oxfam estime pour sa part que 40 % de l’aide occidentale à l’Afghanistan retournent aux pays donateurs, sous forme de commandes aux entreprises occidentales et de salaires payés aux « consultants ».
Différentes stratégies pour quel bilan ?
En dix ans d’occupation militaire, de 2001 à 2011, les armées occidentales ont fait des centaines de milliers de victimes. Malgré la présence des troupes de l’OTAN, la plus grande partie du territoire afghan est à la merci de seigneurs de guerre et de milices armées de toutes sortes. Le pouvoir réel du gouvernement Karzaï, soutenu à bout de bras par l’impérialisme américain, ne s’étend pas au-delà d’un territoire limité autour de Kaboul.
Jusque-là, la stratégie suivie par les militaires américains avait été de privilégier les frappes aériennes sur les villages afghans afin de ne pas risquer la vie des soldats occidentaux. Par la suite, des drones, avions sans pilotes, furent utilisés pour bombarder sans avoir à risquer la vie des pilotes. Mais l’usage de la force aérienne multiplia les dommages dits « collatéraux » qui étaient en réalité des dommages tout à fait assumés. Il en résulta de violentes manifestations anti-américaines à Kaboul dès 2006. Les généraux américains McChrystal et David Petraeus mirent alors au point une nouvelle stratégie dite de « guerre psychologique » qui, tout en maintenant les interventions aériennes ciblées, était censée viser à améliorer les conditions de vie de la population. Les galonnés en question n’hésitèrent pas à expliquer que pour eux, il s’agissait, selon leurs termes, de « gagner les cœurs et les esprits ». Mais comme leur stratégie continuait à s’accompagner des mêmes exactions et à s’appuyer sur le même régime haï, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle se soit soldée par un nouvel échec.2
La politique du chaos
Le 31 décembre 2014 a officiellement pris fin la présence des troupes de l’OTAN en Afghanistan, après treize années d’aventure militaire qui ont englouti plus de 1 000 milliards de dollars de dépenses pour Washington, soit plus de 800 milliards d’euros, et coûté la vie à 3 485 soldats de la coalition, et des milliers de morts aux populations...
Le dernier contingent de l’armée française engagé dans ce fiasco se retire aussi. Une fin qui ressemble à une déroute.
Wait and see
Suite à un accord signé par les USA avec le nouveau pouvoir mis en place sous leur propre autorité, 12 500 soldats de la Force internationale d’assistance à la sécurité, en majorité américains, resteront sur le sol afghan dans le cadre de la mission « Soutien résolu » afin d’encadrer l’armée afghane. Parallèlement, 4 500 soldats, en majorité américains, resteront hors du cadre de l’OTAN pour mener des opérations de combat, cela pour deux ans.
Au lendemain de son arrivé au pouvoir, en 2009, Obama avait décidé le « surge », un renfort qui porta un temps les troupes de l’OTAN jusqu’à 150 000 hommes. « Les gains tactiques de l’OTAN n’ont pas été transformés en gains stratégiques », commente très sérieusement un officier occidental... pour dire que ce gigantesque déploiement de troupes baptisé « Liberté immuable » n’a fait que renforcer les talibans face à une occupation militaire insupportable pour l’immense majorité de la population.
La Maison Blanche et le Pentagone sont donc contraints de reconnaître leur impasse et leur impuissance à maîtriser la situation que leur politique a engendrée... comme en Irak, en Libye, au Moyen-Orient ou en Ukraine. Ils n’ont plus qu’une politique : laisser libre cours au chaos qu’ils ont créé.
Libéralisme militariste...
Les grandes puissances ont continué de déverser des milliards, non pour aider la population mais pour fournir les troupes mercenaires. Au sommet de Newport, en septembre 2014 l’Alliance atlantique s’est engagée à financer les forces afghanes (352 000 hommes) à hauteur de 5,2 milliards de dollars par an jusqu’à la fin de 2017.
Cet afflux de dollars sera bien impuissants à contenir la poussée des talibans. Ils ne serviront qu’à poursuivre une guerre dont ses initiateurs mêmes étaient bien incapables de définir les buts.
Le chaos profite aux talibans
En 2014, treize ans après avoir été chassés du pouvoir, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les talibans étaient à l’offensive contre un pouvoir fantoche et sans autorité. Trois mois après son élection, le président Ghani et son chef de l’exécutif Abdullah Abdullah, réunis dans un incertain gouvernement d’union nationale que l’un et l’autre n’ont accepté que sous la pression des USA, n’avaient toujours pas mis en place leur cabinet.
Les désertions se sont multipliées au sein de l’armée afghane qui comptait 5 000 morts pour la seule année 2014, alors que l’ISAF (la « Force internationale d’assistance à la sécurité ») avait déploré 3 500 tués en treize ans. 3
La politique de terreur de l’armée américaine
Le 3 octobre 2015, l’armée américaine bombardait l’hôpital de Médecins sans frontières de la ville de Kunduz, en Afghanistan, tuant 22 personnes et faisant des dizaines de blessés graves parmi les malades et le personnel.
La localisation de l’hôpital par GPS était pourtant bien connue des armées américaine et afghane en guerre dans ce pays contre les Talibans. En outre, le bombardement a duré près d’une heure alors que, dès le début, l’ONG avait lancé un appel en urgence aux forces américaines pour leur rappeler que la cible choisie était un hôpital.
Devant les protestations suscitées par ces meurtres délibérés de civils, l’état-major américain a successivement avancé plusieurs hypothèses pour tenter de se justifier : d’abord, que MSF n’avait pas signalé l’hôpital aux autorités militaires et qu’il s’agissait d’un dommage « collatéral » ; ensuite, ces affirmations ayant été vite contredites par la réalité, que des Talibans auraient été présents dans l’hôpital, accusations qui, elles non plus, n’ont pas tenu longtemps. Désormais, le général américain responsable de l’OTAN en Afghanistan « essaie d’en faire porter la responsabilité au gouvernement afghan », s’indigne le directeur général de MSF.
Barack Obama a promis qu’une enquête serait ouverte, pour savoir quelle est la part de responsabilité de son armée. L’OTAN et le gouvernement afghan parlaient aussi d’ouvrir une enquête. Mais, à supposer que ces enquêtes aient vraiment lieu, dans combien de mois, voire d’années, les résultats seront-ils connus et, surtout, quel crédit pourra-t-on leur accorder, et à quoi serviront-elles ?
Des enquêtes n’ont jamais mis un frein aux massacres aveugles contre les civils commis par les armées impérialistes, à commencer par celles de l’impérialisme américain au Moyen-Orient. C’est quotidiennement et en toute connaissance de cause que les populations y sont victimes d’attaques prétendument ciblées, contre des Talibans en Afghanistan ou des terroristes islamistes en Irak.
Les dirigeants des États-Unis veulent montrer qu’ils peuvent attaquer où bon leur semble, pour défendre leurs intérêts et leur ordre pourrissant. Le bombardement de l’hôpital de Kunduz a été délibéré. Le terrorisme est aussi celui des armées occidentales, avec entre leurs mains une puissance de destruction bien supérieure.4
Les talibans aux portes du pouvoir
En décembre 2018, après un engagement coûteux (1 000 milliards de dollars, 2 400 morts et 20 400 blessés parmi les soldats américains), Donald Trump annonce son intention unilatérale de se retirer du pays. Les talibans, presque essentiellement composés de Patchounes, prennent l'avantage dans un énième cycle de négociations de paix entamées à Doha en novembre 2018 : après plusieurs conférences avortées, un accord minimal se conclut à Doha en février 2020, visant surtout à sécuriser le retrait des troupes américaines, à éviter les attentats sur le sol américain, et conditionnant un cessez-le-feu entre talibans et gouvernement au pouvoir à la conclusion de négociations ultérieures.
Un nouveau cycle de négociations démarre à Doha le , dans un climat de guerre persistante. Les talibans continuent leurs offensives militaires dans la province de Helmand, les Américains, qui n'ont pas encore effectué leur retrait, reprennent des attaques aériennes contre eux à partir du 10 octobre.
Retrait complet des États-Unis et retour au pouvoir des talibans
Comme le président américain Joe Biden s'y est engagé, les troupes américaines poursuivent leur retrait définitif du pays en 2021.
Les talibans ont signé des accords de non-agression avec les pays voisins (Chine, Iran, Pakistan, Tadjikistan et Ouzbékistan). Ces deux derniers pays refusent désormais d'accueillir les bases militaires des États-Unis ; le Tadjikistan a en revanche envoyé 20 000 réservistes à sa frontière avec l'Afghanistan.
En juillet 2021, différents pays évacuent leurs ressortissants, les talibans revendiquent le contrôle de 85 % du pays et d'importants postes frontières. Ceux-ci reprennent rapidement du terrain dans les campagnes et encerclent les grandes villes dont Kaboul, avec l'intention de rétablir un régime fondamentaliste islamiste.5
L’Afghanistan après les USA, 165 000 morts plus tard
« C’est aux Afghans de se battre pour leur pays, pas aux États-Unis », a déclaré Biden lors du départ des soldats et des civils américains. Le retour des talibans au pouvoir a incité les habitants qui le pouvaient à fuir, car le régime qu’ils promettaient à la population, en particulier aux femmes, avait de quoi faire peur.
Vingt ans de guerre et 165 000 morts plus tard, l’impérialisme américain peut se vanter de laisser le chaos derrière lui partout où il passe.6
États-Unis-Afghanistan : après l’occupation, la spoliation
D’un trait de plume le président américain a confisqué, le 11 février 2022, sept milliards de dollars déposés aux États-Unis et appartenant à la banque centrale d’Afghanistan.
Ces fonds étaient gelés depuis l’arrivée au pouvoir des talibans. C’est évidemment en prétendant les empêcher de s’en emparer que Biden a mis la main sur cette somme.
Plus de vingt millions d’Afghans souffraient de la faim. La faillite économique dont le président américain attribuait la responsabilité aux talibans était déjà en cours l’été d'avant lorsque le précédent gouvernement afghan s’était délité et que l’armée américaine avait évacué le pays. C’est d’ailleurs la corruption gigantesque au sein de l’État, sous le contrôle des États-Unis depuis 2002, et son mépris des besoins élémentaires de la population qui ont permis aux talibans de le renverser presque sans résistance et de prendre le pouvoir en août 2021.
Biden a promis d’utiliser la moitié de ce qu’il volait à la population afghane, une des plus démunies du monde, pour financer l’aide humanitaire absolument indispensable à la survie des affamés. Qui gérera ces fonds ? Comment iraient-ils à la population ? Nul ne le savait.
L’autre moitié devrait servir à indemniser les familles des milliers de victimes américaines des attentats du 11 septembre 2001. Certaines de ces familles s’en sont indignées et ont fait remarquer qu’aucun Afghan n’était présent dans les commandos-suicide qui ont fait s’écraser des avions aux États-Unis ce jour-là. Et puis qu’en est-il de l’indemnisation des 160 000 victimes de vingt années d’occupation de l’Afghanistan par des armées étrangères, dont celle de la France, et des bombardements de villages par leur aviation ?
Derrière les phrases sur les droits humains, les dirigeants de l’impérialisme se sont comportés de bout en bout en prédateurs envahissant, occupant et pillant un pays à l’autre bout du monde.7
Pour se maintenir, l’impérialisme ne peut qu’engendrer le chaos… minant sa propre domination
Nous venons de voir comment la domination coloniale puis impérialiste a entraîné de multiples divisions et affrontements dans toute la région depuis des décennies.
Mais c’est de tout temps que l’impérialisme, dans sa période colonialiste comme après la décolonisation a joué des divisions et des rivalités entre les peuples ou les ethnies, en les attisant ou les réactivant, quand il ne les a pas créées de toutes pièces. Lorsque la bourgeoisie des pays riches se lança à l’assaut du monde pour le mettre en coupe réglée, elle usa du seul moyen dont pouvait disposer une couche sociale ultra-minoritaire pour imposer sa domination, celui du « diviser pour régner ». La conquête et le pillage s’organisèrent en dressant les populations les unes contre les autres. Au cours de l’histoire de l’impérialisme, cela se traduisit par des conflits larvés, des guerres ouvertes et deux conflagrations mondiales au XXème siècle.
Et ce n’est pas que du passé, bien que vu d’ici, il n’y a pas eu de guerre depuis 1945. Car si la guerre mondiale s’est achevée en août 1945 par les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, il n’y a pas eu un seul jour de paix dans le monde depuis. La décolonisation elle-même a été l’occasion de pogroms en Inde et au Pakistan qui ont fait des millions de morts. Quant aux combats d’arrière-garde des puissances impérialistes pour prolonger de quelques années la forme coloniale de leur domination, ils ont fait des milliers de morts. Pour ne parler que de notre propre impérialisme, celui de la bourgeoisie française, il s‘est illustré par des massacres à Sétif en Algérie, en 1945, à Madagascar en 1947 et par des guerres en Indochine, en Algérie et en Afrique noire. Et cela ne s’est pas arrêté après la décolonisation. Des générations entières, dans bien des pays du monde, n’ont connu que la guerre.
Beaucoup ne voient pas le lien entre la crise économique que nous subissons, la spéculation effrénée des marchés financiers qui menace les États de faillite, et toutes ces guerres à l’autre bout de la planète. Ce sont pourtant les deux aspects d’une même réalité, celle de la domination de l’impérialisme sur le monde qui maintient un chaos incessant, ponctué de crises, de guerres et de massacres.
Combien de guerres, de coups d’État ou d’assassinats ont-ils été froidement calculés et orchestrés par les réseaux politico-militaro-financiers afin de s’assurer la domination de régions du monde pour contrôler leurs ressources naturelles ou des commandes d’armes ? À une toute petite échelle, et en rapport avec notre sujet, l’attentat de Karachi en 2002 a, par exemple, révélé l’implication du gouvernement français et d’intermédiaires véreux dans une affaire de rétrocommissions sur des contrats de vente de sous-marins français au Pakistan.
Chaque fois que l’impérialisme manœuvre ou intervient pour perpétuer son ordre, les méthodes qu’il utilise créent un déséquilibre supplémentaire qui alimente et aggrave l’instabilité qu’elles sont censées réduire. L’impérialisme sape lui-même son propre ordre mondial.
Il le sape aussi en faisant passer la défense de ses intérêts par des États vassaux, contrôlés par une couche dirigeante locale corrompue et travaillée par une instabilité permanente. Car si le rôle de gendarme vis-à-vis de leur propre population et de laquais de l’impérialisme sont les principales raisons d’être de ces États vassaux, ils doivent cependant s’assurer d’une certaine base sociale. Pour cela, ils sont prêts à recourir à la pire démagogie, nationaliste, ethnique ou religieuse, mettant ainsi la main dans un engrenage qui peut provoquer à terme la déstabilisation des appareils militaires voire provoquer leur désintégration en bandes d’hommes armés concurrentes, condamnant des régions entières au chaos permanent.
L’ordre impérialiste a ainsi favorisé la montée de l’intégrisme musulman et hindou et le développement de l’appareil militaro-mafieux de l’armée pakistanaise.
On a vu aussi l’ancien pion de l’impérialisme qu’était Saddam Hussein se retourner contre ses maîtres, puis ben Laden, ancien pion de la CIA, et enfin les divers clans islamistes que Washington avait propulsés sur le devant de la scène afghane.
De l’Irak à la Somalie et à l’Afghanistan, les tentatives de l’impérialisme pour compenser ses déboires par la guerre, n’ont fait qu’aggraver le chaos qu’il imposait aux populations de pays pauvres un chaos qu’elles paient non seulement de leur sang, mais qui de surcroît les repousse des décennies en arrière. Le fait que des millions d’Afghans ou d’Irakiens soient réduits à vivre et, parfois à mourir, sous les bombes, dans le dénuement et l’absence d‘infrastructures les plus élémentaires constitue un gâchis humain sans nom. Et pourtant c’est cette vie-là que l’ordre impérialiste impose à des centaines de millions d’individus de par le monde. Et puis, derrière ce gâchis humain, il y a le gâchis matériel colossal que représente les dizaines de milliards de dollars dépensés en armement par l’impérialisme pour ses guerres, alors que ces milliards auraient pu servir à construire des écoles, des hôpitaux, des routes asphaltées.
Sous l’emprise de l’impérialisme, le monde est voué à des guerres incessantes et éternellement recommencées, empêchant tout développement économique et tout progrès dignes de ce nom pour l’humanité, avec des conséquences encore plus dramatiques dans les pays pauvres.
Alors, oui, cette guerre d’Afghanistan est un échec pour l’impérialisme un de plus. Mais l’impérialisme sait surfer sur les conflits, sur les oppositions nationales ou religieuses. Pas plus les attentats sanglants de Kaboul ou d’Islamabad que les pogroms de Bombay ne font frémir les bourses occidentales. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes. Quant à l’instabilité politique en Asie du Sud, tant que cela n’explose pas, l’impérialisme saura vivre avec. Les guerres civiles en Angola ou au Congo n’empêchent pas Total, Shell et les trusts miniers de piller les ressources de ces pays, au contraire. Le pillage impérialiste sait s’accommoder du chaos et de la barbarie auxquels il contribue.
Quant aux peuples concernés, ils se retrouveront sous la coupe de forces toujours plus réactionnaires, celles-là même que les dirigeants de Washington, Londres et Paris auront fait naître par leur politique.
Mais on ne débarrassera pas la société de ces forces réactionnaires sans éliminer l’instrument qui les a créés, c’est-à-dire l’impérialisme lui-même et le système d’oppression sur lequel il s’appuie à l’échelle de la planète. C’est une nécessité non seulement pour tous les peuples des pays pauvres mais aussi pour ceux des pays riches.
Il n’y a pas d’impérialisme propre, pas plus que de capitalisme propre.
Alors la seule perspective vivable pour les classes populaires d’Afghanistan, de la région comme de tous les pays belligérants, la seule issue pour les peuples, c’est d’en finir avec ce système impérialiste, ce capitalisme pourrissant qui ne se survit à lui-même qu’en couvrant la planète de sang et de tyrans.8
Oussama ben Laden
Issu d'une riche famille saoudienne originaire du Yémen, son père fonde le Bin Laden Construction group, entreprise de bâtiment et travaux publics détentrice de nombreux contrats d'exclusivité avec le gouvernement saoudien. La fortune de la famille est estimée à 5 milliards de dollars US. Selon les affirmations de l'un de ses demi-frères, Yeslam ben Laden, Oussama ben Laden aurait perçu de son père décédé, de 1974 à 1994, entre 12 et 15 millions de dollars. La proximité avec la famille royale d'Arabie saoudite participe à la fortune de l'entreprise qui, devenue une des premières entreprises de construction au monde, se diversifie et devient le Saudi Binladen Group, aux nombreuses ramifications. Parmi elles, la Bin Laden Telecommunications, devenue depuis 1999 la Baud Telecom Company (BTC Networks).
Oussama ben Laden a 53 demi-frères et demi-sœurs, son père polygame s'étant marié avec 22 femmes différentes. Lui-même a une vingtaine d'enfants dont Omar marié à une Britannique, Jane Felix-Browne, devenue Zaina Karkar ben Laden.
Le jeune homme fait des études commerciales et techniques à l'université du roi Abdulaziz de Djeddah de 1974 à 1978, puis intègre le groupe familial vers le milieu des années 1970.
Il étudie à cette période les textes principaux du wahhabisme. Cette forme de l'islam sunnite, qui est née en Arabie saoudite, est considérée comme étant particulièrement dure et fondamentaliste. En outre, elle organise et structure le droit musulman de la société saoudienne. C'est pourquoi les étudiants saoudiens sont influencés par le wahhabisme ; et de ce fait, ben Laden l'a donc été aussi.
1979-1989 : la guerre contre les Soviétiques
En 1979, alors que des membres de sa famille sont impliqués dans la prise de la Grande Mosquée de la Mecque, il est approché par le prince Turki Al Fayçal, alors chef des services secrets de l'Arabie saoudite (de 1977 à 2001), ambassadeur d'Arabie saoudite à Londres, et fils de l'ancien roi saoudien Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud (de 1964 à 1975). À l'époque, le régime du shah d'Iran vient d'être renversé par une révolution qui porte à sa tête l'ayatollah Khomeini, tandis que l'URSS envahit l'Afghanistan quelques mois plus tard. L'islamisme commence à devenir une force géopolitique importante, remplaçant peu à peu le marxisme et le panarabisme comme principale idéologie populaire au Moyen-Orient. De nombreux moudjahids viennent combattre en Afghanistan contre l'URSS, soutenus par l'Arabie saoudite qui y voit une possibilité de diffusion du wahhabisme, le Pakistan via son Inter-Services Intelligence qui se verrait à terme à la tête d'une future internationale islamique.
Officiellement, la CIA a commencé à soutenir les moudjahids en 1980, mais selon Robert Gates, les services secrets américains ont commencé à les aider 6 mois plus tôt. Selon Zbigniew Brzeziński, le président Carter aurait signé la première directive sur leur assistance clandestine le 3 juillet 1979, sans avoir pour but d'entraîner une intervention militaire des Soviétiques mais en sachant que cette aide la rendait plus probable. Le 24 décembre 1979, l'armée soviétique a envahi l'Afghanistan.
Le prince saoudien Turki demande à ben Laden d'organiser le départ des volontaires pour l'Afghanistan et leur installation à la frontière pakistanaise. En arrivant sur place, le jeune homme découvre des militants motivés, mais très peu organisés. L'amateurisme règne. Ben Laden aurait coordonné l'arrivée des militants à Peshawar via une organisation appelée « Bureau des services ». Il aurait mis en place une véritable organisation et assuré la formation militaire et idéologique des combattants (camps d'entraînement, mosquées, écoles, etc.) ainsi que l'approvisionnement en armes. Peu à peu, il aurait pris en charge les familles. Il se serait occupé de veuves et de l'éducation religieuse d'enfants. D'après Noam Chomsky, les moudjahids auraient en fait été entraînés, armés et organisés par la CIA, les services de renseignement français, l'Égypte, le Pakistan, etc. pour livrer une guerre sainte aux Soviétiques.
C'est ainsi que le jeune homme timide prend de l'assurance, tandis que son prestige grandit. Il aurait lui-même participé à quelques combats. En 1989, son mentor et ami, le Palestinien Abdallah Youcef Azzam, est assassiné. Oussama ben Laden se retrouve alors à la tête de l'organisation. Elle est la base d'Al-Qaïda, qui se transforme bientôt en logistique du djihadisme international, certains vétérans d'Afghanistan partant ensuite combattre sur d'autres fronts (en Tchétchénie, en Yougoslavie, etc.). Durant toute cette décennie, ben Laden rend régulièrement compte au prince Turki, effectuant de nombreux voyages en Arabie saoudite.
L'organisation de ben Laden ne reste néanmoins, à l'époque, que l'une des nombreuses factions existant en Afghanistan, pays obéissant davantage à des logiques tribales qu'idéologiques. Alors que dans beaucoup de régions afghanes, une version modérée de l'islam est respectée, beaucoup de moudjahidines se méfient de la venue d'étrangers véhiculant le salafisme. Le commandant Massoud, notamment, refuse toute alliance avec ben Laden car il estime qu'il soutient les talibans, contre lesquels il se bat, et qu'il représente un danger pour la communauté internationale. Oussama ben Laden se rapproche alors de Gulbuddin Hekmatyar, un chef fondamentaliste local et « principal bénéficiaire, selon Noam Chomsky, des 3,3 milliards de dollars d'aide (officielle) des États-Unis aux rebelles afghans (un montant à peu près équivalent étant, dit-on, fourni par l'Arabie saoudite) ». Hekmatyar est aussi, à l'époque, soutenu par le Pakistan qui voudrait le voir à la tête du pays après le départ des Soviétiques.
En février 1989 les Soviétiques annoncent leur retrait d'Afghanistan. Les djihadistes veulent poursuivre le combat jusqu'à la prise du pouvoir à Kaboul. Cependant, les États-Unis qui ont atteint leur objectif, et l'Arabie saoudite, stoppent le financement et le soutien logistique massif en 1990.
1989-1993 : la rupture avec l'Arabie Saoudite
Oussama ben Laden retourne en Arabie saoudite, il est considéré comme un héros. Il organise des conférences dans les mosquées, dans les écoles, à l'université sur son « djihad » contre l'armée soviétique.
Lors de la guerre du Golfe (1990-1991), Oussama ben Laden propose au roi Fahd d'utiliser sa milice pour défendre le pays contre une éventuelle invasion des troupes irakiennes. Ce dernier refuse et préfère ouvrir son territoire à l'armée américaine, prêtant ainsi le flanc à l'accusation selon laquelle il aurait autorisé les « infidèles » à « souiller le sol sacré » de l'Arabie saoudite. Ben Laden se fait alors de plus en plus critique vis-à-vis de la famille royale, et va jusqu'à accuser les princes de corruption. Le ministère de l'intérieur saoudien saisit son passeport pendant l'hiver 1990-1991.
Oussama ben Laden quitte l'Arabie saoudite en mai 1991.
Il choisit de s'allier à des opposants au régime wahhabite installés en Iran et en Syrie.
Interdit de séjour en Arabie saoudite, il vit alors à Khartoum, au Soudan, de 1992 à 1996. Il y est accueilli par Hassan al-Tourabi, qui dirige le Front national islamique soudanais (FNI). Il s'installe dans le pays, y investit et fait quelques affaires (routes, exportations agricoles, acquisitions foncières, activités bancaires en accord avec les principes de la banque islamique).
À plusieurs occasions en 1992-1993, des membres de sa famille vont le rencontrer au Soudan pour lui demander d'abandonner son opposition à la famille royale et de revenir en Arabie saoudite, sans effet. En juin 1993, sa famille arrête sa participation dans les compagnies familiales et ses parts sont vendues pour une valeur de 9,9 millions de dollars, somme qui est placée sur un compte bloqué, qui ne pourrait être utilisé qu'à son éventuel retour au pays, ou donné à ses héritiers après sa mort. En février 1994, sa famille répudie Oussama dans un communiqué. Au début d'avril 1994, l'Arabie saoudite le prive de sa nationalité.
Il reste cependant en relations discrètes avec certains membres du régime saoudien (la famille royale est en effet peu unie). Ces relations secrètes entretenues avec certains membres de la famille royale saoudienne et ou des forces de sécurités, sont illustrées par l'attentat du 8 novembre 2003 à Riyad. En effet, il y a « un mouvement croissant de luttes internes entre les amis et les ennemis de ben Laden au sein de la maison royale ».
1993-février 1998 : les années troubles
Entre 1992 et 1995, ben Laden finance et arme les moudjahid bosniaques, notamment via l'organisation « humanitaire » autrichienne Third World Relief Agency (TWRA). Il aurait alors rencontré Alija Izetbegović et reçu un passeport bosnien en 1993, ce que nie le gouvernement de Bosnie-Herzégovine.
Ben Laden suit et finance les moudjahidine islamistes les plus radicaux revenus après la guerre d'Afghanistan dans leur pays d'origine (ils y sont surnommés « les Afghans »). Il finance également des camps d'entraînement. Dès décembre 1992 un groupe financé par ben Laden est responsable d'un attentat au Yémen contre les soldats américains en route pour l'opération Restore Hope en Somalie.
La même année, un attentat touche le World Trade Center, et fait 6 morts. Un groupe lié à Oussama ben Laden est soupçonné.
Oussama ben Laden profite en effet de la politique d'une partie de l'administration Clinton, soutenue par le lobby pétrolier. Celle-ci a plusieurs objectifs : le soutien à des régimes stables en Asie centrale afin de permettre l'acheminement du pétrole et du gaz, la lutte contre l'influence russe dans la région et une politique résolument engagée contre l'Iran chiite. La poursuite de ce dernier objectif passe par un soutien à l'islamisme sunnite notamment présent au Pakistan et en Arabie saoudite. Cet appui est concrétisé lors d'une déclaration de Bill Clinton, le 15 mars 1995. Il prétend alors que « Les valeurs traditionnelles de l'islam sont en harmonie avec les idéaux les meilleurs de l'Occident ». C'est pourquoi Oussama ben Laden n'est pas perçu uniquement comme une menace. Cette stratégie est cependant infléchie dans les derniers temps du mandat de Bill Clinton.
À la suite de la campagne d'attentats du Groupe islamique armé en France en 1995, la police belge découvre des documents de ce groupe dédicacés à ben Laden.
Le 26 mai 1995, Al-Qaïda est soupçonné d'avoir participé à une tentative d'assassinat contre le président égyptien Mohammed Hosni Moubarak.
En février 1998, Oussama ben Laden lance un appel à attaquer les intérêts américains partout dans le monde. Il devient dès lors un ennemi officiel des États-Unis, qui obtiennent son expulsion du Soudan. Il se réfugie alors en Afghanistan, passé sous contrôle des talibans depuis 1996.
1998-2001 : le terrorisme de masse
Le premier mandat d'arrêt international lancé sur sa personne date de mi-avril 1998 ; il émane d'Interpol à la demande du gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne, à la suite de l'assassinat en 1994 sur le sol libyen d'un couple de citoyens allemands, les Becker, des agents secrets de l'Office fédéral de protection de la constitution (Bundesamt für Verfassungsschutz/BfV). Depuis lors, l'Espagne et les États-Unis ont également demandé des notices rouges sur lui à Interpol.
Les États-Unis le tiennent pour responsable des attentats à la bombe dirigés contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya (213 morts dont huit Américains) et de Dar es Salam en Tanzanie (onze morts, tous Tanzaniens) le 7 août 1998. À la suite de ceux-ci, le gouvernement américain met sa tête à prix pour 5 millions de dollars en octobre 1998. À chaque agression, ben Laden se réjouit des attentats, mais ne les revendique pas.
Les attentats du 11 septembre 2001
Oussama ben Laden est considéré comme le principal responsable des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone. Il a lui-même reconnu une implication dans les attentats contre le World Trade Center du 11 septembre 2001, en avouant en être l'instigateur (« Je vous le dis, Allah sait qu'il ne nous était pas venu à l'esprit de frapper les tours. Mais après qu'il fut devenu insupportable de voir l'oppression et la tyrannie de la coalition américano-israélienne contre notre peuple de Palestine et du Liban, j'ai alors eu cette idée ») et s'est félicité de leur tenue.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, et après que le gouvernement de l'Émirat islamique d'Afghanistan ait refusé de livrer ben Laden, le président des États-Unis George W. Bush obtient la mise sur pied d'une intervention internationale en Afghanistan dans le but déclaré d'anéantir Al-Qaïda.
La traque de ben Laden va durer 10 ans.
Organisation Al-Qaïda
Concernant la conceptualisation du terrorisme et le volet « idéologique » d'Al-Qaïda, le « cerveau » est Ayman al-Zawahiri. Ben Laden se serait contenté de financer les attentats du 11 septembre 2001, et l'opération aurait été proposée et orchestrée par Khalid Cheikh Mohammed, selon les aveux de ce dernier et les conclusions du rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis. Une vidéo diffusée par Al Jazeera le 7 septembre 2006 montrerait cependant ben Laden et ses lieutenants, dont Mohammed Atef (mort en Afghanistan en novembre 2001), préparant les attentats du 11 septembre 2001.
Les cassettes enregistrées et diffusées, souvent par la chaîne Al Jazira en exclusivité, poursuivent plusieurs objectifs :
- maintenir la psychose du terrorisme dans les démocraties occidentales, parfois en s'immisçant dans le jeu politique comme lors des élections américaines de 2004 ou des élections espagnoles de la même année.
- rappeler son existence aux opinions publiques des pays musulmans en abordant des thèmes qui les touchent, pour faciliter le recrutement d'Al-Qaïda.
- réactualiser les objectifs du djihad d'Al-Qaïda.9
Motivations
Opération Southern Watch
Depuis la guerre du Golfe, les États-Unis ont eu une présence continue au Moyen-Orient avec 5 000 soldats stationnées en Arabie saoudite. L'opération Southern Watch applique les zones d'exclusion aérienne sur le sud de l'Irak mis en place après 1991, et les exportations de pétrole du pays à travers des voies maritimes du golfe Persique sont protégés par la Cinquième flotte américaine, basée à Bahreïn.
L'Arabie saoudite abritant les lieux saints de l'islam: la Mecque et Médine, de nombreux musulmans ont été contrariés par la présence militaire permanente. La présence continue de troupes américaines après la Guerre du Golfe en Arabie saoudite a été l'une des raisons qui ont motivé les attentats du 11 septembre 2001, l'attentat contre les Tours de Khobar le 25 juin 1996, et les attentats des ambassades américaines en Afrique du 7 août 1998 qui surviennent huit ans jour pour jour après le déploiement des troupes américaines en Arabie saoudite. En 1996, ben Laden a publié une fatwa, appelant les troupes américaines à quitter l'Arabie saoudite.
« La dernière et la plus grande de ces agressions, subie par les musulmans depuis la mort du Prophète est l'occupation de la terre des deux lieux saints [...] par les armées des croisés américains et leurs alliés. »10
— Oussama ben Laden, le 23 août 1996.
Ben Laden condamne l'évolution de la civilisation islamique depuis la disparition du califat (le dernier calife était le sultan ottoman jusqu'en 1924). Cet objectif passe par un renversement des gouvernements arabes « laïcs » et « impies » protégés par les États-Unis qu'il considère comme les « croisés occidentaux ». Lors de son interview par le journaliste Robert Fisk en 1996, il avait notamment déclaré :
« Le peuple comprend maintenant les discours des oulémas dans les mosquées, selon lesquels notre pays est devenu une colonie de l'empire américain. Il agit avec détermination pour chasser les Américains d’Arabie saoudite. [...] La solution à cette crise est le retrait des troupes américaines. Leur présence militaire est une insulte au peuple saoudien. »
Pour Oussama ben Laden, les bases militaires présentes en Arabie saoudite et au Moyen-Orient considérés comme des territoires sacrés (avec les lieux saints Médine et La Mecque) représentent un sacrilège car ces bases américaines devaient être provisoires, le temps de remporter la guerre contre Saddam Hussein.
Palestine et Liban
Oussama ben Laden utilise dans sa propagande la référence à l'occupation israélienne du Liban du Sud lors de l'opération Paix en Galilée en 1982. Il affirme avoir été affecté par les bombardements israéliens contre les réfugiés palestiniens au cours de la guerre du Liban.
« Je vous le dis, Allah sait qu'il ne nous était pas venu à l'esprit de frapper les tours. Mais après qu'il fut devenu insupportable de voir l'oppression et la tyrannie de la coalition américano-israélienne contre notre peuple de Palestine et du Liban, j'ai alors eu cette idée. Les événements qui m'ont affecté de manière directe ont commencé en 1982, lorsque l'Amérique a permis aux Israéliens d'envahir le Liban et que la sixième division aérienne américaine les a aidé. Ce bombardement a commencé et a fait de nombreux morts et blessés, ainsi que des personnes terrorisées et réfugiées. Je ne pourrai pas oublier ces scènes, le sang, les membres déchiquetés, des femmes et des enfants gisant partout. Les maisons détruites ainsi que leurs occupants, des amoncellements de gravats sur leurs corps, des bombes qui pleuvaient sur nos maisons sans pitié. »
« Cette situation était comme un crocodile rencontrant un enfant sans défense. Est-ce que le crocodile peut comprendre une conversation qui n'inclurait pas une arme ? Et le monde entier a vu, et entendu, mais il n'a pas répondu. »
Oussama ben Laden exploite un sentiment de rancœur chez une grande partie des musulmans de Palestine et du Moyen-Orient face à ce qui est ressenti comme une agression israélienne soutenue par les États-Unis. Il qualifie lui-même les opérations israéliennes de « tyrannie » et d'« oppression ».11
Avant les attentats, ben Laden a publié un certain nombre de menaces publiques contre l'Amérique et ses alliés, y compris deux fatwas, citant le soutien américain à Israël dans sa guerre contre le Liban et l'occupation de la Palestine. Depuis les attentats, Oussama ben Laden et Ayman al-Zawahiri ont publié une douzaine de vidéos concernant leur significations.
« Les événements qui m’ont marqué directement remontent à 1982 et des faits qui ont suivi lorsque l’Amérique a donné son feu vert à Israël pour envahir le Liban et que la troisième flotte américaine a aidé Israël dans les bombardements du Liban ; ceci a causé de nombreux morts et blessés et a terrorisé et expulsé d’autres personnes... Derrière ces images et ses semblables est venu le 11 septembre comme réponse aux grandes injustices ; peut-on accuser de terrorisme un être humain qui se défend et qui punit son bourreau en usant des mêmes armes ? »
— Oussama ben Laden, le 1er novembre 2004
Bon nombre des conclusions finales de la commission du 11-Septembre concernant les motivations ont été soutenus. Richard A. Clarke, un expert du contre terrorisme, explique dans son livre de 2004, Against All Enemies que la politique étrangères américaine, avec « le face à face avec Moscou en Afghanistan, le déploiement des troupes américaine dans le Golfe Persique » et la « consolidation d'Israël en tant que base pour un flanc sud contre les Soviétiques » a renforcé les motivations d'Al-Qaïda. Certains, comme Jason Burke, correspondant à l'étranger du The Observer, mettent l'accent sur un aspect plus politique des motivations, en précisant que « Ben Laden est un militant ayant un sens très clair de ce qu'il veut et comment il espère y parvenir. Ces moyens peuvent être bien en dehors des normes de l'activité politique [...] mais son ordre du jour est simplement politique. »
Sanction de la Guerre du Golfe
Le 6 août 1990, après l'invasion irakienne du Koweït, l'ONU a adopté la résolution 661, imposant des sanctions économiques contre l'Irak ainsi qu'un embargo total, à l'exclusion de matériels médicaux, de vivres et autres articles de nécessité humanitaire. Après la fin de la guerre du Golfe et après le retrait des forces irakiennes du Koweït, les sanctions étaient liées au déménagement de leurs armes de destruction massive par la résolution. De 1991 à 2003 les effets de la politique du gouvernement et des sanctions a conduit à l'inflation du pays, entraînant une pauvreté généralisée et de la malnutrition.
Dans une fatwa publié le 23 août 1996, Oussama ben Laden dénonce les sanctions contre l'Irak et accuse les États-Unis et l'Arabie saoudite d'être responsable de la mort de plus de 600 000 enfants irakiens. Dans une vidéo datant de 2004, Oussama ben Laden appelle cela "le plus grand massacre de masse d'enfants que l'humanité n'ait jamais connue".
« Plus de 600 000 enfants irakiens sont morts à cause du manque de nourriture et de médicaments et à la suite d'une injustifiable agression imposée à l'Irak et sa nation. Les enfants de l'Irak sont nos enfants. Vous, les États-Unis, unis avec le régime Saoudien êtes responsable de l'effusion du sang de ces enfants innocents. »
— Oussama ben Laden, le 23 août 1996
À la fin des années 1990, l'ONU a examiné un assouplissement des sanctions imposées en raison des épreuves subies par les civils irakiens. Selon les estimations de l'ONU, entre 500 000 et 1,2 million d'enfants sont morts durant ces années de sanctions. Les États-Unis ont utilisé leur veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour bloquer la proposition de lever des sanctions en raison de l'échec persistant de la vérification du désarmement de l'Irak. Toutefois, un programme pétrole contre nourriture fut créé en 1996 pour atténuer les effets des sanctions.
Le 11-septembre
Cette « agression » est initialement pour Oussama ben Laden une question religieuse : présence militaire en Arabie saoudite (profanation d'une terre sainte) et soutien à Israël qui occupe Jérusalem (lieu saint). La rhétorique sur la souffrance des Palestiniens ou des Irakiens est utilisée pour sensibiliser l'opinion des musulmans à son combat mais n'est pas au centre des préoccupations d'Al-Qaïda.
« Avec ces images en tête, les événements du 11 septembre sont venus comme une réponse à ces terribles erreurs. Comment un homme pourrait-il être blâmé pour défendre sa maison ? Se défendre et punir l'agresseur est-il du terrorisme ? »
Ces actions terroristes, qui ont fait des victimes, sont condamnées par la plupart des musulmans.
En outre, la présence indirecte américaine, incarnée par le soutien à l'État israélien, justifie pour Oussama ben Laden, des attaques partout dans le monde des intérêts américains. À l'instar du « Pensez à l'échelle mondiale, agissez au niveau local » de Raymond Williams, Oussama ben Laden applique la stratégie inverse en pensant localement et en agissant globalement.
Introduction du discours de ben Laden, novembre 2004, vidéo diffusée sur Al Jazeera :
« Avant de commencer, je vous dis que la sécurité est un pilier indispensable de la vie humaine, et que les hommes libres ne compromettent pas leur sécurité, contrairement à la falsification de George Bush, qui dit que nous détestons la liberté. Si c'était le cas, qu'il explique pourquoi nous ne frappons pas, par exemple, la Suède ? »
« Non, nous combattons parce que nous sommes des hommes libres, qui ne peuvent dormir sous l'oppression. Nous voulons restaurer la liberté de notre nation. »
Oussama ben Laden estime que George Bush cache les raisons des attentats du 11 septembre 2001, et ce, afin de tromper le peuple américain.
« Même si nous sommes dans la quatrième année après les événements du 11 septembre, Bush continue la désinformation, et vous cache les causes réelles [des événements du 11 septembre] […] C'était le message que je cherchais à vous faire comprendre en faits et gestes, de façon répétée, et ce, bien avant le 11 septembre. Et vous pouvez lire tout cela, si vous le souhaitez, dans mon interview avec Scott, dans le Time Magazine, en 1996, ou avec Peter Arnett, sur CNN, en 1997, ou lors de ma rencontre avec John Weiner, en 1998. […] Et vous pouvez lire mon interview avec Abdul Bari Atwan, et encore mes interviews avec Robert Fisk. »
Il considère la nouvelle guerre d'Irak de 2003, comme une tentative de George W. Bush de « supprimer un vieil agent Saddam Hussein, et de le remplacer par une nouvelle marionnette, qui permettra le pillage du pétrole d'Irak et d'autres outrages. »
Oussama ben Laden n'a aucun lien prouvé avec Saddam Hussein bien que celui-ci lui aurait proposé l'asile en 1999. Au contraire, il semblerait que ben Laden considérait Saddam Hussein comme un « socialiste » infidèle.
Messages de ben Laden
Après les attentats du 11 septembre 2001, Oussama ben Laden s'est exprimé principalement par le biais d'enregistrements vidéos et audio. Certains des messages n'ont cependant pas pu être authentifiés.
Quatre de ces enregistrements vidéos ont été diffusés :
- la première vidéo est datée du 9 novembre 2001 et est diffusée le 13 décembre 2001 : Ben Laden assure que les destructions du 11 septembre ont dépassé ses attentes.
- la seconde est diffusée le 10 septembre 2003 : le chef d'Al-Qaïda apparaît marchant avec Ayman Al-Zawahiri.
- la troisième est diffusée le 29 octobre 2004 : quelques jours avant la présidentielle américaine, Al Jazeera diffuse une cassette dans laquelle ben Laden menace les États-Unis de nouvelles attaques.
- la dernière en date est diffusée le 7 septembre 2007 après avoir été découverte par le SITE Institute avant sa diffusion programmée par Al-Qaïda : annonce la défaite américaine en Irak et critique de toutes les forces politiques : « pour expliquer l'échec des démocrates à mettre fin à la guerre, je dis : ce sont les mêmes raisons qui ont empêché le président Kennedy d'arrêter la guerre du Viêt Nam. Ceux qui possèdent véritablement le pouvoir sont ceux qui ont le capital le plus important. Et puisque le système démocratique permet aux grandes entreprises de soutenir les candidats à la présidence, on ne peut s'étonner - et on ne s'étonne pas - de l'échec des démocrates à arrêter la guerre (…) Vous sacrifiez vos soldats aux grandes entreprises. » Pour mettre fin à la guerre, il incite les Américains à s'islamiser : « le seul moyen d'obtenir la paix est de vous convertir à l'islam ». De sérieux doutes ont été émis quant à l'origine de cet enregistrement, de nombreux observateurs ayant remarqué que l'image de ben Laden est figée pendant la majeure partie de la vidéo. On y voit par ailleurs un ben Laden à l'aspect physique différent.
Puis 3 enregistrements audio :
- Le mercredi 19 mars 2008, la presse se fait l'écho d'un message sonore de menaces accompagné d'une animation vidéo diffusée sur un site internet As-Sahab proche d'Al-Qaïda et sur laquelle on voit une lance transperçant la carte de l'Europe où se répand le sang. Selon la presse, ben laden jugerait l'affaire des caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten comme portant atteinte à l'islam et il prédirait à mots voilés des attentats d'une grande envergure en adoptant des paroles énigmatiques tels que « N'écoutez pas nos paroles mais regardez nos actes » ou « la riposte sera ce que vous verrez et pas ce que vous entendrez ».
- Le 24 janvier 2010, il diffuse un message audio sur la radio Al Jazeera menaçant les États-Unis de nouvelles attaques si ces derniers continuent à soutenir l'État d'Israël et n'assurent pas la sécurité en Palestine.
- Le 27 octobre 2010, il enregistre un message adressé à la France dans lequel il conteste la loi interdisant le port du voile intégral et demande aussi aux troupes françaises de se retirer d'Afghanistan. Il explique que ces deux raisons justifient l'enlèvement de 5 français au Niger. Il a également indiqué que des attentats étaient préparés.
- Le 7 mai 2011, après la mort de ben Laden dans son refuge pakistanais, les autorités américaines diffusent cinq cassettes de ben Laden (dont une où, très vieilli, il se regarde lui-même à l'écran). Pour éviter toute exploitation des messages contenus dans les cassettes, celles-ci sont diffusées sans le son.12
"L'environnement économique de Ben Laden"
Ben Laden, ancien agent de la CIA responsable des groupes islamistes intervenant en Afghanistan contre les troupes russes, on le savait. Agent financier d'un des clans de la grande bourgeoisie saoudienne et des princes du pétrole, c'est également notoire, même si les médias se sont moins étendus sur la question. Car dans l'histoire, allez démêler le tien du mien, les intérêts financiers américains des intérêts saoudiens !
C'est que l'Arabie Saoudite, partagée ou pas entre ses clans princiers, c'est à la fois la base militaire, la plate-forme pétrolière et la principale agence financière des États-Unis dans la région. Certes, depuis quelques années la classe dirigeante saoudienne est divisée entre pro et anti-américains et le pouvoir est en bascule. Le contrôle des ressources pétrolières est en jeu. Le clan voulant se dégager de la présence militaire américaine a misé sur ben Laden, autrement dit sur les moyens terroristes (qui en l'occurrence sont tout sauf l'arme des pauvres !). Mais la nébuleuse financière liée à ben Laden (dont bon nombre des plus grandes banques et holdings saoudiens investissant aux USA en Angleterre et en France) est elle-même intimement liée aux intérêts des banques et sociétés américaines. Terroriste ou pas, la grande bourgeoisie princière saoudienne fait partie du même monde de la finance occidentale et de ses mafias pétrolières. Si Bush avait voulu vraiment déclarer la guerre aux commanditaires directs des réseaux terroristes ben Laden, c'est la très réactionnaire Arabie Saoudite (qui en matière d'obscurantisme religieux n'a rien à envier aux Taliban) qu'il aurait pris pour cible, pas l'Afghanistan. Mais l'Arabie Saoudite, c'est tabou. Et pour cause. Au-delà même de ce qu'on imagine...
C'est du moins ce que révèle un rapport officiel américain intitulé "Environnement économique d'Oussama ben Laden". Ce rapport rédigé en décembre 1999 et actualisé en juin 2001, a été cité le 26 septembre au sénat américain. Réalisé pour le fisc américain, il est diffusé par le site d'information économique américain "Intelligence Online" et est cité dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse financière de ben Laden. Il donne une liste de multiples sociétés capitalistes, de financiers internationaux ou d'hommes politiques dont les intérêts sont croisés avec ceux de ben Laden, où l'on trouve nombre de sociétés américaines, mais également certains dirigeants américains connus comme James A. Baker Ill, ancien secrétaire d'État du président George Bush, Franck C. Carlucci, ancien secrétaire à la Défense du président Ronald Reagan, Richard G. Darman, ancien directeur de l'Office of Management and Budget du président George Bush (1989-93) et John Sununu, ancien secrétaire général de la Maison-Blanche (présidence de George Bush), mais aussi Bush, père et fils, eux-mêmes ! Il semble donc que si la famille princière saoudienne n'a aucun secret pour ben Laden, la famille présidentielle américaine, elle aussi assez étendue, n'en ait guère non plus.
Selon le même rapport, tous ces dirigeants américains entretiennent des rapports d'affaires avec le principal soutien financier de ben Laden, le milliardaire saoudien Ben Mahfouz, via le fond d'investissements américain Carlyle Group mais aussi bon nombre d'autres sociétés : "George W. Bush a été de 1990 à 1994 membre du conseil d'administration de Caterair, filiale du Carlyle Group. (...) Adbullah Taha Bakhsh, investisseur saoudien et partenaire de Khalid Bin Mahfouz et Ghaith Pharaon est devenu actionnaire de la société de Bush, Harken Energy Corp, à hauteur de 11,5 % en 1987. (...) Talat Othman est membre du Middle East Policy Council américain, aux côtés de Franck Carlucci. James R. Bath, qui représentait aux Etats-Unis les intérêts de Salem M. Bin Laden aux termes d'un accord d'administration de 1976, est entré à la fin des années 70 dans le capital de deux sociétés à responsabilité limité nommées Arbusto détenues par George W. Bush (entités ensuite fusionnées sous Harken Energy) pour un montant de 50 000 $."
Faire le ménage chez tout ce beau monde ? Cela ferait trop de dommages collatéraux en très haut lieu. Alors, on fait payer les paysans afghans, lesquels du moins n'ont pas de dollars à perdre.13
La mort de Ben Laden
La nuit du 2 mai 2011 vers 1 h 30, heure locale, Oussama ben Laden a été tué dans la ville d'Abbottabad au Pakistan dans une coûteuse résidence fortifiée (compound), construite en 2005 et surveillée par les services de renseignement américains depuis août 2010, à environ 50 kilomètres d'Islamabad et à moins de 140 kilomètres des régions tribales, lors d'une opération militaire au sol ordonnée par le président américain Barack Obama et menée par une vingtaine de SEAL (commandos de l'US Navy). Au moins quatre autres personnes, des membres de sa famille (un de ses fils et des collaborateurs, — deux messagers), auraient été tués lors de l'affrontement. Son corps a été récupéré par les forces spéciales américaines qui l'auraient ramené en Afghanistan, avant d'immerger sa dépouille en haute mer. Le président des États-Unis a commenté la mort du terroriste lors d'une allocution le soir même, à 5 h 36 heure française, déclarant que « justice est faite ». Il a également salué la coopération des autorités pakistanaises à cette opération.
L'annonce a provoqué plusieurs manifestations patriotiques spontanées à travers le pays, notamment au cœur de New York, près de Ground Zero et à Times Square, et au centre de Washington, D.C., sur la Place Lafayette, près de la Maison-Blanche. L'ancien président américain George W. Bush, est sorti du silence qu'il observe depuis son départ de la présidence pour saluer une « grande victoire pour les États-Unis ».14
Si vous consultez le site internet dans l'ordre, en suivant le sens des flèches, je vous conseille de lire dès maintenant la traduction des signes consacrés à l'Islam, qui se situe dans la partie « Religions » du site internet. Car nous sommes désormais rendus au Moyen-Orient, et dans la traduction des signes, je fais parfois référence au message « PEACE 5 » que Dieu nous a dévoilé à travers les lettres détachées du Coran.
Concernant ben Laden, le signe est le suivant :
Oussama ben Laden a été tué le 2 mai 2011 (2 5 2011).
2 5 20 = BET
BET = BÊTE
Oussama ben Laden est l'enfant monstrueux de la BÊTE impérialiste, car ce fils d'une riche famille bourgeoise installée en Arabie Saoudite s'est lancé dans l'activité terroriste sous le patronage des services secrets américains. À cette époque des années 1980, l'Afghanistan était occupé par l'armée soviétique. Pour contrer l'influence de Moscou sur ce pays, Washington avait fait feu de tout bois en soutenant et armant des guérillas fondamentalistes. Les origines d'Al-Qaïda sont les mêmes que celles des talibans, ces étudiants en religion qui allaient un peu plus tard imposer leur dictature sur l'Afghanistan.
Les puissances impérialistes sont habituées à ce genre de jeu, même en dehors du contexte des rivalités passées avec l'ex-Union soviétique. Leur domination sur le monde soulève tellement d'indignation, de colère, de haine, que toutes leurs armées ne suffiraient pas à contenir les explosions que cela provoque. Elles complètent leur violence directe par la manipulation des forces réactionnaires locales ainsi qu'en dressant des peuples les uns contre les autres. Le pillage de la planète par quelques dizaines de grands groupes capitalistes, se perpétue à ce prix.
Mais il arrive souvent que les chiens de garde deviennent enragés et mordent leurs propres maîtres. C'est ce qui est arrivé à l'État d'Israël qui avait naguère manipulé le Hamas pour réduire l'influence d'Arafat. C'est ce qui est arrivé aux États-Unis avec ben Laden. La machine à tuer si perfectionnée qu'ils ont contribué à créer a montré sa terrible efficacité au cœur même de la puissance américaine.
Si ben Laden a pu se cacher si longtemps, non pas dans une grotte au fin fond des montagnes d'Afghanistan mais dans une villa à proximité d'Islamabad, la capitale du Pakistan, allié des États-Unis, c'est qu'il a bénéficié de complicités, à commencer par les services secrets du Pakistan, mais aussi dans la population.
Oui, ben Laden était une crapule qui avait le même mépris pour les hommes que les dirigeants du monde impérialiste. Les bombardements aveugles des uns nourrissent les attentats aveugles des autres. Pour recruter et fanatiser des hommes désespérés au point de se faire sauter avec leurs bombes, ben Laden a pu trouver un vivier dans l'immense misère matérielle et morale fabriquées par la domination de l'impérialisme dans les pays pauvres musulmans.
Même en pleine euphorie après la mort de ben Laden, les responsables politiques de l'impérialisme craignaient une vague d'attentats, ne serait-ce que par vengeance. Car, si ben Laden est détesté, et pour cause, dans la population américaine, il en va autrement dans cette partie du monde où même ses pires actions passent pour des actes vengeurs contre ces puissances occidentales qui la pillent, l'exploitent et l'humilient.
Ceux des masses pauvres qui se sont sentis vengés de leur propre humiliation par les actes et les discours de ce riche fils de famille bourgeoise, réactionnaire, se trompent, bien sûr. Ceux qui pratiquent le terrorisme aveugle au nom d'idées réactionnaires ne peuvent engendrer que des régimes d'oppression féroce pour les exploités. Pour les pauvres, il n'y a pas plus de vengeur suprême que de sauveur suprême.15
L'émancipation des peuples des carcans d'une société où règnent l'argent, l'exploitation, l'impérialisme, sera l'œuvre des peuples eux-mêmes. Cela vaut pour les masses déshéritées de là-bas comme pour les exploités d'ici.
Ben Laden a déclaré : « Les événements qui m’ont marqué directement remontent à 1982 et des faits qui ont suivi lorsque l’Amérique a donné son feu vert à Israël pour envahir le Liban et que la troisième flotte américaine a aidé Israël dans les bombardements du Liban ; ceci a causé de nombreux morts et blessés et a terrorisé et expulsé d’autres personnes... Derrière ces images et ses semblables est venu le 11 septembre comme réponse aux grandes injustices ; peut-on accuser de terrorisme un être humain qui se défend et qui punit son bourreau en usant des mêmes armes ? »
Les dirigeants des États-Unis sont intervenus militairement en Irak en 1991 et 2003, ils ont alors provoqué la mort de 1,5 à 2 millions d'Irakiens afin de piller les ressources naturelles du pays et maintenir leur domination sur cette région du monde. Oussama ben Laden est responsable de la mort d'environ 3 000 personnes lors des attentats du World Trade Center ; il a utilisé les mêmes armes que les dirigeants des États-Unis en semant la mort pour arriver à ses fins mais pourtant l'Histoire considère qu'il détient le monopole de la barbarie alors qu'il a beaucoup moins de sang sur les mains que la famille Bush.
Ben Laden aurait dû être jugé et incarcéré pour crimes contre l'humanité, à l'instar des Bush père et fils, qui ont agressé l'Irak en 1991 et 2003.
La Cour pénale internationale est une juridiction permanente chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre
Le siège officiel de cette cour se trouve à LA HAYE, aux Pays-Bas.16
HAYE = 8x1x25x5 = 1000
Dans l'Apocalypse, le diable est enchaîné puis libéré après 1 000 ans.
La Cour pénale internationale est entre les mains des puissances impérialistes, par conséquent, le diable peut persécuter le monde en toute impunité, il ne sera jamais enchaîné, et tant que la justice ne sera pas rendue, les opprimés tenteront de rendre leur propre justice.
BÊTE = 2x5x20x5 = 1000
La BÊTE doit donc être condamnée pour crimes contre l'humanité : une fois enfermée, elle ne risquera plus d'enfanter de nouveaux monstres.
Car contre les crimes commis par George Bush, Ariel Sharon et Poutine (en Irak, en Palestine et en Tchétchénie), se sont dressés des groupuscules fanatisés de terroristes sanglants. « Au terrorisme d'État répond le terrorisme groupusculaire et si ses dirigeants sont souvent originaires des classes aisées d'Arabie Saoudite, d'Égypte et d'ailleurs, ses ''soldats'' se recrutent généralement parmi les populations les plus démunies des shanty towns de Karachi, des bidonvilles de Casablanca ou des hameaux désolés des montagnes de l'Hindou Kouch. L'absurdité des dépenses militaires sautent alors aux yeux : la misère est le terreau du terrorisme groupusculaire, l'humiliation, la misère, l'angoisse du lendemain favorisant grandement l'action des kamikazes.
Une fraction des sommes investies dans la ''guerre mondiale contre le terrorisme'' suffirait d'ailleurs parfaitement pour éradiquer les pires fléaux qui affligent les populations laissées pour compte sur la planète. Dans son rapport annuel de 2004, le programme des nations unies pour le développement (PNUD) estimait ainsi qu'une dépense annuelle de 80 milliards de dollars sur une période de 10 ans aurait permis de garantir à tout être humain l'accès à l'éducation de base, aux soins de santé de base, à une nourriture adéquate, à l'eau potable et à des infrastructures sanitaires, ainsi que, pour les femmes, l'accès aux soins de gynécologie et d'obstétrique.
Mais la ''guerre mondiale contre le terrorisme'' rend aveugles ceux qui la conduisent.
Cette guerre n'a pas d'ennemis clairement identifiés. Elle n'a pas non plus de fin prévisible. C'est une guerre de MILLE ANS. »17
Régis Debray résume la situation : « Le choix est entre un empire exaspérant et un Moyen Age insupportable ». Car les mouvements islamistes font-ils rêver les peuples ? « Évidemment non. Qu'ont-ils à proposer ? La chari'a, les mains coupées des voleurs, la lapidation des épouses soupçonnées d'adultères, la réduction des femmes au statut d'être infra-humains, le refus de la démocratie, la régression intellectuelle, sociale, spirituelle la plus abominable.
Depuis plus de 40 ans, le peuple martyr de la Palestine souffre d'une occupation militaire particulièrement féroce et cynique. Qui sont aujourd'hui les résistants palestiniens les plus virulents face au régime colonial fondé sur le terrorisme d'État ? Ce sont les militants du Hamas et du Djihad islamique, ces hommes et ces femmes qui, s'ils triomphaient, plongeraient la société palestinienne, plurireligieuse et pluriethnique, dans le fondamentalisme le plus terrifiant. »18
« Le terrorisme islamiste nourrit la violence structurelle et la guerre permanente qui sont au fondement de l'empire de la honte. Il conforte la logique de la rareté organisée. Il la légitime en quelque sorte.
L'empire, de son côté, exploite la terreur islamiste avec une habilité admirable. Ses marchands d'armes, ses idéologues de la guerre préventive en tirent un profit certain. Des années lumières séparent évidemment les djihadistes des combattants pour la justice sociale planétaire. Le rêve du djihad est un rêve de destruction, de vengeance, de démence et de mort. »19
La violence irrationnelle des djihadistes est un miroir de la barbarie impérialiste, c'est la raison pour laquelle les Tours du World Trade Center étaient jumelles. Le mouvement démocratique est seul en mesure de vaincre cette double folie.
Pour combattre le terrorisme islamiste, nous devons commencer par venir en aide à tous les enfants pauvres du monde car ils sont les potentiels djihadistes de demain. « Il s'agit de gagner les cœurs et les esprits dans la jeunesse du monde entier. S'ils se trouvent confrontés à un monde de désespoir, de chômage, de pauvreté, d'hypocrisie et d'injustices planétaires, de règles mondiales manifestement conçues pour avantager les pays industriels avancés ou plutôt, soyons précis, des intérêts particuliers en leur sein et désavantager ceux qui le sont déjà, les jeunes vont investir leur énergie non dans des activités constructives, dans l'édification d'un monde meilleur pour eux et pour leurs enfants, mais dans des activités destructrices. Et nous en subirons tous les conséquences. »20
Nous devons ainsi éradiquer le pouvoir de la BÊTE – le capitalisme – et l'impérialisme dont il est le prolongement, afin qu'il n'engendre plus jamais de nouveaux monstres.
Oussama ben Laden est mort le 2 mai 2011 (2 5 2011).
2520 = BET
Les initiales d'Oussama Ben Laden sont O B L.
La lettre O a la forme d'une bague : une ALLIANCE.
B L = 2 L = 2 AILES
À travers Oussama Ben Laden, Dieu fait ainsi comprendre aux islamistes radicaux qu'ils n'obtiendront jamais 2 AILES dans le dos pour s'envoler au paradis en faisant ALLIANCE avec la BÊTE : Daech ou Al Qaïda – car tuer sauvagement des êtres humains ne permet pas d'obtenir la vie éternelle.
Oussama Ben Laden = O B L
O = EAU
B L = 2 L = AILES
Pour obtenir 2 AILES dans le dos et s'envoler un jour au paradis, les musulmans doivent rejoindre la nouvelle Alliance de l'O, qui nous impose de lutter pacifiquement afin de construire un monde égalitaire.
Brzezinski est mort, je ne vais pas le pleurer
« Zbigniew Brzezinski est mort le 26 mai 2017, à l’âge de 89 ans. Cet homme est l’instigateur de la guerre en Afghanistan, celui qui – pour la CIA – a inventé le concept moderne du djihad, en soutenant les opposants à Najibullah le Président afghan de l’époque.
L’Afghanistan était pourtant résolument tourné vers la modernité. Les femmes y travaillaient, les filles y allaient à l’Université. Le pays avait sa propre compagnie aérienne. Une agriculture florissante en faisait le premier exportateur de fruits d’Asie centrale.
Mais Zbigniew Brzezinski est arrivé. Et le drame a commencé.
Dans une longue interview, il admet avoir écrit une note au président Carter selon laquelle si la CIA aidait les Moudjahiddines, traduisez les « soldats de la Religion », cela entraînerait une réaction des Soviétiques, qui voudraient soutenir le Président Najibullah.
L’idée n’était pas de réellement mettre les moudjahiddines au pouvoir, mais de créer une guerre civile qui forcerait l’intervention russe. Et l’idée a marché.
L’armée soviétique envahit l’Afghanistan, le 24 décembre 1979, quelques mois après la note de Brzezinski à Carter.
Heureux de son succès, Brzezinski écrira à Carter « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. »
La guerre en Afghanistan n’a pas cessé depuis. Le pays exsangue ne s’est jamais remis des plaies causées par les combats fratricides qui l’ensanglantent encore aujourd’hui.
Des années plus tard, lorsqu’un journaliste du Nouvel Observateur interroge Brzezinski sur d’éventuels regrets, il répondra imperturbable :
« Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette ? »
Le journaliste surpris insiste : « Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ? »
Et Zbigniew Brzezinski répond : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? »
Les « excités islamistes » ne font pas peur à la CIA, ni aux Présidents des États-Unis qui se sont succédé. Ce sont tout au plus des mercenaires dont on se sert et puis qu’on jette quand ils ne sont plus utiles. Ce sont des terroristes parce qu’ils terrorisent les gens du commun, vous, moi, ceux et celles qui partent travailler en métro ou qui vont à un concert. Ils ont terrorisés les habitants de Kaboul, d’Alger et d’Alep. Ils ne terrorisent pas les puissants de ce monde, qui sont très satisfaits de les voir faire le sale boulot et les aider à justifier leurs guerres et leurs atteintes à nos droits.
On pourrait penser que c’est de l’histoire ancienne, un cours sur la Guerre Froide, mais Brzezinski a continué à sévir des années durant. Il a aussi été conseiller du Président Obama.
Alors comment ne pas faire le rapprochement entre ce que la CIA a fait pour manipuler l’URSS et pousser les Soviétiques dans une guerre en Afghanistan et ce qui se passe en Syrie ?
Nous sommes tous et toutes victimes de la même manipulation, de Bruxelles à Damas, de Kaboul à Manchester.
Brzezinski est mort, je ne vais pas le pleurer, je voudrais juste qu’on se rappelle le manipulateur pervers qu’il a été et sa responsabilité dans tant d’années de guerres et de barbarie. Si certains hommes ont rendu le monde meilleur, Brzezinski fait assurément partie de ceux qui l’ont rendu pire. 21
Sources